Cour d'appel, 23 janvier 2006, G.S. et H.S. c/ Ministère public et E.

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Abstract🔗

Faux en écriture publique

Procédure particulière

Dépôt au Greffe des pièces arguées de faux, paraphées et signées (CPP, art. 546) - Règle non sanctionnée par la nullité - Copies des originaux déposés, avant la saisie de ceux-ci - Copies conformes aux originaux - Absence de violation des droits de la défense

Escroquerie

Manœuvres frauduleuses - Remise de fonds à titre de prêt, déterminée par la présentation d'une fausse garantie hypothécaire, confortée par l'intervention d'un tiers pour lui donner une apparence d'authenticité

Résumé🔗

Les prévenues font valoir, s'agissant de leurs demandes in limine litis, qu'ont été méconnues les règles spéciales au faux, énoncées aux articles 546 et suivants du Code de procédure pénale en vertu desquelles les pièces arguées de faux devaient être aussitôt déposées au greffe, paraphées à toutes les pages et signées par le greffier qui doit en dresser un procès-verbal descriptif, ainsi que par la personne qui les a déposées, par les inculpés et par le juge d'instruction lors de l'interrogatoire, par la partie civile lors de la première audition, et par les témoins ;

En l'espèce, les pièces arguées de faux par la partie civile, soit la pièce intitulée « grosse au porteur » datée du 24 juin 1999 (cote D3), celle intitulée « grosse au porteur » non datée mais établie en novembre ou décembre 1999 (cote D26) ont été adressées en simple copie, par Maître Richard Mullot, conseil de la partie civile au Procureur général par jonction à sa plainte du 27 février 2002, pour abus de confiance, recel, faux et usage ; que l'enquête préliminaire et l'information ont été effectuées sur la base de ces simples copies avant que le magistrat instructeur, sur réquisitions supplétives du Ministère public n'invite, le 7 janvier 2004, Maître Richard Mullot à lui communiquer les actes notariés argués de faux ;

Les deux originaux communiqués au magistrat instructeur le 13 janvier 2004 ont fait l'objet de saisies et ont été placés sous scellés ouverts mais ne leur ont jamais été présentés ni au cours de l'instruction ni au cours des débats devant le tribunal correctionnel ;

Elles ont ainsi été condamnées, alors qu'ont été méconnues les prescriptions des articles 546 et suivants du Code de procédure pénale ainsi que les droits de la défense ; H.S. et G.S. demandent à la cour de prononcer l'annulation de l'Ordonnance de renvoi du magistrat instructeur du 9 juin 2004 au motif, d'une part, qu'ont été méconnues les règles spéciales relatives au faux, énoncées par les articles 546 et suivants du Code de procédure pénale, en sorte que la cour doit constater une violation des droits de la défense, et, d'autre part, que la constitution de partie civile de Sture Emilson est irrecevable dès lors qu'elle est fondée sur des faits illicites, les taux usuraires des prêts consentis par Sture Emilson, et sur les demandes concomitantes de la partie civile devant les juridictions civile et pénale, l'assignation devant une juridiction civile valant désistement de la partie civile devant la juridiction répressive ;

Il résulte de la procédure d'information que Sture Emilson a communiqué au magistrat instructeur, lors du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile, les copies de la pièce intitulée « grosse au porteur » datée du 24 juin 1999 (cote D3), la pièce intitulée « grosse au porteur » non datée mais établie courant novembre ou décembre 1999 (cote D17) ainsi que de la pièce intitulée « promesse de vente » datée du 16 février 2000 (cote D26) ;

Sur les réquisitions du Ministère public en date du 11 décembre 2003, le magistrat instructeur a invité le conseil de la partie civile à faire verser à la procédure les originaux des actes qualifiés faux, s'agissant des actes notariés sous cote D38 ;

Ayant reçu le 14 janvier 2004 lesdites pièces, soit deux documents constitués chacun de cinq feuillets, et intitulés « grosse au porteur », s'agissant de l'obligation de Mlle S.H. au profit de M. Sture Emilson datée à Monaco du 24 juin 1999, sous l'en-tête de l'étude de Maître Louis-Constant Crovetto, et de l'obligation de Mlle S.G. au profit de M. Sture Emilson datée à Monaco de novembre 1999, sous en-tête de l'étude de Maître Louis-Constant Crovetto, le magistrat instructeur procédait à la saisie de ces deux documents et les plaçait sous scellés ouverts n° 1 et 2, après avoir constaté que ces deux documents correspondaient respectivement aux pièces déjà versées par la partie civile à la procédure et en copie sous cotes D3 et D17 ;

Devant la Cour les prévenues invoquent désormais les violations des articles 546 et suivants du Code de procédure pénale relatifs aux règles de procédure en matière de faux en écriture ;

Cependant, aucune disposition du Code de procédure pénale ne sanctionne expressément par la nullité de la procédure d'information la méconnaissance de ces règles ;

Si les prévenues invoquent la violation des droits de la défense qui résulterait de l'inobservation desdites règles, il résulte de l'instruction à l'audience de la Cour que les originaux des grosses hypothécaires arguées de faux, placés sous scellés ouverts et déposés au greffe, sont identiques aux copies de ces originaux, remises par Sture Emilson lors de sa constitution de partie civile ;

En outre, au cours de l'information, les prévenues ont pu donner toutes explications, en présence de leur conseil, sur les copies de ces documents, H.S. exposant alors qu'il s'agissait d'exemples de grosses hypothécaires qu'elle avait montrés à Sture Emilson, sans jamais contester la teneur de ces documents ;

Elles ont ainsi pu s'expliquer contradictoirement sur ces documents en sorte qu'aucune violation des droits de la défense ne peut être constatée et qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'ordonner l'annulation de l'Ordonnance de renvoi de ce chef ;

S'agissant de la copie de l'acte intitulé « promesse de vente » fait à Beausoleil, une telle demande ne peut qu'être rejetée, la cour s'étant déclarée territorialement incompétente pour en connaître ;

Sur la remise de la somme de 1 600 000 francs à S.H.

Il résulte tant du dossier d'information que des débats à l'audience de la cour qu'S.H. s'est fait remettre par Sture Emilson, par chèque bancaire tiré le 24 juin 1999, une somme de 1 600 000 francs, à titre de prêt, moyennant un intérêt annuel de 20 % ;

Sur cette somme S.H. a remboursé à Sture Emilson la somme de 240 000 francs ;

Sture Emilson a indiqué que ce prêt avait été ainsi consenti à S.H. car il était garanti par une affectation hypothécaire à son profit d'un appartement de trois pièces sis à Monaco et appartenant à S.H., celle-ci ayant par ailleurs reconnu avoir indiqué à Sture Emilson qui souhaitait se ménager une sûreté que cet appartement devait constituer la garantie du prêt ;

S'agissant de ladite garantie, Sture Emilson a expliqué qu'S.H. lui avait remis un document notarié intitulé « grosse au porteur » obligation de Mlle S.H. au profit de M. Sture Emilson « prétendument dressé par Maître Louis Constant Crovetto, docteur en droit notaire, énonciation de la première page de ce document ;

Les quatre pages suivantes contiennent les indications relatives au prêt, aux parties en cause, à son montant et ses intérêts ainsi qu'à l'appartement affecté aux hypothèques de premier rang comme sûreté au bénéfice de Sture Emilson, tandis que la dernière page comporte la signature d'S.H. et Sture Emilson avec au dos l'indication de la transcription par la Conservation des Hypothèques et la date du 6 août 1999 ;

Cependant il ressort du dossier d'instruction que l'hypothèque ainsi évoquée n'a fait l'objet d'aucune transcription à la Conservation des Hypothèques et que la mention de la transcription susvisée correspondait à la photocopie, avec altération de la date, d'une mention afférente à un acte de renonciation à des droits d'usufruits, établi par Maître Henry Rey, notaire, entre S.H. et G.H. et Eudoxie Bosio ;

Dans un courrier du 16 janvier 2002, Maître Crovetto- Aquilina a indiqué que les deux » grosses au porteur « n'étaient pas des actes authentiques reçus par son grand-père, Maître Louis Constant Crovetto, mais qu'il s'agissait de faux ;

S.H. a reconnu avoir réalisé à son domicile des montages sur son ordinateur portable et avoir photocopié le tampon de la Conservation des Hypothèques ;

Après avoir soutenu au cours de l'instruction et devant le tribunal correctionnel que ce document n'était qu'un modèle destiné à montrer à Sture Emilson comment se présentaient à Monaco des actes d'affectation hypothécaire, S.H. soutient désormais qu'elle s'était jusqu'à l'audience de la Cour mal exprimée et que si elle avait griffonné au crayon sur la première page de celui-ci le mot » modèle «, mention qui n'a pu être constatée à l'audience de la Cour, il convenait en réalité de distinguer cette première page de la deuxième partie du document qu'il y avait lieu de considérer comme un simple acte sous seing privé souscrit exclusivement par Sture Emilson et par elle, et non comme un acte notarié, la troisième partie, la mention de transcription, n'étant pas qu'une simple photocopie n'ayant aucune valeur probante ;

Toutefois la distinction artificielle entre diverses parties du document incriminé, ne peut être retenue ;

En effet, S.H. et Sture Emilson ont signé la dernière page de ce document censé contenir une garantie hypothécaire du prêt consenti à celle-ci, ledit document ayant ensuite été remis à Sture Emilson par S. H. ;

C'est bien l'ensemble de l'acte qui a été signé et remis à Sture Emilson en sorte qu'il a été convaincu de la réalité de l'inscription hypothécaire, sous la responsabilité du notaire, dont le nom était porté sur ce document, et alors qu'il n'est par ailleurs pas établi que la mention » modèle « figurait sur la première page ;

En tout état de cause, les allégations d'S.H. quant à l'utilisation de ce terme sont en contradiction avec son écrit du 10 août 1999 dans lequel elle reconnaissait avoir reçu de Sture Emilson la somme de 300 000 francs et que ce prêt était un complément du prêt du 24 juin 1999 ;

Ainsi, en égard aux mentions volontairement fausses de l'inscription hypothécaire, de l'intervention du notaire Louis Constant Crovetto, et de la transcription de la Conservation des Hypothèques, la pièce litigieuse doit être tenue pour un faux en écritures privées commis par S.H. ;

Pour ce qui concerne l'escroquerie à S.H. et portant sur la somme de 1 600 000 francs, S.H. conteste avoir présenté à Sture Emilson, sa sœur G. H. comme faisant partie du personnel de l'étude Crovetto dont le nom était mentionné sur la fausse garantie hypothécaire, lors de la signature de celle-ci, soit le 24 juin 1999, date à laquelle le chèque de 1 600 000 francs a été établi par Sture Emilson ;

Celui-ci a expliqué à cet égard que souhaitant prendre une garantie immobilière sur les biens immobiliers d'S.H., à l'occasion de l'octroi de ce prêt, il s'était rendu le 22 juin 1999 en compagnie d'S.H. en l'étude de Maître Crovetto où ils avaient été reçus par un clerc, Fornari ;

Cependant l'acte envisagé n'avait pu être conclu car le taux d'intérêt était trop élevé constaté par un acte authentique ;

Sture Emilson a précisé en outre que deux jours plus tard, soit le 24 juin 1999, une certaine » Marie « disant travailler pour Maître Crovetto, avait apporté dans l'appartement d'S.H. à Monaco, le document intitulé » grosse au porteur « pour lui faire signer ;

S'agissant de ladite » Marie «, lors de la confrontation entre la partie civile, S.H., G.H. et Francis Fornari, clerc de notaire chez Maître Crovetto-Aquilina, effectuée le 8 novembre 2002, par le magistrat instructeur, Sture Emilson a expressément reconnu en G.H. qui venait d'être invitée à pénétrer dans le bureau dudit magistrat, la personne qui lui avait été présentée comme étant » Marie « qui lui avait apporté les documents pour signature le 24 juin 1999 ;

Si G.H., à l'instar d'S.H., soutenait alors n'avoir jamais assisté à un tel rendez-vous, et n'avoir jamais rencontré Sture Emilson, alors qu'S. H venait d'affirmer quelques instants auparavant, hors la présence de sa sœur Geneviève qu'elle l'avait présentée à Sture Emilson lors d'une rencontre dans un magasin, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les déclarations expresses et circonstanciées de Sture Emilson sur ce point qui, en revanche, a fait l'objet de déclarations diverses et variées de la part des deux prévenues ;

Ainsi, les manœuvres frauduleuses consistant à faire intervenir G. H., dans les conditions précitées, pour conforter l'apparence d'authenticité de l'acte présenté comme un véritable acte notarié et fabriqué dans les circonstances ci-dessus rappelées ont déterminé Sture Emilson à remettre à S.H. la somme de 1 600 000 francs ;

C'est dès lors à bon droit qu'S.H. a été déclarée coupable de ce délit d'escroquerie.


Motifs🔗

statuant correctionnellement

La Cour,

la suite de la réquisition au conservateur des Hypothèques afin de savoir à quels actes correspondaient les tampons de son service figurant sur les grosses au porteur confectionnées par H.S., il s'avérait qu'il s'agissait de deux actes notariés passés, l'un par Maître Henri Rey, notaire, et où figuraient les noms d'H.S. et G.S. et l'autre par Maître Louis-Constant Crovetto.

Inculpée le 20 septembre 2002 d'escroquerie et de faux en écritures privées de commerce ou de banque, H.S. maintenait ses déclarations précédentes et contestait avoir commis des infractions.

Elle affirmait n'avoir pas présenté les documents comme étant des grosses au porteur mais comme un exemple de ce que pouvait être la grosse au porteur d'un notaire.

l'issue de sa première comparution devant le magistrat instructeur, elle prenait acte de ce que celui-ci ne décernait pas mandat d'arrêt à son encontre, compte tenu de l'échéancier de remboursement qu'elle proposait.

G.S. était inculpée le même jour d'escroquerie et de faux en écritures privées de commerce ou de banque et confirmait ses déclarations à la police.

Elle affirmait ne pas connaître personnellement Sture Emilson, une relation de sa sœur, laquelle avait procuré à Sture Emilson le document dénoncé comme un faux, n'ayant elle-même, dit-elle, aucun moyen de savoir s'il s'agissait d'un faux.

Elle reconnaissait avoir signé ce document, mais non pas devant un notaire. Sa sœur se serait chargée de tout.

Au cours de son audition par le juge d'instruction, en qualité de partie civile, le 11 octobre 2002, Sture Emilson déclarait, d'une part, qu'il n'avait jamais rencontré la sœur d'H.S. et qu'il serait bien incapable de la reconnaître s'il la rencontrait, et d'autre part, que la grosse au porteur d'H.S., avait était apportée chez celle-ci par une certaine » Marie «, qui lui avait été présentée comme étant la personne envoyée par le clerc de Maître Crovetto, parce que ce dernier ne pouvait se déplacer lui-même.

S'agissant des déclarations d'H.S., selon lesquelles elle n'avait confectionné les actes notariés qu'à titre de simple renseignement ou d'information, pour lui montrer comment se présentait matériellement un acte notarié avec une affectation hypothécaire, Sture Emilson qualifiait celles-ci de fantaisistes car non seulement H.S. et la pseudo » Marie « lui avaient présenté ce document comme étant l'acte relatif à sa propre hypothèque mais en outre elles le lui avaient fait signer. En aucun cas il n'avait demandé à voir un exemple d'acte notarié mais était persuadé être détenteur d'un acte officiel.

Son avocat avait effectué des démarches auprès de la Conservation des Hypothèques qui lui avait confirmé que les sœurs S. n'avaient plus aucun patrimoine immobilier.

Sur commission rogatoire du 6 septembre 2002 du magistrat instructeur ordonnant une enquête sur le patrimoine d'H. et G.S., les enquêteurs ont procédé à diverses investigations bancaires dont il est résulté que la plupart des comptes bancaires avaient été clôturés, ou présentaient un solde négatif, hormis le compte ouvert par H.S. à la Société Marseillaise de crédit et présentant un solde de 9 879,76 €.

De la confrontation effectuée par le magistrat instructeur, le 8 novembre 2002, entre Sture Emilson, H.S., G.S. et Francis Fornari, clerc de notaire exerçant chez Maître Crovetto Aquilina, il ressortait qu'en garantie du prêt demandé à Sture Emilson, H.S. lui avait proposé une hypothèque sur ses biens immobiliers en sorte qu'ils s'étaient rendus ensemble en l'étude de Maître Crovetto afin de préparer la grosse au porteur, mais le clerc, Francis Fornari, qui les avait alors reçus quelques instants, aurait par la suite rappelé H.S. pour l'informer que cet acte ne pouvait être passé compte tenu du taux usuraire de 20 %, Francis Fornari ne se souvenant pas précisément de cet entretien.

Il contestait cependant formellement avoir préparé, après l'entretien, un quelconque acte qu'il aurait confié à une personne de l'étude aux fins de signature, hors de l'étude de Maître Crovetto, et répondant au nom de » Marie «.

Sture Emilson ayant confirmé au cours de la confrontation avoir rencontré au domicile d'H.S. une certaine » Marie « qui lui avait fait signer la grosse au porteur, reconnaissait en G.S. qui venait d'être invitée à entrer dans le bureau du magistrat instructeur, la personne qui lui avait été présentée comme étant » Marie « et qui lui avait apporté les documents qu'il avait signés le 24 juin 1999.

G.S. contestait alors avoir assisté à un tel rendez-vous et affirmait n'avoir jamais rencontré Sture Emilson, alors qu'H.S. venait d'affirmer quelques instants auparavant, hors la présence de sa sœur G., qu'elle se souvenait avoir présenté celle-ci à Sture Emilson lors d'une rencontre au magasin » Huit à Huit « en face de chez elle.

Tout en maintenant avoir procédé à un montage de la grosse au porteur mais uniquement pour montrer à Sture Emilson comment se présentait une grosse au porteur, elle reconnaissait qu'elle la lui avait fait signer sans toutefois avoir eu l'intention de le gruger.

S'agissant du prêt de 700 000 francs au bénéfice de G.S. celle-ci indiquait qu'elle avait signé, sans poser de questions, la grosse au porteur de novembre 1999.

Le magistrat instructeur lui ayant demandé de préciser comment il était entré en possession de la grosse au porteur, Sture Emilson répondait dans les termes suivants : » c'est Madame Marie, en fait G.S. ici présente, qui me l'a remise chez moi le 25 novembre 1999 à 16 heures 30. H.S. qui était présente m'a présenté le document en me disant qu'il était déjà signé par Madame G.S. «.

G.S., quant à elle, contestait vigoureusement ces déclarations. Sture Emilson déclarait qu'il n'avait consenti ce prêt que parce qu'il avait eu conscience de l'accorder sous la garantie hypothécaire mentionnée dans les deux grosses au porteur qui lui avaient été remises, H.S. ayant clairement indiqué qu'elle lui donnait cette garantie hypothécaire.

Enfin, le 7 mars 2003, le magistrat instructeur interrogeait H.S. sur les deux faux actes notariés confectionnés à partir de copies d'actes établis respectivement devant Maître Rey le 5 mars 1997 et Maître Crovetto le 23 novembre 1998 et enregistrés à la Conservation des Hypothèques, les 18 mars 1997 et 26 novembre 1998 sous les numéros » volume 964, numéro 2 « et » volume 998, numéro 2 «, le premier correspondant à une renonciation à usufruit qui lui avait été consentie par Madame Caitucoli, et le second, à une vente d'un immeuble, la » Villa Christiane « à Monaco par M. Crochon aux époux Moletto à laquelle elle est totalement étrangère, acte préparé par M. Fornari.

H.S. affirmait qu'elle ne s'expliquait pas dans quelles conditions elle avait pu avoir ce document dans ses affaires. Elle ne pouvait pas davantage donner d'explications sur les diverses opérations bancaires qui faisaient suite aux prêts consentis par Sture Emilson.

Par conclusions déposées le 5 décembre 2005, Sture Axel Emilson demande à la Cour, par l'intermédiaire de son conseil, de retenir G. et H.S. dans les liens de la prévention, de constater que les délits qui leur sont reprochés ont été commis avec cette circonstance aggravante que des fausses grosses au porteur notariées sont été fabriquées en vue de le tromper alors qu'il était âgé de 70 ans, ne parlait pas français et demeurait seul à Monaco, et de condamner solidairement G. et H.S. à lui payer les sommes de :

euros correspondant aux sommes empruntées en principal et intérêts, correspondant à son préjudice matériel et financier,

euros à titre de préjudice matériel et financier complémentaire,

euros au titre du préjudice moral.

Il fait essentiellement valoir qu'entre 1998 et 2000, H. et G.S. lui ont proposé et remis, à titre de garantie, des documents intitulés » grosses au porteur « censés émaner de l'étude de Maître Louis Constant Crovetto, alors notaire à Monaco, et concernant des immeubles dont elles se prétendaient propriétaires, en garantie des sommes prêtées moyennant un taux d'intérêt annuel de 20 %, H.S. lui ayant alors présenté à cette occasion, sa sœur Geneviève comme étant une certaine » Marie «, clerc de l'étude de Maître Crovetto ; Que sans la remise de fausses garanties, il n'aurait jamais accordé à H. et G.S. les quatre prêts litigieux qui n'ont pas été remboursés, malgré leurs promesses, toutes deux sachant qu'elles ne les honoreraient pas, compte tenu de leurs endettements respectifs ;

Que si H.S. a reconnu avoir fabriqué, à l'aide d'un ordinateur, un document résultant de divers montages faisant apparaître le nom d'un notaire ainsi que des tampons, ses allégations selon lesquelles elle voulait se borner à montrer ainsi au prêteur ce qu'était une grosse notariale, ne peuvent être sérieusement retenues ;

Qu'il n'a accordé les prêts litigieux que parce qu'il croyait qu'ils étaient garantis par un immeuble sis à Monaco, mais aussi en raison de la présence de G.S. qui se faisait passer systématiquement pour l'employée d'une étude notariale, se prénommant » Marie « ;

Qu'il n'est toujours pas établi que G. et H.S. sont propriétaires de leurs logements, lesquels apparaissent grevés d'usufruits, sur les documents remis par la Conservation des Hypothèques ; Qu'après avoir signé le 11 avril 2005 des promesses irrévocables de lui transférer leur appartement sis au 2e étage de l'immeuble » Villa Saint-Pierre « ainsi qu'une cave, et dès lors purgé les hypothèques qui les grevaient, H. et G.S. ont refusé de signer l'acte définitif en sorte qu'un procès-verbal de carence a été dressé le 30 juin 2005, rappelant qu'elles s'étaient engagées à céder leurs biens moyennant un prix de 1 000 000 euros représentant le montant de leur dette, payé par compensation ;

Qu'ainsi leurs promesses de compensation sont restées vaines : Qu'il réitère ses demandes de première instance et demande qu'il soit tenu compte, eu égard à l'appel qui a été formé et au temps passé, de l'augmentation de ses préjudices matériel et moral qui justifient une augmentation de ses demandes ;

Qu'ainsi, il convient de retenir pour chaque prêt, après déduction des quelques remboursements intervenus, les sommes dues en principal et intérêts ;

Que s'agissant du prêt de 1 600 000 francs, compte tenu des remboursements d'un montant total de 240 000 francs et des intérêts au taux de 20 % du 25 juin 2000 au 5 décembre 2005, soit 1 524 539,40 francs, le montant restant dû s'élève à 507 519,91 euros ;

Que pour ce qui concerne le prêt de 300 000 francs, ce montant a été remboursé avec retard, en sorte qu'il a généré des intérêts du 10 septembre 1999 au 5 décembre 2005, soit 34 319,58 euros ;

Que sur le prêt de 700 000 francs du 15 décembre 1999, au taux de 20 % et pour une durée de 6 mois, une seule somme de 35 000 francs a été remboursée par H.S. qui reste devoir une somme de 213 683,56 euros, y compris les intérêts du 25 juin 2000 au 5 décembre 2005 d'un montant de 639 205,47 francs ;

Qu'enfin, le quatrième prêt de 330 000 francs du 11 février 2000 qui devait générer un profit de 60 000 francs, la somme lui restant due s'élève à 94 289,17 euros compte tenu des intérêts du 11 avril 2000 au 5 décembre 2005 au taux de 12 %, d'un montant de 228 496,43 francs ;

Qu'ainsi le total des sommes dues en principal et intérêts s'élève à la somme de 849 812,22 euros ;

Sture Emilson fait encore valoir que c'est à tort que le tribunal correctionnel a considéré qu'il ne pouvait requalifier les faits dont il était saisi, en abus de confiance, et qu'il a relaxé H.S. des chefs d'escroqueries, faux et usage de faux pour le prêt de 330 000 francs, en estimant qu'il y avait un doute, alors que l'opération relative à l'appartement constituait les manœuvres ayant permis la remise des fonds et caractérisait ainsi le délit d'escroquerie ;

Qu'en tout état de cause, la cour n'est pas liée par la qualification juridique des faits telle qu'elle résulte de l'Ordonnance de renvoi et peut dès lors considérer que le délit d'abus de confiance est constitué, sur le fondement du contrat de mandat ou du prêt à usage ;

Qu'eu égard aux nombreuses promesses de remboursement non tenues par les prévenues, à son âge avancé et aux tracas que les faits et la procédure lui ont causés, son préjudice moral doit être évalué à 300 000 euros, l'inertie injustifiée des prévenues et les frais qu'il a dû exposer pour assurer sa défense, justifiant quant à eux leur condamnation à lui payer une somme supplémentaire de 200 000 euros ;

Par conclusions déposées le 5 décembre 2005, H.S. et G.S. demandent à la cour, par l'intermédiaire de leur conseil, in limite litis, de déclarer irrégulières toutes les dispositions de renvoi de l'ordonnance du 9 juin 2004 et de prononcer leur annulation, de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Sture Emilson et, subsidiairement, de constater le désistement de la partie civile, et au fond, subsidiairement, de les renvoyer des fins de la poursuite.

Les prévenues font valoir, s'agissant de leurs demandes in limine litis, qu'ont été méconnues les règles spéciales relatives au faux, énoncées aux articles 546 et suivants du Code de procédure pénale en vertu desquelles les pièces arguées de faux devaient être aussitôt déposées au greffe, paraphées à toutes les pages et signées par le greffier qui doit en dresser un procès-verbal descriptif, ainsi que par la personne qui les a déposées, par les inculpés et par le juge d'instruction lors de l'interrogatoire, par la partie civile lors de sa première audition, et par les témoins ;

En l'espèce, les pièces arguées de faux par la partie civile, soit la pièce intitulée » grosse au porteur « datée du 24 juin 1999 (cote D3), celle intitulée » grosse au porteur « non datée mais établie en novembre ou décembre 1999 (cote D17) et celle intitulée » promesse de vente « datée du 16 février 2000 (D26), ont été adressées en simple copie, par Maître Richard Mullot, conseil de la partie civile, au procureur général, par jonction à sa plainte du 27 février 2002 pour abus de confiance, recel, faux et usage ; que l'enquête préliminaire et l'information ont été effectuées sur la base de ces simples copies avant que le magistrat instructeur, sur réquisitions supplétives du Ministère public n'invite, le 7 janvier 2004, Maître Richard Mullot à lui communiquer les actes notariés argués de faux ;

Les deux originaux communiqués au magistrat le 13 janvier 2004 ont fait l'objet de saisies et ont été placés sous scellés ouverts mais ne leur ont jamais été présentés ni au cours de l'instruction ni au cours des débats devant le tribunal correctionnel ; Elles ont ainsi été condamnées, alors qu'ont été méconnues les prescriptions des articles 546 et suivants du Code de procédure pénale ainsi que les droits de la défense ;

Les prévenues soutiennent, en outre, in limine litis, que la constitution de partie civile de Sture Emilson est irrecevable car, d'une part, elle est fondée sur des faits illicites dès lors que les quatre prêts litigieux ont été accordés à des taux usuraires et que Sture Emilson a ainsi commis le délit d'usure ainsi que le délit d'exercice de l'activité de prêteur sans autorisation, et, d'autre part, que Sture Emilson a déjà obtenu réparation du préjudice invoqué, car par acte sous seing privé du 11 avril 2005 G. et H.S. se sont engagées à lui vendre un appartement de trois pièces situé dans l'immeuble » Villa Saint-Pierre « moyennant le prix de 1 000 000 euros, compensé par la même somme dont elles sont redevables envers lui sur le fondement de cette procédure judiciaire ;

Que cependant, ayant refusé de passer l'acte authentique après leur condamnation par le jugement entrepris à payer à Sture Emilson la somme de 410 632,74 euros, celui-ci les a assignées à comparaître devant le tribunal de première instance en réalisation de ce compromis de vente, en sorte qu'elles sont poursuivies en paiement, au pénal et au civil, pour la même dette, alors que selon l'article 81 du Code de procédure pénale, l'assignation devant la juridiction civile vaut désistement de la partie civile devant la juridiction répressive ;

Elles soutiennent, au fond, que s'agissant du prétendu faux sous seing privé, intitulé » promesse de vente «, imputé à H.S., ni les réquisitions définitives, ni l'ordonnance de renvoi n'ont évoqué le caractère de faux de cette pièce et le tribunal correctionnel a considéré que le faux n'était pas constitué, sans donner la moindre explication ; qu'en outre, seule une photocopie de cette pièce figure au dossier alors que la prévention ne peut être établie qu'en présence de l'original de la pièce arguée de faux, et qu'en outre, cette pièce a été établie à Beausoleil, et dès lors, hors du territoire de la Principauté, en sorte que les juridictions monégasques ne sont pas compétentes pour connaître de ce prétendu faux, ladite pièce étant en tout état de cause signée par Sture Emilson ;

Que, pour ce qui concerne la prétendue escroquerie au moyen de la » promesse de vente « arguée de faux, imputée à H.S., elles font valoir que la circonstance que Sture Emilson ait établi un chèque de 700 000 francs à l'ordre de la société Gestion Immobilière S. à Beausoleil, démontre qu'ils étaient bien en rapport d'affaires pour l'achat et la revente d'un immeuble situé en France ;

Qu'il est manifeste que la pièce cotée D26 n'est pas un faux et que la promesse de vente était parfaitement régulière en sorte que le délit d'escroquerie n'est pas davantage caractérisé que les faits de faux ;

Elles font valoir, par ailleurs, s'agissant du procédé de falsification des prétendues » grosses au porteur « retenu dans la prévention, qu'il conviendra de constater que parmi les procédés de falsification limitativement énumérés par l'article 91 du Code pénal n'y figure pas celui retenu par la prévention, à savoir » faire croire à l'authenticité d'un acte authentique qui ne l'est pas «, les faux de » grosses au porteur « qui leur sont reprochés n'étant dès lors pas constitués ;

Que la pièce intitulée » grosse au porteur « datée du 24 juin 1999 (cote D3), composée pour première partie d'une feuille de couverture portant les mentions » grosse au porteur « et » Louis-Constant Crovetto Docteur en Droit Notaire «, pour deuxième partie un acte sous seing privé souscrit par Sture Emilson et H.S. pour l'octroi d'un prêt avec intérêts de 20 % l'an, garanti par une affectation hypothécaire, et pour troisième partie une feuille au bas de laquelle figure en photocopie des mentions de transcription de la Conservation des Hypothèques de Monaco portant en photocopie la date du 6 août 1999, doit être considérée comme un simple acte sous seing privé et non comme un acte authentique établi par Maître Crovetto, et qualifiée de faux criminel correctionnalisé ;

Qu'en effet, la deuxième partie de cette pièce n'est qu'un simple sous seing privé souscrit exclusivement par Sture Emilson et par H.S., et ne fait état d'aucune mention ou allusion à un notaire ou à l'intervention d'un notaire, ne peut constituer un acte notarié et doit, par suite, être tenu pour parfaitement régulier, valant titre pour le prêt consenti et engagement de garantie hypothécaire nécessitant l'intervention d'un notaire pour qu'elle prenne effet ;

Que la troisième partie de cette pièce n'est qu'une simple photocopie n'ayant aucune valeur probante, insusceptible de constituer un faux, celle-ci étant sans rapport avec la deuxième partie signée le 24 juin 1999 avec un enregistrement de cet acte au 6 août 1999 ;

Qu'en définitive, cette pièce datée du 24 juin 1990 ne constitue qu'un acte sous seing privé, au demeurant licite, sous réserve du taux d'intérêts usuraire qui y est stipulé, et qui ne peut être qualifié d'acte notarié falsifié ;

Elle fait encore valoir que pour ce qui concerne la prétendue escroquerie imputée à H.S. au moyen de la pièce du 24 juin 1999, arguée de faux, et de l'intervention sous de fausses identité et qualité de G.S., la chose remise a été le contrat de prêt, valant titre, et non la somme de 1 600 000 francs de telle sorte que c'est en application de ce titre et non d'une supposée escroquerie que Sture Emilson a émis ce chèque ;

Qu'il n'y a eu, en l'espèce, aucune manœuvre qui aurait consisté à faire signer à Sture Emilson deux fausses garanties hypothécaires résultant d'un montage car les pièces D3 et D17 ne constituent que des actes sous seing privé, valant titre, ne pouvant être qualifiés d'actes notariés falsifiés, alors qu'en outre à la date à laquelle le chèque de 1 600 000 francs a été émis, la deuxième » fausse garantie hypothécaire « n'existait pas ;

Que l'acte sous seing privé du 24 juin 1999 a été signé par Sture Emilson au domicile de celui-ci et en l'absence de G.S., contrairement aux déclarations de Sture Emilson qui, à cet égard, a fait des déclarations contradictoires, la présence de » Marie «, c'est-à-dire de G.S. au domicile de H.S. le 24 juin 1999 et au domicile de Sture Emilson étant invraisemblable ; Qu'en outre, contrairement aux affirmations de celui-ci, ils se connaissent très bien car ils sont voisins depuis plus de trente ans et qu'ils se rencontraient dans les assemblées générales de copropriété ;

Qu'aucun élément du dossier n'établissant la présence de G.S. lors de la conclusion des actes sous seing privé, la cour ne pourra retenir la version des faits de Sture Emilson, ni considérer comme établies les manœuvres frauduleuses retenues dans la prévention ;

Que les moyens frauduleux retenus dans la prévention n'ont pas été déterminants de la remise ;

Que les observations précédentes relatives à la prétendue escroquerie au moyen de la pièce datée du 24 juin 1999 sont également valables pour la prétendue escroquerie reprochée à G.S., et qui aurait été réalisée au moyen de la pièce non datée ;

Enfin, elles font état de ce qu'elles n'ont jamais été condamnées, qu'elles sont âgées de 62 et 55 ans, qu'elles ont à charge leur mère impotente âgée de 86 ans, qu'H.S. a des problèmes de santé et que toutes deux ont fait l'objet d'une mesure de refoulement du territoire de la Principauté, avec effet au 1er janvier 2006.

l'audience de la Cour, Sture Emilson, partie civile, était absent mais représenté par Maître Richard Mullot, avocat-défenseur. H.S. et G.S., présentes aux débats, ont fait déposer par l'intermédiaire de leur conseil, Maître Gaston Carrasco, les conclusions analysées ci-dessus.

S'agissant des conclusions in limine litis ainsi déposées et auxquelles le conseil de la partie civile n'a pas entendu répondre par conclusions écrites, la Cour a ordonné que l'incident sera joint au fond.

La Cour a ordonné, en outre, la présentation, à l'audience, des deux originaux des » grosses au porteur «, saisis et placés sous scellé n° 05/77, lesquels ont été examinés par les parties, en sorte qu'il a pu être constaté qu'ils correspondaient en tous points aux pièces déposées dans la plainte initiale (cote D3 et D17) et constituant les photocopies des documents placés sous scellé n° 05/77.

H.S. a expliqué à la Cour qu'ayant besoin d'argent pour restructurer son agence immobilière, Sture Emilson lui avait accordé un prêt de 1 600 000 francs, au taux de 20 % proposé par lui, dont le remboursement était garanti par l'acte sous seing privé, qu'ils ont tous deux signé.

Elle affirmait qu'elle s'était mal exprimée tant devant le juge d'instruction que devant le tribunal correctionnel au sujet de cet acte dont la » page de garde « n'était qu'un modèle, mot qu'elle avait écrit au crayon sur cette page, tandis que le document était bien un acte sous seing privé ;

Le document original intitulé » grosse au porteur « daté du 24 juin 1999 lui étant alors présenté, H.S. déclarait constater que la mention » modèle « n'apparaissait pas sur la première page de ce document, et avoir eu pour but de montrer à Sture Emilson comment se présentait un tel document, afin de le rassurer, tout en lui précisant qu'il s'agissait bien d'un acte sous seing privé.

S'agissant des mentions relatives à la Conservation des Hypothèques, elle indiquait les avoir photocopiées à partir d'un document qu'elle possédait et avoir mis cette fausse mention sur le document, avec son ordinateur portable, afin de rassurer Sture Emilson, sans toutefois apposer sur cette page la mention » modèle « ;

H.S. maintenait par ailleurs que lors de la remise de ce document à Sture Emilson elle s'était trouvée seule avec lui à son domicile où tous deux l'avaient signé.

cet égard, G.S. déclarait qu'elle n'avait jamais rencontré Sture Emilson dans le cadre de ces prêts ni été présentée à lui en qualité de notaire ou comme portant le prénom de » Marie «, et qu'ils se connaissaient tous deux depuis fort longtemps.

Elle affirmait, s'agissant du prêt de 700 000 francs qu'elle s'était bornée à signer les documents que lui avait présentés sa sœur, qu'elle n'avait pas rencontré lors de cette signature Sture Emilson qui n'avait pas signé l'acte en sa présence.

Quant au document intitulé » grosse au porteur « relative à ce deuxième prêt, H.S. déclarait qu'elle avait procédé de la même manière que pour le premier document, en y portant au crayon la mention » modèle «.

Pour ce qui concerne le prêt de la somme de 330 000 francs, H.S. déclarait qu'elle avait sollicité celui-ci pour acquérir à Beausoleil un appartement dont le propriétaire avait souhaité conclure très rapidement l'acte de vente ; elle avait finalement proposé à Sture Emilson de réaliser ensemble une bonne opération immobilière dont ils pourraient partager les bénéfices ; elle avait signé le document intitulé promesse de vente mais l'acquéreur potentiel n'avait pas donné suite à son projet.

Elle avait ainsi conservé la somme de 330 000 francs qu'elle avait ensuite utilisée pour la gestion de son agence immobilière.

S'agissant des promesses de remboursement ainsi que des appartements faisant l'objet de garanties, G.S. précisait que son appartement avait été vendu en juin 2005 pour la somme de 550 000 euros qui lui avait permis de rembourser diverses dettes en sorte qu'elle ne disposait plus de la moindre somme provenant de cette vente, tandis qu'H.S. indiquait qu'elle avait vendu son appartement au cours de l'année 2004 pour la somme de 970 000 euros avec laquelle elle avait remboursé une ancienne créance de 900 000 euros, affirmant toutefois avoir été solvable lors de l'obtention des prêts litigieux.

Puis H. et G.S. ont fait reprendre par leur conseil, Maître Gaston Carrasco, les exceptions soulevées in limine litis, développées dans ses conclusions et analysées ci-dessus. Maître Richard Mullot a conclu à leur rejet, et, quant au fond, a repris ses conclusions sus-indiquées en demandant à la Cour de requalifier en abus de confiance leurs faits ayant fait l'objet d'une relaxe par le tribunal correctionnel.

Le Ministère public a conclu, d'une part, à l'irrecevabilité des exceptions soulevées par les prévenues et à la réformation du jugement entrepris du tribunal correctionnel en ce qu'il a prononcé la relaxe d'H.S. pour des faits qu'il y a lieu de requalifier en abus de confiance, et, d'autre part, à la condamnation d'H.S. à la peine de quatre ans d'emprisonnement, de G.S. à la peine de trois ans d'emprisonnement ainsi qu'à la délivrance d'un mandat d'arrêt à leur encontre.

Au fond, les prévenues ont fait plaider la relaxe, en faisant préciser que la promesse de vente litigieuse ayant été réalisée à Beausoleil, les juridictions monégasques n'étaient pas compétentes pour en connaître.

Sur ce,

Sur l'action publique

Considérant qu'H.S. a été renvoyée devant le tribunal correctionnel par ordonnance du magistrat instructeur en date du 9 juin 2004, pour avoir commis, d'une part, en 1999 deux faux en écritures privées par fabrication de deux écrits destinés à faire croire à Sture Emilson à l'authenticité de deux garanties hypothécaires, et, en 2000, un faux en écriture privée par fabrication d'un écrit destiné à faire la preuve d'un droit, en faisant figurer faussement Sture Emilson comme acquéreur d'un bien immobilier dans un acte de vente, et d'autre part, deux escroqueries, en 1999 et en 2000, par l'emploi de manœuvres frauduleuses, en se faisant remettre par Sture Emilson respectivement les sommes de 1 600 000 francs et 330 000 francs ;

Que par la même ordonnance du juge d'instruction, G.S. a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir commis en 1999 un faux en écritures privées par fabrication d'un écrit destiné à faire croire à Sture Emilson à l'authenticité d'une garantie hypothécaire, et une escroquerie en 1999, par l'emploi de manœuvres frauduleuses, en se faisant remettre par Sture Emilson la somme de 700 000 francs ;

Considérant que s'agissant du faux en écritures privées consistant à faire figurer faussement Sture Emilson comme acquéreur d'un bien immobilier dans un acte de vente, reproché à H.S., il résulte de l'examen de la pièce litigieuse intitulée » promesse de vente « que cet acte, par lequel Mme Yves Pastor a promis de vendre un appartement situé à Beausoleil à H.S. et Sture Emilson qui ont accepté l'option en se réservant la faculté d'acquérir ou de ne pas acquérir, a été établi à Beausoleil le 16 février 2000 et signé par les parties à l'acte ;

Qu'il ne ressort ni du dossier d'information ni des débats à l'audience que cet acte n'a pas été rédigé à Beausoleil et qu'il comporte de fausses signatures ;

Qu'à l'évidence, cet acte a ainsi été établi à Beausoleil et non à Monaco, en sorte que la cour est incompétente pour se prononcer sur la prévention de faux en écritures privées retenue à ce titre à l'encontre d'H.S. ;

H. et G.S. demandent à la Cour de prononcer l'annulation de l'ordonnance de renvoi du magistrat instructeur du 9 juin 2004 au motif, d'une part, qu'ont été méconnues les règles spéciales relatives au faux, énoncées par les articles 546 et suivants du Code de procédure pénale, en sorte que la Cour doit constater une violation des droits de la défense, et, d'autre part, que la constitution de partie civile de Sture Emilson est irrecevable dès lors qu'elle est fondée sur des faits illicites, les taux usuraires des prêts consentis par Sture Emilson, et sur les demandes concomitantes de la partie civile devant les juridictions civile et pénale, l'assignation devant une juridiction civile valant désistement de la partie civile devant la juridiction répressive ;

Il résulte de la procédure d'information que Sture Emilson a communiqué au magistrat instructeur, lors du dépôt de sa plainte avec constitution de partie civile, les copies de la pièce intitulée » grosse au porteur « datée du 24 juin 1999 (cote D3), la pièce intitulée » grosse au porteur « non datée mais établie courant novembre ou décembre 1999 (cote D17) ainsi que de la pièce intitulée » promesse de vente « datée du 16 février 2000 (cote D26) ;

Sur les réquisitions du Ministère public en date du 11 décembre 2003, le magistrat instructeur a invité le conseil de la partie civile à faire verser à la procédure les originaux des actes qualifiés faux, s'agissant des actes notariés sous cote D38 ;

Ayant reçu le 14 janvier 2004 lesdites pièces, soit deux documents constitués chacun de cinq feuillets, et intitulés » grosse au porteur «, s'agissant de l'obligation de Mlle S.H. au profit de M. Sture Emilson datée à Monaco du 24 juin 1999, sous l'en-tête de l'étude de Maître Louis-Constant Crovetto, et de l'obligation de Mlle S.G. au profit de M. Sture Emilson datée à Monaco de novembre 1999, sous en-tête de l'étude de Maître Louis-Constant Crovetto, le magistrat instructeur procédait à la saisie de ces deux documents et les plaçait sous scellés ouverts n° 1 et 2, après avoir constaté que ces deux documents correspondaient respectivement aux pièces déjà versées par la partie civile à la procédure et en copie sous cotes D3 et D17 ;

Considérant que devant la Cour les prévenues invoquent désormais les violations des articles 546 et suivants du Code de procédure pénale relatifs aux règles de procédure en matière de faux en écritures ;

Cependant, aucune disposition du Code de procédure pénale ne sanctionne expressément par la nullité de la procédure d'information la méconnaissance de ces règles ;

Si les prévenues invoquent la violation des droits de la défense qui résulterait de l'inobservation desdites règles, il résulte de l'instruction à l'audience de la Cour que les originaux des grosses hypothécaires arguées de faux, placés sous scellés ouverts et déposés au greffe, sont identiques aux copies de ces originaux, remises par Sture Emilson lors de sa constitution de partie civile ;

En outre, au cours de l'information, les prévenues ont pu donner toutes explications, en présence de leur conseil, sur les copies de ces documents, H.S. exposant alors qu'il s'agissait d'exemples de grosses hypothécaires qu'elle avait montrés à Sture Emilson, sans jamais contester la teneur de ces documents ;

Elles ont ainsi pu s'expliquer contradictoirement sur ces documents en sorte qu'aucune violation des droits de la défense ne peut être constatée et qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'ordonner l'annulation de l'ordonnance de renvoi de ce chef ;

S'agissant de la copie de l'acte intitulé » promesse de vente « fait à Beausoleil, une telle demande ne peut qu'être rejetée, la Cour s'étant déclarée territorialement incompétente pour en connaître ;

Sur la remise de la somme de 1 600 000 francs à H.S.

Il résulte tant du dossier d'information que des débats à l'audience de la Cour qu'H.S. s'est fait remettre par Sture Emilson, par chèque bancaire tiré le 24 juin 1999, une somme de 1 600 000 francs, à titre de prêt, moyennant un intérêt annuel de 20 % ;

Sur cette somme H.S. a remboursé à Sture Emilson la somme de 240 000 francs ;

Sture Emilson a indiqué que ce prêt avait été ainsi consenti à H.S. car il était garanti par une affectation hypothécaire à son profit d'un appartement de trois pièces sis à Monaco et appartenant à H.S., celle-ci ayant par ailleurs reconnu avoir indiqué à Sture Emilson qui souhaitait se ménager une sûreté que cet appartement devait constituer la garantie du prêt ;

S'agissant de ladite garantie, Sture Emilson a expliqué qu'H.S. lui avait remis un document notarié intitulé » grosse au porteur obligation de Mlle S.H. au profit de M. Sture Emilson « prétendument dressé par Maître Louis Constant Crovetto, Docteur en Droit Notaire, énonciation de la première page de ce document ;

Les quatre pages suivantes contiennent les indications relatives au prêt, aux parties en cause, à son montant et ses intérêts ainsi qu'à l'appartement affecté aux hypothèques de premier rang comme sûreté au bénéfice de Sture Emilson, tandis que la dernière page porte la signature d'H.S. et de Sture Emilson avec au dos l'indication de la transcription par la Conservation des Hypothèques et la date du 6 août 1999 ;

Cependant qu'il ressort du dossier d'instruction que l'hypothèque ainsi évoquée n'a fait l'objet d'aucune transcription à la Conservation des Hypothèques et que la mention de la transcription susvisée correspondait à la photocopie, avec altération de la date, d'une mention afférente à un acte de renonciation à des droits d'usufruit, établi par Maître Henry Rey, notaire, entre H.S. et G.S. et Eudoxie Bosio ;

Dans un courrier du 16 janvier 2002, Maître Crovetto- Aquilina a indiqué que les deux » grosses au porteur « n'étaient pas des actes authentiques reçus par son grand-père, Maître Louis-Constant Crovetto, mais qu'il s'agissait de faux ;

H.S. a reconnu avoir réalisé à son domicile des montages sur son ordinateur portable et avoir notamment photocopié le tampon de la Conservation des Hypothèques ;

Après avoir soutenu au cours de l'instruction et devant le tribunal correctionnel que ce document n'était qu'un modèle destiné à montrer à Sture Emilson comment se présentaient à Monaco des actes d'affectation hypothécaire, H.S. soutient désormais qu'elle s'était jusqu'à l'audience de la Cour mal exprimée et que si elle avait griffonné au crayon sur la première page de celui-ci le mot » modèle «, mention qui n'a pu être constatée à l'audience de la Cour, il convenait en réalité de distinguer cette première page de la deuxième partie du document qu'il y avait lieu de considérer comme un simple acte sous seing privé souscrit exclusivement par Sture Emilson et par elle, et non comme un acte notarié, la troisième partie, la mention de transcription, n'étant qu'une simple photocopie n'ayant aucune valeur probante ;

Toutefois la distinction artificielle entre diverses parties du document incriminé, ne peut être retenue ; En effet, H.S. et Sture Emilson ont signé la dernière page de ce document censé contenir une garantie hypothécaire du prêt consenti à celle-ci, ledit document ayant ensuite été remis à Sture Emilson par H. S. ;

C'est bien l'ensemble de l'acte qui a été signé et remis à Sture Emilson en sorte qu'il a été convaincu de la réalité de l'inscription hypothécaire, sous la responsabilité du notaire, dont le nom était porté sur ce document, et alors qu'il n'est par ailleurs pas établi que la mention » modèle « figurait sur la première page ;

En tout état de cause, les allégations d'H.S. quant à l'utilisation de ce terme sont en contradiction avec son écrit du 10 août 1999 dans lequel elle reconnaissait avoir reçu de Sture Emilson la somme de 300 000 francs et que ce prêt était un complément du prêt du 24 juin 1999 ;

Ainsi, eu égard aux mentions volontairement fausses de l'inscription hypothécaire, de l'intervention du notaire Louis Constant Crovetto, et de la transcription de la Conservation des Hypothèques, la pièce litigieuse doit être tenue pour un faux en écritures privées commis par H.S. ;

Pour ce qui concerne l'escroquerie reprochée à H.S. et portant sur la somme de 1 600 000 francs, H.S. conteste avoir présenté à Sture Emilson, sa sœur G.S. comme faisant partie du personnel de l'étude Crovetto dont le nom était mentionné sur la fausse garantie hypothécaire, lors de la signature de celle-ci, soit le 24 juin 1999, date à laquelle le chèque de 1 600 000 francs a été établi par Sture Emilson ;

Celui-ci a expliqué à cet égard que souhaitant prendre une garantie immobilière sur les biens immobiliers d'H.S., à l'occasion de l'octroi de ce prêt, il s'était rendu le 22 juin 1999 en compagnie d'H.S. en l'étude de Maître Crovetto où ils avait été reçus par un clerc, Fornari ;

Cependant l'acte envisagé n'avait pu être conclu car le taux d'intérêt était trop élevé pour être constaté par un acte authentique ; Sture Emilson a précisé en outre que deux jours plus tard, soit le 24 juin 1999, une certaine » Marie« disant travailler pour Maître Crovetto, avait apporté dans l'appartement d'H.S. à Monaco, le document intitulé » grosse au porteur « pour la lui faire signer ;

S'agissant de ladite » Marie «, lors de la confrontation entre la partie civile, H.S., G.S., et Francis Fornari, clerc de notaire chez Maître Crovetto Aquilina, effectuée le 8 novembre 2002, par le magistrat instructeur, Sture Emilson a expressément reconnu en G.S. qui venait d'être invitée à pénétrer dans le bureau dudit magistrat, la personne qui lui avait été présentée comme étant » Marie « qui lui avait apporté les documents pour signature le 24 juin 1999 ;

Si G.S., à l'instar d'H.S. soutenait alors n'avoir jamais assisté à un tel rendez-vous, et n'avoir jamais rencontré Sture Emilson, alors qu'H. S. venait d'affirmer quelques instants auparavant, hors la présence de sa sœur G. qu'elle l'avait présentée à Sture Emilson lors d'une rencontre dans un magasin, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les déclarations expresses et circonstanciées de Sture Emilson sur ce point qui, en revanche, a fait l'objet de déclarations diverses et variées de la part des deux prévenues ;

Ainsi, les manœuvres frauduleuses consistant à faire intervenir G.S., dans les conditions précitées, pour conforter l'apparence d'authenticité de l'acte présenté comme un véritable acte notarié et fabriqué dans les circonstances ci-dessus rappelées ont déterminé Sture Emilson à remettre à H.S. la somme de 1 600 000 francs ;

C'est dès lors à bon droit qu'H.S. a été déclarée coupable de ce délit d'escroquerie :

Sur la remise de 700 000 francs consenti par Sture Emilson à G. S.

Considérant que Sture Emilson a accordé, en décembre 1999, à G. S., en vue de la création par celle-ci d'une entreprise de nettoyage, un prêt d'une somme de 700 000 francs, versé au moyen d'un chèque de 300 000 francs et d'un virement de 400 000 francs, et qui n'a fait l'objet que d'un remboursement de la somme de 35 000 francs ; Que, pour expliciter les conditions de l'octroi de ce prêt, Sture Emilson a indiqué que G.S. lui avait remis, en garantie dudit prêt, un autre document intitulé » grosse au porteur obligation Mlle S.G. au profit de M. Sture Emilson « prétendument dressé par Maître Louis-Constant Crovetto, notaire, et daté de novembre 1999, en vertu de laquelle il bénéficiait d'un intérêt annuel de 20 % et d'une affectation hypothécaire sur un appartement sis » Palais Saint-Pierre «, et faisant apparaître un enregistrement auprès de la Conservation des Hypothèques de Monaco le 22 décembre 1999 ;

Considérant que les prévenues ont fait les mêmes observations, notamment quant à la fabrication de ce document et à son contenu, que celles présentées pour l'acte du 24 juin 1999, en considérant qu'il était établi qu'il ne constituait qu'un acte sous seing privé, parfaitement licite sous réserve du taux usuraire, et qu'il ne pouvait être qualifié d'acte notarié falsifié ; Que ce document de novembre 1999 qui porte la mention du notaire Louis-Constant Crovetto contient une affectation hypothécaire d'un appartement appartenant à G.S., ainsi qu'une fausse mention de transcription à la Conservation des Hypothèques, laquelle a été photocopiée sur un acte de vente du 23 novembre 1990 de l'étude de Maître Crovetto ; Qu'il a pu être constaté à l'audience de la Cour que cet acte ne comportait pas davantage la mention » modèle « sur sa première page ;

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux explicités ci-dessus lors de l'examen de la » grosse au porteur « du 24 juin 1999, cet acte ne peut être décomposé, ainsi que le soutiennent à présent les prévenues, en plusieurs parties dont l'une aurait un caractère licite ; Que G.S. a reconnu avoir signé la » grosse au porteur « de novembre 1999 tout en affirmant avoir apposé sa signature sur ce document à la demande de sa sœur, et » sans se poser de questions « ;

Considérant qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que le faux en écritures privées est ainsi constitué tant à l'égard d'H.S. qu'à l'égard de G.S. ; Que Sture Emilson indiquait, quant à lui, quant aux conditions de remise et de la signature de ce document, que c'était » Madame Marie, en fait G.S., ici présente, qui me l'a remis chez moi le 25 novembre 1999 à 16 heures 30. H.S. qui était présente, m'a présenté le document en me disant qu'il était déjà signé par Mme G.S. « ;

Que, si les prévenues ont contesté ces déclarations, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les déclarations de Sture Emilson, expresses et circonstanciées ;

Qu'ainsi, par ces manœuvres frauduleuses consistant à se présenter à Sture Emilson comme employée de l'étude de Maître Crovetto, notaire, pour conforter l'apparence d'authenticité d'une fausse garantie hypothécaire qu'elle a elle-même signée et que Sture Emilson a été invité à signer, et qui avait fait l'objet de montages par l'ordinateur d'H.S., G.S. a commis le délit d'escroquerie qui lui est reproché ;

Sur la remise de la somme de 330 000 francs

Considérant que dans sa plainte avec constitution de partie civile Sture Emilson a indiqué que sur le prétexte de la réalisation d'une affaire immobilière consistant en l'achat et la revente d'un appartement de trois pièces à Beausoleil, H.S. l'avait sollicité pour un nouveau prêt, d'un montant de 330 000 francs ; Qu'il a signé un acte sous seing privé date du 16 février 2000 portant promesse de vente de cet appartement à lui-même et à H.S. pour la somme de 430 000 francs ; Que Sture Emilson a ainsi émis le 13 février 2000 un chèque de 70 000 francs à l'ordre de » Gestion Immobilière S. Beausoleil H.S. " tiré sur la Compagnie Monégasque de Banque puis a fait procéder à un virement le 14 février 2000 de la somme de 260 000 francs sur le compte détenu par H.S. à Société Marseillaise de Crédit ;

Considérant qu'il est reproché à H.S. d'avoir employé des manœuvres frauduleuses, en l'espèce en remettant à Sture Emilson un faux acte de vente dans lequel il apparaissait comme acquéreur d'un bien immobilier, pour se faire remettre par celui-ci la somme de 330 000 francs et d'avoir ainsi, par ce moyen, escroqué partie de la fortune de Sture Emilson ; Considérant, cependant, que l'acte litigieux est une promesse de vente et non un acte de vente ;

Qu'il n'est pas démontré que cet acte contient des indications fausses ou qu'il n'a pas été signé par les parties à Beausoleil le 16 février 2000 ou qu'il a été établi exclusivement en vue de faire remettre par Sture Emilson les sommes dont il sollicite le remboursement ;

Que ni l'instruction ni les débats à l'audience n'ont permis d'établir que l'opération immobilière projetée était dépourvue de tout caractère sérieux ;

Que, par suite, en l'absence de preuve des manœuvres frauduleuses retenues par la prévention, H.S. doit être renvoyée des fins de la poursuite du chef d'escroquerie portant sur la somme de 300 000 francs ;

Que la cour ne peut davantage requalifier ces faits en abus de confiance ainsi que l'a requis le Ministère public, car si H.S. a admis à l'audience de la Cour avoir utilisé les sommes litigieuses pour la gestion courante de son cabinet immobilier, tant elle-même que Sture Emilson ont qualifié leurs relations contractuelles de prêt, contrat qui ne figure pas au nombre de ceux limitativement énumérés par l'article 337 du Code pénal relatif à l'abus de confiance ;

Sur la répression,

Considérant qu'eu égard à la gravité des faits commis par H.S. et G.S., mais aussi à l'absence de tout antécédent judiciaire, la Cour considère que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause quant à la sanction prononcée qui doit, dès lors, être confirmée ;

Sur l'action civile,

Considérant que les prévenues soulèvent l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Sture Emilson au motif que celui-ci aurait fondé son action sur ses propres agissements immoraux, l'octroi de prêts à des taux usuraires ; Considérant, cependant, que la constitution de partie civile de Sture Emilson trouve son fondement dans le préjudice qu'il subit du fait des escroqueries commises par les prévenues, les remises de fonds consenties par lui n'ayant pas pour cause les contrats de prêts invoqués mais les manœuvres constitutives des escroqueries retenues, et les actes de prêts avec un taux d'intérêt, fût-il usuraire, n'étant qu'un habillage juridique nécessaire à la remise des fonds ;

Considérant que la constitution de partie civile de Sture Emilson est dès lors recevable ; Considérant que, s'agissant des conclusions des prévenues tendant à ce que la Cour constate le désistement de la partie civile au motif qu'elles feraient l'objet de poursuites en paiement de la part de Sture Emilson, au pénal et au civil pour la même dette, en méconnaissance des dispositions de l'article 81 du Code de procédure pénale, leur assignation du 30 novembre 2005 devant le Tribunal de première instance de Monaco vise à la réalisation du compromis de vente d'un immeuble, propriété des prévenues, tandis que la constitution de partie civile concerne l'indemnisation du préjudice subi à la suite des infractions dont Sture Emilson est victime et dont les prévenues viennent d'être déclarées coupables ; Que les conclusions présentées par les prévenues à cet égard doivent dès lors être écartées ;

Considérant que Sture Emilson sollicite la condamnation solidaire des prévenues à lui payer la somme de 849 812,22 euros au titre des sommes empruntées en principal et intérêts, censées être garanties par les faux documents ainsi qu'une somme de 200 000 euros à titre de préjudice matériel et financier complémentaire et 300 000 euros à titre de préjudice moral ;

Considérant cependant que pour apprécier le préjudice matériel et financier subi par la victime à la suite des infractions commises par les prévenues, la Cour ne peut retenir que les montants visés à la prévention, sous déduction des remboursements opérés par les prévenues au titre des sommes remises par Sture Emilson dans le cadre desdites infractions ; Qu'ainsi, sur la somme de 1 600 000 francs remise par Sture Emilson, une somme de 240 000 francs a été remboursée, en sorte que le préjudice résultant de cette escroquerie et du faux commis par H.S. s'élève à la somme de 1 360 000 francs, soit 207 330,66 euros ;

Que s'agissant de la remise de la somme de 700 000 francs, une somme de 35 000 francs a été remboursée, en sorte que le préjudice résultant de l'escroquerie et du faux afférent à cette remise de 700 000 francs commis par G.S. et du faux commis par H.S. s'élève à 665 000 francs, soit 101 378,60 euros ;

Que la Cour ne peut condamner les prévenues à payer à la partie civile le montant des intérêts sur ces sommes car, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, il n'appartient pas au juge répressif d'assurer l'exécution d'un contrat civil et notamment des clauses relatives aux intérêts ;

Qu'il y a lieu dès lors de condamner H.S. seule à payer à Sture Emilson la somme de 207 330,66 euros et les deux prévenues solidairement à lui payer la somme de 101 378,60 euros ;

Que Sture Emilson ayant été privé de disposer des sommes susvisées et d'en tirer des revenus et ayant été contraint d'exposer des frais pour défendre des intérêts devant les juridictions monégasques, il y a lieu de lui allouer toutes causes de préjudices confondues, une indemnité complémentaire de 60 000 euros dont 30 000 euros à la charge d'H.S. seule, et 30 000 euros à la charge solidaire des deux condamnées, et de confirmer ainsi sur ce point le jugement entrepris, en rejetant le surplus de la demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ, statuant contradictoirement en matière correctionnelle,

Sur l'action publique

Se déclare incompétente pour connaître des faits qualifiés de faux en écritures commis au cours de l'année 2000,

Rejette les exceptions soulevées par les prévenues,

Confirme pour le surplus le jugement du tribunal correctionnel du 10 mai 2005,

Sur l'action civile

Infirme le jugement entrepris du 10 mai 2005, sauf en ce qu'il a reçu Sture Emilson en sa constitution de partie civile, et statuant à nouveau,

condamne H.S. seule, à lui payer la somme de 237 330,66 euros à titre de dommages-intérêts,

condamne H.S. et G.S., solidairement, à lui payer la somme de 131 378,60 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute Sture Emilson du surplus de sa demande,

Composition🔗

M. Adam, V.-prés. ; Mme Mabrut, cons. ; Mme Ghenassia, juge ; Mme Gonelle, prem. subst. proc. gén. ; Mme Zanchi, gréf. princ. ; Mes Carrasco, av. bar. de Nice ; Mullot, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt réforme le jugement rendu par le tribunal correctionnel le 5 décembre 2005 en l'infirmant pour partie.

Le pourvoi, dont il a fait l'objet, a été rejeté.

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