Cour d'appel, 12 février 2007, W.L.B. c/ Ministère Public

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Procédure pénale

Flagrant délit - Interrogatoire (CPP, art. 399) : procès-verbal valant citation : informant le prévenu de la date de comparution devant le tribunal correctionnel des faits de la prévention et des textes sur lesquels est fondée la poursuite (CPP, art. 369) - Annulation du procès-verbal d'interrogatoire, celui-ci ayant fait état de textes erronés ne s'appliquant pas à la poursuite concernée

Résumé🔗

Aux termes de l'article 399 du Code de procédure pénale : « toute personne arrêtée en état de délit flagrant est conduite immédiatement et au plus tard dans les vingt-quatre heures devant le procureur général qui l'interroge et, s'il y a lieu, la traduit devant le tribunal correctionnel soit sur le champs, soit à l'une des prochaines audiences, sans, néanmoins, pouvoir dépasser le délai de trois jours francs ; le tribunal est, au besoin, spécialement convoqué.

Le procureur général peut décerner un mandat d'arrêt contre le prévenu ainsi renvoyé.

La citation et la notification du mandat d'arrêt décerné ont lieu verbalement, sans aucune formalité... » :

L'article 369 du même code dispose que :

« l'exploit de citation doit contenir, à peine de nullité : ... 6° l'énoncé des faits reprochés au prévenu, et l'indication précise des textes sur lesquels la poursuite est fondée ; ...

Néanmoins les nullités de l'exploit sont couvertes si elles ne sont pas proposées avant toute défense au fond » ;

Qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 369 et 399 du Code de procédure pénale que le prévenu qui doit être mis en mesure de préparer ses moyens de défense doit être informé tant des faits servant de base à la prévention que des textes sur lesquels la poursuite est fondée ;

L'absence d'exigence de toute formalité de la citation qui a lieu verbalement dans le cadre de la procédure spéciale de délit flagrant ne dispense pas le ministère public d'informer le prévenu des faits reprochés et des textes servant de fondement à la poursuite ;

En l'espèce, l'interrogatoire de flagrant délit daté du 16 novembre 2006 à la suite duquel le procureur général a informé le prévenu qu'il comparaîtra, selon la procédure de flagrant délit, à l'audience du tribunal correctionnel du vendredi 17 novembre 2006 à 10 heures 30 mentionne que W. L. B. est prévenu :

« D'avoir à Monaco, le 16 novembre 2006, conduit un véhicule de marque Renault, modèle Mégane immatriculé [numéro], alors qu'il se trouvait en état d'ivresse manifeste,

Délit prévu et réprimé par l'article 391-1-1° du Code pénal,

Dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, refusé de se soumettre à des vérifications médicales, chimiques et biologiques destinées à établir la preuve de l'état alcoolique, dans l'air expiré ou dans le sang,

Délit prévu et réprimé par les articles 391-2 et 391-1 du Code pénal. »

Cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si le ministère public a entendu saisir la juridiction de jugement des infractions de conduite sous l'empire en état d'ivresse manifeste et de non respect de l'injonction de se soumettre à une épreuve déterminative du taux d'alcool par l'analyse de sang ou à un épreuve de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré, infractions initialement prévues et réprimées par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal, à la date de la poursuite, et depuis l'intervention de la loi n° 1318 du 29 juin 2006 sur le terrorisme, publiée au Journal de Monaco du 7 juillet 2006, les délits reprochés au prévenu ne se trouvaient plus prévus et réprimés par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal visés dans l'acte de poursuite mais par les articles 391-13 et 391-14 du même code ;

Par suite, en l'absence d'indication dans l'acte de poursuite des textes sur lesquels est fondée la poursuite, et ce en méconnaissance des dispositions des articles 369 et 399 du Code de procédure pénale, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation notifiée le 16 novembre 2006 à W. L. B.


Motifs🔗

La Cour d'appel correctionnelle,

Après avoir délibéré conformément à la loi ;

La cour statue sur l'appel interjeté le 22 novembre 2006 par le ministère public à l'encontre d'un jugement du tribunal correctionnel en date du 17 novembre 2006 qui a prononcé l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation notifié le 16 novembre 2006 à W. L. B. prévenu de conduite en état d'ivresse manifeste, refus de se soumettre aux épreuves déterminatives destinées à établir le taux d'alcoolémie, ainsi que des contraventions connexes de défaut de maîtrise et franchissement de ligne continue.

Considérant les faits suivants :

Le 16 novembre 2006 à 4 heures 30, un agent de police de Monaco constatait qu'un véhicule de marque Renault type Mégane qui circulait sur l'avenue des Spélugues passait d'une voie de circulation à l'autre en franchissant la ligne continue, avant de finir sa course sur le trottoir situé devant l'établissement de nuit « The Legend ».

L'agent de police qui procédait à son interpellation constatait que le conducteur, W. L. B. présentait tous les signes extérieurs de l'ivresse : yeux brillants, élocution pâteuse, explications incohérentes et haleine sentant fortement l'alcool.

W. L. B. était dès lors soumis au test de dépistage, par l'air expiré, de son imprégnation alcoolique à l'aide d'un alcootest, Dräger, lequel se révélait positif.

Cependant, W. L. B. conduit à la Direction de la Sûreté publique, refusait de se soumettre à l'épreuve déterminative du taux d'alcoolémie, par l'analyse de l'air expiré, à l'aide de l'éthylomètre Dräger.

Il était conduit, à sa demande, au Centre Hospitalier Princesse Grace, aux fins d'analyse de sang, mais, arrivé sur place, refusait la mise en œuvre de cette analyse de sang.

Lors de son audition par les fonctionnaires de police, W. L. B. indiquait avoir bu au cours de la soirée passée avec des amis, du vin et du champagne pendant le dîner, 3 cocktails à base de vodka dans l'établissement « Zebra », et un ou deux verres de cocktails au « Sass Café ».

Il avait décidé ensuite de rentrer chez lui à Nice, vers 4 heures 30, en « faisant attention » car il avait conscience d'avoir trop bu.

Il affirmait ne pas se souvenir d'avoir conduit son véhicule en zigzaguant.

Les casiers judiciaires monégasque et français de W. L. B. ne portent mention d'aucune condamnation.

l'audience du tribunal correctionnel, le conseil du prévenu a soulevé, avant toute défense au fond, une exception de nullité de l'acte de poursuite, en faisant valoir que si selon l'article 369 du Code de procédure pénale, l'exploit de citation doit notamment contenir l'indication précise des textes sur lesquels la poursuite est fondée, en l'espèce, le procès-verbal d'interrogatoire sur flagrant délit vise des délits de conduite en état d'ivresse et de refus de se soumettre à des opérations de dépistage qui seraient réprimés par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal, alors que ces textes définissent et répriment désormais les infractions des actes de terrorisme et non les délits reprochés au prévenu.

Pour prononcer l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation, notifié le 16 novembre 2006 à W. L. B., le tribunal correctionnel a retenu que depuis l'intervention de la loi n° 1318 du 29 juin 2006 sur le terrorisme, publiée au Journal de Monaco le 7 juillet 2006, les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal sont désormais respectivement numérotés 391-13 et 391-14 en sorte qu'à la date de la poursuite les délits reprochés au prévenu se trouvent réprimés non par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal visés dans l'acte de poursuite, mais par les articles 391-13 et 391-14 du même code.

Le tribunal correctionnel en a conclu que l'acte de poursuite n'indiquant pas les textes sur lesquels se fonde la poursuite, il devait dès lors être déclaré nul.

l'audience de la cour, le conseil de W. L. B. a sollicité avant toute défense au fond l'examen de l'appel du ministère public à l'encontre de la décision des premiers juges qui ont prononcé l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation, notifié le 16 novembre 2006 à W. L. B.

La cour, après en avoir délibéré, a décidé de joindre l'incident au fond.

Le prévenu a reconnu avoir consommé des boissons alcoolisées dans la soirée, en compagnie d'amis, et que dès lors il n'aurait pas dû conduire son véhicule.

Il a déclaré regretter son comportement à l'égard des policiers ainsi que son refus de se soumettre à l'examen sanguin destiné à établir son taux d'alcoolémie.

Le ministère public a requis l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation, notifié le 16 novembre 2006 à W. L. B. et la condamnation du prévenu à une peine d'emprisonnement de 8 à 10 jours et des peines d'amendes pour les contraventions connexes, en faisant essentiellement valoir que les formalités de citation prévues par l'article 369 du Code de procédure pénale ne s'appliquaient pas en l'espèce dès lors que les dispositions de l'article 399 du même code, relatives à la procédure spéciale en cas de flagrant délit ne prévoyaient aucune formalité pour la citation.

W. L. B. a fait plaider la nullité de la citation qui indique des textes erronés servant de fondement à la poursuite.

Il a fait valoir à cet égard que le ministère public était tenu de lui faire connaître les faits reprochés ainsi que les textes sur lesquels la poursuite est fondée, conformément aux dispositions de l'article 369 du Code de procédure pénale.

Il a demandé à la cour, à titre principal, de s'abstenir de statuer sur le fond, en l'absence d'acte de procédure régulier permettant de saisir la juridiction de jugement, et à titre subsidiaire, une peine d'emprisonnement avec sursis ou le bénéfice de l'exécution fractionnée.

Sur quoi,

Considérant qu'aux termes de l'article 399 du Code de procédure pénale : « Toute personne arrêtée en état de délit flagrant est conduite immédiatement et au plus tard dans les vingt-quatre heures devant le procureur général qui l'interroge et, s'il y a lieu, la traduit devant le tribunal correctionnel soit sur le champ, soit à l'une des prochaines audiences, sans, néanmoins, pouvoir dépasser le délai de trois jours francs ; le tribunal est, au besoin, spécialement convoqué.

Le procureur général peut décerner un mandat d'arrêt contre le prévenu ainsi renvoyé. La citation et la notification du mandat d'arrêt décerné ont lieu verbalement, sans aucune formalité... » :

Que l'article 369 du même code dispose que :

L'exploit de citation doit contenir, à peine de nullité : ... 6° L'énoncé des faits reprochés au prévenu, et l'indication précise des textes sur lesquels la poursuite est fondée ;...

Néanmoins les nullités de l'exploit sont couvertes si elles ne sont pas proposées avant toute défense au fond « ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles 369 et 399 du Code de procédure pénale que le prévenu qui doit être mis en mesure de préparer ses moyens de défense doit être informé tant des faits servant de base à la prévention que des textes sur lesquels la poursuite est fondée ;

Que l'absence d'exigence de toute formalité de la citation qui a lieu verbalement dans le cadre de la procédure spéciale de délit flagrant ne dispense pas le ministère public d'informer le prévenu des faits reprochés et des textes servant de fondement à la poursuite ;

Considérant qu'en l'espèce, l'interrogatoire de flagrant délit daté du 16 novembre 2006, à la suite duquel le procureur général a informé le prévenu qu'il comparaîtra, selon la procédure de flagrant délit, à l'audience du tribunal correctionnel du vendredi 17 novembre 2006 à 10 heures 30 mentionne que W. L. B. est prévenu :

D'avoir à Monaco, le 16 novembre 2006, conduit un véhicule de marque Renault, modèle Mégane immatriculé [numéro], alors qu'il se trouvait en état d'ivresse manifeste,

Délit prévu et réprimé par l'article 391-1-1° du Code pénal,

Dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, refusé de se soumettre à des vérifications médicales, chimiques et biologiques destinées à établir la preuve de l'état alcoolique, dans l'air expiré ou dans le sang,

Délit prévu et réprimé par les articles 391-2 et 391-1 du Code pénal. »

Considérant cependant, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si le ministère public a entendu saisir la juridiction de jugement des infractions de conduite sous l'empire en état d'ivresse manifeste et de non respect de l'injonction de se soumettre à une épreuve déterminative du taux d'alcool par l'analyse de sang ou à une épreuve de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré, infractions initialement prévues et réprimées par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal, à la date de la poursuite, et depuis l'intervention de la loi n° 1318 du 29 juin 2006 sur le terrorisme, publiée au Journal de Monaco du 7 juillet 2006, les délits reprochés au prévenu ne se trouvaient plus prévus et réprimés par les articles 391-1 et 391-2 du Code pénal visés dans l'acte de poursuite mais par les articles 391-13 et 391-14 du même code ;

Considérant que, par suite, en l'absence d'indication dans l'acte de poursuite des textes sur lesquels est fondée la poursuite et ce en méconnaissance des dispositions des articles 369 et 399 du Code de procédure pénale, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'annulation du procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit valant citation notifiée le 16 novembre 2006 à W. L. B. ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, STATUANT CONTRADICTOIREMENT EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE,

Reçoit l'appel du ministère public,

Confirme le jugement du tribunal correctionnel du 17 novembre 2006,

Laisse les frais à la charge du trésor.

Composition🔗

M. Adam, v-prés. ; Mme Dollman. subs. proc. gén. ; Me Marquet, av. stag.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal Correctionnel du 17 novembre 2006.

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2007, n° 9, p. 220 et 221.

  • Consulter le PDF