Cour d'appel, 9 octobre 2007, Sté MG c/ Commune de Monaco

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Abstract🔗

Fonds de commerce

Location gérance - Expulsion du locataire ordonnée et exécutée - Invocation par le locataire gérant expulsé de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 relative aux loyers commerciaux applicable au locataire menacé l'expulsion susceptible d'avoir droit à une indemnité - Inapplicabilité de cette disposition à l'intéressé à défaut de se trouver dans la situation prévue Cour d'appel - Compétence civile - Saisine en application de l'article 414 du CPC en tant que juridiction d'appel du juge des référés - Sans plénitude de compétence : à défaut de conclusions au fond des parties

Résumé🔗

L'arrêt du 22 juin 2004 par lequel la Cour a ordonné l'expulsion de la SCS MG et Cie a été rendu sur appel d'une ordonnance de référé du président du Tribunal de première instance en date du 8 octobre 2004 ;

Par cet arrêt, la Cour avait constaté que le contrat de location-gérance venu à expiration de 13 décembre 2003 avait été accepté sans réserve par SCS MG et Cie ; à cette date, la SCS MG et Cie était occupant sans droit ni titre ;

S'agissant d'une procédure de référé, l'autorité de chose jugée n'est pas attachée à cette décision, la Cour n'étant alors saisie qu'en application de l'article 414 du Code de procédure civile, et n'ayant pas, faute de conclusions au fond des parties, usé de la plénitude de sa compétence ;

Cette décision est donc sans effet sur la présente demande de sursis à expulsion non pas formée une nouvelle fois en application des dispositions de l'article 414 du Code de procédure civile, mais sur les dispositions de l'article 18 modifié de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 relative aux loyers commerciaux ;

L'article 18 de ladite loi dispose « tout locataire menacé d'expulsion et susceptible d'avoir droit à une indemnité peut saisir le président du Tribunal de première instance conformément aux dispositions de l'article 4.

Ce magistrat après avoir entendu les parties ou leurs représentants statue sur le sursis à l'expulsion jusqu'au versement de l'indemnité si le montant de celle-ci est déjà fixé. Si le montant de l'indemnité reste à fixer le président arbitre le montant de l'indemnité provisionnelle que le bailleur devra verser au locataire.

Dans la même ordonnance, il peut ordonner l'expulsion du preneur après paiement, en aucun cas le preneur ne peut être obligé de quitter les lieux avant d'avoir reçu l'indemnité d'éviction si son montant a déjà été fixé ou l'indemnité provisionnelle ».

Il résulte de ces dispositions que seul le locataire menacé d'expulsion peut saisir la juridiction désignée par l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;

Le sursis à expulsion n'est accordé dans ce cas autant que l'indemnité provisionnelle ou l'indemnité d'éviction n'est pas payée ;

Dès lors seul le droit à indemnité d'éviction, donne au locataire commerçant menacé d'expulsion la possibilité de saisir le juge d'une demande de sursis à expulsion, dont le terme est le paiement de l'indemnité provisionnelle ou définitive ;

Les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 18 précité éclairent ainsi le sens du terme « susceptible » utilité à l'article 1er ;

Tel n'est pas le cas en l'espèce, que la SCS MG et Cie a signé un bail de location-gérance qui a pris fin le 31 décembre 2003 ;

Elle entend obtenir du juge du fond qu'elle a saisi d'une demande d'indemnité d'éviction, la reconnaissance de sa qualité de propriétaire du fonds du café-restaurant « La Chaumière » en lieu et place de celle de la qualité de locataire- gérant ;

Ainsi que l'a relevé le premier juge, la possibilité pour le juge d'arbitrer l'indemnité provisionnelle d'éviction n'existe qu'autant que la loi sur les loyers commerciaux est applicable ;

La question préalable ainsi posée par la SCS MG et Cie n'entre pas dans le champs de compétence du président du Tribunal de première instance statuant en application de l'article 18 précité, ce texte limitant expressément sa compétence au sursis à expulsion dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction ou de la fixation de l'indemnité provisionnelle et de son paiement au locataire menacé d'expulsion ;

C'est à juste titre que le premier juge s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'indemnité provisionnelle d'éviction et le sursis à expulsion, devenu par suite de l'expulsion du locataire sans objet ;

Il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SCS MG et Compagnie à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Premier Vice- Président du Tribunal de première instance le 8 octobre 2004,

Considérant les faits suivants :

Par requête du 27 juillet 2004 la SCS MG et Compagnie a saisi le président du Tribunal sur le fondement de l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, d'une demande de sursis à l'expulsion requise par son bailleur, la commune de Monaco, jusqu'au paiement d'une indemnité d'éviction de 6 000 000 euros.

La commune de Monaco a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au motif que :

1 - la Cour d'appel, par arrêt exécutoire du 22 juin 2004, signifié le 9 juillet 2004 a ordonné l'expulsion de la SCS MG et Compagnie, que cette société est donc expulsée et non menacée d'expulsion de sorte que l'article 18 précité n'est pas applicable,

2 - par le même arrêt, la Cour d'appel a constaté que ladite société titulaire d'un contrat de location-gérance, la mairie, son bailleur, étant propriétaire du fonds de commerce, n'était pas admise à invoquer la propriété commerciale.

La SCS MG et Compagnie soutenait au contraire être propriétaire du fonds, et s'opposait à ce que soit invoqué l'arrêt de la Cour d'appel du 22 juin 2004, celui-ci rendu en matière de référé n'ayant pas autorité de la chose jugée.

Par ordonnance du 8 octobre 2004, le président du Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent.

Pour parvenir à cette décision, cette juridiction a retenu que l'application des dispositions de l'article 18 de la loi n° 490 dont la rédaction applicable à l'espèce résulte de la loi n° 1287 du 15 juillet 2004 supposait que soit préalablement tranché par le Tribunal de première instance déjà saisi, la question de la nature du bail consenti à la SCS MG et Compagnie, dont la propriété commerciale est contestée par la Mairie de Monaco qui se dit liée à elle par un contrat de location-gérance.

Par exploit d'assignation du 15 octobre 2004, la SCS MG et Compagnie a interjeté appel de la décision.

Elle demande à la Cour de réformer le jugement et fait observer qu'en application de l'article 18 de la loi n° 490, elle est « susceptible » de percevoir une indemnité d'éviction dans le cadre du non renouvellement de son contrat de bail par la commune de Monaco et qu'il y a lieu en toute hypothèse d'ordonner le sursis à expulsion jusqu'au paiement de l'indemnité provisionnelle ou définitive ou jusqu'au prononcé d'une décision définitive au fond ayant débouté le preneur de sa demande d'indemnité d'éviction.

À l'appui de son appel, la SCS MG et Compagnie fait valoir que l'article 18 modifié de la loi précitée dispose « tout locataire menacé d'expulsion et susceptible d'avoir droit à une indemnité peut saisir le président du Tribunal de première instance conformément aux dispositions de l'article 4 » de la même loi.

Elle tire du terme « susceptible » la possibilité pour elle d'obtenir l'application de l'article 18 de la loi précitée à l'espèce dans le litige porté au fond, l'emploi de ce vocable ouvrant une voie de droit non seulement au titulaire du bail commercial mais aussi à celui qui y prétend.

Elle soutient que l'arrêt de la Cour d'appel du 22 juin 2004 a été rendu sur l'appel d'une ordonnance de référé et n'a pas autorité de la chose jugée.

La SCS MG et Compagnie soutient encore que la Cour s'est par cet arrêt estimée compétente pour examiner les baux bien que saisie de l'appel d'une ordonnance de référé.

La commune de Monaco a conclu le 11 janvier 2005 à la confirmation de l'ordonnance déférée et a sollicité la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle soutient que la société MG et Compagnie a été expulsée par arrêt de la Cour d'appel en date du 22 juin 2004 et que l'article 18 de la loi n° 490 ne peut recevoir application.

Par conclusions postérieures, elle dénie tout droit de propriété du fonds de commerce à l'appelante.

SUR CE,

Considérant que l'arrêt du 22 juin 2004 par lequel la Cour a ordonné l'expulsion de la SCS MG et Compagnie a été rendu sur appel d'une ordonnance de référé du président du Tribunal de première instance en date du 8 octobre 2004 ;

Que par cet arrêt, la Cour avait constaté que le contrat de location-gérance venu à expiration le 13 décembre 2003 avait été accepté sans réserve par la SCS MG et Compagnie ; qu'à cette date, la SCS MG et Compagnie était occupant sans droit ni titre ;

Considérant que s'agissant d'une procédure de référé, l'autorité de chose jugée n'est pas attachée à cette décision, la Cour n'étant alors saisie qu'en application de l'article 414 du Code de procédure civile, et n'ayant pas, faute de conclusions au fond des parties, usé de la plénitude de sa compétence ;

Considérant que cette décision est donc sans effet sur la présente demande de sursis à expulsion non pas formée une nouvelle fois en application des dispositions de l'article 414 du Code de procédure civile, mais sur les dispositions de l'article 18 modifié de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 relative aux loyers commerciaux ;

Considérant que l'article 18 de ladite loi dispose « tout locataire menacé d'expulsion et susceptible d'avoir droit à une indemnité peut saisir le président du Tribunal de première instance conformément aux dispositions de l'article 4.

Ce magistrat après avoir entendu les parties ou leurs représentants statue sur le sursis à l'expulsion jusqu'au versement de l'indemnité si le montant de celle-ci est déjà fixé. Si le montant de l'indemnité reste à fixer le président arbitre le montant de l'indemnité provisionnelle que le bailleur devra verser au locataire.

Dans la même ordonnance, il peut ordonner l'expulsion du preneur après paiement, en aucun cas le preneur ne peut être obligé de quitter les lieux avant d'avoir reçu l'indemnité d'éviction si son montant a déjà été fixé ou l'indemnité provisionnelle » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seul le locataire menacé d'expulsion peut saisir la juridiction désignée par l'article 18 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;

Considérant que le sursis à expulsion n'est accordé dans ce cas qu'autant que l'indemnité provisionnelle ou l'indemnité d'éviction n'est pas payée ;

Considérant dès lors que seul le droit à indemnité d'éviction, donne au locataire commerçant menacé d'expulsion la possibilité de saisir le juge d'une demande de sursis à expulsion, dont le terme est le paiement de l'indemnité provisionnelle ou définitive ;

Considérant que les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 18 précité éclairent ainsi le sens du terme « susceptible » utilisé à l'article 1er ;

Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, que la SCS MG et Compagnie a signé un bail de location-gérance qui a pris fin le 31 décembre 2003 ;

Qu'elle entend obtenir du juge du fond qu'elle a saisi d'une demande d'indemnité d'éviction, la reconnaissance de sa qualité de propriétaire du fonds du café-restaurant « La Chaumière » en lieu et place de celle de la qualité de locataire-gérant ;

Considérant qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, la possibilité pour le juge d'arbitrer l'indemnité provisionnelle d'éviction n'existe qu'autant que la loi sur les loyers commerciaux est applicable ;

Que la question préalable ainsi posée par la SCS MG et Compagnie n'entre pas dans la champ de compétence du président du Tribunal de première instance statuant en application de l'article 18 précité, ce texte limitant expressément sa compétence au sursis à expulsion dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction ou de la fixation de l'indemnité provisionnelle et de son paiement au locataire menacé d'expulsion ;

Considérant que c'est à juste titre que le premier juge s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'indemnité provisionnelle d'éviction et le sursis à expulsion, devenu par suite de l'expulsion du locataire sans objet ;

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée ;

Considérant enfin qu'il y a lieu de rejeter la demande de la SCS MG et Compagnie d'obtenir un sursis à expulsion dans l'attente de la décision au fond sur la nature du contrat liant les parties ;

Qu'en effet le fondement choisi par la SCS MG et Compagnie, en l'espèce l'article 18 de la loi n° 490 limite l'objet du sursis à expulsion au paiement de l'indemnité d'éviction ;

Qu'au surplus toute demande de sursis à expulsion est devenue sans objet, l'expulsion étant effective depuis le 24 novembre 2004 ;

Considérant que la SCS MG et Compagnie n'a pas abusé de son droit d'agir en justice, qu'il n'y a pas lieu d'octroyer les dommages-intérêts sollicités par la mairie de Monaco ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • Reçoit l'appel de la SCS MG et Compagnie,

  • L'en déboute,

  • Confirme l'ordonnance déférée,

  • Rejette toutes autres demandes des parties,

  • Condamne la SCS MG et Compagnie aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Étienne Léandri, avocat défenseur, sous sa due affirmation,

  • Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

M. Adam, v. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén., Mes Michel et Leandri, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme l'ordonnance de référée du 8 octobre 2004.

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