Cour d'appel, 10 février 2004, K. c/ P.

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Abstract🔗

Jugements et arrêts

Rétractation : article 438 du CPC - Conditions relatives aux chiffres 5 et 6 de l'article 438 du CPC - Contradiction des motifs d'une décision (5°) - Contrariété entre deux décisions statuant sur les mêmes parties, cause et objet sans statuer sur l'exception de chose jugée (6°) - Inapplicabilité à la décision modifiant celle antérieure relative à l'exercice de la puissance paternelle et à la garde des enfants mineurs, cette modification prenant en compte l'intérêt supérieur de ceux-ci

Résumé🔗

H. K. fonde sa demande en rétractation de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003, d'une part, sur la méconnaissance par cet arrêt de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 et de l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001 confirmant ledit jugement, et, d'autre part, sur la circonstance que cet arrêt contiendrait des dispositions contradictoires.

L'article 438 du Code de procédure civile, issu de la loi n° 1135 du 16 juillet 1990 : « les jugements ou arrêts passés en force de chose jugée peuvent être rétractés à la requête de ceux qui ont été parties ou dûment appelés : ... 5° si le jugement ou l'arrêt contient des dispositions contradictoires ; 6° s'il est contraire à une décision antérieure rendue entre les mêmes parties, sur le même objet, sur la même cause, pourvu qu'il n'ait pas statué sur l'exception de chose jugée... ».

En premier lieu, H. K. fait grief à la Cour d'avoir, par arrêt du 17 juin 2003, confié à D. P. R., l'exercice de la puissance paternelle et la garde de ses deux filles et de ne lui avoir accordé en sa qualité de père naturel qu'un droit de visite et d'hébergement, et que cette décision serait ainsi contraire à l'arrêt définitif de la Cour du 20 septembre 2001 ayant refusé le retour en Espagne des deux filles, et ce, sans qu'aucun élément ne soit intervenu, et d'avoir ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 et de l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001.

Cependant, H. K. avait déjà invoqué ce même moyen devant la Cour de révision saisi d'un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003, et développé la même argumentation.

Ainsi que l'a déjà relevé la Cour de révision dans son arrêt du 10 octobre 2003, toute décision relative à la garde d'enfants mineurs qui ne doit prendre en compte que leur intérêt supérieur, peut être modifiée en fonction de celui-ci.

Pour mieux apprécier cet intérêt supérieur des enfants, la Cour a ordonné des mesures d'enquêtes sociales tant à Monaco qu'en Espagne par arrêt du 10 juin 2002.

Étant alors mieux informés, à l'issue desdites enquêtes quant aux conditions de vie et à la moralité de D. P. R., à ses possibilités d'accueil en Espagne, de ses deux filles, à ses capacités éducatives, à l'attachement de chacun des parents à leurs enfants et à leur aptitude à s'occuper de leurs filles, et ayant constaté en outre l'obstruction systématique d'H. K. à tout contact depuis des années entre ses filles et leur mère, la Cour a, par l'arrêt du 17 juin 2003, dont il est demandé la rétractation, confié à D. P. R. l'exercice de la puissance paternelle ainsi que la garde des deux filles et accordé un droit de visite et d'hébergement à H. K.

Il ne peut ainsi être fait grief à la Cour d'appel d'avoir, en considération de ces nombreux éléments nouveaux, méconnu des décisions judiciaires précédemment rendues, ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Ensuite, H. K. soutient que l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 contiendrait des dispositions contradictoires en ce que, pour respecter l'intérêt supérieur des enfants qui commande qu'ils conservent des liens réguliers avec chacun de leurs parents, la Cour lui a accordé un droit de visite et d'hébergement, alors qu'il ne pourrait se rendre en Espagne où il fait l'objet de poursuites pénales et qu'en tout état de cause, ledit arrêt du 17 juin 2003, ne serait pas immédiatement exécutoire en Espagne en sorte qu'il serait contraint à en demander l'exequatur, procédure dont la durée moyenne, selon lui, serait d'environ deux ans.

Cependant, l'examen du dispositif de l'arrêt du 17 juin 2003 ne révèle aucune contrariété entre les diverses branches de ce dispositif, de telle sorte qu'il ne puisse être exécuté simultanément.

Par le dispositif litigieux la Cour se borne, complétant un précédent arrêt admettant la compétence des juridictions monégasques et l'application de la loi monégasque, à confier à D. P. R. l'exercice de la puissance paternelle sur les deux filles ainsi que leur garde, et à réserver à H. K. un droit de visite et d'hébergement.

Si H. K. soutient qu'il ne peut se rendre en Espagne au motif qu'il y ferait l'objet de poursuites pénales, il ne résulte pas de l'arrêt du 17 juin 2003 que la Cour ait entendu organiser l'exercice du droit de visite réservé au père, sur le territoire espagnol.

Au contraire, la Cour s'est bornée à définir des modalités d'exercice de ce droit de visite en retenant les vacances scolaires de la Région d'Andalousie, en Espagne, pour tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants, quant à leur scolarité, H. K. étant, quant à lui particulièrement disponible, en l'absence d'activité professionnelle.

En tout état de cause H. K. ne peut tirer argument d'éventuelles poursuites judiciaires en Espagne, et invoquer ainsi sa propre turpitude pour contester la régularité d'une décision de la Cour d'appel.

Enfin, cet arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 dont il demande la rétractation ne nécessite pas de procédure d'exequatur pour sa mise en œuvre mais doit, au contraire, recevoir une application immédiate ; qu'H. K. ne peut pas davantage laisser supposer l'utilité d'une procédure qui pourrait être rendue nécessaire par d'éventuels obstacles que mettrait dorénavant D. P. R. à l'exercice de son droit de visite, alors que lui-même s'oppose formellement à l'exécution dudit arrêt.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

De la liaison d'H. K., de nationalité néerlandaise, et de D. P. R., de nationalité espagnole, sont nées J. le 13 février 1994 et É. le 22 juin 1996.

En quittant le domicile familial en Espagne en août 1998, H. K. a emmené les deux enfants au Pays-Bas puis à Monaco où elles ont demeuré jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003, les conseils d'H. K. ayant déclaré à deux reprises, depuis lors, à l'audience de la Cour, ignorer leur nouvelle résidence.

D. P. R. n'ayant pas donné son accord pour le déplacement des deux enfants, a saisi le juge du Tribunal de Torremolinos (Espagne) qui lui a confié, par ordonnance du 26 septembre 1998 la garde des deux enfants, en précisant qu'elle serait exercée au domicile familial.

D. P. R. a ensuite saisi les autorités judiciaires monégasques dans le cadre de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, aux fins de retour des deux enfants en Espagne, et la Cour d'appel de Monaco a confirmé, par un arrêt du 20 septembre 2001 le jugement du 3 mai 2001 du Tribunal de première instance qui avait constaté que les mineures J. et É. avaient fait l'objet d'un déplacement illicite mais estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le retour des enfants en Espagne, compte tenu de leur intégration dans leur nouveau milieu.

H. K. a saisi, quant à lui, le 29 juin 2000, le juge tutélaire d'une demande tendant à lui permettre d'exercer seul la puissance paternelle sur ses deux filles et à lui en accorder la garde, sans droit de visite à D. P. R., jusqu'à ce qu'il soit établi que l'exercice de ce droit de visite ne ferait pas courir de risques aux enfants.

Par une ordonnance du 15 février 2002, le juge tutélaire se reconnaissant compétent, et faisant application de la loi monégasque, a confié à H. K. l'exercice de la puissance paternelle sur J. et É., dit que celui-ci en assumera la garde, et a accordé à D. P. R. un droit de visite devant s'exercer dans le cadre d'une reprise de liens organisée par la cellule de médiation familiale de la Direction de l'action sanitaire et sociale de Monaco.

D. P. R. ayant formé appel à l'encontre de cette ordonnance, en soulevant l'incompétence des juridictions monégasques au profit de celles de Torremollinos et en sollicitant, en tout état de cause, la confirmation des décisions lui ayant confié la garde des deux enfants, tandis qu'H. K. a sollicité la confirmation de cette ordonnance ainsi que la constatation de l'intégration des deux enfants à Monaco depuis plus de trois ans et des troubles psychologiques de D. P. R., la Cour a confirmé, par un premier arrêt du 10 juin 2002, l'ordonnance du juge tulélaire du 15 janvier 2002 en ce que ce magistrat s'est déclaré compétent pour connaître des demandes présentées par H. K. et en ce qu'il a soumis le litige à la loi monégasque, et, avant dire droit au fond, a ordonné deux enquêtes sociales, l'une à Monaco, et l'autre à Torremolinos.

La Cour de révision a rejeté, par un arrêt du 6 février 2003, le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel du 10 juin 2002.

Par un deuxième arrêt du 17 juin 2003 dont H. K. demande à présent la rétractation, la Cour d'appel, statuant en Chambre du Conseil, a :

Complétant l'arrêt du 10 juin 2002 qui a confirmé l'ordonnance du juge tutélaire du 15 février 2002 en ce que ce magistrat s'est déclaré compétent pour connaître des demandes présentées par H. K. et a soumis le litige à la loi monégasque,

- infirmé ladite ordonnance pour le surplus ;

Et statuant à nouveau quant au fond et aux dépens,

- confié à D. P. R. l'exercice de la puissance paternelle sur J. et É., nées respectivement les 13 février 1994 et 22 juin 1996 ainsi que la garde des enfants ;

- accordé à H. K. un droit de visite et d'hébergement à leur égard qui s'exercera pour la première fois pendant les vacances d'été, du 15 août au 1er septembre 2003, puis durant une moitié des vacances scolaires correspondant au calendrier de la Région d'Andalousie, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires ;

- condamné H. K. aux dépens de première instance et d'appel et dit cet arrêt exécutoire sur minute et avant enregistrement.

H. K. conclut, à titre conservatoire, à la suspension de l'exécution de l'arrêt du 17 juin 2003 jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la demande de rétractation, et au fond, à la rétractation dudit arrêt du 17 juin 2003 et à la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance du juge tutélaire du 15 février 2002.

Il demande à la Cour de constater, d'une part, que le jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001 a retenu que les fillettes courraient un risque psychologique grave en cas de retour en Espagne, en ce qu'elles seraient arrachées brutalement au milieu dans lequel elles s'épanouissent et seraient privées de contact avec leur père, et, d'autre part, que ces conditions n'ont pas changé, et de dire et juger que l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001.

Il demande en outre à la Cour de constater qu'il fait l'objet d'une procédure pénale pendante en Espagne, que l'arrêt du 17 juin 2003 n'est pas exécutoire en Espagne, qu'il sera dans l'impossibilité d'exercer le droit de visite accordé par l'arrêt du 17 juin 2003 alors que cet arrêt précise que l'intérêt supérieur des enfants commande qu'elles conservent des liens réguliers avec leurs parents, et de dire et juger, dès lors, que cet arrêt contient des dispositions contradictoires qui justifient sa rétractation ; il sollicite en outre la condamnation de D. P. aux entiers dépens.

Il fait valoir à l'appui de sa demande en rétractation, fondée sur les dispositions des articles 438 et suivants du Code de procédure civile que l'arrêt du 17 juin 2003 est contraire aux décisions respectivement rendues par le Tribunal de première instance le 3 mai 2001 et par la Cour d'appel le 20 septembre 2001, entre les mêmes parties, sur le même objet et sur la même cause, et contient des dispositions contradictoires ;

Qu'il n'a jamais souhaité empêcher le contact entre D. P. R. et les enfants, à condition qu'il soit encadré et précédé d'une préparation psychologique de ses filles ;

Que bien qu'il soit conscient de la nécessité pour ses filles de reprendre contact avec leur mère, il n'a jamais exécuté l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003, qui bouleverserait nécessairement violemment l'équilibre des enfants et les priverait pour une durée indéterminée de tout contact avec lui, car il ne peut se rendre en Espagne compte tenu de la procédure pénale pendante dans ce pays, l'arrêt du 17 juin 2003 n'ayant en outre aucun caractère exécutoire en Espagne ;

Que la solution retenue par l'arrêt du 17 juin 2003 est contraire à celle retenue par le jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001, confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt d'appel du 20 septembre 2001, et qui a refusé de faire droit à la demande de retour présentée par D. P. R. au motif que J. et É. étaient parfaitement intégrées dans leur nouvel environnement à Monaco et qu'un retour en Espagne ne manquerait pas d'occasionner chez elles un important traumatisme ;

Qu'aucun élément nouveau n'est intervenu depuis le 20 septembre 2001 dès lors qu'il se trouve toujours dans l'impossibilité de se rendre en Espagne en l'état de la procédure pénale actuellement pendante à son encontre et que ses deux filles s'épanouissent toujours à Monaco où elles sont heureuses ainsi que l'a relevé le rapport d'enquête sociale effectuée à Monaco, en sorte que leur départ brutal de Monaco occasionnera nécessairement chez elles un important traumatisme, ainsi que l'avait retenu le Tribunal dans son jugement du 3 mai 2001 ;

Qu'en accordant la garde des deux filles à D. P. R., la Cour a bafoué les décisions des 3 mai et 20 septembre 2001 car elle ordonne ainsi le retour des fillettes en Espagne au motif qu'un tel retour serait dans leur meilleur intérêt, alors que le Tribunal a retenu qu'un retour brutal en Espagne les exposerait à un grave danger psychique, contraire à leur intérêt supérieur ;

Que si l'article 19 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 stipule qu'une décision sur le retour de l'enfant rendue dans le cadre de la Convention n'affecte pas le fond du droit de garde, la Cour ne pouvait toutefois ignorer le jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 qu'elle a confirmé et qui était revêtu de l'autorité de la chose jugée et liait la Cour quant à l'appréciation de l'intérêt supérieur des enfants ;

Que les conditions requises pour la rétractation prévues par les dispositions de l'article 438 du Code de procédure civile sont réunies en l'espèce, l'arrêt du 17 juin 2003 ne statuant pas sur l'autorité de la chose jugée et les décisions invoquées ayant été rendues entre les mêmes parties, sur le même objet et sur la même cause ;

Que la motivation de l'arrêt du 17 juin 2003 contient des dispositions contradictoires dès lors que cet arrêt affirme, d'une part, l'importance du maintien de relations habituelles des enfants avec chacun de leurs parents alors que la solution retenue conduit en fait à priver les enfants de tout contact avec leur père, compte tenu de la procédure pénale pendante à son encontre en Espagne et de ce que l'arrêt du 17 juin 2003 n'est pas immédiatement exécutoire en Espagne et nécessiterait une procédure d'exequatur dont la durée moyenne est de deux ans.

Par conclusions déposées le 21 octobre 2003, D. P. R. conclut au rejet de la demande en rétractation de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 et de la demande de suspension de l'exécution dudit arrêt, et à la condamnation de H. K. à lui verser une somme de 7 500 euros à titre de réparation du préjudice matériel résultant de ses frais de procédure tant en Espagne qu'à Monaco et de ses frais de voyage, ainsi que de son préjudice moral résultant de l'impossibilité de communiquer avec ses filles, enlevées de leur foyer familial en Espagne.

Elle fait valoir qu'H. K. s'est enfui à Monaco avec leurs deux filles, après l'intervention de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 qu'il n'entend pas respecter, à l'instar des autres décisions judiciaires, l'empêchant ainsi de communiquer avec ses filles ;

Qu'H. K. a sollicité la rétractation de l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 et la suspension de son exécution alors qu'aucun fait nouveau n'est intervenu depuis l'intervention de cet arrêt hormis la méconnaissance de cet arrêt par H. K., la fuite de Monaco empêchant tout contact entre elle et ses deux filles, et le refus de la signification de l'arrêt au domicile élu par lui en l'étude de Maître Gardetto ;

Que les conditions de la rétractation de l'arrêt du 17 juin 2003 ne sont pas réunies au regard de l'article 438 du Code de procédure civile qui procède à une énumération exhaustive des cas dans lesquels une telle rétractation est possible ;

Que, de même, la demande de suspension de l'exécution de l'arrêt du 17 juin 2003 n'est pas fondée, compte tenu de ce qu'en tout état de cause H. K. ne respecte pas les dispositions de cet arrêt en cachant les deux filles ;

Qu'il convient de ne pas confondre la demande de rétractation et le pourvoi en révision avec une troisième instance, en sorte qu'il n'y a pas lieu de rejuger les questions sur lesquelles la Cour a déjà statué par l'arrêt du 17 juin 2003 ;

Qu'il y a lieu d'observer que les fonctionnaires de police qui se sont rendus au domicile d'H. K. le jour où a été rendu l'arrêt du 17 juin 2003 sont arrivés à ce domicile à peine quelques minutes avant son départ en avion avec ses filles ;

Que si H. K. a cru devoir soutenir qu'elle aurait manifesté un désintérêt à l'égard de ses deux filles J. et É., il n'ignore pas, en réalité, qu'elle se bat depuis des années pour retrouver ses deux filles, et a ainsi saisi les autorités judiciaires espagnoles, helvétiques et monégasques pour que les filles lui soient rendues, et pour obtenir l'extradition d'H. K. qui a procédé à l'enlèvement des deux mineures ;

D. P. R. fait encore valoir que si H. K. invoque, à l'appui de sa demande en rétractation, l'autorité de la chose jugée, attachée aux décisions du 3 mai et du 20 septembre 2001, dont il avait déjà fait état en formant un pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003, il n'y a pas d'identité de procédures dès lors que la décision de la Cour d'appel du 20 septembre 2001 était exclusivement limitée au retour immédiat des mineures au foyer familial en Espagne, dans le cadre d'un accord international.

Que c'est également à tort qu'H. K. soutient que par l'arrêt du 17 juin 2003, la Cour d'appel a confié la puissance paternelle et la garde des enfants à leur mère domiciliée en Espagne sans constater le moindre élément nouveau de nature à justifier ce changement de décision ;

Que la Cour a précisément ordonné, pour son information complète, la réalisation d'enquêtes sociales à Monaco et en Espagne, qui ont démontré que les deux filles avaient été trompées, que toute communication avec leur mère leur avait été interdite, et que sa situation professionnelle, sociale, familiale et judiciaire ne correspondait pas aux affirmations d'H. K. ; que contrairement à ce qu'il soutient, l'arrêt de la Cour n'a pas violé la Convention des Nations Unies, sur les droits de l'enfant du 1er septembre 1993, mais lui-même a méconnu tous les droits fondamentaux des deux filles, en les retenant contre leur gré, avec l'aide de cinq gardes du corps, après les avoir enlevées, en empêchant toute communication avec leur mère, et en refusant d'exécuter l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 ;

Qu'H. K. ne court aucun risque d'être arrêté par les autorités judiciaires s'il se rend en Espagne pour exercer le très large droit de visite que la Cour lui a accordé car il n'existe à son encontre aucun mandat d'arrêt ;

Qu'il ne peut davantage faire état de ce qu'elles souffriraient de troubles psychologiques alors que ni l'enquête sociale ni les expertises psychologiques effectuées en Espagne ne relèvent de tels troubles ;

Qu'enfin H. K. a pu exposer, contrairement à ses allégations, son argumentation quant à l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement, sa demande à cet égard ayant été présentée dès juin 2000 ;

Qu'il y a lieu de lui accorder une somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral qu'elle a subis du fait de ses déplacements entre l'Espagne et Monaco, des frais de procédure qu'elle a dû engager et de l'absence de tout contact avec ses filles pendant des années.

Par conclusions déposées le 4 novembre 2003, H. K. fait encore valoir que s'agissant des faits nouveaux, même si ceux-ci ne peuvent être soumis à l'appréciation de la Cour, D. P. R. a fait l'objet d'une expulsion le 12 juin 2003 de l'appartement que la Cour avait pris en considération pour estimer qu'il correspondait aux besoins des deux filles, en sorte qu'il se trouve ainsi dans l'incertitude du lieu où seront hébergées ses filles dans le cadre de l'exécution de l'arrêt de la Cour accordant leur garde à D. P. R. ;

Qu'il ignore de même où ses filles seront scolarisées si elles devaient vivre en Espagne car elles ne sont pas inscrites à l'école Sunny View mentionnée par D. P. R. lors de l'enquête sociale ;

Qu'il a quitté l'Espagne en 1998 en emmenant ses deux filles par crainte pour leur moralité et pour leur équilibre psychologique ;

Qu'il ne peut lui être reproché d'avoir violé la décision du juge de première instance de Torremolinos du 26 septembre 1998 alors qu'elle a été rendue à son insu, et portée à sa connaissance le 2 novembre 2000 ;

Que les gardes du corps embauchés par ses soins n'avaient pas pour mission d'empêcher tout contact entre la mère et les enfants mais de prévenir tout risque d'attentat ;

Qu'il se trouvait à l'étranger lorsqu'il a pris connaissance de l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 et a alors décidé de faire venir ses filles auprès de lui, son attitude étant exclusivement dictée par le souci de protéger ses filles ;

Que l'arrêt de la Cour de révision du 10 octobre 2003 est fondé sur un postulat factuel totalement erroné ;

H. K. fait encore valoir, s'agissant de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du 3 mai et du 20 septembre 2001, que le Tribunal ne s'est pas borné à une simple application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 mais a procédé à une appréciation de l'intérêt supérieur des enfants, les circonstances constituant le fondement exclusif du jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 n'ayant pas changé ;

Qu'en ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'arrêt du 17 juin 2003 contient des dispositions contradictoires, si D. P. R. soutient qu'il n'y a pas d'ordre de détention en Espagne ni ailleurs à son encontre, et que dès lors aucune circonstance ne lui interdit d'exercer son droit de visite en Espagne, d'une part, le mandat d'arrêt qui a été délivré à son encontre en Espagne, actuellement en suspens, peut toutefois être réactivé à tout moment, et, d'autre part, les décisions espagnoles ne lui accordent aucun droit de visite et l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 ne pourra être exequaturé en Espagne qu'après plusieurs années ;

Qu'enfin, la demande de dommages-intérêts présentée par D. P. R. doit être rejetée car il a engagé la présente procédure de bonne foi, et n'a pas entendu abuser d'un quelconque recours.

Sur ce,

Considérant que la Cour, statuant au fond quant à la demande de rétractation de l'arrêt du 17 juin 2003, présentée par H. K., les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de ce même arrêt deviennent dès lors sans objet ;

Considérant qu'H. K. fonde sa demande en rétractation de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003, d'une part, sur la méconnaissance par cet arrêt de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 et de l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001 confirmant ledit jugement, et, d'autre part, sur la circonstance que cet arrêt contiendrait des dispositions contradictoires ;

Considérant que selon l'article 438 du Code de procédure civile, issu de la loi n° 1135 du 16 juillet 1990 : « les jugements ou arrêts passés en force de chose jugée peuvent être rétractés à la requête de ceux qui ont été parties ou dûment appelés : ... 5° si le jugement ou l'arrêt contient des dispositions contradictoires ; 6° s'il est contraire à une décision antérieure rendue entre les mêmes parties, sur le même objet, sur la même cause, pourvu qu'il n'ait pas statué sur l'exception de chose jugée... » ;

Considérant en premier lieu qu'H. K. fait grief à la Cour d'avoir, par arrêt du 17 juin 2003, confié à D. P. R., l'exercice de la puissance paternelle et la garde de ses deux filles et de ne lui avoir accordé en sa qualité de père naturel qu'un droit de visite et d'hébergement, et que cette décision serait ainsi contraire à l'arrêt définitif de la Cour du 20 septembre 2001 ayant refusé le retour en Espagne des deux filles, et ce, sans qu'aucun élément ne soit intervenu, et d'avoir ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de première instance du 3 mai 2001 et de l'arrêt de la Cour d'appel du 20 septembre 2001 ;

Considérant cependant qu'H. K. avait déjà invoqué ce même moyen devant la Cour de révision saisi d'un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003, et développé la même argumentation ;

Qu'ainsi que l'a déjà relevé la Cour de révision dans son arrêt du 10 octobre 2003, toute décision relative à la garde d'enfants mineurs qui ne doit prendre en compte que leur intérêt supérieur, peut être modifiée en fonction de celui-ci ;

Que pour mieux apprécier cet intérêt supérieur des enfants, la Cour a ordonné des mesures d'enquêtes sociales tant à Monaco qu'en Espagne par arrêt du 10 juin 2002 ;

Qu'étant alors mieux informés, à l'issue desdites enquêtes quant aux conditions de vie et à la moralité de D. P. R., à ses possibilités d'accueil en Espagne, de ses deux filles, à ses capacités éducatives, à l'attachement de chacun des parents et leurs enfants et à leur aptitude à s'occuper de leurs filles, et ayant constaté en outre l'obstruction systématique d'H. K. à tout contact depuis des années entres ses filles et leur mère, la Cour a, par l'arrêt du 17 juin 2003, dont il est demandé la rétractation, confié à D. P. R. l'exercice de la puissance paternelle ainsi que la garde des deux filles et accordé un droit de visite et d'hébergement à H. K. ;

Qu'il ne peut ainsi être fait grief à la Cour d'appel d'avoir, en considération de ces nombreux éléments nouveaux, méconnu des décisions judiciaires précédemment rendues, ayant acquis l'autorité de la chose jugée ;

Considérant, ensuite, qu'H. K. soutient que l'arrêt de la Cour du 17 juin 2003 contiendrait des dispositions contradictoires en ce que, pour respecter l'intérêt supérieur des enfants qui commande qu'ils conservent des liens réguliers avec chacun de leurs parents, la Cour lui a accordé un droit de visite et d'hébergement, alors qu'il ne pourrait se rendre en Espagne où il fait l'objet de poursuites pénales et qu'en tout état de cause, ledit arrêt du 17 juin 2003 ne serait pas immédiatement exécutoire en Espagne en sorte qu'il serait contraint à en demander l'exequatur, procédure dont la durée moyenne, selon lui, serait d'environ deux ans ;

Considérant cependant que l'examen du dispositif de l'arrêt du 17 juin 2003 ne révèle aucune contrariété entre les diverses branches de ce dispositif, de telle sorte qu'il ne puisse être exécuté simultanément ;

Que par le dispositif litigieux la Cour se borne, complétant un précédent arrêt admettant la compétence des juridictions monégasques et l'application de la loi monégasque, à confier à D. P. R. l'exercice de la puissance paternelle sur les deux filles ainsi que leur garde, et à réserver à H. K. un droit de visite et d'hébergement ;

Considérant que si H. K. soutient qu'il ne peut se rendre en Espagne au motif qu'il y ferait l'objet de poursuites pénales, il ne résulte pas de l'arrêt du 17 juin 2003 que la Cour ait entendu organiser l'exercice du droit de visite réservé au père, sur le territoire espagnol ;

Qu'au contraire, la Cour s'est bornée à définir des modalités d'exercice de ce droit de visite en retenant les vacances scolaires de la Région d'Andalousie, en Espagne, pour tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants, quant à leur scolarité, H. K. étant, quant à lui particulièrement disponible, en l'absence d'activité professionnelle ;

Qu'en tout état de cause H. K. ne peut tirer argument d'éventuelles poursuites judiciaires en Espagne, et invoquer ainsi sa propre turpitude pour contester la régularité d'une décision de la Cour d'appel ;

Qu'enfin cet arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 dont il demande la rétractation ne nécessite pas de procédure d'exequatur pour sa mise en œuvre mais doit, au contraire, recevoir une application immédiate ; qu'H. K. ne peut pas davantage laisser supposer l'utilité d'une procédure qui pourrait être rendue nécessaire par d'éventuels obstacles que mettrait dorénavant D. P. R. à l'exercice de son droit de visite, alors que lui-même s'oppose formellement à l'exécution dudit arrêt ;

Considérant qu'H. K. qui refuse d'exécuter une décision de la Cour dont il a eu connaissance, qui a cru devoir faire refuser la signification de cet arrêt du 5 août 2003 au domicile pourtant par lui élu en l'étude de Maître Jean-Charles Gardetto, avocat-défenseur près la Cour d'appel, alors même que l'« assignation en rétractation et demande de suspension » est datée du 18 juillet 2003, qui estime devoir justifier par des considérations éthiques ses nouvelles manœuvres tendant à soustraire totalement les enfants J. et É. à tout contact avec leur mère, en les privant brutalement de leur environnement à Monaco où il prétendait pourtant les maintenir, et qui reprend devant la Cour d'appel une argumentation déjà développée devant la Cour de révision qui l'a rejetée, pour remettre en cause l'arrêt de la Cour de révision, a ainsi fait preuve d'un abus de procédure en contraignant fautivement D. P. R. à se défendre une nouvelle fois devant une juridiction ;

Qu'au regard de ces agissements, l'introduction abusive de la présente instance judiciaire a causé à D. P. R. des préjudices tant matériel que moral, qu'il y a lieu d'évaluer, compte tenu des éléments suffisants d'appréciation dont dispose la Cour à cet égard, à la somme, à juste titre réclamée, de 7 500 euros, toutes causes de préjudice confondues ;

Considérant enfin qu'H. K. qui succombe supportera les dépens de la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Déclare sans objet les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 ;

Rejette la demande de rétractation de l'arrêt de la Cour d'appel du 17 juin 2003 présentée par H. K. ;

Condamne H. K. à verser à D. P. R. la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Gardetto et Escaut, av. déf. ; Micheli, av. bar. de Genève ; Masats, av. bar. de Grenade (Espagne).

Note🔗

Cet arrêt rejette la demande de rétractation de l'arrêt de la cour d'appel du 17 juin 2003 présentée par K., cette décision ayant accordé à Dame P. - la mère - l'exercice de la puissance paternelle et du droit de garde, alors qu'en vertu d'un précédent arrêt de la même cour du 20 septembre 2001, il en était attributaire en sa qualité de père.La Cour de révision saisie d'un pourvoi formé contre l'arrêt du 17 juin 2003, a dans son arrêt du 10 octobre 2003 énoncé que toute décision relative à la garde d'enfants mineurs, qui ne doit prendre en compte que leur intérêt supérieur, peut être modifiée en fonction de celui-ci.

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