Cour d'appel, 29 janvier 2008, Consorts R.R. c/ consorts J.C.R.

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Abstract🔗

Procédure civile

Signification d'un jugement au Parquet Général - En raison du changement de domicile des intéressés - Irrégularité de la signification, le nouveau domicile pouvant être découvert aisément par des recherches suffisantes de l'huissier - Appel recevable du jugement, la signification irrégulière n'ayant point fait courir le délai d'appel

Résumé🔗

C.R. a été assignée à sa personne et a reçu l'acte pour son époux à l'adresse qu'ils occupaient le 28 février 2006, 9, avenue J... à Monaco ; l'huissier de justice a signifié le jugement du 26 juin 2006 à cette adresse et a porté la mention suivante : « l'intendant de l'immeuble qui m'a déclaré que ceux-ci avaient quitté l'immeuble depuis environ deux mois, n'ayant pas d'autre adresse connue en Principauté de Monaco » ; il a alors procédé à la signification du jugement à parquet le 20 juillet 2006 ;

Toutefois le commandement de payer délivré le 26 septembre 2006 à la suite dudit jugement, l'a été au nouveau domicile des époux R.R., à Monaco, l'huissier déclarant avoir retrouvé cette adresse par hasard à l'occasion d'une procédure en paiement de loyers concernant une société à l'adresse de laquelle les époux R.R. résidaient ;

À la date de la signification du jugement, les autorités de justice et de police de Monaco étaient informées de l'adresse des époux R.R. qui se domiciliaient 16 avenue des C., ainsi que le démontrent :

- une lettre de R.R. du 16 juillet 2006 adressé à la Sûreté Publique, pour demander l'aide juridictionnelle dans une affaire pénale ;

- la réponse du procureur général du 24 juillet 2006 adressée au 19 rue des C. ;

- un arrêt de la Cour d'appel de Monaco statuant en matière correctionnelle daté du 7 juillet 2006 ;

Avant de déposer au parquet la copie de l'exploit de signification, l'huissier se devait d'effectuer les recherches suffisantes et toutes investigations nécessaires à l'effet de toucher personnellement les destinataires de l'acte, soit de découvrir leur véritable adresse ;

En l'espèce ces recherches étaient simplifiées s'agissant de justiciables de nationalité monégasque, connus des services de police et de justice ; faute de justifier de telles démarches, l'huissier n'a pas valablement signifié le jugement du 29 juin 2006 ;

L'observation contenue en page 2 de la lettre de Maître Escaut-marquet du 4 décembre 2006 au conseil des époux J.C.R. selon laquelle R.R. aurait déclaré qu'« il était au courant et que tout serait réglé » lors de la remise du commandement de payer, est insuffisante à démontrer que les deux époux auraient eu connaissance des termes du jugement dans des conditions leur permettant d'exercer leur recours ;

Ainsi la signification du 20 juillet 2006 au procureur général n'a pas fait courir le délai d'appel ;

En conséquence l'appel interjeté le 20 octobre 2006 après la saisie exécution et le commandement de payer du 26 septembre 2006 est régulier.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par R.R. et C.B. épouse R. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 29 juin 2006,

Considérant les faits suivants :

Par exploit du 1er février 2006, J.-C. R. et U.N. épouse R. ont fait assigner R. et C.R. aux fins de les voir condamner au paiement de la somme de 700 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'attitude déloyale et de la mauvaise foi que les défendeurs ont pu manifester dans le cadre de relations contractuelles.

Par exploit du 28 février 2006, les époux R. ont fait réassigner R. et C.R. aux mêmes fins en l'état de la non-comparution de C.R. Bien que régulièrement cités, R. et C.R. n'ont pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2006, le tribunal a condamné les époux R. à payer aux époux R. la somme de 700 000 euros et a condamné les époux R. aux dépens.

Les époux R. ont signifié le jugement par exploit du 20 juillet 2006 au domicile des époux R., 9 avenue J, adresse à laquelle ils étaient domiciliés notamment lors de la réassignation du 28 février 2006.

Toutefois les époux R. ne résidaient plus à cette adresse depuis deux mois lors de la signification ainsi que le concierge de l'immeuble le précisait à l'huissier instrumentaire qui délivrait l'acte au parquet général, les époux R. étant sans domicile connu en Principauté.

Commandement de payer était délivré en vertu du jugement du 29 juin 2006 aux époux R. le 26 septembre 2006, à leur nouvelle adresse à Monaco.

Par exploit d'appel du 20 octobre 2006, les époux R. assignaient les époux R. devant la Cour.

Ils demandent à la Cour de recevoir leur appel, de réformer le jugement et statuant à nouveau de débouter les époux R. de leurs demandes.

Sur la recevabilité de leur appel

Ils soutiennent qu'à la date de la signification du jugement du 20 juillet 2006, ils habitaient 19 avenue des C à Monaco, adresse connue de la Cour d'appel de Monaco puisque mentionnée dans un arrêt du 7 juillet 2006, et du procureur général ainsi que le démontre un courrier de ce magistrat du 24 juillet 2006.

Ils estiment en conséquence que l'acte de signification n'est pas régulier, et que le délai d'appel n'a pas couru.

Au fond

Ils contestent le jugement qui leur impute la non réitération par acte authentique de la vente d'un bien immobilier dans lequel ils étaient logés, et qui les a condamnés à payer la somme de 700 000 euros aux époux R., montant de la clause pénale.

Ils demandent à la Cour de faire application de la loi française au contrat, de constater que la clause résolutoire permettant l'obtention d'un prêt n'a pas été réalisée, et qu'aucune mise en demeure n'a été délivrée pour la réalisation de l'acte.

Par conclusions du 19 décembre 2006, les époux R. soutiennent l'irrecevabilité de l'appel au motif que celui-ci est intervenu après l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification du 20 juillet 2006, et objectent qu'aucune pièce n'a été communiquée.

Par conclusions postérieures du 13 mars 2007, les époux R. soutiennent qu'ils ne pouvaient connaître la nouvelle adresse des époux R., les pièces versées aux débats, pour justifier que cette adresse était connue des autorités judiciaires concernant des procédures étrangères aux époux R. et qu'en tout état de cause, les époux R devaient informer leur créanciers de leur changement d'adresse et prendre leurs dispositions pour le suivi de leur courrier.

Ils soutiennent enfin que les époux R. avaient connaissance des significations puisque R.R. avait déclaré à l'huissier chargé de la saisie du mobilier qu'il était au courant et que tout serait réglé.

Ils demandent à la Cour qu'il leur soit donné acte qu'ils se réservent de conclure au fond, si par impossible l'appel était déclaré recevable.

SUR CE,

Considérant que C.R. a été assignée à sa personne et a reçu l'acte pour son époux à l'adresse qu'ils occupaient le 28 février 2006, 9 avenue J. à Monaco ; l'huissier de justice a signifié le jugement du 26 juin 2006 à cette adresse et a porté la mention suivante : « l'intendant de l'immeuble qui m'a déclaré que ceux-ci avaient quitté l'immeuble depuis environ deux mois, n'ayant pas d'autre d'adresse connue en Principauté de Monaco » ; il a alors procédé à la signification du jugement à parquet le 20 juillet 2006 ;

Considérant toutefois le commandement de payer délivré le 26 septembre 2006 à la suite dudit jugement, l'a été au nouveau domicile des époux R. à Monaco, l'huissier déclarant avoir retrouvé cette adresse par hasard à l'occasion d'une procédure en paiement de loyers concernant une société à l'adresse de laquelle les époux R. résidaient ;

Considérant qu'à la date de la signification du jugement, les autorités de justice et de police de Monaco étaient informées de l'adresse des époux R. qui se domiciliaient 16 avenue des C..., ainsi que le démontrent :

  • une lettre de R.R. du 16 juillet 2006 adressée à la Sûreté Publique, pour demander l'aide juridictionnelle dans une affaire pénale,

  • la réponse du procureur général du 24 juillet 2006 adressée 19 rue des C...,

  • un arrêt de la Cour d'appel de Monaco statuant en matière correctionnelle daté du 7 juillet 2006 ;

Considérant qu'avant de déposer au parquet la copie de l'exploit de signification, l'huissier se devait d'effectuer les recherches suffisantes et toutes investigations nécessaires à l'effet de toucher personnellement les destinataires de l'acte, soit de découvrir leur véritable adresse ;

Qu'en l'espèce ces recherches étaient simplifiées s'agissant de justiciables de nationalité monégasque, connus des services de police et de justice ; que faute de justifier de telles démarches, l'huissier n'a pas valablement signifié le jugement du 29 juin 2006 ;

Que l'observation contenue en page 2 de la lettre de Maître Escaut-Marquet du 4 décembre 2006 au conseil des époux R., selon laquelle M. R aurait déclaré qu'« il était au courant et que tout serait réglé » lors de la remise du commandement de payer, est insuffisante à démontrer que les deux époux auraient eu connaissance des termes du jugement dans des conditions leur permettant d'exercer leur recours ;

Qu'ainsi la signification du 20 juillet 2006 au procureur général n'a pas fait courir le délai d'appel ;

Considérant en conséquence l'appel interjeté le 20 octobre 2006 après la saisie exécution et le commandement de payer du 26 septembre 2006 est régulier ;

Qu'il y a lieu de renvoyer la cause et les parties à une audience ultérieure de la Cour d'appel pour qu'il soit conclu et statué au fond ;

Que les dépens doivent être réservés ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

statuant contradictoirement,

  • Constate que la signification du 20 juillet 2006 est irrégulière,

  • Reçoit l'appel des époux R.,

  • Renvoie la cause et les parties à l'audience du mardi 26 février 2008 pour qu'il soit conclu et statué au fond,

  • Réserve les dépens.

Composition🔗

Mme François, prem. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Lajoux, Gardetto et Giaccardi, av. déf. ; Bendotti, av. bar. Nice.

Note🔗

Cet arrêt a constaté l'irrégularité de la signification à parquet général, a reçu l'appel des époux R.R. et renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure pour qu'il soit conclu et statué au fond.

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