Cour d'appel, 11 janvier 2011, Consorts C. c/ S.

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Abstract🔗

Jugements

Contradiction de motifs - Motifs ayant un caractère décisoire - Annulation du jugement : art. 199 al. 4 CPC  - Évocation de la Cour d'appel : effet dévolutif de l'appel : art 429 CPC

Contrats-Obligations

Contrat de rente viagère - Résolution du contrat invoquée par l'un des deux crédirentières en violation du principe de solidarité activé alors que les débiteurs exécutent leurs obligations - Déboutement de la demande de résolution

Résumé🔗

Il ressort tant de l'exploit introductif d'instance du 24 juin 2008 que du jugement entrepris du 22 septembre 2009 que W. S.,  ce qui ressort clairement des écritures judiciaires de ce dernier  ne poursuit que la résolution de la seule convention du 1er avril 2007, sur laquelle le tribunal de première instance a statué.

Pour apprécier la portée d'une décision, il est nécessaire de tenir compte des motifs qui en sont le soutien nécessaire.

C'est par une contradiction de motifs qui revêtent un caractère décisoire que le tribunal a prononcé la résolution de la convention du 1er avril 2007.

Après avoir retenu que les modalités de paiement du loyer avaient été mises en place par les parties « qui étaient convenues » du paiement d'une partie, du loyer, par les époux C. avec le montant de la rente directement réglé au propriétaire et que W. S. n'avait pas contesté ces modalités de paiement et les avait donc sinon sollicitées, du moins implicitement acceptées, en réglant à l'agence OPTIMA la différence correspondant au paiement du loyer, le tribunal, a jugé qu'il convenait toutefois de relever le défaut de lien conventionnel entre le paiement du loyer et le montant de la rente, alors que l'accord des parties sur ce point résultait de l'attitude de W. S. et donc des dispositions de l'article 989 du Code civil.

Il ne pouvait donc en être conclu comme l'a fait le tribunal que les époux C. n'ont pas exécuté les obligations auxquelles ils étaient tenus en choisissant « de leur propre initiative » de cesser tout versement des arrérages au profit des crédirentiers.

En l'état de ces motifs qui à l'évidence se contredisent, le jugement se trouve dépourvu de motifs, au sens de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure civile et encourt donc la nullité.

En l'état de cette annulation, mais de l'effet dévolutif de l'appel édicté par l'article 429 du même code il y a lieu de statuer sur le présente litige.

Sur la résolution de la convention du 1er avril 2007

Il est établi par les documents produits aux débats par les époux C. que non seulement ces derniers se sont bien acquittés le 19 avril 2007 de la somme de 1 126,66 euros, ce que les premiers juges ont effectivement constaté, bien que ce règlement soit lié à la deuxième convention dont la résolution n'est pas poursuivie mais également en l'état de l'accord de W. S., que jusqu'au 1er février 2009, date à laquelle ils ont acquis la certitude que W. S. entendait obtenir remboursement de la somme de 92 000 euros sans restituer les arrérages perçus, ils ont réglé d'abord à la société OPTIMA puis directement à W. S. le montant de la rente à valoir sur une partie du prix du loyer puisqu'ils l'ont versée au compte CARPA des avocats, soit mensuellement 613 euros.

La résolution de la convention du 1er avril 2007 ne peut donc être prononcée les débirentiers s'étant acquittés de leurs obligations d'autant qu'il est établi en outre que R. B. qui possède autant de droits que W. S. n'entendait pas que soit poursuivie la résolution de cette convention, ce qu'elle a précisé dans une lettre du 14 février 2008 adressé aux époux C. et a confirmé devant le tribunal qui l'a expressément indiqué à la page 11 : « R. B. renonce au versement de la rente à son profit, dit s'opposer à la résolution et souhaite que les arrérages soient affectés au paiement du loyer de l'appartement loué à S. P. ».

C'est donc en violation du principe de la solidarité active, qui ne se présume pas que le tribunal avait prononcé la résolution sur la seule demande de W. S. et en méconnaissant les dispositions de l'article 1816 du Code civil dès lors que la rente a été constituée non seulement à son profit mais encore à celui de R. B. bénéficiaire solidaire des arrérages et donc de la convention du 1er avril 2007.

Il y a donc lieu en conséquence de débouter W. S. de ses demandes.


Motifs🔗

(en matière civile)

La Cour,

Attendu qu'il ressort tant de l'exploit introductif d'instance du 24 juin 2008 que du jugement entrepris du 22 septembre 2009 que S.,  – ce qui ressort clairement des écritures judiciaires de ce dernier – ne poursuit que la résolution de la seule convention du 1er avril 2007, sur laquelle le tribunal de première instance a statué ;

Attendu que pour apprécier la portée d'une décision, il est nécessaire de tenir compte des motifs qui en sont le soutien nécessaire ;

Attendu que c'est par une contradiction de motifs qui revêtent un caractère décisoire que le tribunal a prononcé la résolution de la convention du 1er avril 2007 ;

Attendu en effet qu'après avoir retenu que les modalités de paiement du loyer avaient été mises en place par les parties « qui étaient convenues » du paiement d'une partie, du loyer, par les époux C. avec le montant de la rente directement réglé au propriétaire et que S. n'avait pas contesté ces modalités de paiement et les avait donc sinon sollicitées, du moins implicitement acceptées, en réglant à l'agence OPTIMA la différence correspondant au paiement du loyer, le tribunal, a jugé qu'il convenait toutefois de relever le défaut de lien conventionnel entre le paiement du loyer et le montant de la rente, alors que l'accord des parties sur ce point résultait de l'attitude de S. et donc des dispositions de l'article 989 du Code civil ;

Attendu qu'il ne pouvait donc en être conclu comme l'a fait le tribunal que les époux C. n'ont pas exécuté les obligations auxquelles ils étaient tenus en choisissant « de leur propre initiative » de cesser tout versement des arrérages au profit des crédirentiers ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs qui à l'évidence se contredisent, le jugement se trouve dépourvu de motifs, au sens de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure civile et encourt donc la nullité ;

Attendu qu'en l'état de cette annulation, mais de l'effet dévolutif de l'appel édicté par l'article 429 du même code il y a lieu de statuer sur le présente litige ;

Sur la résolution de la convention du 1er avril 2007 :

Attendu qu'il est établi par les documents produits aux débats par les époux C. que non seulement ces derniers se sont bien acquittés le 19 avril 2007 de la somme de 1.126,66 euros, ce que les premiers juges ont effectivement constaté, bien que ce règlement soit lié à la deuxième convention dont la résolution n'est pas poursuivie mais également en l'état de l'accord de S., que jusqu'au 1er février 2009, date à laquelle ils ont acquis la certitude que S. entendait obtenir remboursement de la somme de 92.000 euros sans restituer les arrérages perçus, ils ont réglé d'abord à la société OPTIMA puis directement à S. le montant de la rente à valoir sur une partie du prix du loyer puisqu'ils l'ont versée au compte CARPA des avocats, soit mensuellement 613 euros ;

Attendu que la résolution de la convention du 1er avril 2007 ne peut donc être prononcée les débirentiers s'étant acquittés de leurs obligations d'autant qu'il est établi en outre que B. qui possède autant de droits que S. n'entendait pas que soit poursuivie la résolution de cette convention, ce qu'elle a précisé dans une lettre du 14 février 2008 adressé aux époux C. et a confirmé devant le tribunal qui l'a expressément indiqué à la page 11 : «  B. renonce au versement de la rente à son profit, dit s'opposer à la résolution et souhaite que les arrérages soient affectés au paiement du loyer de l'appartement loué à P. » ;

Attendu que c'est donc en violation du principe de la solidarité active, qui ne se présume pas que le tribunal avait prononcé la résolution sur la seule demande de S. et en méconnaissant les dispositions de l'article 1816 du Code civil dès lors que la rente a été constituée non seulement à son profit mais encore à celui de B. bénéficiaire solidaire des arrérages et donc de la convention du 1er avril 2007 ;

Attendu qu'il y a donc lieu en conséquence de débouter S. de ses demandes ;

Attendu qu'il doit en être ainsi nonobstant l'arrêt de la Cour d'appel du 16 mars 2010 et l'absence par les époux C. de la consignation entre les mains de Me Claire NOTARI, huissier de justice de la somme de 92.000 euros, de nature à garantir les parties soit de la restitution aux époux C. de cette somme soit de son attribution à S. ;

Attendu en effet que ceci a été garanti et les intérêts des parties préservés par la saisie-arrêt pratiquée à l'initiative de S., le 12 avril 2010, entre les mains du commandité gérant de la société C. et Cie pour sureté et avoir paiement de la somme de 100.000 euros ;

Sur les demandes de S. résultant de son appel incident,

Attendu que par l'arrêt du 16 mars 2010, la Cour d'appel a rejeté en l'état les demandes de dommages-intérêts de S. ;

Attendu qu'il ressort en effet des motifs de cet arrêt que l'intimé sollicitait outre le paiement de 92.000 euros, la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et 50.000 euros à titre de dommages et intérêts compensatoire pour exécution fautive de la convention du 1er avril 2007 ;

Attendu qu'il sollicite de nouveau devant la cour statuant au fond, ces mêmes demandes de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour inexécution fautive de la convention, outre celle de 5.000 euros pour procédure abusive ;

Attendu que la demande principale de S. étant rejetée, ses demandes accessoires de dommages et intérêts doivent l'être également ;

Attendu que sa demande de bâtonnement est, elle aussi mal fondée, dès lors que les avocats ont l'obligation d'exercer leur profession dans le respect de la vérité et que c'est dans cet esprit que l'avocat-défenseur des époux C. et de B. n'a fait que reprendre les faits soumis par celle-ci, appelante, au procureur de la république du Tribunal de grande instance de Nice et que nonobstant le classement sans suite de cette plainte, elle peut encore faire l'objet d'une citation directe devant le tribunal correctionnel ;

Attendu que la demande d'action réservée n'est pas fondée ;

Attendu que l'action engagée par S. n'apparaît toutefois pas abusive et qu'il n'y a pas lieu de la condamner au paiement de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il supportera les dépens ;

Dispositif🔗

Par ces motifs,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement,

– Constate la nullité du jugement entrepris du 22 septembre 2009 en application de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure civile,

– Évoquant en application de l'article 429 du Code de procédure civile,

– Déboute S. de ses demandes de résolution de la convention du 1er avril 2007 et de ses demandes accessoires en paiement de dommages-intérêts,

– Le déboute de ses demandes de bâtonnement et d'action réservée, des propos tenus par B. et reproduit par l'avocat-défenseur,

– Déboute les appelants de leur demande de dommages-intérêts,

– Condamne S. aux dépens tant de première instance que d'appel distraits au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

M. CORDAS prem. pres ; Mme MABRUT V. pres ; M. PERRIQUET cons. ; M. DUBES prem. subst. proc. gen. ; Mme BARDY gref. en chef ; Mes ESCAUT et PASTOR-BENSA av. chef ; Mes CARRASCO et DIOP av-bar. de Nice

Note🔗

Cet arrêt constate la nullité du jugement entrepris du 22 septembre 2009 et évoquant déboute l'appelant de ses demandes de résolution de la convention de rente viagère.

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