Cour d'appel, 9 janvier 2007, M. épx I. c/ M., SC R.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Société civile

Dissolution judiciaire : société à terme article 1709 du Code civil - Justes motifs : virements de fonds opérés par un associé au mépris de l'affectio societatis

Résumé🔗

Selon acte notarié établi le 17 février 1961 intitulé « statuts e la société civile dite “Immobilière R.” R. P. épouse M. et sa fille J. M. ont constitué une société civile particulière ayant pour objet l'acquisition par voie d'apport d'achat, la construction, la prise à bail avec ou sans promesse de vente la location, l'administration et l'exploitation de tous immeubles, bâtis ou non bâtis. Éventuellement est exceptionnellement l'aliénation de ceux de ces immeubles devenus inutiles à la société au moyen de vente, échange, ou apport en société. L'achat de tous titres et valeurs, le placement, avec ou sans garantie hypothécaire. Et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société » ;

Selon les statuts de cette société civile, la durée de celle-ci a été fixée à cinquante ans, son siège social situé au 13, boulevard de Suisse à Monaco et son capital social divisé entre R. M. à raison de 260 parts et J. M. à raison de 130 parts ;

Enfin aux termes de l'article 7 desdits statuts : « il sera fait chaque année au trente et un décembre un inventaire des biens et valeurs de la société ; cet inventaire sera dressé par les soins des coassociées... Les bénéfices disponibles après l'extinction des dettes et charges de la société seront partagés entre les co-associées au prorata de leurs apports. Les pertes, s'il en existe, seront supportées par eux dans les mêmes proportions » ;

Il est par ailleurs établi par le courrier du 2 octobre 2003 du Directeur de l'Expansion Economique de la Principauté que C. M. a été nommée en qualité de cogérante de la société R. par acte en dates des 4 et 9 juillet 1969 reçus par Maître L. Constant Crovetto, alors Notaire à Monaco, contenant cession de parts et modification des statuts ;

Il est constant que J. M. et C. M. sont désormais associées à part égales dans cette société à terme, laquelle est propriétaire d'un appartement et d'une chambre de bonne situés dans l'immeuble dénommé P. R., à Monaco selon actes notariés de vente des 17 février 1961 et 20 septembre 1966 et d'un appartement situé dans l'immeuble L. V., à Monaco, selon actes notariés de vente des 27 septembre et 10 octobre 1961 ;

J. M. a sollicité la dissolution judiciaire de cette société en se fondant sur les dispositions de l'article 1709 du Code civil, sa qualité de cogérante et de coassociée lui donnant qualité et intérêt à agir et rendant dès lors recevable sa demande ainsi que l'ont constaté les premiers juges ;

Aux termes de l'article 1709 du Code civil : « la dissolution des sociétés à terme ne peut être demandée par l'un des associés avant le terme convenu, qu'autant qu'il y a de justes motifs, comme lorsqu'un autre associé manque à ses engagements, ou qu'une infirmité habituelle le rend inhabile aux affaires de la société, ou autre cas semblables, dont la légitimité ou la gravité sont laissés à l'arbitrage des juges » ;

Il en résulte qu'il n'appartient pas à la juridiction saisie de vérifier, avant de prononcer la dissolution de la société, si l'attitude de l'un des associés a eu pour conséquence la paralysie de la société, dès lors que cette condition n'est pas énoncée par les dispositions sus-rappelées de l'article 1709 du Code civil, en sorte que C. M. ne peut s'opposer à la dissolution sollicitée par sa sœur J. M. au motif que celle-ci n'aurait jamais fait état d'une quelconque paralysie de la société R. et en tout état de cause n'aurait pas établi cette paralysie ;

À l'appui de sa demande de dissolution judiciaire J. M. a invoqué, d'une part, un virement opéré à son insu le 20 juillet 2000 par sa sœur C. M., de l'intégralité du portefeuille titres détenu par la société civile R. auprès de la Banque BNP Paribas, vers un compte bancaire appartenant à celle-ci, d'autre part un prélèvement par C. M. d'une somme totale de 119 662,96 euros entre le 2 juillet et le 15 avril 2003, ladite somme provenant des loyers des deux appartements donnés en location, et enfin, la méconnaissance par C. M. des dispositions statuaires de l'article 7, sus-rappelés, prévoyant un inventaire annuel et le partage des bénéfices par parts égales ;

J. M. a ainsi versé aux débats, d'une part, un courrier adressé le 20 juillet 2000 par C. I. à la banque Paribas Banque Privée Monaco agence de Monte-Carlo, la priant « de virer la totalité des valeurs, liquidités en vos livres (moins 30 000 francs qui devront rester en place) sur un sous-compte attaché au compte n° 260511T de D. B. » et, d'autre part un relevé bancaire établi le 15 juin 2001 par la Banque BNP Paribas dont il ressort que le titulaire du compte courant n° 260511T n'est autre que C.M. ;

C. M. n'a pas contesté ce virement mais a indiqué à cet égard dans ses écritures judiciaires en cause d'appel que c'était à tort que les premiers juges avaient estimé que ce simple transfert constituait un grief suffisant pour caractériser un désaccord grave entre les associés et alors même qu'ils n'avaient relevé aucune paralysie de la société ;

C. M. n'a ni justifié l'intérêt économique de la société civile de procéder à ce virement ni avoir obtenu l'autorisation de J. M. pour effectuer ce virement ;

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu comme juste motif de la dissolution de la société R., le virement opéré dans les circonstances sus-rappelées par C. M., ledit transfert de fonds établissant une disparition de l'affectio societatis et caractérisant un désaccord entre les parties suffisamment grave pour qu'il soit mis un terme à la société, sans qu'il ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués par J. M. ;

C'est également à bon droit que les premiers juges ont confié à un mandataire de justice, la liquidation de cette société, avec la mission précisée au dispositif du jugement entrepris, l'article 10 des statuts relatifs à la liquidation pars les associés n'étant pas applicable en l'espèce, eu égard à la dissolution judiciaire ;

S'agissant du prélèvement de la somme de 450 000 francs effectué par J. M. sur le compte de la SCI R. le 15 juin 1998, et donc C. M. lui fait grief, démontrant ainsi également la mésentente entre associées, le jugement entrepris doit aussi être confirmé en ce que les premiers juges ont dit qu'il appartiendra au liquidateur de tenir compte de ce prélèvement lors de l'évaluation de l'actif et du passif social et la détermination des droits de chacun des associés.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé le 5 janvier 2006 par C. M. et la société civile R. à l'encontre du jugement susvisé au Tribunal de première instance du 20 octobre 2005.

Considérant les faits suivants :

Par exploit en date du 8 juillet 2003, J. M., agissant en son nom propre et ès qualités de cogérante de la société civile R., a fait assigner C. M. épouse I. et la société civile R. devant le Tribunal de première instance afin que celui-ci prononce la dissolution judiciaire de la société civile R. aux torts et griefs exclusifs de C. M. et désigne, d'une part, un liquidateur avec mission notamment de procéder aux opérations de partage par parts égales entre les deux associées, de réaliser l'actif et acquitter le passif, et d'autre part un notaire pour ce qui concerne les immeubles appartenant à la société.

Elle a demandé en outre au Tribunal de fixer à 760 000 euros la mise à prix de l'appartement avec chambre de bonne sis au 3e étage de l'immeuble dénommé « P. R. », à Monaco, et à 260 000 euros la mise à prix de l'appartement sis dans l'immeuble « L. V. », à Monaco, et de condamner C. M. à lui payer la somme à imputer sur sa part de 59 831,48 euros avec les intérêts de droit à compter de l'assignation.

l'appui de ses demandes, J. M. a indiqué que la société civile R., propriétaire des deux appartements précités acquis tous deux en 1961, compte depuis le 3 mai 1978 deux associées par parts égales, elle-même et sa sœur, laquelle a fait virer le 20 juillet 2000 sans avoir obtenu son accord, l'intégralité du portefeuille titres d'une valeur de 323 619 euros, détenus par la société civile R. auprès de l'établissement bancaire BNP Paribas à Monaco, sur un autre compte non ouvert au nom de la société, et a prélevé à son profit du 2 juillet 2000 au 15 avril 2003 un montant total de 119 662,96 euros provenant des loyers des deux appartements donnés en location, méconnaissant les dispositions statutaires de l'article 7 qui prévoient l'établissement d'un inventaire chaque année et le partage des bénéfices par parts égales.

C. M. et la SCI R. ont conclu à l'irrecevabilité de l'action pour défaut d'intérêt à agir à leur encontre, ainsi qu'au rejet des demandes de J. M., celle-ci ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter la dissolution de la société civile R. ainsi que sa liquidation judiciaire, auxquelles elles sont formellement opposées.

C. M. a demandé en outre de lui donner acte de ce qu'elle mettait à disposition de son associée les relevés bancaires concernant le sous-compte ouvert auprès de la BNP Paribas et relatifs à la société civile R., de condamner J. M. à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et de dire et juger que J. M. devra restituer la somme de 450 000 francs au compte de la société civile R. avec les intérêts de droit au taux légal.

Elles ont essentiellement fait valoir que seule la société civile R. pouvait introduire une telle demande, que c'était en accord avec J. M. que le portefeuille de titres avait été placés dans un sous-compte auprès de l'établissement BNP Paribas, que l'appartement de l'immeuble « L. P. R. » avait été donné en location, qu'aucune opération n'avait été réalisée dans l'intérêt exclusif de C. M. laquelle n'a jamais donné son accord sur le prélèvement de la somme de 450 000 francs, et que la liquidation devait être faite par les associés conjointement.

Enfin, J. M. a conclu au rejet de la demande reconventionnelle en soutenant que C.M. n'a jamais rendu compte de sa gestion ni établi d'inventaire depuis 1998, que la société civile R. n'a qu'un seul compte à la BNP Paribas et qu'elle a averti C. M. du prélèvement de la somme de 450 000 francs.

Par le jugement entrepris du 20 octobre 2005, le Tribunal de première instance a :

déclaré recevable la demande de J. R.

prononcé la dissolution de la société civile dénommée Immobilière R. et désigné en qualité de liquidateur, François Brych, expert-comptable, avec mission de :

répartir ou au besoin réaliser l'actif mobilier et immobilier et régler le passif,

clôturer les opérations en cours,

faire les comptes entre les parties, conformément à l'article 7 des statuts, en tenant compte des prélèvements effectués par J. M. de 450 000 francs le 15 juin 1998 et de ceux opérés par C. M. pour une somme totale de 119 662,96 euros,

concilier les parties,

dit qu'en cas de nécessité, le liquidateur pourra faire procéder à la vente des immeubles à l'amiable ou aux enchères publiques,

condamne C. M. aux dépens.

C. M. et la société civile R. concluent à la recevabilité de leur appel et à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de l'ensemble des demandes de J. M., à la condamnation de celle-ci à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appelantes demandent à la Cour de dire et juger que J. M. ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter en justice la dissolution et la liquidation judiciaire de la société civile R., auxquels C. M. s'oppose formellement, qu'il n'y a pas lieu à dissolution judiciaire, faute pour J. M. de rapporter la preuve de l'existence de justes motifs au sens de l'article 1709 du Code civil, et que J. M. devra restituer la somme de 450 000 francs soit 68 602 euros avec les intérêts de droit au taux légal à compter du 12 novembre 2003.

Elles font essentiellement valoir que l'appréciation par le Tribunal du juste motif permettant de faire droit à la demande de dissolution de la société est erronée car le désaccord ne porte nullement atteinte à l'exercice et à la poursuite de l'activité de la société R., les premiers juges n'ayant pas expliqué en quoi le désaccord avait entraîné la paralysie de la société ;

Que J. M. n'a jamais fait état d'une quelconque paralysie de la société, ayant par ailleurs sollicité le paiement des loyers pour la période du 1er octobre 1998 au 31 mars 2003 pour son appartement dont la gestion a été confiée à la société R. ;

Que J. M. n'a jamais contesté la location des biens immobiliers par la société R. mais s'est bornée à présenter une demande de renseignements ;

Que la perception de revenus locatifs démontre que la société répond à l'essentiel de son objet social ;

Qu'il ne résulte pas des statuts de la société R. qu'il lui incombait à elle seule d'assurer la gestion de la société ou de rendre des comptes, l'article 7 des statuts prévoyant expressément que l'inventaire sera dressé par les soins des coassociés, et elle-même n'ayant jamais perçu la moindre rémunération ;

Que les seuls actes de gestion de J. M. ont consisté en un prélèvement, sans son consentement, au détriment de la société R. d'une somme de 450 000 francs le 15 juin 1998 et dès lors bien avant le transfert de fonds qui lui est reproché à elle, ledit prélèvement constituant une faute de J. M., révélant sa propre turpitude, ne l'autorisant pas à présenter une demande de dissolution en justice ;

Que s'agissant du fonctionnement du compte bancaire de la société R., les relevés de ce compte ont été communiqués et font ressortir une transparence dans les opérations ainsi qu'une augmentation du portefeuille d'un montant de 54 425,26 euros, cette communication révélant dès lors sa bonne foi ;

Qu'elle ne gère pas le compte de la société R. comme un compte personnel, tous les mouvements opérés étant justifiés ;

Qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ce simple transfert constituait un grief suffisant pour caractériser un désaccord grave entre les associés, alors qu'en outre J. M. n'effectue aucune gestion ou administration de la société R. ;

Que l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive est justifiée, eu égard à l'absence d'un quelconque grief, et au préjudice qui leur a été causé en les contraignant à exposer des frais de justice.

Par conclusions déposées le 7 mars 2006 J. M. conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de C. M. et de la société R. aux entiers dépens de première instance et d'appel :

Elle fait essentiellement valoir que c'est à bon droit que le Tribunal a constaté que dans une lettre du 20 juillet 2000 C. M. avait donné l'ordre à la banque Paribas de virer les valeurs et liquidités du compte de la société R. à un compte personnel, C. M. n'ayant par ailleurs jamais donné l'ordre à la banque de recréditer des montants litigieux le compte de la société R. ;

Que cette lettre du 20 juillet 2000 ainsi que l'attitude de C. M. dans la présente instance démontrent le bien-fondé de la décision des premiers juges ;

Qu'habitant à l'étranger, elle avait fait confiance à sa sœur, C. M. qui assumait seule depuis 1998 la gestion de la société R., en sorte que, n'ayant reçu aucune somme de la société depuis 1998, elle avait sollicité des renseignements et l'avait mise en demeure le 14 août 2003 de lui faire tenir l'inventaire, conformément à l'article 7 des statuts de la société R., en vertu duquel les bénéfices disponibles après inventaire au 31 décembre de chaque année seraient partagés entre les associés ;

Qu'elle avait ainsi appris par les relevés bancaires, que sa sœur avait prélevé sur les loyers entre 2000 et 2003 un montant de 119 662,96 euros alors qu'elle-même n'avait retiré la somme de 450 000 francs lors d'un voyage en France qu'en raison des signes inquiétants sur la solvabilité de la banque qui était alors teneur du compte ;

Qu'elle avait demandé que ce retrait figure dans les opérations d'inventaire de la société R. ;

Qu'elle et sa sœur étaient également en litige pour d'importantes sommes consacrées à l'entretien d'un studio dont elle est propriétaire et dont les loyers étaient perçus par la société R. ;

Qu'ainsi l'ensemble du comportement de C. M. établit la mésentente entre les associées et la paralysie de fait de la société R. résultant notamment de l'absence d'inventaire annuel depuis 1998.

Par conclusions déposées le 9 mai 2006, C. M. et la société civile R. font encore valoir que la mésentente entre associées n'est une cause de dissolution anticipée que dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ;

Que j. M. qui reconnaît avoir prélevé une somme de 450 000 francs sur le compte de la société R., qu'elle n'a jamais restituée, ne l'a jamais informée de ce prélèvement, bien antérieur au grief dont elle se prévaut à son encontre pour solliciter en justice la dissolution de la société ;

Que la perception de revenus locatifs et les sommes consacrées à l'entretien ou l'aménagement des biens immobiliers démontrent que la société répond à son objet social ;

Que l'article 7 des statuts de la société R. prévoyant expressément que l'inventaire sera dressé par les soins des associées, il appartient à J. M. d'indiquer les motifs pour lesquels elle n'a pas procédé à cet inventaire ni assumé la gestion de la société R. ;

Qu'elles ont communiqué les relevés des comptes bancaires qui font ressortir une transparence dans les opérations ;

Que J. M. a donné une interprétation erronée sur les prélèvements d'un montant total de 119 662,96 euros en laissant sous entendre qu'ils relevaient de détournements, alors qu'elle aurait pu solliciter des explications sur ces mouvements.

Sur ce,

Considérant que selon acte notarié établi le 17 février 1961 intitulé « statuts de la société civile dite »Immobilière R.« R. P. épouse M. et sa fille J. M. ont constitué une société civile particulière ayant pour objet l'acquisition par voie d'apport ou d'achat, la construction, la prise à bail avec ou sans promesse de vente, la location, l'administration et l'exploitation de tous immeubles, bâtis ou non bâtis. Éventuellement est exceptionnellement l'aliénation de ceux de ces immeubles devenus inutiles à la société au moyen de vente, échange, ou apport en société. L'achat de tous titres et valeurs, le placement avec ou sans garantie hypothécaire. Et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet ci-dessus, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société » ;

Que selon les statuts de cette société civile, la durée de celle-ci a fixée à cinquante ans, son siège social situé à Monaco et son capital social divisé entre R. M. à raison de 260 parts et J. M. à raison de 130 parts ;

Qu'enfin aux termes de l'article 7 desdits statuts : « il sera fait chaque année au trente et un décembre un inventaire des biens et valeurs de la société ; cet inventaire sera dressé par les soins des coassociées... Les bénéfices disponibles après l'extinction des dettes et charges de la société seront partagés entre les coassociés au prorata de leurs apports. Les pertes, s'il en existe, seront supportées par eux dans les mêmes proportions. » ;

Qu'il est par ailleurs établi par le courrier du 2 octobre 2003 du directeur de l'expansion économique de la Principauté de C. M. a été nommée en qualité de cogérante de la société R. par actes en dates des 4 et 9 juillet 1969 reçus par Maître L. Constant Crovetto, alors notaire à Monaco, contenant cession de parts et modification des statuts ;

Qu'il est constant que J. M. et C. M. sont désormais associées à part égales dans cette société à terme, laquelle est propriétaire d'un appartement et d'une chambre de bonne situés dans l'immeuble dénommé P. R., à Monaco selon acte notariés de vente des 17 février 1961 et 20 septembre 1966 et d'un appartement situé dans l'immeuble L. V., sis à Monaco, selon actes notariés de vente des 27 septembre et 10 octobre 1961 ;

Considérant que J. M. a sollicité la dissolution judiciaire de cette société en se fondant sur les dispositions de l'article 1709 du Code civil, sa qualité de cogérante et de coassociée lui donnant qualité et intérêt à agir et rendant dès lors recevable sa demande ainsi que l'ont constaté les premiers juges ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1709 du Code civil : « la dissolution des sociétés à terme ne peut être demandée par l'un des associés avant le terme convenu, qu'autant qu'il y a de justes motifs, comme lorsqu'un autre associé manque à ses engagements, ou qu'une infirmité habituelle le rend inhabile aux affaires de la société, ou autres cas semblables, dont la légitimité ou la gravité sont laissés à l'arbitrage des juges » ;

Qu'il en résulte qu'il n'appartient pas à la juridiction saisie de vérifier, avant de prononcer la dissolution de la société, si l'attitude de l'un des associés a eu pour conséquence la paralysie de la société, dès lors que cette condition n'est pas énoncée par les dispositions sus-rappelées de l'article 1709 du Code civil, en sorte que C. M. ne peut s'opposer à la dissolution sollicitée par sa sœur J. M. au motif que celle-ci n'aurait jamais fait état d'une quelconque paralysie de la société R. et en tout état de cause n'aurait pas établi cette paralysie ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande de dissolution judiciaire J. M. a invoqué, d'une part, un virement opéré à son insu le 20 juillet 2000 par sa sœur C. M., de l'intégralité du portefeuille titres détenu par la société civile R. auprès de la Banque BNP Paribas, vers un compte bancaire appartenant à celle-ci, d'autre part un prélèvement par C. M. d'une somme totale de 119 662,96 euros entre le 2 juillet et le 15 avril 2003, ladite somme provenant des loyers des deux appartements donnés en location, et enfin, la méconnaissance par C. M. des dispositions statutaires de l'article 7, sus-rappelés, prévoyant un inventaire annuel et le partage des bénéfices par parts égales ;

Que J. M. a ainsi versé aux débats, d'une part, un courrier adressé le 20 juillet 2000 par C. I. à la banque Paribas Banque Privée Monaco agence de Monte Carlo, la priant « de virer la totalité des valeurs, liquidités en vos livres (moins 60 000 francs qui devront rester en place) sur un sous-compte attaché au compte n° 26051 1T de D. B. » et, d'autre part, un relevé bancaire établi le 15 juin 2001 par la banque BNP Paribas dont il ressort que le titulaire du compte courant n° 26051 1T n'est autre que C. M. ;

Que C. M. n'a pas contesté ce virement mais a indiqué à cet égard dans ses écritures judiciaires en cause d'appel que c'était à tort que les premiers juges avaient estimé que ce simple transfert constituait un grief suffisant pour caractériser un désaccord grave entre les associées et alors même qu'ils n'avaient relevé aucune paralysie de la société ;

Considérant que C. M. n'a ni justifié l'intérêt économique de la société civile de procéder à ce virement ni avoir obtenu l'autorisation de J. M. pour effectuer ce virement ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu comme juste motif de la dissolution de la société R., le virement opéré dans les circonstances sus-rappelées par C. M., ledit transfert de fonds établissant une disparition de l'affectio societatis et caractérisant un désaccord entre les parties suffisamment grave pour qu'il soit mis un terme à la société, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués par J. M. ;

Que c'est également à bon droit que les premiers juges ont confié à un mandataire de justice, la liquidation de cette société, avec la mission précisée au dispositif du jugement entrepris, l'article 10 des statuts relatifs à la liquidation par les associés n'étant pas applicable en l'espèce, eu égard à la dissolution judiciaire ;

Que s'agissant du prélèvement de la somme de 450 000 francs effectué par J. M. sur le compte de la SCI R. le 15 juin 1998, et dont C. M. lui fait grief, démontrant ainsi également la mésentente entre associées, le jugement entrepris doit aussi être confirmé en ce que les premiers juges ont dit qu'il appartiendra au liquidateur de tenir compte de ce prélèvement lors de l'évaluation de l'actif et du passif social et la détermination des droits de chacun des associés ;

Considérant qu'eu égard à l'issue du litige, d'une part, les demandes de C. M. et de la société R. tendant à la condamnation de J. M. à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive ne peuvent qu'être rejetées, et d'autre part, C. M. qui succombe supportera les dépens d'appel ;

Dispositif🔗

POUR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Déboute C. I. née M. et la société civile R. des fins de leur appel,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 20 octobre 2005,

Condamne C. I. née M. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Didier Escaut, avocat défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

M. Adam, v. prés. ; Mme Brunet-Fuster, proc. gén. ; Mes Blot et Escaut, av. déf. -

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement rendu le 20 octobre 2005.

  • Consulter le PDF