Cour d'appel, 22 décembre 2005, K. K. c/ M. F.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Juge tutélaire

Compétence - Sur difficultés concernant les rapports familiaux : article 830, alinéa 2, du Code de procédure civile - Sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale : article 303 du Code civil

Cour d'appel

Compétence - En appel des décisions du Tribunal de première instance et du juge tutélaire - Plénitude de juridiction de la Cour d'appel pour examiner l'appel du jugement qui s'était déclaré incompétent pour juger une affaire dépendant du juge tutélaire

Résumé🔗

Sur la compétence en raison de la matière

L'article 830, alinéa 2, du Code de procédure civile donne compétence au juge tutélaire pour statuer sur les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux et ce, dans les cas prévus par la loi ;

L'article 303 du Code civil dispose qu'à la demande du père, de la mère, de tout intéressé ou du ministère public, le juge tutélaire statue sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale ou les difficultés qu'elles soulèvent, en fonction de l'intérêt de l'enfant ;

L'application combinée de ces deux dispositions conférait donc au seul juge tutélaire la compétence pour statuer sur les mesures concernant l'exercice de l'autorité parentale des enfants K. et les mesures accessoires ;

C'est à tort que le Tribunal s'est reconnu compétent en raison de la matière ;

Sur la compétence de la Cour

La Cour est compétente pour connaître des appels des décisions rendues tant par le Tribunal de première instance, que par le juge tutélaire normalement compétent pour connaître du présent litige ;

Par l'effet de sa plénitude de juridiction, la Cour est compétente pour examiner l'appel du jugement déféré par K.K.


Motifs🔗

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant sur l'appel relevé par K. K. à l'encontre du jugement susvisé du Tribunal de première instance, du 7 décembre 2005,

Considérant les faits suivants :

Le divorce d'entre les époux F. K. a été prononcé par jugement définitif du tribunal de Stockholm en date du 5 juillet 2002 ; le tribunal n'ayant pas statué sur les mesures accessoires, M. F. a assigné K. K., par exploit du 20 juin 2005, devant le Tribunal de première instance aux fins suivantes :

- « En l'état du jugement rendu le 5 juillet 2002 par le Tribunal de première instance de Stockholm, devenu définitif au 26 juillet 2002, qui a uniquement prononcé le divorce des époux F./K., sans statuer sur les mesures accessoires concernant le divorce, se bornant à renvoyer les parties devant les juges monégasques afin de statuer sur ce point,

- Voir recevoir Madame F. en son acte d'assignation et la déclarer recevable,

- En conséquence, voir condamner Monsieur K. au paiement de la somme de 25 000 euros mensuelle à titre de pension alimentaire, somme qui devra être réglée le premier de chaque mois et d'avance à Madame F., épouse K. et indexée annuellement,

- Voir fixer la résidence habituelle des enfants communs A. et K. au domicile de Madame F. épouse K.,

- Voir accorder à Monsieur K. un droit de visite qui s'organisera de la manière suivante :

le droit de visite de Monsieur K. ne pourra s'exercer que sur le territoire de l'État de Floride aux États-Unis sauf à verser entre les mains d'un séquestre une somme de 100 000 dollars américains ou toute somme que pourra évaluer le Tribunal de première instance à titre de garantie de la restitution des enfants à leur mère,

s'agissant des vacances scolaires supérieures à cinq jours, les 2/3 de chaque période de vacances scolaires, petites et grandes, savoir les deux premiers tiers les années paires et les deux seconds tiers les années impaires, excepté en ce qui concerne les vacances de Noël et de fin d'année,

concernant les vacances de Noël et de fin d'année, le droit de visite s'exercera par la mère la totalité desdites vacances les années impaires et par le père la totalité desdites vacances les années paires, étant précisé que si les enfants voyagent en Europe, ils devront être de retour 48 heures avant la reprise de l'école,

dire que ce droit de visite pourra s'exercer durant les périodes de vacances scolaires inférieurs à cinq jours, si Monsieur K. notifie à son épouse au moins un mois à l'avance qu'il exercera effectivement ce droit de visite,

entendre dire que généralement Monsieur K. devra confirmer à son épouse au moins un mois à l'avance s'il entend effectivement exercer son droit de visite, ainsi que l'endroit où il l'exercera, étant précisé que le père prendra à sa charge les éventuels frais de transport des enfants,

- Voir condamner Monsieur K., au titre de la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants, au paiement de la somme mensuelle de 3 000 euros par enfant, soit la somme totale de 6 000 euros par mois, payable le premier de chaque mois et d'avance au domicile de la mère, somme indexée annuellement,

- Entendre condamner Monsieur K. au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel subi par Madame F. en application de l'article 206-24 du Code civil, ce en raison des agissements de son époux » ;

Par conclusions du 7 novembre 2005, M. F., a demandé la fixation, avant dire droit, du droit de visite des enfants à son domicile pour la totalité des vacances scolaires de Noël.

En réponse, K. K. demandait au Tribunal de se déclarer incompétent, la requérante et les enfants résidant en Floride. Il sollicitait incidemment que les enfants lui soient confiés pour les deux tiers des vacances de Noël.

Par jugement du 7 décembre 2005, le Tribunal :

s'est déclaré compétent territorialement, par application de l'article 2 du Code de procédure civile,

fixé le droit de visite et d'hébergement du père pour les vacances scolaires de Noël du 26 décembre 2005 au matin jusqu'à la fin des vacances scolaires, les frais de transport étant à la charge du père,

a renvoyé la cause et les parties à l'audience du 15 février 2006 à 9 heures ;

et a ordonné l'exécution provisoire ; K. K. obtenait l'autorisation d'assigner M. F. devant la Cour à l'audience du 16 décembre 2005 par ordonnance du Premier Président en date du 14 décembre 2005.

K. K. faisait délivrer un acte d'appel et d'assignation, le 14 décembre 2005, à domicile élu, aux fins suivantes :

le recevoir en son appel comme régulier en la forme et, au fond, l'en déclarant bien fondé, faire d'ores et déjà droit aux défenses à exécution provisoire formées par K. K. à l'encontre de la décision du 7 décembre 2005,

accorder à la présente cause le caractère spécial d'urgence de l'article 168 du Code de procédure civile, les parties devant être fixées sur le droit de visite du père au plus tard le 23 décembre 2005,

réformer le jugement R. 1303 du 7 décembre 2005 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau :

- constater que des mesures provisoires sont encore applicables entre les parties dans le cadre de la procédure de divorce initiée par l'épouse et toujours pendante, lesquelles prévoient notamment que le père exerce son droit de visite à Noël pendant les 2/3 des vacances,

- constater que les parties sont de nationalités suédoise et américaine et que la mère réside désormais avec les enfants en Floride, aux États-Unis d'Amérique,

- En conséquence, se déclarer incompétent pour statuer sur le droit de visite du père pendant les prochaines vacances de Noël,

Subsidiairement, pour le cas où la Cour d'appel estimerait qu'elle a compétence pour statuer sur l'exercice de ce droit :

- dire et juger que K. K. exercera son droit de visite pendant les vacances de Noël du 23 décembre 2005 au 2 janvier 2006, à charge pour M. F. d'acheminer les enfants jusqu'à l'aéroport de Floride où ils prendront leur vol pour rejoindre leur père, à Monaco ou en Suède, selon les disponibilités aériennes que ce dernier aura pu trouver,

- rejeter toute demande contraire de M. F.,

Condamner tout contestant aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Richard Mullot, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Par conclusions déposées le 20 décembre 2005, M. F. a sollicité la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Sur ce,

Sur la compétence en raison de la matière

Considérant que l'article 830, alinéa 2, du Code de procédure civile donne compétence au juge tutélaire pour statuer sur les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux et ce, dans les cas prévu par la loi ;

Considérant que l'article 303 du Code civil dispose qu'à la demande du père, de la mère, de tout intéressé ou du ministère public, le juge tutélaire statue sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale ou les difficultés qu'elles soulèvent, en fonction de l'intérêt de l'enfant ;

Considérant que l'application combinée de ces deux dispositions conférait donc au seul juge tutélaire la compétence pour statuer sur les mesures concernant l'exercice de l'autorité parentale des enfants K. et les mesures accessoires ;

Considérant que c'est à tort que le Tribunal s'est reconnu compétent en raison de la matière ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant que la Cour est compétente pour connaître des appels des décisions rendues tant par le Tribunal de première instance, que par le juge tutélaire normalement compétent pour connaître du présent litige ;

Considérant que par l'effet de sa plénitude de juridiction, la Cour est compétente pour examiner l'appel du jugement déféré par K. K. ;

Sur la compétence territoriale

Considérant que le domicile du défendeur à l'instance est situé à Monaco ;

Considérant que l'article 2 du Code civil donne compétence générale, dans ce cas, aux juridictions monégasques pour connaître du litige ;

Considérant que cette disposition, au demeurant favorable au défendeur, est applicable en l'espèce ;

Considérant qu'en conséquence, le jugement par lequel le Tribunal s'est déclaré territorialement compétent doit être confirmé de ce chef ;

Sur le fond

Considérant que les parties ont limité le débat à l'exercice du droit d'hébergement du père pour les vacances de Noël 2005, les enfants résidant de fait habituellement chez la mère aux États-Unis ;

Considérant qu'il apparaît qu'en 2003 et 2004, le droit de visite du père s'est exercé pendant les deux tiers des vacances de Noël, les enfants étant absents du domicile de leur mère pour les fêtes de Noël ;

Considérant qu'il est de l'intérêt légitime des enfants de séjourner cette année avec leur mère pour les fêtes de Noël, le droit d'hébergement du père, pour cette période, devant s'exercer conformément au dispositif de la décision dont est appel ;

Considérant qu'en conséquence, la décision des premiers juges doit être confirmée, étant ici observé que K. K., ne peut exciper des dispositions du jugement du Tribunal de première instance du 25 juillet 2003, pris dans le cadre de la procédure de divorce engagée à Monaco ; qu'en effet, cette procédure est vouée à la radiation par l'effet du jugement de divorce définitif rendu le 5 juillet 2002 par le tribunal de Stockholm dont K. K. a demandé et obtenu l'opposabilité à Monaco ;

Considérant que la demande de suspension à exécution provisoire est, par l'effet du présent arrêt, devenue sans objet ;

Considérant que K. K. qui succombe doit être condamné aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Partiellement substitués à ceux des premiers juges,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Reçoit l'appel de K. K. ;

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 7 décembre 2005 en toutes ses dispositions ;

Dit n'y avoir lieu à suspension de l'exécution provisoire attachée audit jugement ;

Condamne K. K. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christophe Sosso, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mme Vikström, subs. proc. gén. ; Mes Mullot et Sosso, av. déf. -

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du 7 décembre 2005 en toutes ses dispositions

  • Consulter le PDF