Cour d'appel, 12 décembre 2011, V. c/ Ministère public, en présence de A.

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Abstract🔗

Procédure pénale

Dispense de comparution du prévenu à l'audience du tribunal correctionnel ou de la Cour d'appel correctionnelle à la demande du prévenu sollicitant sa représentation par son conseil : article 377 CPP (applicable à la Cour art 412 al 2 CPP) d'où jugement ou arrêt contradictoire devant être signifié

Droit pénal

Escroquerie

- Paiement d'une dette par remise d'un chèque tiré en connaissance de cause sur un compte bancaire clôturé art. 310 CP

- Personne ayant encouru deux condamnations pour escroquerie l'un à 1 an d'emprisonnement l'autre à 8 mois, ne dépassant pas le maximum de la peine d'escroquerie (5 ans), susceptibles de faire l'objet d'une confusion de peines (art. 347 CPP)

- Demande de confusion revêtant un caractère facultatif rejet de la demande en raison des mauvais renseignements recueillis sur le prévenu

Résumé🔗

M.V. a sollicité d'être représenté par son conseil Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur. Sa présence n'étant pas indispensable aux débats, il n'y a pas lieu de s'opposer à cette demande. Il sera statué par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 377 du Code de procédure pénale.

Il est fait grief à M.V. d'avoir remis à P.A. un chèque de 52 000 GBP tiré le 2 juin 2009 sur le compte HSBC agence de Jersey dont il avait été titulaire auprès de cette banque mais qui était désormais clôturé. M.V. conteste présentement la réalité de la créance que la remise de ce chèque serait venue éteindre. Quoique le prévenu ne produise aucun document de nature à établir l'assertion dont il se prévaut, la Cour observe qu'en remettant à P.A. un chèque d'un tel montant tiré sur un compte dont il savait qu'il l'avait préalablement clôturé, M.V. s'est livré nécessairement à un stratagème de nature à laisser accroire l'idée selon laquelle la remise d'un tel chèque avait un effet libérateur de la dette dont il était redevable envers celle-ci. C'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu M.V. dans les liens de la prévention. En prononçant à son encontre une peine de huit mois d'emprisonnement, le tribunal a réalisé une juste application de la loi pénale tenant à la fois compte de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, tout en lui reconnaissant de surplus le bénéfice des circonstances atténuantes : le jugement sera dès lors confirmé.

En application de l'article 347 du Code de procédure pénale « en cas de conviction de plusieurs... ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée ». Les faits ayant donné lieu à la poursuite initiée sous le numéro PG 2010/000108 sanctionnés par arrêt confirmatif de ce jour de la peine de un an d'emprisonnement avec mandat d'arrêt ont été commis à la date du 25 octobre 2009. Les faits objets de la poursuite PG n° 2009/002288 présentement sanctionnés de la peine de huit mois d'emprisonnement ont été réalisés le 2 juin 2009. Ces deux procédures concernent dès lors des faits en concours réel d'infractions.

Aux termes des dispositions de l'article 330 du Code pénal l'escroquerie ou la tentative d'escroquerie sont punies d'un emprisonnement de un à cinq ans et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26. Par l'effet du cumul des deux peines ci-dessus visées le maximum légal de la peine d'emprisonnement sanctionnant l'infraction d'escroquerie et de tentative d'escroquerie n'est pas atteint. La demande présentée par M.V. est dès lors une demande de confusion facultative. Les mauvais renseignements recueillis sur le condamné et l'absence de tout gage de réinsertion s'opposent à ce qu'il soit fait droit au principe de la confusion qu'il sollicite et dont il devra en conséquence être débouté.


Motifs🔗

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire à signifier rendu le 12 avril 2011, le Tribunal correctionnel :

– a accueilli V. en son opposition, régulière en la forme : et jugeant à nouveau :

– l'a déclaré coupable ;

« D'avoir à MONACO, courant juin 2009, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par l'emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader de l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre évènement chimérique, fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant obligation ou décharge, et par ces moyens escroqué la totalité ou partie de la fortune de A., en l'espèce en émettant et en remettant sciemment, pour en obtenir la quittance d'un paiement, un chèque n° 110500 d'un montant 52.000 livres sterling tiré sur un compte clôturé n° 100013 40 61 62 00918261 ouvert auprès de » la banque HSBC de St Helier-Jersey-Channel Islands «, DÉLIT prévu et réprimé par l'article 330 du Code pénal.

en répression, l'a condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement,

Sur l'action civile, a accueilli A. en sa constitution de partie civile, et la déclarant fondée en sa demande, a condamné V. à lui payer l'équivalent en euros de 52.000 livres sterling outre la somme de 5.000 euros, et ce, à titre de dommages-intérêts ;

V. a interjeté appel de ce jugement le 19 avril 2011.

Le Ministère public en a également interjeté appel le 20 avril 2011.

Les appels réguliers sont recevables.

Considérant les faits suivants :

Le 1er octobre 2009, le conseil de A. déposait plainte auprès du Procureur général à l'encontre de V. du chef d'escroquerie en faisant grief à celui-ci d'avoir remis à sa cliente en règlement de la location d'une villa dont elle est propriétaire à Cannes, un chèque de 52.000 GBP tiré sur la Banque HSBC de Saint Hélier (Jersey Channel Islands) compte n° 100013.40.61.62.00918261, lequel présenté à l'encaissement était revenu impayé au motif que le compte était clôturé.

Entendue sur sa plainte par les services de la Sûreté publique le 5 novembre 2009, A. confirmait avoir été victime des agissements répréhensibles de V.

Elle exposait que ce dernier, avec lequel elle avait été en relation d'affaires pour la vente de sa villa à Cannes qu'elle lui avait au demeurant louée, lui avait remis le 2 juin 2009, le chèque litigieux en règlement de ses loyers.

Il avait en outre prétendu être à court d'argent liquide et pour lui rendre service, elle avait retiré en espèces de son propre compte à la Société Générale, la somme de 15.000 euros qu'elle lui avait remise.

Le chèque de 52.000 GBP revenu impayé, avait été établi par V. en contrepartie du montant cumulé de ces deux sommes.

L'enquête établissait la réalité des agissements frauduleux de V., lequel n'ayant aucune attache en Principauté, ne pouvait cependant être entendu.

Par jugement de défaut prononcé le 8 juin 2010, V. a été condamné à la peine de huit mois d'emprisonnement.

Par le jugement entrepris, le Tribunal correctionnel statuant sur l'opposition formée par V. a mis à néant la précédente condamnation, prononcé à son encontre une peine de huit mois d'emprisonnement, accueilli A. en sa constitution de partie civile et condamné V. au versement à son profit de la contre valeur en euros de la somme de 52.000 GBP, outre celle de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que l'infraction d'escroquerie était constituée dès lors que la remise du chèque par V. en connaissance du défaut de provision qui l'affectait, était nécessairement intervenue pour éteindre une obligation antérieure et avait eu pour effet de tromper A. en lui faisant croire qu'elle opérait transfert de la provision à son profit et extinction de l'obligation qui en était la cause.

Le tribunal a également pris en compte les renseignements défavorables recueillis sur le prévenu lequel était connu des autorités judiciaires pour des faits de même nature.

Lors de l'audience devant la Cour, Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur et celui de A., partie civile, a sollicité la confirmation du jugement dont s'agit.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement.

Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur et celui de V., a contesté la réalité de la prévention retenue à l'encontre de son client en exposant que celui-ci avait seulement commis une émission de chèque sans provision et non une escroquerie.

Subsidiairement, il a demandé que la Cour ordonne la confusion de la peine qu'elle pourrait être amenée à prononcer avec celle qui a été infligée à son client dans la procédure PG n° 2010/000108.

Sur ce,

Attendu que V. a sollicité d'être représenté par son conseil Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur ;

Que sa présence n'étant pas indispensable aux débats, il n'y a pas lieu de s'opposer à cette demande ;

Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à signifier en application de l'article 377 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il est fait grief à V. d'avoir remis à A. un chèque de 52.000 GBP tiré le 2 juin 2009 sur le compte HSBC agence de Jersey dont il avait été titulaire auprès de cette banque mais qui était désormais clôturé ;

Attendu que V. conteste présentement la réalité de la créance que la remise de ce chèque serait venue éteindre ;

Attendu que quoique le prévenu ne produise aucun document de nature à établir l'assertion dont il se prévaut, la Cour observe qu'en remettant à A. un chèque d'un tel montant tiré sur un compte dont il savait qu'il l'avait préalablement clôturé, V. s'est livré nécessairement à un stratagème de nature à laisser accroire l'idée selon laquelle la remise d'un tel chèque avait un effet libérateur de la dette dont il était redevable envers celle-ci ;

Attendu que c'est dès lors à juste titre que le tribunal a retenu V. dans les liens de la prévention ;

Qu'en prononçant à son encontre une peine de huit mois d'emprisonnement, le tribunal a réalisé une juste application de la loi pénale tenant à la fois compte de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu, tout en lui reconnaissant de surplus le bénéfice des circonstances atténuantes :

Que le jugement sera dès lors confirmé ;

Attendu qu'en application de l'article 347 du Code de procédure pénale » en cas de conviction de plusieurs... ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée " ;

Attendu que les faits ayant donné lieu à la poursuite initiée sous le numéro PG 2010/000108 sanctionnés par arrêt confirmatif de ce jour de la peine de un an d'emprisonnement avec mandat d'arrêt ont été commis à la date du 25 octobre 2009 ;

Que les faits objets de la poursuite PG n° 2009/002288 présentement sanctionnés de la peine de huit mois d'emprisonnement ont été réalisés le 2 juin 2009 ;

Que ces deux procédures concernent dès lors des faits en concours réel d'infractions :

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 330 du Code pénal l'escroquerie ou la tentative d'escroquerie sont punies d'un emprisonnement de un à cinq ans et de l'amende prévue au chiffre 4 de l'article 26 :

Attendu que par l'effet du cumul des deux peines ci-dessus visées le maximum légal de la peine d'emprisonnement sanctionnant l'infraction d'escroquerie et de tentative d'escroquerie n'est pas atteint ;

Que la demande présentée par V. est dès lors une demande de confusion facultative :

Attendu que les mauvais renseignements recueillis sur le condamné et l'absence de tout gage de réinsertion s'opposent à ce qu'il soit fait droit au principe de la confusion qu'il sollicite et dont il devra en conséquence être débouté ;

Attendu sur l'action civile, que les premiers juges ont réalisé du préjudice subi par la victime une exacte appréciation ;

Que le jugement sera également confirmé dans ses dispositions civiles :

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,

Reçoit V. en son appel principal et le Ministère public en son appel incident,

Confirme le jugement prononcé par le tribunal correctionnel le 12 avril 2011 en toutes ses dispositions.

Déboute V. de sa demande de confusion de peines.

Condamne V. aux frais du présent arrêt.

Composition🔗

M. FORÊT-DODELIN cons. ff pres, MM. PERRIQUET et CAMINADE cons.

M. DUBES prem. subst. proc. gén. Mme ZANCHI gref en chef adjt.

Mes MICHEL et LICARI av déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal correctionnel du 12 avril 2011 et déboute le prévenu de sa demande de confusion de peine.

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