Cour d'appel, 12 avril 2011, B.-S. c/ A.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Banques

Compte joint

- Retraits par l'un des titulaires : libre et légal

- D'où saisies arrêt non fondée effectué par l'autre titulaire, contestant ces retraits

Procédure civile

- Demande nouvelle en appel : l'impossibilité de la former (sauf cas de l'article 431 al. 2) ne doit pas être soulevée avant toute défense au fond.

Divorce

- Jugement d'une juridiction marocaine prononçant le divorce

- Dépourvu d'effets à Monaco à défaut d'avoir fait l'objet d'une décision d'exequatur

Résumé🔗

Le principe du compte joint permet à chacun de ses titulaires de faire fonctionner le compte sous sa seule signature et d'en retirer librement les fonds.

La somme de 303 189,83 euros a été retirée par S.A. du compte joint dont il était titulaire avec son épouse.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce retrait ne constitue pas un manquement à une obligation légale ou contractuelle de nature à causer la demande de paiement présentée par L.B.-S., dont ils ont débouté cette dernière en ordonnant la mainlevée de la saisie arrêt.

En cause d'appel, L.B.-S. demande subsidiairement à la cour d'ordonner la liquidation de leur régime matrimonial et de commettre tel notaire à l'effet d'y procéder, tandis que S.A. lui demande de constater le caractère propre des sommes qu'il a déposées sur le compte commun, de désigner un expert pour faire un compte entre les parties et de déclarer irrecevable la demande susvisée de L.B.-S. ;

Il ne résulte d'aucun texte que les dispositions de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoyant l'impossibilité pour les parties de former une demande nouvelle en appel, doivent être soulevées avant toute défense au fond.

Le jugement de divorce prononcé par la juridiction marocaine, à le supposer opposable à S.A., ne statue pas sur ladite liquidation, n'a pas fait l'objet d'une décision d'exequatur en Principauté et se trouve dépourvu d'effets.


Motifs🔗

(en matière civile)

LA COUR,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cour statue sur l'appel relevé par B.-S., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 10 avril 2008.

Considérant les faits suivants :

Estimant que son ex mari A. avait indûment retiré le 3 janvier et le 12 février 2002 une somme de 303.189,83 euros sur leur compte commun ouvert à la Banque Française de l'Orient, B.-S. a fait pratiquer le 11 mars 2005 entre les mains de la BNP PARIBAS la saisie arrêt de toutes sommes que cette banque pourrait devoir à ce dernier à concurrence de 307.000 euros.

Le jugement du Tribunal de Première Instance du 10 avril 2008 ayant rejeté sa demande de validation de la saisie arrêt, elle en a relevé appel suivant exploit du 24 juin 2008.

Elle demande à la cour de l'infirmer, de condamner A. à lui payer la somme de 303.189,83 euros, de valider la saisie-arrêt, de dire que la banque pourra valablement se libérer entre ses mains des sommes qu'elle détient pour le compte de A. jusqu'à concurrence de ce montant ; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où A. justifierait d'une créance à son encontre, d'ordonner la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre eux et de commettre tel notaire à l'effet d'y procéder.

Elle fait grief à cette décision d'avoir appliqué une convention de compte joint qui n'a pourtant pas été produite aux débats, alors que les fonds retirés par A. dont elle est divorcée par jugement en date du 24 mars 2003 du Tribunal de Première Instance de CASABLANCA (Maroc) devaient lui revenir ou, à tout le moins, être intégrés au compte à faire entre les parties dans le cadre de la liquidation de leurs intérêts communs, en soutenant qu'aux termes de leur régime de séparation, le produit de la vente d'un bien appartenant à l'un des époux doit revenir à ce dernier.

Par conclusions enregistrées le 24 février 2008, A. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, de dire n'y avoir lieu à validation de la saisie arrêt et d'ordonner la mainlevée de cette dernière, de condamner B.-S. à lui verser une somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 5.000 euros pour appel abusif ; subsidiairement de constater qu'il a apporté en propre des sommes sur le compte commun et désigner un expert aux frais avancés de B.-S. avec mission de faire la part entre les sommes apportées par chacun des époux afin qu'un compte ait lieu entre les parties.

Il soutient n'être pas informé d'un jugement de divorce rendu au Maroc, lequel serait en tout état de cause dépourvu d'effets en Principauté puisqu'il n'a pas fait l'objet d'une décision d'exequatur.

Que l'affirmation de B.-S., selon laquelle les sommes litigieuses, débitées en janvier et février 2002, correspondraient à un dépôt qu'elle aurait effectué le 18 janvier 1990, soit douze ans auparavant, se heurte au fait que ce compte était utilisé par les époux pour leurs dépenses de vie commune.

Les parties ont ensuite échangé par conclusions enregistrées de la manière suivante :

Le 27 mai 2009, B.-S. expose que A. a bien eu connaissance du jugement de divorce rendu au Maroc et qu'elle n'est pas tenue d'en solliciter l'exequatur puisqu'elle n'en demande pas l'exécution.

Que le régime de la séparation de biens régi par la loi islamique n'exclut pas la nécessité d'une liquidation des droits des époux au moment où il prend fin, de sorte que celui qui a détenu des biens appartenant à son conjoint doit rendre compte de sa gestion ou justifier de leur emploi.

Qu'elle rapporte, sans être contredite par A., la preuve du caractère propre de la somme de 2.500.000 francs déposée sur leur compte commun, correspondant au prix de cession du droit au bail de la galerie d'art dont elle était propriétaire, alors que A. ne démontre pas que les sommes qu'il déclare avoir déposé sur leur compte lui appartenaient en propre et étaient affectées aux dépenses de la vie courante, ni que ses opérations dans un autre établissement bancaire aient un lien avec celles objet de la procédure.

Le 23 février 2010, A. fait valoir que la demande de B.-S., tendant à la liquidation des intérêts communs est une demande nouvelle dont elle doit être déboutée.

Le 26 octobre 2010, B.-S. soutient rapporter la preuve du caractère personnel des fonds déposés sur le compte joint, qui n'étaient pas destinés à financer les dépenses du ménage.

Le 23 novembre 2010, A. conclut à l'inverse, en s'étonnant que B.-S. ait déposé la somme de 2.500.000 francs sur le compte joint alors qu'elle était titulaire d'un compte ouvert en son nom propre dans la même banque.

Le 14 janvier 2011, B.-S. demande à la cour de constater que A. a conclu au fond avant de soulever l'irrecevabilité de sa demande de liquidation des intérêts communs, de sorte que cette exception doit être rejetée.

Qu'en tout état de cause, il est de jurisprudence constante qu'une demande tendant aux mêmes fins que la demande originaire ne constitue pas une demande nouvelle.

Que la demande de liquidation du régime matrimonial s'inscrit dans le cadre de la demande en paiement et tend aux mêmes fins que la demande de condamnation de A. à lui rembourser les sommes qu'il a retirées du compte joint.

Le 4 février 2011, A. expose que B.-S. a fait pratiquer le 22 décembre 2010 une opposition entre les mains de son notaire à concurrence de la somme de 307.000 euros sur toutes sommes pouvant lui revenir à la suite de la vente d'un fonds de commerce qu'il a effectuée en novembre 2010 pour la somme de 130.000 euros, alors que la saisie arrêt effectuée le 11 mars 2005 objet de la présente procédure est toujours effective.

Que cette illustration de l'acharnement procédurier de B.-S. justifie l'allocation de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts qu'il a réclamée ;

SUR CE,

Attendu que le principe du compte joint permet à chacun de ses titulaires de faire fonctionner le compte sous sa seule signature et d'en retirer librement les fonds ;

Attendu que la somme de 303.189,83 euros a été retirée par A. du compte joint dont il était titulaire avec son épouse ;

Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que ce retrait ne constitue pas un manquement à une obligation légale ou contractuelle de nature à causer la demande de paiement présentée par B.-S., dont ils ont débouté cette dernière en ordonnant la mainlevée de la saisie arrêt ;

Attendu qu'en cause d'appel, B.-S. demande subsidiairement à la cour d'ordonner la liquidation de leur régime matrimonial et de commettre tel notaire à l'effet d'y procéder, tandis que A. lui demande de constater le caractère propre des sommes qu'il a déposées sur le compte commun, de désigner un expert pour faire un compte entre les parties et de déclarer irrecevable la demande susvisée de B.-S. ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucun texte que les dispositions de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile prévoyant l'impossibilité pour les parties de former une demande nouvelle en appel, doivent être soulevées avant toute défense au fond ;

Attendu que le jugement de divorce prononcé par la juridiction marocaine, à le supposer opposable à A., ne statue pas sur ladite liquidation, n'a pas fait l'objet d'une décision d'exequatur en Principauté et se trouve dépourvu d'effets ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement,

– Confirme le jugement du Tribunal de Première Instance du 10 avril 2008,

– Rejette le surplus des demandes,

– Condamne B.-S. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

M. CORDAS prem. pres ; Mme MABRUT V. pres, M. PERRIQUET cons. - M. DUBES prem. subst. proc. gén ; Mme BARDY gref. en chef - M. REY et SOSSO av. def.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance du 10 avril 2008

  • Consulter le PDF