Cour d'appel, 6 mars 2006, J. c/ Ministère Public

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Abstract🔗

Recel

Fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de 15 ans (CP, art. 266-1°) et de mineurs de 18 ans (CP, art. 265-5°) - Connexion sur des réseaux internet transmettant des images pédophiles mettant en scène des mineurs de 15 et 18 ans, mémorisation volontaire de ces images sur le disque dur, ou duplication et stockage sur des disquettes informatiques, en transformant ces supports par l'intégration de ces images

Résumé🔗

En premier lieu, V. J. fait essentiellement grief au jugement attaqué d'avoir retenu à son encontre une incrimination non prévue par la législation pénale monégasque et d'avoir ainsi fait application, à tort, des dispositions des articles 265-5° et 266-1° du Code pénal aux faits qui lui sont reprochés, et qu'en tout état de cause il conteste ;

Aux termes de l'article 34 de la Convention des Nations- Unies relative aux droits de l'enfant, faite à New York le 20 novembre 1989, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance n° 11-003 du 1er septembre 1993 : « les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral, et multilatéral pour empêcher :

a) Que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale ;

b) Que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales ;

c) Que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacle ou de matériel de caractère pornographique » ;

Pour satisfaire aux exigences de cette convention, la loi n° 1203 du 13 juillet 1998 a modifié et complété l'article 265 du Code pénal et l'article 8 du Code de procédure pénale, en ajoutant à l'article 265 du Code pénal qui punit d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26, un chiffre 5° ainsi rédigé : « Quiconque aura organisé ou facilité l'exploitation sexuelle des mineurs de dix-huit ans sur le territoire ou hors du territoire de la Principauté » ;

S'agissant de cette nouvelle incrimination, il résulte des travaux préparatoires à la loi n° 1203, publiés au Journal de Monaco du 31 juillet 1998 que le législateur a entendu englober dans l'incrimination d'exploitation, sexuelle de mineurs, toutes les situations de pornographie enfantine telles que l'incitation d'enfants à se livrer à une activité sexuelle illégale, l'exploitation d'enfants prostitués et l'utilisation d'enfants pour la réalisation de spectacles ou de matériels pornographiques et la diffusion de ces produits sous toutes leurs formes (presse, audiovisuel, service télématique, Internet, etc...).

Ainsi, par exploitation sexuelle de mineurs, le législateur a entendu incriminer l'utilisation de mineurs aux fins de production de matériel à caractère pornographique et dès lors toute activité directement destinée à cette production au moyen notamment de reproductions photographiques ou audiovisuelles de mineurs à caractère pornographique, ledit matériel pouvant être constitué par les supports informatiques qui mémorisent ces reproductions ;

Lorsque ces reproductions sont diffusées par le réseau informatique, le matériel à caractère pornographique obtenu par la suite à Monaco à partir de ces reproductions, même provenant de l'étranger, s'analyse ainsi comme étant le produit d'un délit d'exploitation sexuelle de mineurs dès lors que ces reproductions concernent des mineurs ;

Par suite, eu égard aux dispositions de l'article 339 du Code pénal sanctionnant le recel des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, quiconque à Monaco, après s'être connecté sur des réseaux Internet transmettant des images pédophiles, a volontairement mémorisé ces images sur le disque dur ou les a dupliquées et stockées sur des disquettes informatiques, en transformant ces supports par l'intégration de ces images, peut être sanctionné pénalement pour avoir recelé sciemment des choses obtenues à l'aide des délits, soit, d'exploitation sexuelle de mineurs de dix-huit ans (art. 265- 5° du Code pénal) soit d'exploitation sexuelle de mineurs de quinze ans révolus (art. 266-1° du Code pénal), même si ces faits ont été commis à l'étranger ;

Par la suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal correctionnel du principe de légalité des délits et des peines résultant notamment de traités internationaux exécutoires sur le territoire de la Principauté, doit être écarté ;

Ensuite au cours de la perquisition effectuée au domicile monégasque de V. J., lequel a été transmis pour exploitation par le juge d'instruction de Nice aux fins d'expertise à Jean-Christophe Slucki, spécialisé en audit informatique ; cet expert a eu notamment pour mission de décrire l'état du scellé unique PV n° 23410 DPJ/1380 MONACO (ordinateur Hevlett-Packard) et d'extraire toutes données intégrées dans cet ordinateur (agenda, photographie, courrier ou document à connotation de délinquance d'ordre sexuel) et d'extraire par tous moyens la totalité des messages contenus dans les boîtes aux lettres électroniques ;

Cet expert a conclu dans son rapport daté du 3 mars 2003 que les investigations réalisées dans l'unité centrale mise sous scellés ont révélé des éléments susceptibles d'intéresser l'instruction en cours, soit des correspondances et notes concernant une affaire de mœurs impliquant V. J., 284 images à caractère pédophile et 5 images portant atteinte à la dignité humaine, 11 extraits de vidéos à caractère pédophile, téléchargées avec le logiciel KaZaA et 1252 visages d'adolescent mémorisés dans le dossier « portraits » ;

Cet expert a ainsi relevé que : « l'analyse des fichiers de navigation Internet et de messagerie électronique confirme que V. J. se connectait à des sites à caractère pornographique et pédophile. Il utilisait une multiplicité de pseudonymes et participait à des discussions en ligne entre internautes. Dans ce cadre, il recherchait, recevait et mémorisait notamment, des images pornographiques mettant en scène des personnes mineures de moins de quinze ans. La présence de ces images dans le disque interne se saurait être le fait du hasard et résulte d'une connexion volontaire à des sites Internet ou à des transferts de fichiers par messagerie électronique » ;

Ainsi, eu égard aux conclusions de l'expert, les déclarations de V. J. selon lesquelles il serait victime d'un complot et que les images à caractère pédophile lui auraient été envoyées par e-mail sans qu'il les ait sollicitées, ne peuvent être retenues, l'expert faisant expressément état de connexions volontaires ;

En outre, au cours de la même perquisition au domicile monégasque de V. J., les enquêteurs ont saisi soixante-seize disquettes avec des fichiers écrasés au moyen de la fonction « suppression » de l'ordinateur, mais dont la restauration a permis de constater qu'ils contenaient des images pédophiles mettant en scène des mineurs nus, pour la plupart de sexe masculin se livrant à des actes sexuels, les disquettes en cause étant celles énumérées par le jugement entrepris du Tribunal correctionnel ;

En outre, ainsi que l'a indiqué le Tribunal, l'enregistrement sur de telles disquettes relève de la seule volonté de l'auteur de la duplication, matériel pornographique ainsi mémorisé et stocké étant encore présent tant dans le disque dur que dans les disquettes lors de l'interpellation de V. J. ;

De même, c'est à juste titre que le Tribunal correctionnel a estimé que l'examen des images à caractère pédophile révélait que certains enfants, à l'évidence très jeune, étaient nécessairement âgés de moins de quinze ans dans les documents cités dans son jugement ;

Enfin, les allégations du prévenu relatives à d'éventuelles modifications d'images réelles par « morphing » et à l'absence de preuve de ce que toutes les images découvertes sur le disque dur de son ordinateur seraient celles de véritables enfants, ne peuvent pas davantage être retenues, l'expert désigné n'ayant aucunement conclu à de telles modifications, lesquelles ne résultent par ailleurs d'aucune pièce du dossier d'information ;

Il résulte ainsi de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu V. J. dans les liens de la prévention en sorte qu'il y a lieu de confirmer, quant à la culpabilité, le jugement entrepris.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ; La Cour statue sur les appels relevés le 24 novembre 2005 par V. J. et le 25 novembre 2005, à titre incident, par le ministère public, à l'encontre d'un jugement du Tribunal correctionnel en date du 8 novembre 2005 qui a condamné V. J. à la peine de six mois d'emprisonnement pour recel de fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de quinze ans, et de recel de fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de dix-huit ans.

Considérant les faits suivants :

Lors d'une perquisition effectuée le 28 novembre 2002 au domicile de V. J. dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nice, saisi d'une information contre celui-ci pour agression sexuelle sur mineur de quinze ans, les policiers découvraient divers documents tels que :

les identités et numéros de téléphone de mineurs, comportant des renseignements personnels sur leurs goûts sexuels,

des adresses de sites Internet auprès desquels on pouvait obtenir des cassettes vidéo à caractère pédophile,

des photographies d'enfants nus,

un scénario de viol d'enfant écrit par V. J.

Le disque dur de l'ordinateur de V. J. faisait l'objet d'une saisie puis d'une transmission au juge d'instruction mandant aux fins d'exploitation.

Par ailleurs, soixante-seize disquettes étaient exploitées et si certaines d'entre elles étaient effacées, un logiciel de restauration permettait de découvrir sur trente-sept de ces disquettes, des photographies représentant de jeunes garçons, notamment avec des adultes se livrant à des attouchements, des fellations et des sodomies.

De plus, onze disquettes contenaient des échanges de données à caractère sexuel avec des mineurs sur Internet. V. J. avait aussi profité de ses fonctions d'archiviste à la sûreté publique de Monaco en 1991 et 1992 pour tenter d'identifier les correspondants rencontrés sur Internet. Il était ainsi trouvé en possession de photographies anthropométriques du service de l'identité judiciaire concernant des mineurs de nationalité monégasque ou résidant à Monaco ou dans les communes limitrophes.

Une information était ouverte le 2 juillet 2003 à l'encontre de V. J. du chef d'attentats à la pudeur sans violence sur mineur en dessous de l'âge de quinze ans, infraction de nature criminelle, ainsi que du chef de recel de fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de moins de quinze ans révolus et recel de fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de moins de dix-huit ans.

la suite de la délivrance d'un mandat d'arrêt par le magistrat instructeur, V. J. était interpellé, le 24 septembre 2003, après avoir été incarcéré du 21 novembre 2002 au 21 août 2003 à Nice, où le tribunal correctionnel l'a condamné le 5 août 2003 à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis pour atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans.

Lors de son interrogatoire du 30 octobre 2003, V. J. déclarait au magistrat instructeur que s'il avait effectivement détenu chez lui des images à caractère pédophile, celles-ci lui avaient été envoyées par e-mail entre mai et juillet 2002 sans qu'il les ait sollicitées, lui-même ignorant les identités des expéditeurs. Il mettait en relation ces envois avec une plainte qu'il avait déposée en 2001 contre un fonctionnaire de police de la sûreté publique de Monaco.

Ainsi, après avoir attribué la détention de l'ensemble des documents à caractère sexuel et pédophile à un travail personnel sur la prévention et la répression de tels agissements, il affirmait que ces fichiers lui étaient parvenus contre son gré et qu'il était victime d'un complot. De l'expertise ordonnée par le juge d'instruction de Nice, régulièrement communiquée au magistrat instructeur de Monaco, il résulte que : « V. J. ne pouvait que se connecter volontairement sur les sites à caractère pédophile ou pornographique ».

Le 10 décembre 2004 le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non lieu dont le ministère public a interjeté appel le 13 décembre 2004.

Par arrêt du 17 mars 2005, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a confirmé cette ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre V. J. du chef d'attentats à la pudeur sans violence ni contrainte sur mineur de quinze ans, a réformé cette ordonnance pour le surplus et dit qu'il existait contre V. J. des charges suffisantes d'avoir commis les délits précités de recel des fichiers d'images à caractère pédophile résultant de l'organisation de l'exploitation sexuelle de mineurs de quinze ans et de mineurs de dix-huit ans.

Par conclusions déposées le 20 janvier 2006, V. J. a fait conclure à sa relaxe en faisant essentiellement valoir que l'incrimination retenue en l'espèce à son encontre, et résultant de la combinaison des faits de recel et des faits d'organisation ou de facilitation de l'exploitation sexuelle de mineurs de quinze ou dix-huit ans ne peut s'appliquer aux faits qui lui sont reprochés car les dispositions des articles 265-5 et 266-1 du Code pénal ont pour objet de sanctionner toute personne qui s'est rendue coupable par une participation active ou en prêtant son concours préalable à la création, à l'organisation, au fonctionnement ou à la pérennisation d'un réseau de prostitution enfantine ou à tout échange contre rémunération de prestations à caractère sexuel sur des mineurs de quinze ou dix-huit ans, alors qu'il est poursuivi pour avoir détenu dans son ordinateur des fichiers d'images à caractère pédophile, dans la mesure où ont pu être découverts ou reconstitués certains documents informatiques stockés puis écrasés sur le disque dur qui montrent des images d'enfants dans des situations sexuellement explicites ;

Qu'en tout état de cause, il ne peut être établi de manière indubitable que toutes les images découvertes sur le disque dur de son ordinateur, sont celles de mineurs véritablement âgés de quinze ans (ou de dix-huit ans) ou même celles de véritables enfants, la technologie informatique permettant de créer toutes formes d'images de synthèse, ou de modifier une image réelle en la « morphant » ;

Que, par ailleurs, si certaines images trouvées dans son disque dur présentent à l'évidence un caractère pédophile avéré, il est cependant acquis qu'il n'est pas établi que ces images seraient le résultat d'une exploitation sexuelle de mineurs qui aurait été préalablement organisée ou facilitée par lui ;

Qu'à supposer même qu'il se soit connecté à des sites pédophiles, qu'il ait consulté et téléchargé des images pédophiles, ce qu'il conteste, il n'est pas pour autant justiciable de l'infraction pour laquelle il est poursuivi ;

Qu'en l'état du dossier aucun élément n'est de nature à démontrer qu'il existe en amont une organisation de prostitution enfantine ou d'échanges contre rémunération de prestations à caractère sexuel ;

Que la définition du délit qui lui est reproché n'inclut pas des faits tels que la prise de photographies ou l'enregistrement sur un quelconque support d'actes sexuels réels ou simulés impliquant des mineurs ;

Que retenir cette qualification pour les faits de l'espèce, méconnaîtrait les critères de prévisibilité et de précision requis par les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l'Homme et notamment par le Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques tel qu'interprété par le Comité des Droits de l'Homme, et par l'article 7 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui énonce le principe de légalité des délits et des peines ;

Qu'en droit monégasque, il n'existe aucune disposition légale d'une incrimination comparable à celle de la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité de novembre 2001 et à celle du Code pénal français qui prévoit la détention sur support informatique de matériel pédophile. V. J. soutient, en outre, que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le Tribunal ne pouvait se fonder sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'Enfant du 20 novembre 1989 rendue exécutoire à Monaco par Ordonnance souveraine du 1er septembre 1993 ainsi qu'aux travaux préparatoires de la loi du 13 juillet 1998 ;

Qu'en l'espèce, la loi dont il a été fait application ne prévoit pas à l'évidence de manière expresse les faits qui lui sont reprochés, en sorte que les poursuites dont il fait l'objet méconnaissaient les dispositions de l'article 4 du Code pénal qui exige une incrimination spécifique pertinente ;

Que le Tribunal ne pouvait ainsi procéder à une interprétation analogique in defavorem.

Qu'enfin, il résulte clairement du rapport d'expertise que les images à caractère pédophile n'ont pas été fixées par l'utilisation d'un appareil photo numérique, ce qui aurait éventuellement permis des poursuites à son encontre s'il avait lui-même pris ces photographies pour les stocker sur le disque dur de son ordinateur, mais par des connexions à des sites pédophiles ou téléchargement de ces images envoyées à son adresse électronique.

l'audience de la cour, le ministère public a conclu à la confirmation du jugement entrepris du tribunal correctionnel. V. J., absent aux débats, a fait plaider sa relaxe, en faisant reprendre par son conseil, Maître José-Marie Bertozzi, l'argumentation développée dans ses conclusions sus-analysées.

Sur ce,

En premier lieu, V. J. fait essentiellement grief au jugement attaqué d'avoir retenu à son encontre une incrimination non prévue par la législation pénale monégasque et d'avoir ainsi fait application, à tort, des dispositions des articles 265-5° et 266-1° du Code pénal aux faits qui lui sont reprochés, et qu'en tout état de cause il conteste ;

Qu'aux termes de l'article 34 de la Convention des Nations- Unies relative aux droits de l'enfant, faite à New York le 20 novembre 1989, rendue exécutoire à Monaco par ordonnance n° 11-003 du 1er septembre 1993 : « Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral, et multilatéral pour empêcher :

a) que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale ;

b) que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales ;

c) que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacle ou de matériel de caractère pornographique » ;

Que pour satisfaire aux exigences de cette convention, la loi n° 1203 du 13 juillet 1998 a modifié et complété l'article 265 du Code pénal et l'article 8 du Code de procédure pénale, en ajoutant à l'article 265 du Code pénal qui punit d'un emprisonnement de six mois à trois ans et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26, un chiffre 5° ainsi rédigé : « Quiconque aura organisé ou facilité l'exploitation sexuelle des mineurs de dix-huit ans sur le territoire ou hors du territoire de la Principauté » ;

Que s'agissant de l'étendue de cette nouvelle incrimination, il résulte des travaux préparatoires à la loi n° 1293, publiés au Journal de Monaco du 31 juillet 1998 que le législateur a entendu englober dans l'incrimination d'exploitation sexuelle de mineurs, toutes les situations de pornographie enfantine telles que l'incitation d'enfants à se livrer à une activité sexuelle illégale, l'exploitation d'enfants prostitués et l'utilisation d'enfants pour la réalisation de spectacles ou de matériels pornographiques et la diffusion de ces produits sous toutes leurs formes (presse, audiovisuel, service télématique, Internet, etc.) ;

Ainsi, par exploitation sexuelle de mineurs, le législateur a entendu incriminer l'utilisation de mineurs aux fins de production de matériel à caractère pornographique et dès lors toute activité directement destinée à cette production au moyen notamment de reproductions photographiques ou audiovisuelles de mineurs à caractère pornographique, le ledit matériel pouvant être constitué par les supports informatiques qui mémorisent ces reproductions ;

Lorsque ces reproductions sont diffusées par les réseaux informatiques, le matériel à caractère pornographique obtenu par la suite à Monaco à partir de ces reproductions, même provenant de l'étranger, s'analyse ainsi comme étant le produit d'un délit d'exploitation sexuelle de mineurs dès lors que ces reproductions concernent des mineurs ;

Par suite, eu égard aux dispositions de l'article 339 du Code pénal sanctionnant le recel des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, quiconque à Monaco, après s'être connecté sur des réseaux Internet transmettant des images pédophiles, a volontairement mémorisé ces images sur le disque dur ou les a dupliquées et stockées sur des disquette informatiques, en transformant ces supports par l'intégration de ces images, peut être sanctionné pénalement pour avoir recelé sciemment des choses obtenues à l'aide des délits, soit, d'exploitation sexuelle de mineurs de dix-huit ans (art. 265-5° du Code pénal), soit, d'exploitation sexuelle de mineurs de quinze ans révolus (art. 266-1° du Code pénal), même si ces faits ont été commis à l'étranger ;

Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le Tribunal correctionnel du principe de légalité des délits et des peines résultant notamment de traités internationaux exécutoires sur le territoire de la Principauté, doit être écarté ;

Ensuite qu'au cours de la perquisition effectuée au domicile monégasque de V. J. dans le cadre d'une information ouverte au Tribunal de Grande Instance de Nice, a été saisi le disque dur de l'ordinateur appartenant à V. J., lequel a été transmis pour exploitation par le juge d'instruction de Nice aux fins d'expertise à Jean-Christophe Slucki, spécialisé en audit informatique ; cet expert a eu notamment pour mission de décrire l'état du scellé unique PV n° 23410 DPJ/1380 MONACO (ordinateur Hewlett-Packard) et d'extraire toutes données intégrées dans cet ordinateur (agenda, photographie, courrier, ou document à connotation de délinquance d'ordre sexuel) et d'extraire par tous moyens la totalité des messages contenus dans les boîtes aux lettres électroniques ;

Que cet expert a conclu dans son rapport daté du 3 mars 2003 que les investigations réalisées dans l'unité centrale mise sous scellés ont révélé des éléments susceptibles d'intéresser l'instruction en cours, soit des correspondances et notes concernant une affaire de mœurs impliquant V. J., 284 images à caractère pédophile et 5 images portant atteinte à la dignité humaine, 11 extraits de vidéos à caractère pédophile, téléchargées avec le logiciel KaZaA et 1252 visages d'adolescents mémorisés dans le dossier « portraits » ;

Cet expert a ainsi relevé que : « L'analyse des fichiers de navigation Internet et de messagerie électronique confirme que V. J. se connectait à des sites à caractère pornographique et pédophile. Il utilisait une multiplicité de pseudonymes et participait à des discussions en ligne entre internautes. Dans ce cadre, il recherchait, recevait et mémorisait notamment, des images pornographiques mettant en scène des personnes mineures de moins de quinze ans. La présence de ces images dans le disque interne ne saurait être le fait du hasard et résulte d'une connexion volontaire à des sites Internet ou à des transferts de fichiers par messagerie électronique » ;

Ainsi, eu égard aux conclusions de l'expert, les déclarations de V. J. selon lesquelles il serait victime d'un complot et que les images à caractère pédophile lui auraient été envoyées par e-mail sans qu'il les ait sollicitées, ne peuvent être retenues, l'expert faisant expressément état de connexions volontaires ;

En outre, qu'au cours de la même perquisition au domicile monégasque de V. J., les enquêteurs ont saisi soixante-seize disquettes avec des fichiers écrasés au moyen de la fonction « suppression » de l'ordinateur, mais dont la restauration a permis de constater qu'ils contenaient des images pédophiles mettant en scène des mineurs nus, pour la plupart de sexe masculin se livrant à des actes sexuels, les disquettes en cause étant celles énumérées par le jugement entrepris du Tribunal correctionnel ;

En outre, ainsi que l'a indiqué le Tribunal, l'enregistrement sur de telles disquettes relève de la seule volonté de l'auteur de la duplication, le matériel pornographique ainsi mémorisé et stocké étant encore présent tant dans le disque dur que dans les disquettes lors de l'interpellation de V. J. ;

De même, c'est à juste titre que le Tribunal correctionnel a estimé que l'examen des images à caractère pédophile révélait que certains enfants, à l'évidence très jeunes, étaient nécessairement âgés de moins de quinze ans dans les documents cités dans son jugement ;

Enfin, que les allégations du prévenu relatives à d'éventuelles modifications d'images réelles par « morphing » et à l'absence de preuve de ce que toutes les images découvertes sur le disque dur de son ordinateur seraient celles de véritables enfants, ne peuvent pas davantage être retenues, l'expert désigné n'ayant aucunement conclu à de telles modifications, lesquelles ne résultent par ailleurs d'aucune pièce du dossier d'information ;

Qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu V. J. dans les liens de la prévention en sorte qu'il y a lieu de confirmer, quant à la culpabilité, le jugement entrepris ;

Considérant, sur la répression, que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause quant à la sanction prononcée qui doit dès lors être confirmée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, statuant contradictoirement en matière correctionnelle,

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 8 novembre 2005,

Condamne V. J. aux frais.

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition🔗

Mme François, prem. prés. ; M. Adam cons ; Mlle Ghenassia juge ; Mme Gonelle Prem. subst. proc. gén. ; Mme Zanchi, gref. princ. ; Mes Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Bertozzi, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du tribunal correctionnel du 8 novembre 2005 ; le pourvoi formé a été rejeté. Il y a lieu de souligner comme l'a fait l'arrêt susvisé que pour satisfaire aux exigences de l'article 34 de la Convention des Nations Unies relative au droit de l'enfant faite à New York le 20 novembre 1989, rendue exécutoire à Monaco, par ordonnance n° 11.003 du 1er septembre 1993, la loi n° 1203 du 13 juillet 1998 a modifié et complété notamment l'article 265 du Code pénal, en y ajoutant un chiffre 5° ainsi rédigé « quiconque aura organisé ou facilité l'exploitation sexuelle des mineurs de 18 ans sur le territoire ou hors du territoire de la Principauté ».

Décision sélectionnée par la Revue de Droit Monégasque pour son intérêt jurisprudentiel, Revue de Droit Monégasque, 2006, n° 8, p. 195 à 201.

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