Cour d'appel, 12 décembre 2006, T. c/ SAM. P. B.

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Abstract🔗

Banques

Contrat de gestion de valeurs mobilières - Concernant des opérations traitées en France ou sur la place financière internationale - Règles obéissant aux dispositions de l'article 8-2 de la loi française du 28 mars 1985, modifiée, applicables en Principauté en vertu de l'article 4 de la convention franco-monégasque du 14 avril 1945 et l'échange de lettres du 27 novembre 1987 - - Manquements de la banque non établis relativement aux stipulations contractuelles et à ses obligations d'information et de moyens

Résumé🔗

Pour contester l'acquisition, pour son compte, par la M. P. B. de 277 505 actions de la société F. T. N. spa pour le prix de 1 400 lires l'action, A. T. soutient que la banque a méconnu les stipulations du contrat de gestion de portefeuille qu'ils ont conclu le 15 juillet 1991 et en vertu desquelles il avait expressément interdit, d'une part, l'acquisition de valeurs mobilières sur le marché italien et, d'autre part, l'achat d'actions de gré à gré, lesdites actions ayant été acquises, auprès d'un client de la compagnie Monégasque de Banque ;

Il résulte des pièces du dossier que le 5 juillet 1991 A. T. a conclu une convention d'ouverture d'un compte à pseudonyme « Celeste » n° 8087016001 auprès de la M. P. B. à Monaco, stipulant notamment que le courrier relatif aux opérations devait être conservé au guichet pendant dix-huit mois et non expédié à l'adresse du titulaire du compte ;

À la même date du 5 juillet 1991 A. T. a conclu avec la M. P. B., agence de Monaco, un contrat de gestion de valeurs immobilières dont l'article 3 stipule que « La banque prendra toutes les décisions relatives aux opérations qu'implique une telle gestion. Elle effectuera notamment tous placements de disponibilités, tous achats et ventes de valeurs mobilières au porteur ou nominatives, cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique. Les opérations de bourse seront traitées en France ou sur place financière internationale, soit par règlement immédiat, soit par règlement mensuel... La banque procédera à toutes souscriptions d'obligations ou d'actions, à la négociation de tous droits de souscription ou d'attribution ainsi qu'à tous échanges ou conversions d'obligations échangeables ou convertibles. Toute autre opération, notamment de retrait ou de virement de titres et de fonds ou métaux précieux sera subordonnée à un ordre exprès et préalable de sa part. » ;

Il résulte desdites stipulations qu'A. T. a autorisé à la M. P. B. à acquérir et gérer pour son compte des valeurs mobilières au porteur ou nominatives cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique, par des opérations traitées en France ou sur place financière internationale ;

Si ces stipulations faisant notamment référence à la place financière internationale, ni aucune autre stipulation du contrat de gestion, n'interdisait à la banque d'acquérir pour le compte de son client des actions cotées sur le marché boursier italien ;

A. T. n'a par ailleurs produit aucune pièce faisant état d'une telle interdiction ;

De même, les actions litigieuses, cotées et ayant fait l'objet d'une émission publique, et ayant fait l'objet d'un règlement mensuel, ont ainsi été achetées pour le compte d'A. T. dans les conditions autorisées par le contrat de gestion, lequel n'interdit pas expressément l'intervention d'un intermédiaire, personne physique ou banque, dans la réalisation de l'opération ;

Il ne peut être déduit des termes suivants dudit contrat :

« Les opérations de bourse seront traitées en France ou sur la place financière internationale » une interdiction d'acquisition des actions litigieuses dans les conditions dénoncées par l'appelant, le contrat de gestion n'imposant pas expressément et exclusivement l'acquisition d'actions directement à la bourse française ou à une quelconque autre bourse étrangère ;

Par suite, la M. P. B. n'a méconnu aucune obligation contractuelle dans le mode d'acquisition desdites actions ;

A. T. soutient ensuite que la M. P. B. a manqué à son devoir d'information auquel elle était tenue envers lui et lui fait grief de lui avoir dissimulé l'acquisition de ces actions, la date et le lieu d'acquisition puis l'évolution de leur valeur ;

Ainsi que l'a rappelé le Tribunal, en vertu des dispositions de l'article 8-2 de la loi française du 28 mars 1985, modifiée par la loi du 31 décembre 1987, applicables en Principauté en vertu de l'article 4 de la convention franco-monégasque du 14 avril 1945 et l'échange de lettres du 27 novembre 1987, un mandat de gestion de portefeuille, qui suppose l'absence d'instructions données au mandataire, doit être conforme au contrat-type approuvé par le conseil des marchés à terme et doit notamment permettre d'établir que le mandataire a mis le client en mesure de connaître les caractéristiques du service en définissant les objectifs du mandant et la mission du mandataire, qui a une obligation d'information envers le mandant ;

À cet égard il convient, en premier lieu, de constater qu'A. T. ne remet pas en cause les termes du contrat de gestion qu'il a confié à la M. P. B. et n'invoque aucun défaut d'information par sa banque quant à la nature et à l'étendue de la mission qu'il lui a donnée ;

S'agissant de l'information sur les opérations, il résulte de la convention d'ouverture de compte qu'A. T. a expressément demandé à la M. P. B. de conserver à ses guichets les extraits de compte, à établir mensuellement, pendant un délai maximum de 18 mois, lui interdisant de lui adresser son courrier à son domicile ;

Il appartenait dès lors à A. T. de se rendre lui-même en Principauté, au guichet de la banque, pour prendre connaissance des relevés de compte des opérations boursières réalisées pour son compte par la banque à laquelle il avait confié un mandat très général de gestion de valeurs mobilières ;

Il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la banque se serait abstenue de lui remettre les relevés de compte des opérations boursières lors de sa présentation au guichet ou ne lui aurait soumis que des relevés partiels ou erronés ;

Si A. T. fait état dans ses écritures judiciaires de ce qu'il n'a eu connaissance de l'acquisition des actions litigieuses qu'en mars 1992 il ne démontre pas qu'il aurait alors immédiatement contesté ladite acquisition, lui-même n'évoquant à cet égard qu'une demande de clôture de ses comptes en 1993 puis une lettre de contestation de cette acquisition, adressée à la banque le 4 juin 1994, versée aux débats, étant rappelé à cet égard que la première suspension de cotations des actions F. T. N. spa est datée du 24 mars 1993 et leur suspension définitive du 2 mars 1994 ;

Ainsi A. T. ne démontre pas de manquement de la banque à son obligation d'information quant aux opérations réalisées ;

A. T. soutient en outre qu'eu égard à l'importante perte de valeur des actions litigieuses, la banque a commis une faute dans la gestion de ses avoirs, et aurait même eu connaissance des difficultés financières de la société F. T. N. spa lors de l'acquisition des actions ;

L'article 2 du contrat de gestion de valeurs mobilières, conclu par les parties, stipule que : « La banque assurera la gestion... Elle ne pourra être rendue responsable de la diminution de la valeur des biens gérés ou des pertes éventuelles résultant des risques propres aux opérations boursières. En raison de la nature particulière du mandat qui lui est donné, la banque n'assume aucune responsabilité quant à l'exactitude, à l'opportunité ou à l'exécution complète des propositions, et mesures prises dans le cadre de l'exécution dudit mandat et elle ne sera en aucun cas responsable pour d'éventuelles pertes, moins values ou commissions, découlant de la gestion du portefeuille. Le présent mandat est, par ailleurs, en tant que de besoin, soumis aux clauses limitatives de responsabilité contenues dans les conditions générales de la Banque. » ;

Il résulte des termes du contrat de gestion qu'A. T. a confié un mandat très général à la M. P. B., en autorisant la banque à prendre toutes les décisions relatives aux opérations qu'implique une telle gestion, et notamment tous placements disponibilités, tous achats et ventes de valeurs mobilières au porteur ou nominatives, cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique ;

L'acquisition des actions litigieuses entrait dans le cadre d'opérations boursières qu'il avait ainsi expressément autorisées, et qui ont été réalisées dans les conditions énoncées audit contrat, la M. P. B. n'ayant pas outrepassé le mandat confié par son client ;

De telles opérations de bourse ont nécessairement un caractère hautement spéculatif permettant l'espérance de gains importants mais présentant, en contrepartie, des risques non négligeables de pertes qu'il appartient au spéculateur d'assumer ;

En l'espèce, A. T. qui a indiqué dans ses écritures d'appel qu'il a confié à la M. P. B. la somme de 3 496 674 euros « en lui laissant le soin d'investir son épargne au mieux de ses intérêts », ne démontre pas qu'il a demandé à la banque de gérer ses avoirs d'une manière non spéculative, ainsi qu'il le soutient ;

Il ne démontre pas davantage qu'il a immédiatement contesté auprès de la M. P. B. l'acquisition des titres litigieux dès qu'il en a eu connaissance, en mars 1992, selon ses indications, ayant ainsi à compter de cette date, et jusqu'à sa demande de clôture de ses comptes en 1993, nécessairement spéculé sur une hausse des titres F. T. N. spa ;

S'agissant du manquement par la banque à l'obligation de moyens qui résulterait, selon l'appelant, de la lettre du 8 avril 2002 adressée par la M. P. B. à un inspecteur de police, dans le cadre d'une information judiciaire, ce courrier qui se réfère à un rapport du directeur financier de la banque faisant état du caractère anachronique de la décision d'investissement et du manque de professionnalisme, après avoir constaté « qu'à ce jour » l'action avait baissée de 60 %, n'est pas suffisant à caractériser à lui seul une faute de la banque, dès lors que le manquement de la banque à l'égard de son client, doit s'apprécier, ainsi que l'a relevé à juste titre le Tribunal, au regard de la gestion globale du portefeuille et qu'en l'espèce, les montants litigieux concernent moins de 7 % du capital confié à la M. P. B. par A. T. qui ne conteste que cette opération et n'établit ni même n'allègue que les autres valeurs mobilières auraient été mal gérées par la banque ;

Enfin, A. T. invoque une faute de la banque qui lui aurait fait acquérir ces actions alors qu'elle aurait connu les difficultés financières de la société F. T. N. spa mais ne l'en aurait pas informé ;

Il indique à cet égard que la cotation de la société F. T. N. spa a été suspendue le 24 mars 1993 et définitivement interrompue le 2 mai 1994 ;

Cependant cette première suspension de cotation est postérieure de près de 20 mois à l'acquisition des titres litigieux ;

A. T. n'établit pas que la banque avait connaissance de difficultés financières de cette société à la date de l'acquisition des titres litigieux, et qu'elle aurait manqué à son obligation d'information à cet égard ;

Il résulte de tout ce qui précède qu'A. T. n'a pas démontré que la banque avait manqué à son obligation de moyens en sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejetés l'ensemble des demandes d'A. T. formulées à l'encontre de la M. P. B. et l'ont condamné à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la procédure abusive engagée devant le Tribunal, et eu égard aux éléments d'appréciation du préjudice dont ils disposaient.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Se fondant sur la violation des obligations résultant d'un contrat de gestion de valeurs mobilières conclu avec la M. P. B. auprès de laquelle il avait ouvert un compte le 5 juillet 1991, A. T. a, par exploit du 15 octobre 2001, fait assigner cette banque devant le Tribunal de première instance afin qu'elle soit condamnée à lui payer les sommes de 1 770 925,86 francs au titre du capital délibérément investi à perte et des frais relatifs à l'opération, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 1991, date du règlement de l'investissement frauduleux, et de 300 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Au soutien de ses prétentions, le demandeur a essentiellement fait grief à la banque d'avoir acquis les actions litigieuses de la société F. T. N. spa en dehors d'une place boursière, à un cours supérieur au cours officiel, sans lui adresser un avis d'opéré à la suite de leur acquisition, et sans l'informer sur l'opération effectuée, et les risques encourus puisque la société a été mise en liquidation en 1994, et alors même qu'il avait exclu l'achat de titres sur le marché italien.

La M. P. B. s'est opposée à l'ensemble des demandes d'A. T. et a sollicité la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 30 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en faisant essentiellement valoir qu'elle n'avait pas méconnu les stipulations du contrat ni les règles déontologiques et n'avait pas manqué à son obligation de loyauté alors qu'en outre il n'était pas établi qu'elle aurait acquis les titres litigieux en dehors d'une place boursière, à un cours supérieur à celui du marché et qu'A. T. était destinataire de relevés précis et était informé de l'acquisition et de l'évolution des titres F. T. N. spa.

Elle a soutenu en outre qu'elle n'avait pas outrepassé les termes du mandat, que le contrat de gestion n'avait pas exclu l'achat de titres sur le marché italien et qu'A. T. n'avait émis aucune réserve, ni contestation à la réception des avis d'opéré.

Par le jugement entrepris du 18 mars 2004, le Tribunal de première instance a constaté que la demande de sursis à statuer était devenue sans objet, a débouté A. T. de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer à la M. P. B. la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'aux dépens.

A. T. conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la M. P. B. au paiement de la somme de 269 975,91 euros au titre du capital investi à perte et des frais relatifs à l'opération, avec les intérêts au taux légal à compter de la date du 30 décembre 1991, date du règlement du prix d'acquisition des actions de la F. T. N. spa, ainsi qu'au paiement de 45 734,71 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et aux entiers dépens.

Il fait valoir qu'au cours du mois de mars 1992, il avait été surpris de constater que la M. P. B. à laquelle il avait confié l'équivalent de 26 millions de francs, en lui laissant le soin d'investir son épargne au mieux de ses intérêts, avait investi son argent dans des actions correspondant à une catégorie qu'il avait expressément exclue dès lors qu'il lui avait interdit l'acquisition de valeurs mobilières sur le marché italien ;

Qu'alors que le mandat de gestion prévoyait expressément que les opérations de bourse seraient traitées en France ou sur une place financière internationale, la M. P. B. qui n'était pas autorisée à effectuer des achats de gré à gré, a excédé les pouvoirs qu'il lui a attribué en acquérant pour son compte les actions de la F. T. N. spa auprès d'un client de la Compagnie Monégasque de Banque ;

Que la M. P. B. a dissimulé la date et le lieu d'acquisition des actions litigieuses, et a manqué à son devoir d'information, car l'opération litigieuse qui avait été enregistrée au 7 janvier 1992 selon les relevés de compte établis à son intention avaient en réalité été réalisée le 10 décembre 1991 ;

Que si la M. P. B. a persisté à lui faire croire que les actions litigieuses avaient été acquises par l'intermédiaire de la Compagnie Monégasque de Banque dont le correspondant titres était la CI Bourse Milan, J.-M. P., fondé de pouvoir au sein de la Compagnie Monégasque de Banque et G. M., gestionnaire de son compte, ont indiqué au cours de l'instruction diligentée à la suite de sa plainte avec constitution de partie civile que l'acquisition de ces titres était intervenue en dehors de toute place boursière, auprès d'un client de la Compagnie Monégasque de Banque, Z. M. ;

Qu'ainsi, le détail communiqué le 27 juin 2001 fait état d'une acquisition sans intermédiaire sur le marché de Milan à la date du 10 décembre 1991 alors que celui communiqué le 7 août 2001 et daté du 16 septembre 1996 fait état d'une acquisition par l'intermédiaire de la Compagnie Monégasque de Banque ;

Que la M. P. B. lui a dissimulé le contexte de l'acquisition des titres litigieux, ainsi que la valeur des actions, après la demande de transfert des avoirs ;

Que malgré l'ordre qu'il a donné à la M. P. B. de transférer l'intégralité de ses avoirs auprès d'une banque luxembourgeoise, la M. P. B. a conservé les actions de la F. T. N. spa en sorte que cette inexécution de ses instructions est irrégulière, alors qu'en outre la banque a établi des relevés de portefeuille de titres leur attribuant d'importantes valeurs jusqu'au 31 décembre 1996, date à laquelle elle a reconnu pour la première fois l'absence de valeur, la cotation de la société F. T. N. spa ayant été régulièrement suspendue à partir du 24 mars 1993 pour être définitivement interrompue le 2 mai 1994 ;

Que la M. P. B. ne pouvait ignorer la situation financière de cette société s'agissant d'une société cotée en bourse et financée par sa maison mère ;

A. T. fait encore valoir que la clause limitative de responsabilité porte sur la valeur du portefeuille que le professionnel ne peut garantir, mais ne le dispense pas de mettre en œuvre tous les moyens pour assurer une gestion efficace des fonds en sa qualité de professionnel averti et avisé ;

Que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'il ne démontrait pas qu'à la date de l'opération, le gestionnaire de son compte connaissait les difficultés financières de la société, alors que les pièces qu'il a produites démontrent que la M. P. B. ne pouvait ignorer lors de l'acquisition des actions que celles-ci ne pourraient pas être revendues ;

Qu'enfin, selon les résultats de l'enquête de police elle-même, la décision d'investir sur les actions de cette société relève tant d'un anachronisme que d'un manque de professionnalisme de la banque qui a commis une faute d'imprudence et de négligence ;

Que la procédure qu'il a engagée contre sa banque ne peut être qualifiée d'abusive, eu égard à l'irrégularité de l'acquisition des actions litigieuses et à la dissimulation de cette irrégularité ;

Par conclusions déposées le 29 octobre 2004 la M. P. B. conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris, à la condamnation d'A. T. au paiement de la somme de 30 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en réparation de son préjudice moral et économique ainsi qu'au titre des frais engagés, et à sa condamnation aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu'elle a respecté les termes du mandat de gestion et n'a violé aucune règle déontologique ou contractuelle ;

Qu'A. T. n'a pas démontré que les informations qu'elle lui a transmises seraient fausses, notamment par un relevé des opérations boursières traitées sur le marché de Milan le 10 décembre 1991, lequel, en langue italienne, doit être dès lors écarté des débats ;

Qu'en tout état de cause, il ne s'agit pas d'un relevé des opérations boursières ayant été effectuées sur le marché de Milan le 10 décembre 1991, mais d'une correspondance émanant du service New Business de la bourse italienne, en date du 16 novembre 2001, adressée à son conseil et par laquelle il est attesté qu'à la date du 10 décembre 1991 le prix de la clôture était de 1 250 lires et que la quantité échangée était de 4 000 actions, les titres ayant pu être acquis au prix de 1 400 lires avant la clôture, en sorte qu'il apparaît fantaisiste de soutenir que les pièces du dossier démontreraient que la banque a acquis les titres litigieux en dehors d'une place boursière à un cours supérieur à celui du marché ;

Que s'agissant du grief relatif à la date d'enregistrement de l'opération, le 7 janvier 1992, soit 28 jours après l'opération, l'acquisition des titres litigieux était un achat à règlement mensuel autorisé par le contrat de gestion ;

Que sont particulièrement graves et injurieuses, les affirmations, non établies, d'A. T. selon lesquelles elle aurait été informée en sa qualité d'actionnaire, avait la fin de l'exercice 1991 des difficultés financières de la société F. T. N. spa et aurait dès lors décidé de vendre à certains clients lesdites actions en faisant rétroagir la vente à une date antérieure à la clôture de l'exercice ;

Qu'A. T. qui soutient n'avoir pas été destinataire des informations et relevés de compte courant et portefeuille titres, a ouvert le 7 juillet 1991 un compte courant anonyme intitulé « Celeste » et signé une convention en vertu de laquelle son courrier était conservé aux guichets de la banque et détruit après 18 mois en cas de non retrait ;

Qu'elle a respecté ses obligations quant à la périodicité mensuelle des relevés de compte et à l'établissement des avoirs relatifs aux opérations boursières et aux relevés de portefeuille titres en sorte que si A. T. n'a pas pris l'intégralité du courrier au guichet de la banque, il apparaît qu'il était effectivement informé de l'acquisition et des évolutions des actions litigieuses et a lui-même reconnu dans son acte introductif d'instance avoir courant mars 1992 constaté l'acquisition de 277 505 actions F. T. N. spa, A. T. étant un investisseur averti.

La M. P. B. soutient en outre, qu'elle n'a pas outrepassé les termes du mandat et qu'eu égard à l'article 3 du contrat de gestion de valeurs mobilières, les titres du marché italien n'ont pas été exclus dans ce contrat par A. T. qui ne l'a jamais informé de cette exclusion et n'a jamais démontré que les titres n'ont pas été acquis sur la place boursière ;

Qu'A. T. qui n'a jamais émis la moindre réserve ou contestation ne démontre pas l'absence d'information sur les risques encourus et n'a retiré ses fonds de son compte que le 5 octobre 1994, une gestion de portefeuille étant une opération aléatoire dont on ne peut garantir le résultat ;

Qu'A. T. qui souhaitait une gestion spéculative ne démontre pas qu'un professionnel normalement diligent n'aurait pas géré de façon identique le portefeuille qui lui a été confié ;

Qu'eu égard à la clause limitative de responsabilité figurant au contrat de gestion, aucune responsabilité ne peut être recherchée ;

Qu'il ne démontre pas davantage la réalité du préjudice qu'il invoque ;

Que l'action engagée est manifestement abusive ;

Par conclusions déposées le 13 avril 2005 A. T. qui demande à la cour de rejeter la demande de la banque d'écarter des débats la correspondance de la bourse italienne du 5 mars 2002, fait encore valoir que cette correspondance est accompagnée d'une traduction, et établit que les actions litigieuses n'ont pas été acquises sur une place boursière, le 10 décembre 1991, eu égard au nombre d'actions vendues à cette date ;

Que selon l'instruction pénale, elles ont été acquises auprès d'un client de la Compagnie Monégasque de Banque, Z. M., ladite acquisition étant ainsi particulièrement suspecte ;

Qu'eu égard au faible nombre d'actions vendues dans les jours précédant l'acquisition par la M. P. B., celle-ci ne pouvait ignorer ni qu'il ne serait jamais en mesure de revendre les 277 505 actions attribuées, ni la situation financière de la société financée par sa maison mère ;

Qu'en outre, la tardiveté de l'enregistrement de l'opération constitue incontestablement une irrégularité qui confirme la non conformité de l'acquisition ;

Que compte tenu de l'irrégularité du mode d'acquisition des actions, la banque ne peut utilement invoquer la clause limitative de responsabilité ;

Que la demande de la M. P. B. tendant à ce que sa gestion soit appréciée dans son ensemble est sans incidence sur son droit à réparation, alors qu'en outre, en raison de l'investissement irrégulier, il a subi une perte de 269 975,91 euros et que la gestion de ses avoirs n'a pas dégagé une plus value de ce montant ;

Par conclusions dites « récapitulatives » déposées le 5 juillet 2005 la M. P. B. a repris ses conclusions antérieures, en précisant que le relevé des opérations boursières traitées sur le marché de Milan le 10 décembre 1991 dont elle avait demandé le rejet a été finalement versé aux débats en langue française, et que l'acquisition des actions litigieuses a été réalisée sur le marché boursier par l'intermédiaire de la Compagnie Monégasque de Banque ;

Par conclusions déposées le 28 février 2006 A. T. soutient encore que le délai à l'issue duquel il s'est résolu à faire valoir ses droits en justice ne peut avoir aucun effet exonérateur de la responsabilité de la banque ;

Que la clause limitative de responsabilité ne peut dispenser le banquier de l'obligation de gérer avec discernement les fonds qui lui sont confiés, la banque ayant, en l'espèce, reconnu son manque de professionnalisme dans le cadre de l'instruction pénale ;

Que la rumeur d'offre publique d'achat invoquée par la M. P. B. a été inventée par elle pour justifier l'acquisition des 277 505 actions, un tel mécanisme boursier n'ayant été autorisé par la législation italienne qu'après les faits ;

Par d'ultimes conclusions en date du 2 mai 2006 la M. P. B. a conclu aux mêmes fins et par les mêmes moyens.

SUR CE,

Considérant que pour contester l'acquisition, pour son compte, par la M. P. B. de 277 505 actions de la société F. T. N. spa pour le prix de 1 400 lires l'action, A. T. soutient que la banque a méconnu les stipulations du contrat de gestion de portefeuille qu'ils ont conclu le 5 juillet 1991 et en vertu desquelles il avait expressément interdit, d'une part, l'acquisition de valeurs mobilières sur le marché italien et, d'autre part, l'achat d'actions de gré à gré, lesdites actions ayant été acquises, auprès d'un client de la Compagnie Monégasque de Banque ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le 5 juillet 1991 A. T. a conclu une convention d'ouverture d'un compte à pseudonyme « Celeste » n° 8087016001 auprès de la M. P. B. à Monaco, stipulant notamment que le courrier relatif aux opérations devait être conservé au guichet pendant dix huit mois et non expédié à l'adresse du titulaire du compte ;

Considérant qu'à la même date du 5 juillet 1991 A. T. a conclu avec la M. P. B., agence de Monaco, un contrat de gestion de valeurs mobilières dont l'article 3 stipule que « La Banque prendra toutes les décisions relatives aux opérations qu'implique une telle gestion. Elle effectuera notamment tous placements de disponibilités, tous achats et ventes de valeurs mobilières au porteur ou nominatives, cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique. Les opérations de bourse seront traitées en France ou sur la place financière internationale, soit par règlement immédiat, soit par règlement mensuel... La Banque procédera à toutes souscriptions d'obligations ou d'actions, à la négociation de tous droits de souscription ou d'attribution ainsi qu'à tous échanges ou conversions d'obligations échangeables ou convertibles. Toute autre opération, notamment de retrait ou de virement de titres et de fonds ou de métaux précieux sera subordonnée à un ordre exprès et préalable de sa part. » ;

Considérant qu'il résulte desdites stipulations qu'A. T. a autorisé la M. P. B. à acquérir et gérer pour son compte des valeurs mobilières au porteur ou nominatives cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique, par des opérations traitées en France ou sur la place financière internationale ;

Que ni ces stipulations faisant notamment référence à la place financière internationale, ni aucune autre stipulation du contrat de gestion, n'interdisait à la banque d'acquérir pour le compte de son client des actions cotées sur le marché boursier italien ;

Qu'A. T. n'a par ailleurs produit aucune pièce faisant état d'une telle interdiction ;

Que, de même, les actions litigieuses, cotées et ayant fait l'objet d'une émission publique, et ayant fait l'objet d'un règlement mensuel, ont ainsi été achetées pour le compte d'A. T. dans les conditions autorisées par le contrat de gestion, lequel n'interdit pas expressément l'intervention d'un intermédiaire, personne physique ou banque, dans la réalisation de l'opération ;

Qu'il ne peut être déduit des termes suivants dudit contrat :

« Les opérations de bourse seront traitées en France ou sur la place financière internationale » une interdiction d'acquisition des actions litigieuses dans les conditions dénoncées par l'appelant, le contrat de gestion n'imposant pas expressément et exclusivement l'acquisition d'actions directement à la bourse française ou à une quelconque autre bourse étrangère ;

Que, par suite, la M. P. B. n'a méconnu aucune obligation contractuelle dans le mode d'acquisition desdites actions ;

Considérant qu'A. T. soutient ensuite que la M. P. B. a manqué à son devoir d'information auquel elle était tenue envers lui et lui fait grief de lui avoir dissimulé l'acquisition de ces actions, la date et le lieu d'acquisition puis l'évolution de leur valeur ;

Considérant qu'ainsi que l'a rappelé le Tribunal, en vertu des dispositions de l'article 8-2 de la loi française du 28 mars 1985, modifiée par la loi du 31 décembre 1987, applicables en Principauté en vertu de l'article 4 de la convention franco-monégasque du 14 avril 1945 et l'échange de lettres du 27 novembre 1987, un mandat de gestion de portefeuille, qui suppose l'absence d'instructions données au mandataire, doit être conforme au contrat-type approuvé par le conseil des marchés à terme et doit notamment permettre d'établir que le mandataire a mis le client en mesure de connaître les caractéristiques du service en définissant les objectifs du mandant et la mission du mandataire, qui a une obligation d'information envers le mandant ;

Considérant à cet égard qu'il convient, en premier lieu, de constater qu'A. T. ne remet pas en cause les termes du contrat de gestion qu'il a confié à la M. P. B. et n'invoque aucun défaut d'information par sa banque quant à la nature et à l'étendue de la mission qu'il lui a donnée ;

Considérant que s'agissant de l'information sur les opérations, il résulte de la convention d'ouverture de compte qu'A. T. a expressément demandé à la M. P. B. de conserver à ses guichets les extraits de compte, à établir mensuellement, pendant un délai maximum de 18 mois, lui interdisant de lui verser son courrier à son domicile ;

Qu'il appartenait dès lors à A. T. de se rendre lui-même en Principauté, au guichet de la banque, pour prendre connaissance des relevés de compte des opérations boursières réalisées pour son compte par la banque à laquelle il avait confié un mandat très général de gestion de valeurs mobilières ;

Qu'il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la banque se serait abstenue de lui remettre les relevés de compte des opérations boursières lors de sa présentation au guichet ou ne lui aurait soumis que des relevés partiels ou erronés ;

Que si A. T. fait état dans ses écritures judiciaires de ce qu'il n'a eu connaissance de l'acquisition des actions litigieuses qu'en mars 1992 il ne démontre pas qu'il aurait alors immédiatement contesté ladite acquisition, lui-même n'évoquant à cet égard qu'une demande de clôture de ses comptes en 1993 puis une lettre de contestation de cette acquisition, adressée à la banque le 4 juin 1994, versée aux débats, étant rappelé à cet égard que la première suspension de cotations des actions F. T. N. spa est datée du 24 mars 1993 et leur suspension définitive du 2 mai 1994 ;

Considérant ainsi qu'A. T. ne démontre pas de manquement de la banque à son obligation d'information quant aux opérations réalisées ;

Considérant qu'A. T. soutient en outre qu'eu égard à l'importante perte de valeur des actions litigieuses, la banque a commis une faute dans la gestion de ses avoirs, et aurait même eu connaissance des difficultés financières de la société F. T. N. spa lors de l'acquisition des actions ;

Considérant que l'article 2 du contrat de gestion de valeurs mobilières, conclu par les parties, stipule que : « La Banque assurera la gestion... Elle ne pourra être rendue responsable de la diminution de la valeur des biens gérés ou des pertes éventuelles résultant des risques propres aux opérations boursières.

En raison de la nature particulière du mandat qui lui est donné, la Banque n'assume aucune responsabilité quant à l'exactitude, à l'opportunité ou à l'exécution complète des propositions, dispositions et mesures prises dans le cadre de l'exécution dudit mandat et elle ne sera en aucun cas responsable pour d'éventuelles pertes, moins values ou commissions, découlant de la gestion du portefeuille. Le présent mandat est, par ailleurs, en tant que de besoin, soumis aux clauses limitatives de responsabilité contenues dans les conditions générales de la Banque. » ;

Considérant qu'il résulte des termes du contrat de gestion qu'A. T. a confié un mandat très général à la M. P. B., en autorisant la banque à prendre toutes les décisions relatives aux opérations qu'implique une telle gestion, et notamment tous placements et disponibilités, tous achats et ventes de valeurs mobilières au porteur ou nominatives, cotées ou ayant fait l'objet d'une émission publique ;

Que l'acquisition des actions litigieuses entrait dans le cadre d'opérations boursières qu'il avait ainsi expressément autorisées, et qui ont été réalisées dans les conditions énoncées audit contrat, la M. P. B. n'ayant pas outrepassé le mandat confié par son client ;

Que de telles opérations de bourse ont nécessairement un caractère hautement spéculatif permettant l'espérance de gains importants mais présentant, en contrepartie, des risques non négligeables de pertes qu'il appartient au spéculateur d'assumer ;

Qu'en l'espèce, A. T. qui a indiqué dans ses écritures d'appel qu'il a confié à la M. P. B. la somme de 3 496 674 euros « en lui laissant le soin d'investir son épargne au mieux de ses intérêts », ne démontre pas qu'il a demandé à la banque de gérer ses avoirs d'une manière non spéculative, ainsi qu'il le soutient ;

Qu'il ne démontre pas davantage qu'il a immédiatement contesté auprès de la M. P. B. l'acquisition des titres litigieux dès qu'il en a eu connaissance, en mars 1992, selon ses indications, ayant ainsi à compter de cette date, et jusqu'à sa demande de clôture de ses comptes en 1993, nécessairement spéculé sur une hausse des titres F. T. N. spa ;

Que s'agissant du manquement par la banque à l'obligation de moyens qui résulterait, selon l'appelant, de la lettre du 8 avril 2002 adressée par la M. P. B. à un inspecteur de police, dans le cadre d'une information judiciaire, ce courrier qui se réfère à un rapport du directeur financier de la banque faisant état du caractère anachronique de la décision d'investissement et du manque de professionnalisme, après avoir constaté « qu'à ce jour » l'action avait baissée de 60 % n'est pas suffisant à caractériser à lui seul une faute de la banque, dès lors que le manquement à l'obligation de moyens à laquelle était tenue la banque à l'égard de son client, doit s'apprécier, ainsi que l'a relevé à juste titre le Tribunal, au regard de la gestion globale du portefeuille, et qu'en l'espèce, les montants litigieux concernent moins de 7 % du capital confié à la M. P. B. par A. T. qui ne conteste que cette opération et n'établit ni même n'allègue que les autres valeurs mobilières auraient été mal gérées par la banque ;

Considérant, enfin, qu'A. T. invoque une faute de la banque qui lui aurait fait acquérir ces actions alors qu'elle aurait connu les difficultés financières de la société F. T. N. spa mais ne l'en aurait pas informé ;

Qu'il indique à cet égard que la cotation de la société F. T. N. spa a été suspendue le 24 mars 1993 et définitivement interrompue le 2 mai 1994 ;

Considérant cependant que cette première suspension de cotation est postérieure de près de 20 mois à l'acquisition des titres litigieux ;

Qu'A. T. n'établit pas que la banque avait connaissance de difficultés financières de cette société à la date de l'acquisition des titres litigieux, et qu'elle aurait manqué à son obligation d'information à cet égard ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'A. T. n'a pas démontré que la banque avait manqué à son obligation de moyens en sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté l'ensemble des demandes d'A. T. formulées à l'encontre de la M. P. B. et l'ont condamné à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la procédure abusive engagée devant le Tribunal, et eu égard aux éléments d'appréciation du préjudice dont ils disposaient ;

Considérant que la procédure instaurée témérairement devant la cour par A. T. revêt un caractère abusif ayant occasionné à la M. P. B. un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation au profit de la M. P. B. des dommages-intérêts que la cour a les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 5 000 euros en paiement de laquelle il y a lieu de condamner A. T. ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

– Déboute A. T. des fins de son appel,

– Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 18 mars 2004,

– Condamne A. T. à payer à la M. P. B. la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– Condamne A. T. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Jacques Sbarrato, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

Mme François, prem. prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Licari et Sbarrato, av. déf. ; Giaccardi, av. ; Baudoux, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance du 18 mars 2004.

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2007, n° 9, p. 157 à 161.

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