Cour d'appel, 31 janvier 2006, SAM Mercure International of Monaco c/ F.

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Abstract🔗

Exequatur

Convention franco-monégasque du 21 septembre 1949 relative à l'aide judiciaire - Conditions - Authenticité de l'expédition - Décision émanant d'une juridiction compétente - Parties régulièrement citées - Décision passée en force de chose jugée - Décision française non contraire à l'ordre public monégasque, s'agissant d'une décision accordant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

R. F., employé de la société anonyme monégasque Mercure International of Monaco en qualité de directeur d'exploitation détaché en Côte d'Ivoire et licencié par celle-ci le 25 avril 2000 a fait assigner son ancien employeur devant le Tribunal de première instance à l'effet de voir déclarer exécutoire dans la Principauté un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 12 mars 2003 qui a condamné la SAM Mercure International of Monaco au paiement d'une somme de 38 950 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Il a par ailleurs sollicité la condamnation de cette société au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le tout, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par le jugement déféré, le Tribunal de première instance a fait droit à la demande d'exequatur, a débouté R. F. du surplus de ses demandes et a ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

La SAM Mercure International of Monaco a relevé appel de cette décision et a formé des défenses à exécution provisoire.

Elle soutient, sur la demande d'exequatur, que le contrat de travail du 1er mars 2000 ayant lié les parties a été signé à Monaco, en sorte que seul le Tribunal du travail est compétent pour connaître du licenciement par application de la loi n° 446 du 16 mai 1946, qu'i s'agit d'un texte d'ordre public auquel il ne peut être dérogé en fonction de sa nationalité sous peine de contrevenir au principe d'égalité devant la loi, que seule la loi monégasque de fond était applicable au litige par application de la convention de Rome du 19 juin 1980, que la décision de la cour d'appel de Montpellier qui l'a condamnée à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, notion inconnue du droit monégasque est contraire à l'ordre public de la Principauté où la législation reconnaît le licenciement sans motif à la différence de la France, qu'une telle « diversité » dans l'application du droit serait contraire au principe d'égalité devant la loi consacré par les articles 17 et 32 de la Constitution du 17 décembre 1962, ainsi qu'aux dispositions de l'article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 entré en vigueur à Monaco selon ordonnance souveraine du 12 février 1998 par lequel les États signataires s'engagent à garantir les droits des individus sans aucune distinction d'origine nationale, cette garantie n'étant pas assurée en l'espèce puisque l'exécution de l'arrêt de la cour de Montpellier dans la Principauté consacrerait une mesure de discrimination à l'encontre des non-Français qui, en raison de leur nationalité, ne pourraient bénéficier des dispositions sociales plus favorables de la loi française.

Elle fait valoir, sur les défenses à exécution provisoire, que l'exécution du jugement dont appel aurait des effets irréparables car elle n'aurait aucune possibilité de recouvrer les sommes versées à R. F. et que l'urgence n'est pas caractérisée.

Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement déféré et la suspension de l'exécution provisoire.

L'intimé conclus quant à lui, à la confirmation du jugement déféré, en toutes ses dispositions et à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur ce,

Considérant que l'affaire étant en état d'être jugée, il n'y a pas lieu de statuer sur les défenses à exécution provisoire qui sont devenues sans objet ;

Considérant que selon l'article 18 de la convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco du 21 septembre 1949 rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance n° 106 du 2 décembre 1949, les jugements exécutoires dans l'un des deux pays seront déclarés exécutoire dans l'autre par le Tribunal de première instance du lieu où l'exécution doit être poursuivie qui vérifiera seulement : 1° - si d'après la loi du pays où a été rendue la décision, l'expédition qui en est produite réunit les conditions nécessaires à son authenticité ; 2° - si d'après la même loi, cette décision émane d'une juridiction compétente ; 3° - si d'après cette loi, les parties ont été régulièrement citées ; 4° - si d'après la même loi, le jugement est passé en force de chose jugée ; 5° - si les dispositions dont l'exécution est poursuivie n'ont rien de contraire à l'ordre public ou aux principes de droit public du pays où l'exequatur est requis ;

Considérant sur le premier point, que l'expédition de l'arrêt n° 549 de la Cour d'appel de Montpellier du 12 mars 2003 versé aux débats est revêtu de la formule exécutoire et présente tous caractères de nature à justifier son authenticité ;

Considérant sur le deuxième point, que les juridictions françaises ont été complètement saisies sur le fondement de l'article 14 du Code civil français ;

Considérant sur le troisième point, que les parties apparaissent avoir été régulièrement citées ;

Considérant sur le quatrième point, que l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier n'apparaît pas avoir fait l'objet d'un recours en cassation, en l'état du certificat de non-pourvoi établi le 24 septembre 2003 par le greffier en chef de la Cour de cassation ; qu'il est donc passé en force de chose jugée et exécutoire en France au sens de l'article 501 du Code de procédure civile français ;

Considérant sur le cinquième point, que l'appelante soutient que sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse serait contraire à l'ordre public monégasque puisque la loi n° 729 du 16 mars 1963 sur le contrat de travail autorise la résiliation d'un contrat à durée indéterminée sans avoir à indiquer le motif ;

Considérant cependant d'une part, que cette disposition n'a pas un caractère d'ordre public en ce qu'il peut y être dérogé par l'employeur notamment ;

Que la SAM Mercure International of Monaco a d'ailleurs invoqué dans sa lettre de licenciement du 25 avril 2000 un motif économique : la suppression du poste de directeur d'exploitation occupé par R. F., poste dans lequel il a été en réalité remplacé selon l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier ;

Considérant d'autre part, que la SAM Mercure International of Monaco n'a nullement invoqué devant la Cour d'appel de Montpellier l'application au contrat du droit monégasque mais qu'elle a demandé l'application du droit ivoirien, droit du lieu d'exécution du contrat ;

Considérant de troisième part, que la loi monégasque admet le principe de l'abus de droit à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail, notamment lorsqu'un faux motif a été allégué ;

Considérant enfin, que la référence aux articles 17 et 32 de la Constitution monégasque est sans pertinence au regard du présent litige comme l'est également celle à l'article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la décision de la Cour d'appel de Montpellier ne manifestant une quelconque discrimination de la nature de celles envisagées par cet article ;

Considérant en définitive, que les dispositions de cet arrêt n'ont rien de contraire à l'ordre public monégasque ;

Que le jugement du 13 janvier 2005 doit donc être confirmé ;

Considérant sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée par R. F., que l'appel témérairement formé par la SAM Mercure International of Monaco revêt un caractère abusif qui a occasionné à R. F. un préjudice certain qui doit être réparé par l'allocation de dommages-intérêts que la cour a les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 1 000 euros au paiement de laquelle il y a lieu de condamner cette société ;

Que la SAM Mercure International of Monaco qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

- Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 13 janvier 2005,

Composition🔗

Mme François, prem. prés. ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Brugnetti, av. déf. ; Mes Lavagna-Bouhnik et Giaccardi, av.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance du 13 janvier 2005.

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