Cour d'appel, 20 juin 2011, C. c/ Ministère public en présence de L. P.

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Abstract🔗

Droit pénal

Abandon de famille - Éléments constitutifs : article 296 du Code pénal : caractérisés - Le prévenu ne justifiant pas de ne pas être en mesure de satisfaire au versement des pensions alimentaires auquel il a été condamné, ni d'une quelconque instance en réduction des pensions - Condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de mesures de surveillant et d'assistance prévues par l'ordonnance n° 3960 sur le reclassement social des délinquants (art. 3. 4. 5-4° 15°)

Résumé🔗

Aux termes des dispositions de l'article 296 du Code pénal l'infraction d'abandon de famille est constituée à l'encontre de « toute personne qui en méconnaissance d'une décision de justice l'ayant condamnée à verser une contribution aux charges du ménage, ou une pension alimentaire à son conjoint ... à ses descendants, sera volontairement demeurée plus de deux mois sans ... acquitter le montant intégral de la pension ... le défaut de paiement sera présumé volontaire sauf preuve contraire ».

En application de ces dispositions, il incombe à D.C. qui ne conteste pas être resté plus de deux mois sans s'acquitter de ses obligations financières, de démontrer ainsi qu'il l'invoque, qu'il n'est pas en mesure de satisfaire au versement des pensions alimentaires au paiement desquelles il a été condamné.

Quoique D.C. fasse grief aux juridictions civiles qui ont statué sur le montant de ses contributions financières tant à l'égard de son épouse que de son fils, d'avoir mal appréhendé le montant des ressources mensuelles que lui procure son activité de chirurgien plasticien au Centre Hospitalier Princesse Grace, il ne renseigne pas davantage la Cour sur le montant actuel de ses ressources et fait preuve, alors qu'il est appelant, d'une totale indigence dans l'administration ou le versement d'un quelconque élément d'information sur l'étendue de celles-ci.

De la même manière il ne justifie aucunement ainsi qu'il l'invoque, des conséquences que la crise économique aurait entraînées sur une éventuelle diminution de ses ressources.

Il est établi que D.C. n'a fait aucun effort pour reprendre de manière décente le versement de ses obligations financières en se contentant d'une maigre participation mensuelle de 200 euros pour son fils laquelle somme ne représente que le quart du montant de ce qui a été mis à sa charge, alors même qu'il ne verse plus rien à son épouse.

Il a au demeurant renouvelé devant la Cour que pour échapper aux mesures de saisie de ses véhicules il avait été contraint de les placer en sécurité dans un lieu connu de lui seul.

La culpabilité de D.C. est dès lors parfaitement établie.

C'est à juste titre que le tribunal l'a déclaré coupable de l'infraction d'abandon de famille dont il est prévenu.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Il résulte du contenu de ses déclarations que D.C. ne manifeste aucune volonté de mettre un terme à son comportement infractionnel en reprenant le versement de ses contributions.

Il ne justifie au demeurant pas avoir initié une quelconque instance modificative en réexamen des dispositions civiles qu'il critique.

La sanction prononcée à son encontre doit dès lors être incitative de la reprise par lui du versement de ses obligations financières.

Il convient de lui infliger une peine de 4 mois d'emprisonnement sous le bénéfice du sursis assorti de la liberté d'épreuve durant une période de trois années.

Outre les mesures générales de surveillance et d'assistance prévues par les articles 3 et 4 de l'ordonnance n° 3.960 sur le reclassement social des délinquants, il sera en outre astreint à l'obligation spéciale de l'article 5 de la même ordonnance dans ses dispositions n° 4 et 5 à savoir de justifier qu'il s'acquitte régulièrement les pensions alimentaires mises à sa charge et qu'il répare les dommages causés par l'infraction.

Le jugement sera en conséquence réformé selon ces modalités dans ses dispositions concernant la peine.


Motifs🔗

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Par jugement contradictoire en date du 16 novembre 2010, le Tribunal correctionnel a :

Sur l'action publique

• déclaré C. coupable :

« D'être à MONACO, du mois de mai 2009 au mois de mai “2010, en tout cas depuis temps non prescrit, en méconnaissance d'un arrêt prononcé par la Cour d'appel de Monaco en date du 24 mars 2009, l'ayant condamné à verser une pension alimentaire mensuelle de 2.500 euros à L. P. et une pension contributive de 800 euros mensuels pour leur fils E., volontairement demeuré plus de deux mois sans acquitter le montant intégral de la pension », délit prévu et réprimé par l'article 296 du Code pénal ;

et l'a condamné à la peine de un mois d'emprisonnement avec sursis et deux mille euros d'amende,

Sur l'action civile,

• accueilli L. P. épouse C. en sa constitution de partie civile,

• la déclarant partiellement fondée en sa demande, condamné C. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

C. a interjeté appel de ce jugement le 18 novembre 2010.

Le ministère public a interjeté appel de ladite décision le même jour.

Les appels réguliers sont recevables.

Considérant les faits suivants :

Le 27 juillet 2009, L. P. épouse C. se présentait auprès des services de la sûreté publique pour déposer plainte à l'encontre de son mari C. dont elle est en instance de divorce, en lui faisant grief de ne pas s'être acquitté depuis le 1er mai 2009 du montant des pension alimentaire et contributive mensuelles auxquelles il a été condamné par les juridictions monégasques, soit la somme de 9.900 euros à la date à laquelle elle était entendue.

Lors de son audition réalisée le 30 juillet 2009, C. reconnaissait ne pas avoir payé les pensions des mois de mai, juin et juillet 2009.

Il se justifiait toutefois en invoquant la crise économique ayant réduit de près de 40 % le montant de son chiffre d'affaires de sorte que sa situation financière était en déficit de près de 1.000 euros par mois depuis novembre 2008.

Il estimait d'autre part que sa situation de fortune avait mal été appréciée par les juridictions monégasques qui avaient confondu le chiffre d'affaires de son activité professionnelle de chirurgien plasticien et son bénéfice, lequel ne lui dégageait qu'un revenu mensuel net s'élevant à 6.300 euros.

Il contestait le fait que les juridictions civiles aient pu retenir à son crédit des éléments de son train de vie ou de son patrimoine.

Il estimait ne plus être en mesure de s'acquitter du montant de ces pensions.

Sur la demande du Procureur Général qui leur en a été faite le 17 février 2010, les services de la sûreté publique procédaient à l'actualisation de la situation pour vérifier si C. avait en tout ou partie régularisé celle-ci.

Il s'avérait que la situation était demeurée inchangée et que C. n'avait aucunement repris le versement de ses pensions ce qui laissait à sa charge et selon les dires de L. P. à la date du 17 mai 2010, un passif s'élevant désormais à la somme de 39.600 euros.

L. P. précisait toutefois que C. s'était acquitté de 8 versements de 200 euros pour leur fils et qu'elle éprouvait au quotidien les plus grandes difficultés financières pour subvenir à ses besoins et à ceux de leur enfant.

C. s'estimait pour sa part victime d'une erreur judiciaire et envisageait de saisir la Cour de Strasbourg.

Le tribunal correctionnel devant lequel C. a été cité, après avoir considéré que l'infraction d'abandon de famille était constituée, est entré en voie de condamnation à son égard en prenant en compte quant au quantum de la peine le fait que le prévenu ne disposait pas d'antécédent judiciaire et qu'il s'était régulièrement acquitté de ses pensions du 1er décembre 2007 jusqu'à la date des poursuites.

Le tribunal correctionnel a en outre réduit dans de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts qu'il a accordés à L. P. et au paiement desquels C. a été condamné.

Lors de l'audience devant la Cour d'appel, le conseil de L. P. a développé les conclusions par elle déposées aux termes desquelles elle sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris en ce qui concerne les dispositions afférentes à l'action publique outre le versement à son profit de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle expose que depuis sa plainte initiale, C. n'a aucunement repris le versement de ses obligations alimentaires à l'exception toutefois du seul règlement de la somme mensuelle de 200 euros depuis 7 mois à titre de participation à l'entretien et à l'éducation de leur fils de telle sorte qu'il est redevable à son endroit de la somme de 80.500 euros.

Elle fait valoir d'autre part que le manquement de C. à ses obligations la place dans une situation financière qui lui est préjudiciable et réclame de ce chef le versement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires.

Le Ministère Public a requis la réformation de la sanction infligée à C. en demandant l'abandon de l'amende précédemment prononcée au profit d'une seule peine d'emprisonnement assortie de la liberté d'épreuve.

Le conseil de C. a sollicité la relaxe de son client, celui-ci n'étant plus depuis la survenance de la crise économique, en situation de faire face au versement de ses obligations financières.

SUR CE,

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 296 du Code pénal l'infraction d'abandon de famille est constituée à l'encontre de « toute personne qui en méconnaissance d'une décision de justice l'ayant condamnée à verser une contribution aux charges du ménage, ou une pension alimentaire à son conjoint ... à ses descendants, sera volontairement demeurée plus de deux mois sans ... acquitter le montant intégral de la pension ... le défaut de paiement sera présumé volontaire sauf preuve contraire  » ;

Qu'en application de ces dispositions, il incombe à C. qui ne conteste pas être resté plus de deux mois sans s'acquitter de ses obligations financières, de démontrer ainsi qu'il l'invoque, qu'il n'est pas en mesure de satisfaire au versement des pensions alimentaires au paiement desquelles il a été condamné :

Attendu que quoique C. fasse grief aux juridictions civiles qui ont statué sur le montant de ses contributions financières tant à l'égard de son épouse que de son fils, d'avoir mal appréhendé le montant des ressources mensuelles que lui procure son activité de chirurgien plasticien au Centre Hospitalier Princesse Grace, il ne renseigne pas davantage la Cour sur le montant actuel de ses ressources et fait preuve, alors qu'il est appelant, d'une totale indigence dans l'administration ou le versement d'un quelconque élément d'information sur l'étendue de celles-ci ;

Que de la même manière il ne justifie aucunement ainsi qu'il l'invoque, des conséquences que la crise économique aurait entraînées sur une éventuelle diminution de ses ressources ;

Attendu qu'il est établi que C. n'a fait aucun effort pour reprendre de manière décente le versement de ses obligations financières en se contentant d'une maigre participation mensuelle de 200 euros pour son fils laquelle somme ne représente que le quart du montant de ce qui a été mis à sa charge, alors même qu'il ne verse plus rien à son épouse ;

Qu'il a au demeurant renouvelé devant la Cour que pour échapper aux mesures de saisie de ses véhicules il avait été contraint de les placer en sécurité dans un lieu connu de lui seul ;

Attendu que la culpabilité de C. est dès lors parfaitement établie ;

Que c'est à juste titre que le tribunal l'a déclaré coupable de l'infraction d'abandon de famille dont il est prévenu ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu qu'il résulte du contenu de ses déclarations que C. ne manifeste aucune volonté de mettre un terme à son comportement infractionnel en reprenant le versement de ses contributions ;

Qu'il ne justifie au demeurant pas avoir initié une quelconque instance modificative en réexamen des dispositions civiles qu'il critique ;

Que la sanction prononcée à son encontre doit dès lors être incitative de la reprise par lui du versement de ses obligations financières ;

Qu'il convient de lui infliger une peine de 4 mois d'emprisonnement sous le bénéfice du sursis assorti de la liberté d'épreuve durant une période de trois années ;

Qu'outre les mesures générales de surveillance et d'assistance prévues par les articles 3 et 4 de l'ordonnance n° 3960 sur le reclassement social des délinquants, il sera en outre astreint à l'obligation spéciale de l'article 5 de la même ordonnance dans ses dispositions n° 4 et 5 à savoir de justifier qu'il s'acquitte régulièrement les pensions alimentaires mises à sa charge et qu'il répare les dommages causés par l'infraction ;

Que le jugement sera en conséquence réformé selon ces modalités dans ses dispositions concernant la peine ;

Attendu que L. P. n'étant pas appelante des dispositions civiles du jugement, elle est irrecevable à solliciter en cause d'appel le bénéfice de la totalité de la demande à laquelle les premiers juges n'ont pas fait droit ;

Que son préjudice a au demeurant été correctement apprécié par le tribunal de telle sorte qu'il convient de confirmer sur ce point les dispositions du jugement lui accordant la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement en matière correctionnelle à l'encontre du prévenu et conformément à l'article 377 du Code de procédure pénale,

– Reçoit les appels de C. et du Ministère Public,

– Déclare L. P. irrecevable en sa demande de réexamen du montant des dommages-intérêts,

– Confirme le jugement prononcé par le tribunal correctionnel le 16 novembre 2010 dans toutes ses dispositions à l'exception de celles concernant le quantum de peine,

Le réformant de ce seul chef,

– Condamne C. à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis sous le régime de la liberté d'épreuve durant trois années

Fait obligation à C. de satisfaire à l'exécution des obligations générales des articles 3 et 4 de l'ordonnance n° 3.960 outre les deux obligations spéciales de l'article 5-4° et 5-5° et de justifier de ce qu'il :

– s'acquitte régulièrement des pensions alimentaires mises à sa charge,

– répare les dommages causés par l'infraction,

L'avertissement prescrit par l'article 404 du Code Pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;

Condamne C. aux frais du présent arrêt avec distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps ;

Composition🔗

Mr CORDAS prem prés. Mrs FORÊT-DODELIN et PERRIQUET cons. - Mr DUBES prem. subst. proc. Gén, Mme ZANCHI gref en chef adjt. - Mes LICARI et PASQUIER-CIULLA.

Note🔗

Cet arrêt confirme la condamnation prononcée le 16 novembre 2010 par le tribunal correctionnel en assortissant le sursis d'une liberté d'épreuve durant une période de 3 ans.

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