Cour d'appel, 21 juin 2011, M. c/ G.

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Abstract🔗

Divorce

Pension alimentaire : demande de diminution de la pension alimentaire par l'ex mari ; examen par la juridiction de l'état des ressources respectives des parties (art 178 CC) ; situation des ex époux ayant très peu évolué depuis la fixation originaire de la pension ; nouvelle fixation de pension alimentaire

Résumé🔗

Aux termes de l'article 178 du Code civil « lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel que l'on ne puisse plus en donner ou que l'autre n'en ait plus besoin, en tout ou en partie, la décharge ou la réduction peut en être demandée ».

Il n'est pas contesté que M.G. perçoit désormais sa retraite dans des conditions qui accroissent le montant de ses revenus et rendent recevable J.M. à solliciter devant la Cour le réexamen du montant de ses obligations financières à son égard.

Sur les revenus de J.-M.M., celui-ci conclut à leur diminution depuis 2001, en ce qu'ils seraient amputés depuis le 15 janvier 2004 de la somme correspondant au salaire de sa nouvelle épouse et de ce qu'en euros constants le montant de sa pension de retraite est inférieur au traitement mensuel qu'il percevait lorsqu'il était en activité.

Sur la situation financière de J.-M.M., par des motifs d'appréciation parfaitement explicites et que la cour fait au demeurant siens, le tribunal a valablement considéré que celui-ci ne connaissait pas de réelle diminution du montant de ses ressources mensuelles dès lors que s'il admettait percevoir une pension de retraite pratiquement identique à son traitement lorsqu'il était en activité, il résultait cependant du plan de financement (cote 11) que le couple formé par J.-M.M. et sa nouvelle épouse disposait en 2005 d'un revenu s'élevant à 93 231 euros par an, supérieur au montant cumulé annuel des retraites perçues par l'appelant, ce qui ne pouvait que laisser accroire que le couple disposait de revenus de valeurs mobilières sur lesquelles il ne s'expliquait pas, mais dont la réalité était au demeurant établie a contrario par le nantissement effectué par les emprunteurs des 12 parts de Natio Fonds MC en garantie de remboursement du crédit 40 000 euros sollicité, et d'autre part J.-M.M. avait procédé à l'aliénation à son profit du bien immobilier qu'il détenait à Cap d'Ail pour la somme de 395 443 euros et qu'il n'était désormais plus soutenu qu'il continuait de s'acquitter de la pension contributive de 686 euros due mensuellement pour son fils.

De la même manière le tribunal a également constaté que la situation de M.G. n'avait pas évolué alors même qu'elle ne percevait pas encore sa retraite et qu'elle dépendait exclusivement de l'aide financière qui lui était servie par J.-M.M., celui-ci ne rapportant au demeurant pas la preuve aux débats de la propriété du capital immobilier qu'il portait à son crédit.

Toutefois à la date d'intervention du présent arrêt, il ne saurait être contesté qu'il existe désormais en la cause un élément nouveau affectant la situation financière de M.G. laquelle n'est plus complètement démunie de ressources puisqu'elle a fait procéder à la liquidation de ses droits à retraite au cours du mois de novembre 2010 et qu'elle perçoit désormais de ce chef la somme mensuelle de 629,72 euros.

Elle évalue ses charges fixes mensuelles à la somme de 1 980 euros.

Le montant total de ses ressources mensuelles pension comprise s'élève à 2 131,31 euros + 629,72 euros = 2 761 euros de sorte qu'elle dispose d'un surplus de revenu s'élevant mensuellement à la somme de 781 euros.

À l'examen de la situation financière respective des parties et en tenant compte de leurs ressources et de leurs charges et des modifications qui sont intervenues dans la situation de M.G. depuis que la décision déférée a été rendue, il convient de fixer à compter du 1er décembre 2010 à la somme de 1 800 euros le montant de la pension alimentaire mensuelle due par J.-M.M. à M.G.

Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef pour la période de temps courant à compter du 1er décembre 2010.

J.-M.M. ne justifie aucunement des raisons aux termes desquelles il sollicite de manière dérogatoire à ce qui a été décidé par le jugement de divorce intervenu le 5 juillet 2001, que le montant de cette pension alimentaire soit désormais indexé sur l'indice retenu par la fonction publique pour l'évolution des traitements.

Il ne sera dès lors pas fait droit à cette prétention et le montant de cette pension sera indexé selon les modalités arrêtées au dispositif ci-après.


Motifs🔗

(en matière civile)

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

La cause ayant été débattue hors la présence du public ;

La cour statue sur l'appel relevé par M., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 17 décembre 2009.

Considérant les faits suivants :

Les époux M. et G. qui s'étaient mariés à Monaco le 2 mai 1981, ont divorcé selon jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 5 juillet 2001, lequel a condamné M. au versement à son épouse d'une pension alimentaire mensuelle de 1 829,39 euros.

Suivant exploit du 17 février 2010, M. a relevé appel du jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 17 décembre 2009 qui, outre sa condamnation au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'a débouté de sa demande de diminution du montant de la pension alimentaire versée par lui à G.

Devant la Cour qu'il a saisie d'une demande de réformation de cette décision, il demande de voir fixer le montant de la pension par lui due à la somme de 1 300 euros indexée sur l'indice retenu par la fonction publique pour l'évolution des traitements et, le cas échéant, d'ordonner à l'intimée de justifier de sa pension de retraite, et plus généralement de l'ensemble de ses revenus.

Il fait grief aux premiers juges :

– de n'avoir tenu compte, ni de la diminution de ses revenus depuis 2001, dans la mesure où ces derniers avaient alors été calculés par addition de ceux de sa nouvelle épouse laquelle a pourtant cessé d'être rémunérée le 15 janvier 2004 et ne perçoit aucun revenu du bien qu'elle possède en Italie, ni des mensualités de remboursement d'un prêt d'un montant de 40 000 euros qu'il doit assumer,

– d'avoir en outre estimé qu'il bénéficiait de revenus liés à sa retraite et à des valeurs mobilières et que l'absence de versement de la part contributive à l'entretien de leur enfant commun depuis la majorité de ce dernier pouvait constituer un enrichissement pour lui, alors qu'il expose avoir continué à verser cette somme.

Il soutient que G. reste taisante sur son patrimoine constitué de deux appartements situés à Antibes et à Saint Laurent du Var, d'une maison située à « Le Faou » (29) et de rentes immobilières.

Par conclusions déposées le 27 avril 2010, G. demande à la cour de débouter M. de ses demandes et de le condamner à lui verser une somme de 50 000 euros pour appel abusif.

Elle fait valoir que :

– le tribunal a constaté que le traitement annuel de M. en 2009 était nettement supérieur à celui qu'il percevait lorsqu'il était en activité et que sa nouvelle épouse était déjà quasiment inactive en 2001,

– l'appelant a augmenté son patrimoine en s'abstenant de payer pendant 4 ans sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de leur enfant, a acquis un bien immobilier à Monaco en 2003 et hérité d'un bien à Cap d'Ail revendu en 2004 au prix de 450.000 euros et que sa nouvelle épouse possède deux biens immobiliers dans un quartier très résidentiel de Camporosso en Italie devant l'un desquels un véhicule de marque Jaguar est stationné.

Par conclusions déposées le 24 novembre 2010, M. demande à la cour de condamner G. à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il précise que la valeur du véhicule Jaguar datant de 1999 est aujourd'hui résiduelle, que le bien immobilier en Italie est situé dans une zone agricole et non pas dans un quartier résidentiel, que celui acquis à Monaco l'a été à l'aide d'un prêt remboursé jusqu'en 2012 par échéances mensuelles de 1 500 euros et que celui de Cap d'Ail, reçu en mars 2000 par une donation antérieure à la procédure de divorce, ne lui a laissé après sa vente qu'une somme de 395 443 euros, convertie en valeurs mobilières ne lui procurant aucun revenu annuel.

Il déclare disposer seulement d'une somme de 5 900 euros pour vivre avec son épouse et il connaît une baisse de ses revenus d'un montant de 3 444,19 euros.

Par conclusions déposées le 14 décembre 2010, G. fait valoir que les articles 177 et 178 du Code civil prévoyant les conditions de la réduction de pension alimentaire ne sont pas remplies puisque l'appelant ne démontre pas qu'il n'est plus en mesure de satisfaire à son paiement.

Par arrêt avant dire droit intervenu le 1er mars 2011, la Cour a demandé à G. de justifier du montant de ses retraites mensuelles.

Celle-ci a déposé des écritures complémentaires le 12 avril 2011 faisant état de ce qu'elle perçoit désormais à ce titre depuis l'avènement de son soixante cinquième anniversaire, la somme mensuelle de 629,72 euros.

Elle fait valoir d'autre part qu'elle doit faire face mensuellement à des charges fixes qu'elle évalue 1 980 euros et qu'il convient de voir maintenir à son montant la pension alimentaire que lui sert son ancien mari laquelle s'élève désormais avec l'indexation, à la somme mensuelle de 2 131,31 euros, la demande en diminution présentée de ce chef par M. étant particulièrement infondée.

SUR CE,

Attendu qu'aux termes de l'article 178 du Code civil « lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel que l'on ne puisse plus en donner ou que l'autre n'en ait plus besoin, en tout ou en partie, la décharge ou la réduction peut en être demandée » ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que G. perçoit désormais sa retraite dans des conditions qui accroissent le montant de ses revenus et rendent recevable M. à solliciter devant la Cour le réexamen du montant de ses obligations financières à son égard ;

Attendu, sur les revenus de M., que celui-ci conclut à leur diminution depuis 2001, en ce qu'ils seraient amputés depuis le 15 janvier 2004 de la somme correspondant au salaire de sa nouvelle épouse et de ce qu'en euros constants le montant de sa pension de retraite est inférieur au traitement mensuel qu'il percevait lorsqu'il était en activité ;

Attendu sur la situation financière de M., que par des motifs d'appréciation parfaitement explicites et que la cour fait au demeurant siens, le tribunal a valablement considéré que celui-ci ne connaissait pas de réelle diminution du montant de ses ressources mensuelles dès lors que s'il admettait percevoir une pension de retraite pratiquement identique à son traitement lorsqu'il était en activité, il résultait cependant du plan de financement (cote 11) que le couple formé par M.et sa nouvelle épouse disposait en 2005 d'un revenu s'élevant à 93 231 euros par an, supérieur au montant cumulé annuel des retraites perçues par l'appelant, ce qui ne pouvait que laisser accroire que le couple disposait de revenus de valeurs mobilières sur lesquelles il ne s'expliquait pas, mais dont la réalité était au demeurant établie a contrario par le nantissement effectué par les emprunteurs des 12 parts de Natio Fonds MC en garantie de remboursement du crédit 40 000 euros sollicité, et que d'autre part M. avait procédé à l'aliénation à son profit du bien immobilier qu'il détenait à Cap d'Ail pour la somme de 395 443 euros et qu'il n'était désormais plus soutenu qu'il continuait de s'acquitter de la pension contributive de 686 euros due mensuellement pour son fils ;

Que de la même manière le tribunal a également constaté que la situation de G. n'avait pas évolué alors même qu'elle ne percevait pas encore sa retraite et qu'elle dépendait exclusivement de l'aide financière qui lui était servie par M., celui-ci ne rapportant au demeurant pas la preuve aux débats de la propriété du capital immobilier qu'il portait à son crédit ;

Attendu toutefois qu'à la date d'intervention du présent arrêt, il ne saurait être contesté qu'il existe désormais en la cause un élément nouveau affectant la situation financière de G. laquelle n'est plus complètement démunie de ressources puisqu'elle a fait procéder à la liquidation de ses droits à retraite au cours du mois de novembre 2010 et qu'elle perçoit désormais de ce chef la somme mensuelle de 629,72 euros ;

Qu'elle évalue ses charges fixes mensuelles à la somme de 1 980 euros ;

Que le montant total de ses ressources mensuelles pension comprise s'élève à 2 131,31 euros + 629,72 euros = 2 761 euros de sorte qu'elle dispose d'un surplus de revenu s'élevant mensuellement à la somme de 781 euros ;

Attendu qu'à l'examen de la situation financière respective des parties et en tenant compte de leurs ressources et de leur charges et des modifications qui sont intervenues dans la situation de G. depuis que la décision déférée a été rendue, il convient de fixer à compter du 1er décembre 2010 à la somme de 1 800 euros le montant de la pension alimentaire mensuelle due par M. à G. ;

Que le jugement sera en conséquence réformé de ce chef pour la période de temps courant à compter du 1er décembre 2010 ;

Attendu que M. ne justifie aucunement des raisons aux termes desquelles il sollicite de manière dérogatoire à ce qui a été décidé par le jugement de divorce intervenu le 5 juillet 2001, que le montant de cette pension alimentaire soit désormais indexé sur l'indice retenu par la fonction publique pour l'évolution des traitements ;

Qu'il ne sera dès lors pas fait droit à cette prétention et le montant de cette pension sera indexé selon les modalités arrêtées au dispositif ci-après ;

Attendu que G. qui voit la demande présentée par M. prospérer au moins pour partie devant la Cour sera déboutée de la demande de dommages-intérêts qu'elle a réalisée tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Que le jugement entrepris sera également réformé de ce chef ;

Attendu qu'il n'est aucunement établi que G. ait adopté un comportement fautif de nature à justifier la demande de dommages-intérêts présentée à son encontre par M. dont celui-ci sera dès lors débouté ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la compensation des dépens tant de première instance que d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement,

– Reçoit M. en son appel,

– Confirme le jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 17 décembre 2009 en ce qu'il a débouté M. de sa demande en diminution du montant de la pension alimentaire pour la période antérieure au 1er décembre 2010,

– Réforme le jugement du chef des dommages-intérêts et en ce qui concerne le montant de la pension alimentaire due par M. à G. pour la période postérieure au 30 novembre 2010,

– Et fixe à compter du 1er décembre 2010 à la somme mensuelle de 1 800 euros le montant de la pension alimentaire due par M. à G. en exécution du jugement de divorce intervenu entre eux le 5 juillet 2001,

– Dit que cette pension sera indexée sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière hors tabac, publié par l'INSEE et révisée chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire de la présente décision,

– Déboute les parties de leurs demandes respectives en dommages-intérêts et de leurs prétentions contraires aux présentes dispositions,

– Ordonne la compensation des dépens de première instance et d'appel.

Composition🔗

Mr CORDAS prem. prés ; Mrs FORÊT-DODELIN et CAMINADE cons. ; - Mr DUBES prem. subst. proc. gén ; Mme BARDY gref. en chef ; - Mr MICHEL et PASQUIER-CIULLA av. chef.

Note🔗

Cet arrêt reforme pour partie le jugement rendu par le tribunal de première instance le 17 décembre 2009.

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