Cour d'appel, 11 mai 2012, Ministère public c/ S. T.

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Abstract🔗

Procédure pénale – Régularité de la procédure (oui) – Garde à vue – Présentation devant un tribunal indépendant (oui).

Résumé🔗

Le prévenu a été interpellé à 16 heures 15, placé en garde à vue à 16 heures 30 jusqu'au lendemain à 14 heures 20. Il a comparu devant le Tribunal correctionnel et le délai qui s'est écoulé entre son arrestation et sa présentation devant le tribunal a été de 3 jours, 18 heures et 30 minutes, ce délai étant de 2 jours, 20 heures et 40 minutes à compter de la fin de la garde à vue. Le Tribunal était composé de magistrats indépendants ayant le pouvoir de statuer sur la détention, ce qu'il a d'ailleurs fait en annulant le mandat d'arrêt et en ordonnant la mise en liberté du prévenu. Le délai aux termes duquel le prévenu a été présenté devant le tribunal est conforme à celui exigé par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et cette présentation a eu lieu le premier jour ouvrable après l'expiration de la garde à vue. La procédure est donc régulière.


Motifs🔗

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2012/000840

ARRÊT DU 11 MAI 2012

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT/INTIMÉ

Contre :

  • - S. T., né le jma à NICE (06), de h. et de m. L., de nationalité française, commis de cuisine, demeurant X à NICE (06200) ;

Prévenu de :

INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention, transport et importation)

  • - présent aux débats, DÉTENU (mandat d'arrêt du 4 mai 2012), assisté de Maître Régis BERGONZI, avocat près la Cour d'appel, commis d'office, et plaidant par ledit avocat ;

INTIMÉ/APPELANT

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 10 mai 2012 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de Première Instance jugeant correctionnellement le 7 mai 2012 ;

Vu les appels interjetés tant par le Ministère Public, suivant acte de greffe en date du 7 mai 2012, que par le prévenu suivant acte du greffe en date du 8 mai 2012 ;

Vu l'ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 8 mai 2012 ;

Vu la citation à prévenu suivant exploit enregistré du ministère de Maître ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 9 mai 2012 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, en son rapport ;

Ouï le prévenu en ses réponses lequel déclare accepter d'être jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par l'article 400 du Code de procédure pénale ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat pour le prévenu, en ses moyens de défense, plaidoiries et conclusions en date du 10 mai 2012 ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 7 mai 2012, le Tribunal correctionnel a :

  • annulé le mandat d'arrêt décerné par le Procureur Général le 4 mai 2012 ;

  • déclaré S. T. coupable :

    « D'avoir à MONACO, le 3 mai 2012, détenu, transporté et importé des produits stupéfiants, en l'espèce 82,95 grammes de résine de cannabis », FAITS prévus et réprimés par les articles 1, 2, 2-1, 5-3, 6, 7 et 9 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970, par les articles 26, 27 du Code pénal, par Arrêté ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances

    En répression, l'a condamné à la peine de UN MOIS D'EMPRISONNEMENT ;

  • ordonné sa remise en liberté ;

  • ordonné la confiscation de la substance stupéfiante faisant l'objet du contenu de la fiche n°1 constituant le scellé n° 2012/000304 placé au greffe général (procès-verbal de la direction de la sûreté publique n° 12/DPJ/0789) ;

Le Ministère public a interjeté appel de ce jugement le 7 mai 2012.

Le conseil du prévenu a interjeté appel de la décision le 8 mai 2012.

Les appels, réguliers, sont recevables.

Considérant les faits suivants :

Le 3 mai 2012, S. T. faisait l'objet d'un contrôle d'identité et était conduit dans les locaux de la Sûreté Publique pour les vérifications nécessaires.

Les policiers s'étant aperçu qu'il tentait de dissimuler quelque chose, découvraient qu'il détenait une plaquette de résine de cannabis de 82,95 grammes et la somme en espèces de 700 euros.

Interrogé dans le cadre de la procédure de flagrant délit mise en place, il expliquait avoir acquis la veille à Nice, pour sa consommation personnelle, les stupéfiants pour un prix de 350 euros.

Il contestait détenir cette substance pour la revente et indiquait que l'argent en sa possession (700 euros) provenait d'un retrait de 1.800 euros effectué sur son compte bancaire ; les investigations menées confirmaient la réalité d'un retrait d'argent dans l'agence de Fontvieille.

Il était présenté au Parquet le 4 mai 2012 à l'issue de sa garde à vue, puis le 7 mai devant le Tribunal correctionnel siégeant en audience de flagrant délit.

Le Ministère public fait valoir au soutien de son appel que c'est à tort que le Tribunal a annulé le mandat d'arrêt décerné le 4 mai 2012 en considérant que l'intéressé n'avait pas été présenté devant un Juge offrant toutes les garanties d'indépendance et d'impartialité au sens de la Jurisprudence de la Convention européenne des Droit de l'Homme.

Il souligne que le prévenu a été présenté devant la Tribunal Correctionnel 3 jours, 18 heures et 30 minutes après son interpellation.

Il conclut à la réformation du jugement.

Le prévenu fait au contraire soutenir par son conseil que la procédure doit être annulée dans son intégralité puisqu'il n'a pas été présenté à un « magistrat » au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme dans le délai prévu par ce texte.

Il fait valoir à cet égard que le Tribunal Correctionnel devant lequel il a comparu ne peut lui-même être considéré comme constituant une juridiction indépendante (ainsi que le Tribunal l'a admis dans la motivation de son jugement) puisque l'appel immédiat du Parquet a suspendu les effets de ce jugement ordonnant sa remise en liberté.

Il en déduit que seule la cour présente les qualités requises et que dès lors le délai qui s'est écoulé entre son arrestation le 3 mai 2012 et sa comparution à l'audience de la Cour le 10 mai 2012 a excédé celui imposé par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme susvisé.

SUR CE,

  • Sur la validité de la procédure :

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que S. T. a été interpellé le jeudi 3 mai 2012 à 16 heures 15 et qu'il a été placé en garde à vue ce jour là à 16 heures 30 jusqu'au vendredi 4 mai 2012 à 14 heures 20 ;

Attendu qu'il a comparu devant le Tribunal correctionnel à l'audience du lundi 7 mai 2012 à 11 heures (cette audience ayant été spécialement organisée à son intention) ;

Attendu que le délai qui s'est écoulé entre son arrestation et sa présentation devant le Tribunal correctionnel a donc été de 3 jours, 18 heures et 30 minutes et que ce délai a été de 2 jours, 20 heures et 40 minutes à compter de la fin de la garde à vue ;

Attendu que contrairement à ce qu'a cru devoir retenir le Tribunal, cette juridiction doit bien être considérée comme composée de magistrats indépendants ayant le pouvoir de statuer sur la détention, ce qu'elle a d'ailleurs fait en annulant le mandat d'arrêt et en ordonnant la mise en liberté du prévenu ;

Attendu que les motifs par lesquels le Tribunal a estimé qu'il n'était pas indépendant dans la mesure où l'appel immédiat du Parquet avait un effet suspensif de sa décision de remise en liberté ne sauraient être approuvés, toutes les juridictions du premier et deuxième degré pouvant voir leurs décisions infirmées ou révisées et donc privées de leur effet ;

Que ce raisonnement conduirait à retenir que seule la juridiction suprême aurait la qualité de « magistrat » au sens de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et que par conséquent le délai prévu par cet article n'expirerait que lors de l'évocation de l'affaire devant cette haute juridiction ;

Attendu que la motivation des premiers juges est donc erronée et doit être censurée ;

Attendu que le délai aux termes duquel S. T. a été présenté devant le Tribunal est conforme à celui exigé par l'article 5 § 3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme d'autant qu'il englobe un samedi et un dimanche (sauf à exiger que le Tribunal correctionnel tienne des audiences les dimanches et jours fériés…) et qu'il doit être constaté que cette présentation a eu lieu le premier jour ouvrable après l'expiration de la garde à vue ;

Attendu que la procédure critiquée est donc parfaitement régulière et que le jugement déféré sera en conséquence réformé à cet égard ;

  • Sur le fond :

Attendu que S. T. déjà condamné en France à de multiples reprises, notamment pour infraction à la législation sur les stupéfiants, a été trouvé en possession de 82,95 grammes de résine de cannabis et d'une somme d'argent en liquide (700 euros), alors qu'il s'apprêtait à quitter la Principauté pour rejoindre son domicile à NICE par le train, après avoir effectué sa journée de travail dans un snack-bar du quartier de FONTVIEILLE où il est employé depuis février 2011 ;

Attendu que ces faits d'importation et de transport de produits stupéfiants sur le territoire de la Principauté troublent gravement l'ordre public ;

Que la population notamment la plus jeune doit en être protégée ;

Que le prévenu a reconnu les faits et que sa culpabilité a été retenue à bon droit par le Tribunal ;

Que la peine qui sera infligée doit tenir compte de cette gravité mais aussi des antécédents du prévenu même, si par ailleurs il semble désireux de se socialiser selon ce qu'il affirme à l'audience ;

Que la peine d'emprisonnement ferme prononcée par le Tribunal sera portée à six mois ;

Attendu que la mesure de confiscation des produits stupéfiants saisis sera confirmée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant contradictoirement,

Déclare les appels recevables,

Faisant droit à celui du Ministère public,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le mandat d'arrêt du 4 mai 2012 et ordonné la mise en liberté de S. T.,

Déclare au contraire valable ledit mandat d'arrêt,

Rejette les demandes d'annulation de la procédure présentées par S. T.,

Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité,

Le réformant sur le quantum de la peine,

Condamne S. T. à la peine de SIX MOIS D'EMPRISONNEMENT,

Confirme la mesure de confiscation des produits stupéfiants saisis,

Condamne S. T. aux frais du présent arrêt ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le onze mai deux mille douze, par Monsieur Robert CORDAS, Premier Président, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Liliane ZANCHI, Greffier en chef adjoint.

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