Cour d'appel, 24 avril 2006, B. c/ Ministère Public

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Abstract🔗

Escroquerie

Non-acquittement du droit de stationnement de véhicules dans des parkings - Manœuvres frauduleuses employées : consistant à se faire remettre pour ces véhicules le ticket de sortie bénéficiant d'une heure de stationnement gratuit

Résumé🔗

J.-P. B. a reconnu avoir stationné de novembre 2004 au 3 mars 2005 dans le parking public du port de Fontvieille, puis du 18 mars au 24 août 2005 dans celui des Boulingrins, en alternance et à chaque fois, deux des trois véhicules, Mercedes immatriculé [numéro], Mercedes immatriculé [numéro], Volkswagen immatriculé [numéro] ;

Il a reconnu ne pas avoir acquitté les droits de stationnement de ces véhicules lors de leur sortie, en utilisant le ticket d'entrée du troisième véhicule donnant droit, pour celui-ci exclusivement, à une heure gratuite de stationnement ;

Ces faits s'analysent non pas, en la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, telle que retenue par la prévention, en l'absence du caractère corporel du droit de stationnement mais en une escroquerie commise dans les mêmes périodes de temps et de lieu ci-dessus visées, par l'emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire, en l'espèce par l'utilisation d'un véhicule donnant droit à un stationnement gratuit d'une heure dans un parking dans lequel il avait antérieurement garé d'autres véhicules durant un temps plus long, manœuvres frauduleuses au moyen desquelles J.-P. B. s'est fait remettre pour ces véhicules, le ticket de sortie du véhicule bénéficiant d'une heure de stationnement gratuit, valant décharge du prix de stationnement ne correspondant pas au temps de stationnement des véhicules sortants, escroquant ainsi partie de la fortune de l'État de Monaco pour les montants de 4 474,90 euros correspondant aux droits de stationnement dans le parking du port de Fontvieille et de 3 240 euros pour ce qui concerne les droits de stationnement dans le parking des Boulingrins ;

Que l'intention frauduleuse est caractérisée car ce comportement avait pour objet d'échapper au paiement des droits de stationnement dont il se savait redevable ;

Il y a donc lieu de requalifier les faits en délit d'escroquerie, de réformer de ce chef le jugement entrepris, de déclarer J.-P. B. coupable de ce délit prévu et réprimé par l'article 330, alinéa 1 du Code pénal et d'entrer en voie de répression à son encontre.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur les appels relevés le 21 octobre 2005 par Maître Arnaud Zabaldano, avocat commis d'office pour le compte de J.-P. B. et par le Ministère public, à titre incident, à l'encontre d'un jugement du Tribunal correctionnel du 11 octobre 2005 qui a condamné J.-P. B. à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis des chefs de vols et défaut d'assurance automobile.

Considérant les faits suivants :

Le 4 mars 2005, T. P., agent commercial au service des parkings publics, agissant sur procuration de son chef de service, C. B., déposait plainte contre X... auprès de la direction de la sûreté publique.

Il expliquait que le 3 mars 2005, s'était présentée au service des parkings publics une personne déclarant se nommer J.-P. B. et affirmant avoir perdu le ticket de parking concernant son véhicule de marque Volkswagen, type Golf, immatriculé [numéro], stationné depuis le 22 décembre 2004 dans le parking du port de Fontvieille. Compte tenu de la somme à régler d'un montant de 754,20 euros, le service des parkings publics avait proposé, à titre commercial, de réduire ce prix à celui de 246 euros, à la condition qu'il soit acquitté le jour même, ce que l'intéressé n'avait pas fait.

Durant la nuit, ce véhicule quittait cependant le parking sans que le prix n'ait été acquitté.

Convoqué par les services de police, J.-P. B. ne se présentait pas.

Le 22 août 2005, Paul Hurst, chef de secteur au service des parkings publics, agissant sur procuration de C. B., déposait plainte à l'encontre de J.-P. B. auprès de la direction de sûreté publique.

Il déclarait que depuis le 18 mars 2005, deux véhicules de marque Mercedes, immatriculés l'un, [numéro], l'autre, [numéro] ainsi qu'un véhicule Volkswagen, type Golf, immatriculé [numéro], étaient garés en alternance dans le parking des Boulingrins sans que ces véhicules n'aient acquitté de droits de stationnement.

Il indiquait que cette situation avait été révélée par le relevé des véhicules présents dans le parking chaque nuit.

Le véhicule Mercedes [numéro] ayant été immobilisé le 13 août 2005 au moyen d'un sabot de Denver, J.-P. B. se présentait le 24 août 2005 au bureau du parking des Boulingrins afin de reprendre possession du véhicule.

Informés de la présence de l'intéressé, les policiers se transportaient sur les lieux et interpellaient J.-P. B. qui était conduit dans les locaux de la sûreté publique.

Interrogé sur les faits, J.-P. B. après avoir cherché à minimiser la durée pendant laquelle il avait utilisé son stratagème, reconnaissait avoir stationné en alternance, à partir du 18 mars 2005, les trois véhicules précités. La fouille de ses effets entraînait d'ailleurs la découverte d'un ticket de stationnement du parking des Boulingrins daté du 17 mars 2005.

J.-P. B. expliquait qu'il avait mis à profit la gratuité de la première heure de stationnement en vigueur dans les parkings publics de la Principauté pour entrer un véhicule et en faire sortir aussitôt un autre qu'il avait stationné précédemment sans avoir à payer le prix du stationnement de ce dernier véhicule.

Il reconnaissait, par ailleurs, que le véhicule Volkswagen immatriculé [numéro], lui appartenant et avec lequel il s'était rendu dans la Principauté le jour de son interpellation, n'était pas assuré.

Pour ce qui est du parking du port de Fontvieille, J.-P. B. reconnaissait y avoir stationné de novembre 2004 au 3 mars 2005 en alternance et à chaque fois, deux des trois véhicules.

Il expliquait qu'après y avoir garé les deux véhicules Mercedes au cours du mois de novembre 2004, il était revenu à la fin du mois de février 2005 avec son véhicule Volkswagen, avait retiré un ticket à la borne du parking sans y entrer puis avait fait une marche arrière pour garer ce véhicule sur la voie publique. Il était ensuite entré à pied dans le parking et en était ressorti immédiatement avec l'une des Mercedes qu'il avait alors ramenée à Nice avant de revenir par le train à Monaco pour y reprendre la Volkswagen.

Quelques jours plus tard, il s'était à nouveau rendu à Monaco dans le parking du port de Fontvieille avec son véhicule Volkswagen qu'il avait stationné dans ce parking après avoir pris un ticket à la borne d'entrée. Il avait utilisé ce ticket pour sortir la Mercedes.

Le 3 mars 2005 au soir, il était revenu à Monaco par le train et était entré dans le parking sans ticket. Il en était ressorti avec la Volkswagen en collant son pare-chocs à celui d'un véhicule le précédant.

Il expliquait avoir voulu profiter de la sécurité des parkings publics de la Principauté pour stationner les deux Mercedes appartenant à son frère, que celui-ci lui avait confiées pendant son absence.

Il précisait qu'il avait déplacé les voitures au parking des Boulingrins quand il s'était senti repéré à la fin du mois de février 2005, par un gardien du parking du port de Fontvieille qui l'avait questionné sur la présence prolongée du véhicule Volkswagen.

l'audience du 23 janvier 2006 fixée pour l'examen de l'affaire, la Cour a ajourné les débats à l'audience du 3 avril 2006 afin de mettre le prévenu en état de fournir ses moyens de défense dans l'hypothèse où les faits reprochés pouvaient constituer le délit d'escroquerie.

cette dernière audience, J.-P. B. a réitéré les déclarations qu'il a faites devant les services de police et a reconnu avoir mis à profit la gratuité de la première heure de stationnement dans les parkings publics de la Principauté, pour ne pas acquitter les droits de stationnement des véhicules qu'il avait garés durant plusieurs jours.

Le Ministère public a requis la requalification des faits en délit d'escroquerie et le maintien de la peine prononcée par le Tribunal correctionnel.

Le prévenu a fait plaider sa relaxe au motif que les faits ne constituent ni un vol, en l'absence de soustraction d'un bien corporel, ni une escroquerie dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis, en l'absence de la remise d'un bien matérialisé, un droit de stationnement ne pouvant être assimilé à l'un des biens limitativement énumérés par l'article 330 du Code pénal, en l'absence également de manœuvres frauduleuses puisqu'il s'est contenté d'appuyer sur le bouton de la borne.

Sur quoi,

Considérant que J.-P. B. a reconnu avoir stationné de novembre 2004 au 3 mars 2005 dans le parking public du port de Fontvieille, puis du 18 mars au 24 août 2005 dans celui des Boulingrins, en alternance et à chaque fois, deux des trois véhicules, Mercedes immatriculé [numéro], Mercedes immatriculé [numéro], Volkswagen immatriculé [numéro] ;

Considérant qu'il a reconnu ne pas avoir acquitté les droits de stationnement de ces véhicules lors de leur sortie, en utilisant le ticket d'entrée du troisième véhicule donnant droit, pour celui-ci exclusivement, à une heure gratuite de stationnement ;

Considérant que ces faits s'analysent non pas, en la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui, telle que retenue par la prévention, en l'absence du caractère corporel du droit de stationnement mais en une escroquerie commise dans les mêmes périodes de temps et de lieu ci-dessus visées, par l'emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire, en l'espèce par l'utilisation d'un véhicule donnant droit à un stationnement gratuit d'une heure dans un parking public dans lequel il avait antérieurement garé d'autres véhicules durant un temps plus long, manœuvres frauduleuses au moyen desquelles J.-P. B. s'est fait remettre pour ces véhicules, le ticket de sortie du véhicule bénéficiant d'une heure de stationnement gratuit, valant décharge du prix de stationnement ne correspondant pas au temps de stationnement des véhicules sortants, escroquant ainsi partie de la fortune de l'État de Monaco pour les montants de 4 474,90 euros correspondant aux droits de stationnement dans le parking du port de Fontvieille et de 3 240 euros pour ce qui concerne les droits de stationnement dans le parking des Boulingrins ;

Considérant que l'intention frauduleuse est caractérisée car ce comportement avait pour objet d'échapper au paiement des droits de stationnement dont il se savait redevable ;

Considérant qu'il y a donc lieu de requalifier les faits en délit d'escroquerie, de réformer de ce chef le jugement entrepris, de déclarer J.-P. B. coupable de ce délit prévu et réprimé par l'article 330, alinéa 1 du Code pénal et d'entrer en voie de répression à son encontre ;

Considérant que J.-P. B. a, par ailleurs reconnu devant les services de police, selon procès-verbal DPJ n° 23 390 du 25 août 2005, que son véhicule Volkswagen, immatriculé [numéro] n'était pas assuré depuis deux mois et qu'il l'avait néanmoins fait circuler notamment le 24 août 2005 dans la Principauté ;

Considérant que J.-P. B. a ainsi commis le délit de défaut d'assurance automobile qui lui est reproché ; que la répression s'impose ;

Considérant sur la répression, que le comportement répété du prévenu est révélateur d'une volonté délictuelle réfléchie et justifie une aggravation de la peine prononcée par les premiers juges, laquelle doit être portée à six mois d'emprisonnement, en tenant compte des circonstances atténuantes existant en la cause et de ce qu'il est délinquant primaire dans la Principauté ;

Considérant que J.-P. B. a sollicité la restitution des documents saisis, composant les scellés n° 1 à n° 9 du bordereau n° 23 390 ;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la restitution du contenu des scellés n° 2, n° 4 à n° 9 du bordereau DPJ n° 23 390 du 25 août 2005, sans rapport avec les délits pour lesquels J.-P. B. est condamné ; qu'en revanche il y a lieu d'ordonner la confiscation du scellé n° 1 composé d'un ticket de parking et d'un document à l'en-tête du service des parkings publics qui ont servi à commettre le délit d'escroquerie et du scellé n° 3 composé d'un permis de conduire monégasque que J.-P. B. a omis de restituer aux autorités administratives lorsqu'il s'est domicilié hors de la Principauté ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, STATUANT CONTRADICTOIREMENT EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE,

Sur la culpabilité,

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 11 octobre 2005 qui a déclaré J.-P. B. coupable du délit de défaut d'assurance automobile,

Réforme ledit jugement en ce qu'il a déclaré J.-P. B. coupable du délit de vols,

Statuant à nouveau de ce chef,

Requalifie les faits poursuivis sous la prévention de vols en délit d'escroquerie,

Déclare J.-P. B. coupable de ce délit,

Sur la répression,

Réforme le jugement susvisé,

Faisant application des articles 1 et 4 de l'Ordonnance loi n° 666 du 20 juillet 1959, 330, alinéa 1, 392 et 393 du Code pénal,

Condamne J.-P. B. à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision,

Ordonne la confiscation du contenu des scellés n° 1 et 3 décrits au bordereau DPJ n° 23 390,

Ordonne la restitution à J.-P. B. du contenu des scellés n° 2, 4 à 9 décrit audit bordereau,

Condamne J.-P. B. aux frais du présent arrêt.

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition🔗

Mme François, prem. prés. ; M. Adam, v. prés. ; Mme Mabrut, cons. ; Mme Vikstrom, subst. proc. gén. ; Mme Zanchi, gréf. princ. ; Me Marquet, av. stag. ; M Zabaldano av.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du tribunal correctionnel du 11 octobre 2005 en requalifiant les faits poursuivis sous la prévention de vols en délit d'escroquerie ; il n'a point été formé de pourvoi en révision.

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