Cour d'appel, 13 janvier 2004, Consorts R. c/ Fondation Assistance aux Animaux

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Abstract🔗

Testaments

Testament olographe - Dispositions testamentaires composées de trois écrits successifs - Révocation invoquée, basée sur le dernier écrit - Interprétation par le juge

Avocats

Obligations - À l'égard des parties : article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 : - non atteinte à leur honneur et réputation - suppression des écrits injurieux et diffamatoires susceptible d'être ordonnée par la juridiction

Résumé🔗

Quand il résulte de l'acte de publication de testament en date du 28 septembre 1993 que le Président du Tribunal de première instance a reçu de Maître Paul-Louis Auréglia, notaire à Monaco, « trois feuilles de papier pelure se décomposant ainsi :

* les deux premières feuilles de papier apparaissant contenir les dispositions testamentaires en date, pour la première, du 10 août 1992 et, pour la deuxième, du 20 décembre 1992 de Madame O., C., G. M.... lesdites feuilles ont été trouvées par Maître Auréglia le 24 septembre 1993 au domicile de la défunte... » ;

G. M., veuve L., décédée à Monaco le 28 juin 1993, a ainsi rédigé un testament en la forme olographe, entièrement écrit de sa main, daté et signé par elle, en date du 10 août 1992 dans les termes suivants : Je soussignée O., C., G. M., veuve de J. L., demeurant et domiciliée ... Principauté de Monaco - que ceci est mon dernier testament et révoque par les présentes toutes les dispositions testamentaires précédentes. 1° je donne à Madame É. D. et Monsieur M. D. le paiement de (5 000) cinq mille francs par mois pour ma chatte Mimi que je possède à mon décès (un œil plus petit que l'autre - robe écaille de tortue) tant qu'ils l'auront et la soigneront - longueur maximum de vie d'un chat 20 ans. Cette allocation variera chaque année à la date anniversaire de mon décès en fonction des variations du coût de la vie. Indice connu tel que publié par l'INSEE (série France Entière) qui seront intervenues entre le dernier indice connu à la date de mon décès et l'indice du trimestre correspondant pour chaque variation. Après M. M. et Mme É. D., - passant premiers en avant je lègue à l'assistance dite aux animaux dont le siège est Paris 75011 - ce qui reste de ma succession « signé : O. L. ;

Le deuxième feuillet entièrement manuscrit, portant la mention » écrit de ma main «, daté du 20 décembre 1992 et signé par O. L. est rédigé ainsi : » Je donne après M. et Mme M. D. à l'assistance des animaux dont le siège social est situé 75011 Paris ce qui restera à mon décès de ma succession tant meubles qu'immeubles quelle que soit leur situation, de mes avoirs au Canada, et au Crédit Foncier de Monte-Carlo, mais de ne pouvoir n'utiliser lesdits fonds pour acquérir des biens ou en améliorer ni par les produits de leur vente, ou payer des rémunérations à des collaborateurs employés, personnel et tout être humain donc d'employer directement et seulement sur les animaux pour leur nourriture - chiens et chats - chats de refuge, animaux perdus, abandonnés et malheureux - de nommer un expert choisi qui contrôle tous les trois mois une exécution parfaite de tout cela - PS Je désire augmenter la pension de Mimi de cinq mille à (6 000) francs tous frais payés « ; L. R. et V. R. ne contestent pas l'authenticité de ces dispositions testamentaires mais soutiennent qu'O. M. a entendu les révoquer en rédigeant le document du 12 avril 1993, signé de sa main, visé dans l'acte de publication de testament, et dont les termes sont les suivants : » 1° Ce papier que m'ont fait signer G. B. et Mlle F. P. est dangereux et à supprimer. 2° La pension de Mimi passe avant tout - avant tous mais la vente de ma maison avec la vente de mon appartement et de mes avoirs au Canada chiffrent - c'est pourquoi il faut leur verser tous les 3 (trois mois) de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse. 3° Mes placements au Canada S/AF 31 sont placés in the name of their... (un mot non déchiffrable) quelqu'un m'a dit : (deux mots non déchiffrables) en France il n'y a pas de traduction conseil (un mot non déchiffrable) Je vendre le tout et mettre à mon compte courant 56 797 sur mon revenu ils me prennent 30 % c.a.d. 1/4 plus un impôt de 2 et quelque de ma résidence. À mon âge 97e il me semble que la somme est mieux que le revenu. « ;

L'examen de ce document conduit à la constatation qu'O. M. confirme manifestement ses dispositions testamentaires précédentes du 10 août 1992 et 20 décembre 1992 dès lors qu'elle y rappelle, d'une part, les dispositions prises en faveur des époux D. bénéficiaires d'une » pension « ayant pour objet leur défraiement pour les soins qu'ils donneront au chat Mimi, et, d'autre part, les dispositions prises en faveur de » l'Assistance aux Animaux « formulées dans les termes » c'est pourquoi il faut leur verser tous les 3 (trois mois) de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse «, O. M. ayant pris conscience de l'importance de sa fortune et de ses avoirs qui » chiffrent « ;

La mention » c'est pourquoi il faut leur verser tous les trois mois de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse « ne peut faire référence qu'aux dispositions antérieures relatives à » l'Assistance aux Animaux «, les termes » aux animaux « ne pouvant manifestement pas concerner exclusivement son chat » Mimi «, dès lors que ledit document ne fait état que de réflexions quant à l'emploi de ses divers biens nécessairement amputés d'impositions, avant leurs affectations respectives, suivant ses volontés déjà clairement exprimées tant en faveur de la chatte » Mimi « que pour l'assistance aux animaux ;

Ce document du 12 avril 1993 ne peut être interprété comme manifestant une volonté de la part d'O. M. de révoquer, ainsi que le soutiennent les appelants, ses dispositions testamentaires précitées, au motif notamment qu'elle y aurait indiqué en 1°: » ce papier que m'ont fait signer G. B. et Melle F. P. est dangereux et à supprimer « ;

En effet les appelants n'apportent aucun éléments de nature à démontrer que G. B. et F. P. sont les initiateurs des testaments du 10 août 1992 et du 20 décembre 1992 et qu'en outre » ce papier... « ne peut à la fois désigner le testament du 10 août et celui du 20 décembre 1992 ;

Au surplus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, O. M. a utilisé le terme » signer « pour le document présenté par G. B. et F. P., alors que le testament et son codicille avait été entièrement rédigés de sa main ;

S'agissant de l'interprétation du document du 12 avril 1993, Maître Paul-Louis Auréglia, notaire à Monaco, a indiqué dans son courrier du 13 décembre 1999 adressé à la Présidente de la Fondation Assistance aux Animaux qu'O. M. avait donné une procuration en date du 30 novembre 1989 à G. B., sollicitor, D. L. et F. P., juristes, aux fins de procéder au règlement de la succession de sa fille, J. L., décédée le 9 mars 1988, dont elle était héritière et légataire universelle, selon ladite procuration versée aux débats par la Fondation Assistance aux Animaux ;

Que Maître Paul-Louis Auréglia a précisé à cet égard qu' » à cette époque Mme L. avait déposé un testament au cabinet B. mais l'avait retiré par la suite, très certainement au moment où elle révoquait qu'elle avait confiée à ce cabinet pour le règlement de la succession de sa fille par acte sous seing privé du 30 novembre 1989 « ;

Selon le notaire, à cette procuration du 30 novembre 1989, » était jointe en original une note manuscrite de Mme L. qui correspond pratiquement à la première phrase du testament du 12 avril 1993 «, ladite note, datée du 15 mars 1993, signée O. L. étant rédigée dans les termes suivants : » 1er le Crédit Fr de M.C. m'a dit de faire annuler ce papier que m'a fait signer F. P. - urgent dangereux. Elle ne m'a donné il n'y a pas longtemps la succession de ma fille décédée il y a 5 ans oublié m'a t-elle dit. « ;

Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments et particulièrement de cette note manuscrite du 15 mars 1992, versée aux débats, que le seul » papier « qu'O. M. souhaitait supprimer, ainsi qu'elle en exprimait le voeu dans le document du 12 avril 1993, concernait la procuration du 30 novembre 1989 ;

Cette interprétation du document du 12 avril 1993 qui ne représente ainsi aucun caractère révocatoire des dispositions testamentaires du 10 août 1992 et du 20 décembre 1992 se trouve confrontée par les propres termes de la lettre adressée par O. M. aux époux D., et rédigée en ces termes : » ... je n'ai pas d'héritier ; je suis la dernière de ma famille et de mes amies. J'ai l'intention de l'accompagner d'une bonne œuvre... «

Dans ces conditions, aucun motif ne pouvait, en tout état de cause, conduire O. M. à révoquer les dispositions testamentaires litigieuses, prises au profit de la Fondation Assistance aux Animaux alors que ses divers écrits à cet égard démontraient, au contraire, qu'elle avait le souci de la destination de ses biens après sa mort, qu'elle avait conscience de l'importance de sa fortune, et qu'elle souhaitait, avant tout, que son chat » Mimi « soit pris en charge par les époux D. auxquels elle réservait le paiement d'une pension ;

Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le document litigieux du 12 avril 1993 ne constituait pas un acte portant déclaration de changement de volonté pouvant être assimilé à un testament révocatoire ;

La Fondation Assistance aux Animaux a demandé par ailleurs à la Cour de procéder au » bâtonnement « des écrits de L. R. et V. R. en date du 19 mars 2002, contenus en page 7, paragraphe 1er, libellés dans les termes suivants :

» Bien au contraire, dans ses rapports annuels, le Conseil d'administration de l'Association se répand sur les investissements successifs qu'elle réalise, et sur les conditions dans lesquelles, au moyen des dons et legs qu'elle reçoit, elle procède à de constants investissements immobiliers, elle accumule les richesses, et ne consacre aucunement les biens qu'elle reçoit et le revenu des biens dont elle est propriétaire, aux buts qui lui sont définis en qualité de Fondation relais, écartant les projets présentés par d'autres Associations ayant le même objet caritatif « ;

Selon la Fondation Assistance aux Animaux ces écrits présenteraient un caractère injurieux et diffamatoire et seraient de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation, et alors même que la cause ne l'aurait pas exigé ;

Aux termes de l'article 23 de la loi n° 1047 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, du 28 juillet 1982 : » les avocats-défenseurs et avocats ne peuvent avancer aucun fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties à moins que la cause ne l'exige et qu'ils n'aient reçu mandat exprès et par écrit de leurs clients. La juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires « ;

En l'espèce, les écrits litigieux susmentionnés, ne présentent, quant aux faits évoqués, aucun caractère de gravité au sens des dispositions sus-rappelées de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 et se bornent à conforter les argumentations des appelants, en relation avec le litige soumis à la Cour ;

La demande présentée à cet égard par la Fondation Assistance aux Animaux doit, dès lors, être rejetée en sorte qu'il y a lieu d'écarter de même la demande de dommages-intérêts présentée à titre de réparation du préjudice dont la Fondation Assistance aux Animaux affirme avoir été victime.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par un testament olographe du 10 août 1992, O. M. veuve L., décédée à Monaco le 28 juin 1993, a consenti un legs à titre universel à un organisme de droit français dénommé Fondation Assistance aux Animaux ainsi qu'un legs à titre particulier avec charge aux époux D.

À la suite de l'ouverture de la succession auprès de Maître Auréglia, notaire à Monaco, une ordonnance souveraine du 10 octobre 1995 a autorisé la Fondation à accepter le legs, l'envoi en possession ayant été décidé par ordonnance du 17 novembre 1995.

L. R. et V. R., seuls héritiers et parents éloignés d'O. L., ont fait opposition le 22 avril 1994 à la délivrance de ce legs, auprès du Ministère d'État à Monaco et ont fait assigner la Fondation Assistance aux Animaux, par exploit du 12 mars 1997, en demandant au Tribunal de première instance de déclarer nul et de nul effet le legs à titre universel consenti par O. L. aux termes de son testament olographe en date du 10 août 1992, de dire en conséquence que l'ensemble des biens dont était propriétaire O. L. sera compris dans la succession qui leur sera dévolue dans les proportions établies par la loi, et enfin de dire que le document en date du 12 avril 1993, et signé par O. L., constitue un testament, et révoque toutes autres dispositions antérieures au sens des dispositions des articles 890 et suivants du Code civil monégasque.

La Fondation Assistance aux Animaux qui a soulevé une exception de nullité de l'exploit d'assignation pour défaut de motivation, a conclu au rejet de l'action en nullité formée par les consorts R., à la validité du legs qui lui a été consenti et à la condamnation des consorts R. à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Par d'ultimes conclusions les consorts R. ont demandé au tribunal :

  • de dire et juger valable et régulier le testament du 12 avril 1993 ;

  • de constater que ce testament révoque toutes dispositions antérieures et spécialement le legs à titre universel consenti à l'association Assistance aux Animaux les 10 août 1992 et 20 décembre 1992 ;

  • de constater que la Fondation Assistance aux Animaux ne saurait exciper de droits éventuels dont l'association Assistance aux Animaux s'est trouvée privée par l'acte révocatoire du 12 avril 1993 ;

  • subsidiairement, de constater que l'actif net de l'association Assistance aux Animaux ne pouvait comporter, au jour de sa dissolution, soit le 1er avril 1993, des biens provenant de la succession d'O. L. et que ces biens ne pouvaient être transférés à la Fondation Assistance aux Animaux ;

  • subsidiairement de constater que la substitution de la Fondation Assistance aux Animaux dans des droits non encore nés de l'association Assistance aux Animaux est affectée de nullité par les dispositions de l'article 896 du Code civil ;

  • de déclarer de nul effet le legs des 10 août et 20 décembre 1992 consenti par O. L. au profit de l'Association Assistance aux Animaux ;

  • subsidiairement de déclarer non opposables les décisions des conseils d'administration des 24 novembre 1993 et 20 novembre 1995, prises faute de majorité conforme ;

  • de dire que faute d'enregistrement des testaments en France, la dévolution des immeubles qui y sont situés est frappée de nullité ;

  • de débouter la Fondation Assistance aux Animaux de l'ensemble de ses prétentions ;

  • de dire que l'ensemble des biens dont était propriétaire O. L. sera compris dans la succession qui leur sera dévolue dans les proportions établies par la loi ;

  • de dire que leur action est légitime et qu'elle ne peut justifier l'allocation d'aucun dommages-intérêts au profit de la Fondation.

Enfin, la Fondation Assistance aux Animaux a fait conclure qu'elle était seule légataire instituée par le testament litigieux, qu'elle existait à la date du 10 août 1992, date du testament complété par l'additif du 20 décembre 1992, et était dès lors en droit de revendiquer à la date du décès d'O. L. le 28 juin 1993, le legs dont celle-ci l'avait gratifiée, qu'elle a été autorisée par décret français du 11 mars 1998 à recevoir ce legs et qu'entre 1989 et 1994 elle a bien eu son siège à Paris, qui était l'adresse de l'Assistance aux Animaux visée au testament, qu'elle a démontré que par l'acte du 12 avril 1993, O. L. entendait exclusivement annuler la procuration notariée établie en faveur de G. B., D. L. et F. P.

Elle a en outre conclu au rejet du moyen de nullité tiré de l'article 1000 du Code civil français, compte tenu de ce que les testaments litigieux ont fait l'objet d'une publication par acte du 28 septembre 1993, à la condamnation des consorts R. à lui verser la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée et à l'exécution provisoire du jugement.

Par le jugement entrepris du 15 janvier 2001 le Tribunal de première instance a rejeté l'exception de nullité soulevée par la Fondation Assistance aux Animaux, dit et jugé que le testament du 10 août 1992 et son codicille du 20 décembre 1992 n'ont pas été révoqués par le document du 12 avril 1993, déclaré valables les dispositions testamentaires susvisées, dit et jugé que la fondation dite Assistance aux Animaux avait bien la qualité de légataire universelle et avait vocation à appréhender le solde de la succession d'O. L., rejeté les moyens de nullité des procès-verbaux, soulevés par les consorts R., dit que l'envoi en possession du 17 novembre 1995 et le décret français du 11 mars 1998 devaient produire leur plein et entier effet, condamné les consorts R. à payer à la Fondation Assistance aux Animaux la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, débouté la Fondation Assistance aux Animaux du surplus de ses demandes, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné L. R. et V. R. aux dépens.

L. R. et V. R. concluent à la recevabilité de leur appel, aux défenses à exécution provisoire du jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2001, à l'infirmation dudit jugement et demandent à la Cour de déclarer nul et de nul effet le legs à titre universel consenti par O. L. aux termes de son testament olographe en date du 10 août 1992, de dire que l'ensemble des biens dont O. L. était propriétaire sera compris dans la succession qui leur sera dévolue dans les proportions établies par la loi, de dire que le document daté du 12 avril 1993, signé par O. L., constitue un testament et révoque toutes dispositions antérieures au sens des articles 890 et suivants du Code civil monégasque et de condamner la Fondation Assistance aux Animaux aux entiers dépens.

Ils font valoir que les premiers juges ont procédé à une appréciation erronée des documents litigieux et notamment de celui daté du 12 avril 1993 qui révèle l'expression d'une volonté libérale ainsi que les bénéficiaires du legs mais avec une imprécision quant à la » personne « du gratifié, et énumère les moyens nécessaires à l'exécution de son intention libérale ;

Que ce document révoque également les testaments antérieurs d'O. L., désignés avec une précision suffisante, en faisant référence, d'une part, à la pension de la chatte » Mimi «, objet de deux actes testamentaires de 1992 et, d'autre part, au document que lui ont fait signer G. B. et F. P. ;

Que c'est également à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'attestation délivrée le 13 décembre 1999 par Maître Auréglia, notaire à Monaco, à sa cliente, la Fondation Assistance aux Animaux, alors que ce notaire y qualifie l'acte du 12 avril 1993 de » révocatoire «, en précisant que cette révocation viserait une procuration souscrite par O. L. le 30 novembre 1989 pour le règlement de la succession de sa fille, alors que cette succession avait déjà été réglée le 12 avril 1993 ;

Que s'agissant de l'administration de la preuve par des faits, qui peut être rapportée lorsqu'il existe des commencements de preuve par écrit, l'acte du 12 avril 1993 ne peut que révoquer les actes antérieurs se rapportant à un événement qui ne s'est pas encore produit et avec lequel ils sont en relation, cet événement constituant le décès d'O. L. qui aurait conditionné la mise en œuvre des testaments antérieurs de 1992 ;

Que le Tribunal s'est borné à évoquer une difficulté d'exécution pour les testaments litigieux sans se prononcer sur le moyen tiré de la nullité de ceux-ci, eu égard aux dispositions de l'article 1001 du Code civil français ;

Qu'enfin aucune urgence ne justifiait l'exécution provisoire du jugement entrepris.

Par conclusions déposées le 30 octobre 2001 la Fondation Assistance aux Animaux a conclu au rejet des défenses à l'exécution provisoire du jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2001 et à la confirmation dudit jugement, et demande à la Cour de dire et juger que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que le testament du 10 août 1992 et son codicille du 20 décembre 1992 n'ont pas été révoqués par le document du 12 avril 1993, que les dispositions testamentaires d'O. L. sont valables, que la Fondation Assistance aux Animaux a bien la qualité de légataire universelle et a vocation à appréhender le solde de la succession de celle-ci, que l'envoi en possession du 17 novembre 1995 et le décret français du 11 mars 1998 doivent produire leur plein et entier effet, et que les consorts R. doivent être condamnés à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi qu'aux entiers dépens.

La Fondation Assistance aux Animaux demande en outre à la Cour de dire et juger en tant que de besoin, que c'est à tort que les consorts R. ont prétendu à l'effet révocatoire du document du 12 avril 1993 qui ne comporte aucune disposition testamentaire mais a uniquement pour objet de mettre en cause le » papier « que G. B. et F. P. avaient fait signer à O. L. et que celle-ci a qualifié de » dangereux et à supprimer « et qui ne pouvait être que la procuration en date du 30 novembre 1999, annexée en copie à la consultation de Maître Aureglia du 13 décembre 1999, et comportant en annexe, l'original d'un document manuscrit établi par O. L. le 15 mars 1993.

Elle demande, par ailleurs, à la Cour de dire et juger inopérants les autres griefs, au plan de l'administration de la preuve et de la nullité du testament, l'article 1001 du Code civil français n'ayant jamais édicté une telle sanction, et de condamner in solidum les consorts R. à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires, eu égard au caractère abusif et dilatoire de l'appel interjeté, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté les allégations des consorts R. quant à la valeur révocatoire du document du 12 avril 1993 qui ne comporte aucune disposition testamentaire proprement dite, sauf à exprimer la volonté du testateur de faire passer » avant tout, avant tous « la pension de sa chatte » Mimi «, telle que celle-ci a été définie dans le testament du 10 août 1992 et le codicille du 20 décembre 1992 ; que cet écrit du 12 avril 1993 n'évoque pas les moyens nécessaires à l'intention libérale, ainsi que le soutiennent les consorts R., mais fait seulement référence aux placements d'O. M. au Canada ;

Qu'aucun élément de cet écrit du 12 avril 1993 ne permet de considérer qu'O. M. a voulu révoquer de façon expresse et non équivoque ses dispositions testamentaires antérieures ;

Que si les consorts R. tentent délibérément de confondre le » papier « que m'ont fait signer G. B. et F. P. qu'O. L. considère comme dangereux et à supprimer, avec le testament du 10 août 1992 et son codicille du 20 décembre 1992, le testament litigieux qui a été entièrement écrit, daté et signé par O. L. ne pouvait être assimilé au » papier « entièrement dactylographié que lui auraient fait seulement signer G. B. et F. P., auquel a été annexé une note écrite et signée par O. L. le 15 mars 1993, laquelle éclaire l'interprétation de ce document du 30 novembre 1989 ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré régulière, la consultation de Maître Auréglia, notaire, quant à son interprétation du document du 12 avril 1993 ;

Que s'agissant de l'administration de la preuve, la circonstance que cet écrit du 12 avril 1993 soit d'une date postérieure au testament, ne saurait, à elle seule, lui conférer un caractère révocatoire, O. L. pouvant fort bien s'exprimer pour d'autres raisons que celles qui ont motivé son testament ;

Que pour ce qui concerne la portée des articles 1000 et 1001 du Code civil français, les consorts R. en ont donné une interprétation erronée ;

Qu'enfin c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné l'exécution provisoire dès lors qu'il y a urgence et qu'elle ne serait pas de nature à produire des effets irréparables.

Par conclusions du 18 décembre 2001 L. R. et V. R. soutiennent qu'il résulte de l'analyse très simple des documents d'O. L. que le dernier en date révoque les précédents ;

Que le codicille du 12 avril 1993 est particulièrement éloquent, et son caractère révocatoire ayant été affirmé par le notaire ;

Qu'eu égard aux précisions données par O. M. dans cet acte révocatoire du 12 avril 1993, celle-ci exprimait, d'une part, la conscience qu'elle avait de l'importance de son patrimoine dont le produit irait au-delà de l'affectation qu'elle entendait lui donner, telle qu'exprimée dans le codicille du 20 décembre 1992 » ... d'employer directement et seulement pour les animaux pour leur nourriture... «, et, d'autre part, l'importance qu'elle attachait également à ce qu'il soit » ... nommé un expert choisi qui contrôle tous les trois mois une exécution parfaite de tout cela. « ;

Qu'ainsi cet acte révocatoire ne concernait nullement un pouvoir qu'elle avait délivré quatre ans auparavant en vue de la succession de sa fille mais faisait référence aux legs de 1992, qu'elle avait volontairement joints à son écrit révocatoire du 12 avril 1993 ;

Qu'en précisant dans cet acte du 12 avril 1993 que la pension de sa chatte » Mimi « » passe avant tout... « mais également » ... avant tous... «, elle entendait révoquer toutes dispositions testamentaires autres, à l'exception de celles concernant la pension de sa chatte Mimi, confiée aux époux D., en sorte que sa succession ne pouvait être dévolue à d'autres que ses héritiers naturels ;

Qu'en l'absence de la formalité substantielle de l'enregistrement, les testaments de 1992 ne sauraient en tout état de cause recevoir application, en sorte que la dévolution des biens immobiliers situés en France se trouve frappée de nullité, lesdits biens devant dès lors leur être dévolus ;

Que leur appel ne peut présenter aucun caractère abusif.

Par conclusions du 19 février 2002 la Fondation Assistance aux Animaux fait valoir qu'en persistant à soutenir contre toute vraisemblance que l'écrit du 12 avril 1993 serait un codicille au testament, les consorts R., du fait du caractère abusif de leur appel, lui ont causé un préjudice qu'il y a lieu de réparer par l'allocation de légitimes dommages-intérêts complémentaires d'un montant de 7 622,45 euros ;

Que si les premiers juges se sont fondés à juste titre sur des attestations qu'elle a produites, et qui ont ainsi été jugées régulières, il y a lieu de relever que les attestations d'A. A. et de L. F. dont les consorts R. avaient sollicité le rejet ont été rédigées dans le respect des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, la Cour n'ayant par ailleurs pas été saisie d'une demande d'infirmation de ce chef ;

Qu'en ce qui concerne les dispositions de l'article 1000 du Code civil français, le jugement entrepris en a fait une exacte analyse même si ce moyen ne constitue pas l'essentiel de l'argumentation des époux R.

Par conclusions du 19 mars 2002 L. R. et V. R. font valoir qu'O. L. n'étant pas d'origine française, il convient de ne pas s'attacher à l'interprétation littérale de ce qu'elle a écrit mais de rechercher sa volonté réelle ;

Qu'il ne peut être contesté qu'O. L. a entendu maintenir les dispositions prises antérieurement nonobstant l'utilisation des termes maladroits dans le dernier document rédigé ;

Que la Fondation Assistance aux Animaux n'a à aucun moment justifié ni même allégué avoir respecté les dispositions testamentaires d'O. L. quant à la nomination d'un expert pour vérifier l'exécution de celles-ci, alors surtout que le conseil d'administration de cette association relève dans ses rapports annuels, ses investissements immobiliers successifs ;

Que si O. L. a entendu réaffirmer dans son testament du 12 avril 1993 les dispositions auxquelles elle tenait particulièrement, et relatives à sa chatte Mimi qu'elle aimait par dessus tout, elle en aurait fait de même de son legs à la fondation si elle avait eu l'intention de lui venir en aide ;

Qu'il appartient à la Cour d'écarter les attestations que la Fondation Assistance aux Animaux se délivre à elle-même telles que celles de sa propre présidente et sa propre directrice, des membres de son conseil d'administration ou de son notaire ;

Qu'O. L. a constitué deux ensembles indivisibles, à savoir d'une part, le pouvoir de 1989 délivré au cabinet B. et sa révocation du 15 mars 1993, et, d'autre part, le testament de 1992 et sa révocation du 12 avril 1993, en sorte qu'elle a bien eu la volonté que l'acte du 12 avril 1993 forme avec le testament de 1992 un ensemble indivisible, eu égard à leur lien étroit tant matériel qu'intellectuel, le terme » ce papier « utilisé par O. L. ne pouvant se reporter qu'au document auquel il est joint.

Par conclusions du 25 juin 2002 la Fondation Assistance aux Animaux demande en outre à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 le bâtonnement des écrits des consorts R. en date du 19 mars 2002, page 7, 1er paragraphe, libellé en ces termes : » Bien au contraire, dans ses rapports annuels, le conseil d'administration de l'Association se répand sur les investissements successifs qu'elle réalise, et sur les conditions dans lesquelles, au moyen des dons et legs qu'elle reçoit, elle procède à de constants investissements immobiliers, elle accumule les richesses, et ne consacre aucunement les biens qu'elle reçoit et le revenu des biens dont elle est propriétaire, aux buts qui lui sont définis en qualité de fondation relais, écartant les projets présentés par d'autres associations ayant le même objet caritatif « ;

La Fondation Assistance aux Animaux fait valoir que ces propos à caractère injurieux et diffamatoires sont de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation, sans que la cause ne l'ait exigé, celle-ci n'ayant pour objet que l'examen de la nullité d'un legs et de la qualification d'un acte en date du 12 avril 1993 considéré à tort de révocatoire par les consorts R. ;

Elle demande en outre de rejeter comme inopérantes et sans fondement leurs conclusions du 12 mars 2002, en ce qu'elles procèdent, à nouveau, à une analyse des dispositions testamentaires d'O. L., contraire à la réalité, ainsi qu'il résulte des pièces qu'elle a produites aux débats sous les n° 1, 2, 9, 41, 37, 28, 30 et 32, étant rappelé qu'ils ont eux-mêmes fait état d'un courrier de Maître Auréglia du 2 juin 1999, lequel s'est borné à établir un acte rectificatif de notoriété après décès, en date du 13 octobre 1993, ayant annulé celui des 1er et 7 septembre 1993 qui ne correspondait pas à la réalité ;

Elle soutient que les autres assertions des consorts R. sont également contredites par les pièces produites aux débats, en ce qui concerne la qualification de l'écrit du 12 avril 1993, lequel ne saurait être considéré comme révocatoire des dispositions testamentaires d'O. L. qui ne pouvait plus les révoquer eu égard aux faits et circonstances de la cause résultant de la production aux débats de la lettre adressée par O. L. aux époux D. du 8 décembre 1990 (pièce n° 29), de son écrit du 10 mai 1992 (pièce n° 42), de l'attestation des époux D. du 26 mars 1999 (pièce n° 28) et de la justification de la convocation à son domicile par le testateur de la Présidente de la Fondation Assistance aux Animaux accompagnée du Professeur M. (pièce n° 30 et 31) ;

Enfin la Fondation Assistance aux Animaux demande la condamnation des consorts R. à leur payer la somme de 7 622,45 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des propos injurieux et diffamatoires et la somme de 7 622,45 euros pour appel abusif.

Par conclusions du 5 novembre 2002 les consorts R. demandent, en outre, à la Cour, d'enjoindre à la Fondation Assistance aux Animaux d'avoir à communiquer ses rapports » article 9 « pour les années 1995, 1996, 1998, 1999 et 2001 avec récépissé de la Préfecture de Paris, de dire qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 23 de la loi n° 1047 du 28 juillet 1992, de dire que l'appel qu'ils ont interjeté constitue le simple exercice de leurs droits, et qu'il ne présente aucun caractère dilatoire ou abusif et qu'il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation contre eux à ce titre ;

Elle fait valoir que la production de ces rapports éclairera la Cour sur le comportement de la Fondation Assistance aux Animaux qui n'affecte pas les dons et legs qu'elle reçoit à des œuvres ayant la même finalité qu'elle, mais les emploie à l'accroissement de son patrimoine et de ses richesses ;

Qu'en tout état de cause les énonciations portées dans leurs conclusions ne sauraient comporter un caractère injurieux ou diffamatoire.

Par conclusions déposées le 16 juillet 2003 la Fondation Assistance aux Animaux demande à la Cour d'écarter des débats les pièces produites par les consorts R., numérotées 38 à 47, compte tenu de ce que ces pièces sont totalement étrangères aux débats, et de rejeter la lettre officielle de Maître Blot, avocat-défenseur des consorts R., en date du 3 janvier 2003 et des pièces 27 et 28 auxquelles il est expressément fait référence.

Par conclusions déposées le 23 avril 2003 L. R. et V. R. demandent encore à la Cour de leur donner acte de la production de leurs pièces n° 45, 46 et 47 qui viennent conforter leurs écrits, en faisant valoir que les rapports annuels (article 9) déjà produits démontrent tous que la Fondation Assistance aux Animaux ne satisfait pas aux obligations résultant de son statut.

Les conclusions du 25 mars 2003 de L. R. et V. R. tendant aux mêmes fins et par les mêmes moyens que leurs précédentes conclusions, ceux-ci ayant toutefois précisé que leurs demandes de production aux débats de divers rapports (article 9) n'ont plus d'objet, dès lors qu'ils ont été versés aux débats.

Les conclusions du 4 mars 2003 de la Fondation Assistance aux Animaux tendent, elles aussi aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux précédemment exposés.

Elle fait valoir, dans ses ultimes conclusions qu'il appartient à la Cour de rejeter la demande des consorts R. tendant à la communication des rapports prévue à l'article 9 de ses statuts ainsi que les pièces numérotées 38 et 40 visées dans leurs bordereaux de production de pièces du même jour.

Sur ce :

Considérant que l'ensemble des conclusions des parties relatives à l'exécution provisoire du jugement entrepris du Tribunal de première instance du 15 février 2001 sont devenues sans objet, dès lors que la Cour statue, par le présent arrêt, sur le fond du litige ;

Considérant, quant au fond, qu'il résulte de l'acte de publication de testament en date du 28 septembre 1993 que le Président du Tribunal de première instance a reçu de Maître Paul-Louis Auréglia, notaire à Monaco, » trois feuilles de papier pelures se décomposant ainsi :

  • les deux premières feuilles de papier apparaissant contenir les dispositions testamentaires en date, pour la première, du 10 août 1992 et, pour la deuxième, du 20 décembre 1992 de Madame O., C., G. M.... lesdites feuilles ont été trouvées par Maître Auréglia le 24 septembre 1993 au domicile de la défunte... « ;

Considérant que G. M., veuve L., décédée à Monaco le 28 juin 1993, a ainsi rédigé au testament en la forme olographe, entièrement écrit de sa main, daté et signé par elle, en date du 10 août 1992 dans les termes suivants : » Je soussignée O. C., G. M., veuve de J. L., demeurant et domiciliée ..., Principauté de Monaco - que ceci est mon dernier testament et révoque par les présentes toutes les dispositions testamentaires précédentes. 1° Je donne à Madame É. D. et Monsieur M. D. le paiement de (5 000) cinq mille francs par mois pour ma chatte Mimi que je possède à mon décès (un œil plus petit que l'autre - robe écaille de tortue) tant qu'ils l'auront et la soigneront - longueur maximum de vie d'un chat 20 ans. Cette allocation variera chaque année à la date anniversaire de mon décès en fonction des variations du coût de la vie. Indice connu tel que publié par l'INSEE (série France Entière) qui seront intervenues entre le dernier indice connu à la date de mon décès et l'indice du trimestre correspondant pour chaque variation. Après M. M. et Mes É. D., - passant premiers en avant je lègue à l'assistance dite aux animaux dont le siège est situé ... Paris 75011 - ce qui reste de ma succession « signé : O. L. ;

Que le deuxième feuillet entièrement manuscrit, portant la mention » écrit de ma main «, daté du 20 décembre 1992 et signé O. L. est rédigé ainsi : » je donne après M. et Mme M. D. à l'assistance des animaux dont le siège social est situé ... 75011 Paris ce qui restera à mon décès de ma succession tant meubles qu'immeubles quelle que soit leur situation, de mes avoirs au Canada, et au Crédit Foncier de Monte-Carlo, mais de ne pouvoir n'utiliser lesdits fonds pour acquérir des biens ou en améliorer ni par les produits de leur vente, ou payer des rémunérations à des collaborateurs employés, personnel et tout être humain donc d'employer directement et seulement sur les animaux pour leur nourriture - chiens et chats - chats de votre refuge, animaux perdus, abandonnés et malheureux - de nommer un expert choisi qui contrôle tous les trois mois une exécution parfaite de tout cela - P.S. Je désire augmenter la pension de Mimi de cinq mille à (6 000) francs tous frais payés « ;

Considérant que L. R. et V. R. ne contestent pas l'authenticité de ces dispositions testamentaires mais soutiennent qu'O. M. a entendu les révoquer en rédigeant le document du 12 avril 1993, signé de sa main, visé dans l'acte de publication de testament, et dont les termes sont les suivants : » 1° Ce papier que m'ont fait signer G. B. et Melle F. P. est dangereux et à supprimer. 2° La pension de Mimi passe avant tout - avant tous mais la vente de ma maison avec la vente de mon appartement et de mes avoirs au Canada chiffrent - c'est pourquoi il faut leur verser tous les 3 (trois mois) de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse. 3° Mes placements au Canada S/AF 31 sont placés in the name of their... (un mot non déchiffrable) quelqu'un m'a dit : (deux mois non déchiffrables) en France il n'y a pas de traduction conseil (un mot non déchiffrable) Je vendre le tout et mettre à mon compte courant 56 797 sur mon revenu ils me prennent 30 % c.a.d. 1/4 plus un impôt de 2 et quelque de ma résidence. À mon âge 97e il me semble que la somme est mieux que le revenu. « ;

Considérant que l'examen de ce document conduit à la constatation qu'O. M. confirme manifestement ses dispositions testamentaires précédentes du 10 août 1992 et 20 décembre 1992 dès lors qu'elle y rappelle, d'une part, les dispositions prises en faveur des époux D. bénéficiaires d'une » pension « ayant pour objet leur défraiement pour les soins qu'ils donneront au chat Mimi, et, d'autre part, les dispositions prises en faveur de » l'Assistance aux animaux « formulées dans les termes » c'est pourquoi il faut leur verser tous les 3 (trois mois) de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse «, O. M. ayant pris conscience de l'importance de sa fortune et de ses avoirs qui » chiffrent « ;

Que la mention » c'est pourquoi il faut leur verser tous les trois mois de la nourriture aux animaux avec vérification sérieuse « ne peut faire référence qu'aux dispositions antérieures relatives à » l'Assistance aux animaux «, les termes » aux animaux « ne pouvant manifestement pas concerner exclusivement son chat » Mimi «, dès lors que ledit document ne fait état que de réflexions quant à l'emploi de ses divers biens nécessairement amputés d'impositions, avant leurs affectations respectives, suivant ses volontés déjà clairement exprimées tant en faveur de la chatte » Mimi « que pour l'assistance aux animaux ;

Considérant que ce document du 12 avril 1993 ne peut être interprété comme manifestant une volonté de la part d'O. M. de révoquer, ainsi que le soutiennent les appelants, ses dispositions testamentaires précitées, au motif notamment qu'elle y aurait indiqué en 1°: » ce papier que m'ont fait signer G. B. et Mlle F. P. est dangereux et à supprimer « ;

Qu'en effet les appelants n'apportent aucun élément de nature à démontrer que G. B. et F. P. sont les initiateurs des testaments du 10 août 1992 et du 20 décembre 1992 et qu'en outre » ce papier... « ne peut à la fois désigner le testament du 10 août et celui du 20 décembre 1992 ;

Qu'au surplus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, O. M. a utilisé le terme » signe « pour le document présenté par G. B. et F. P., alors que le testament et son codicille avaient été entièrement rédigés de sa main ;

Que s'agissant de l'interprétation du document du 12 avril 1993, Maître Paul-Louis Auréglia, notaire à Monaco, a indiqué dans un courrier du 13 décembre 1999 adressé à la Présidente de la Fondation Assistance aux Animaux qu'O. M. avait donné une procuration en date du 30 novembre 1989 à G. B., sollicitor, D. L. et F. P., juristes, aux fins de procéder au règlement de la succession de sa fille, J. L., décédée le 8 mars 1988, dont elle était l'héritière et légataire universelle, selon ladite procuration versée aux débats par la Fondation Assistance aux Animaux ;

Que Maître Paul-Louis Auréglia a précisé à cet égard qu' » à cette époque Mme L. avait déposé un testament au cabinet B. mais l'avait retiré par la suite, très certainement au moment où elle révoquait la procuration qu'elle avait confiée à ce cabinet pour le règlement de la succession de sa fille par acte sous seing privé du 30 novembre 1989 « ;

Que selon le notaire, à cette procuration du 30 novembre 1989, » était jointe en original une note manuscrite de Mme L. qui correspond pratiquement à la première phrase du testament du 12 avril 1993 «, ladite note, datée du 15 mars 1993, signée O. L. étant rédigée dans les termes suivants : » 1er le Crédit Fr de M.C. m'a dit de faire annuler ce papier que m'a fait signer F. P. - urgent dangereux. Elle ne m'a donné il n'y a pas longtemps la succession de ma fille décédée il y a 5 ans oublié m'a t-elle dit. « ;

Considérant qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments et particulièrement de cette note manuscrite du 15 mars 1993, versée aux débats, que le seul » papier « qu'O. M. souhaitait supprimer, ainsi qu'elle en exprimait le vœu dans le document du 12 avril 1993, concernait la procuration du 30 novembre 1989 ;

Que cette interprétation du document du 12 avril 1993 qui ne présente ainsi aucun caractère révocatoire des dispositions testamentaires du 10 août 1992 et 20 décembre 1992 se trouve confortée par les propres termes de la lettre adressée par O. M. aux époux D., et rédigée en ces termes : » ... je n'ai pas d'héritier ; je suis la dernière de ma famille et de mes amies. J'ai l'intention de l'accompagner d'une bonne œuvre... «

Que dans ces conditions, aucun motif ne pouvait, en tout état de cause, conduire O. M. à révoquer les dispositions testamentaires litigieuses, prises au profit de la Fondation Assistance aux Animaux alors que ses divers écrits à cet égard démontraient, au contraire, qu'elle avait le souci de la destination de ses biens après sa mort, qu'elle avait conscience de l'importance de sa fortune, et qu'elle souhaitait, avant tout, que son chat » Mimi « soit pris en charge par les époux D. auxquels elle réservait le paiement d'une pension ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le document litigieux du 12 avril 1993 ne constituait pas un acte portant déclaration de changement de volonté pouvant être assimilé à un testament révocatoire ;

Considérant, par ailleurs, que L. R. et V. R. invoquent la nullité des testaments rédigés par O. M. au motif que la Fondation Assistance aux Animaux ne démontre pas que ces testaments ont fait l'objet d'un enregistrement, formalité requise par les dispositions des articles 1000 et 1001 du Code civil français et de l'article 855 du Code général des impôts relatif à l'enregistrement des testaments faits en pays étrangers ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1000 du Code civil français : » les testaments faits en pays étranger ne pourront être exécutés sur les biens situés en France qu'après avoir été enregistrés au bureau du domicile du testateur, s'il en a conservé un, sinon au bureau de son dernier domicile connu en France ; et dans le cas où le testament contiendrait des dispositions d'immeubles qui y seraient situés, il devra être, en outre, enregistré au bureau de la situation de ces immeubles, sans qu'il puisse être exigé un double droit « ; que l'article 1001 du même code dispose que : » les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente, doivent être observées à peine de nullité « ;

Considérant que s'il résulte des dispositions précitées de l'article 1001 du Code civil français que les formalités prévues à la section première relatives aux règles générales sur la forme des testaments et à la section II relatives aux règles particulières sur la forme de certains testaments, doivent être observées à peine de nullité, les dispositions de l'article 1000 du Code civil français n'édicte pas une formalité requise à peine de nullité du testament mais se borne à énoncer une condition nécessaire à l'exécution sur les biens situés en France des testaments faits en pays étranger, soit la formalité de l'enregistrement ;

Que la méconnaissance de cette formalité de l'enregistrement du testament, est, dès lors, sans influence sur la validité des testaments litigieux, qui, en tout état de cause, remplissent les conditions de forme et de validité requises par l'article 836 du Code civil monégasque, applicable auxdits testaments rédigés à Monaco, en vertu du principe de droit international privé » locus regit actum «, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ;

Considérant enfin que si les appelants soutiennent que la dévolution des biens situés en France se trouve frappée de nullité en sorte que ces biens devraient dès lors leur être dévolus, l'absence d'enregistrement ne peut entraîner aucune sanction de nullité, les éventuelles difficultés d'exécution desdits testaments en France ne relevant pas de la compétence de la Cour d'appel de Monaco ;

Considérant, par suite, que le moyen tiré de la nullité des testaments litigieux doit être écarté ;

Considérant que c'est à bon droit que le Tribunal a déclaré que la Fondation dite assistance aux animaux a bien la qualité de légataire universelle et a vocation à appréhender le solde de la succession d'O. M. veuve L., en se fondant, d'une part, sur le décret du 19 octobre 1993 dont l'article 3 dispose que le président de la fondation dite » Assistance aux Animaux «, reconnue d'utilité publique par décret du 14 mars 1989 est autorisé à accepter l'actif de l'association dite » Assistance aux Animaux « et, d'autre part, sur le décret du 11 mars 1998 qui a autorisé le président de la fondation dite » Fondation Assistance aux Animaux «, à accepter au nom de la fondation le legs universel qui lui a été consenti par O. M. ;

Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la gestion de ladite fondation ni sur l'affectation de ses biens reçus par legs ni sur la manière dont elle poursuit les objectifs prévus par ses statuts, en sorte que les conclusions de L. R. et V. R., relatives à ces conclusions et à la production de divers documents susceptibles de démontrer les carences de cette fondation, ne peuvent être que rejetées, la fondation reconnue d'utilité publique étant, en tout état de cause, soumise au contrôle de l'administration française ;

Considérant que la fondation Assistance aux Animaux a demandé par ailleurs à la Cour de procéder au » bâtonnement « des écrits de L. R. et V. R. en date du 19 mars 2002, contenus en page 7, paragraphe 1er, libellés dans les termes suivants :

» Bien au contraire, dans ses rapports annuels, le Conseil d'administration de l'Association se répand sur les investissements successifs qu'elle réalise, et sur les conditions dans lesquelles, au moyen des dons et legs qu'elle reçoit, elle procède à de constants investissements immobiliers, elle accumule les richesses, et ne consacre aucunement les biens qu'elle reçoit et le revenu des biens dont elle est propriétaire, aux buts qui lui sont définis en qualité de Fondation relais, écartant les projets présentés par d'autres Associations ayant le même objet caritatif « ;

Que selon la Fondation Assistance aux Animaux ces écrits présenteraient un caractère injurieux et diffamatoire et seraient de nature à porter atteinte à son honneur et à sa réputation, et alors même que la cause ne l'aurait pas exigé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi n° 1047 sur l'exercice des professions d'avocat-défenseur et d'avocat, du 28 juillet 1982 : » les avocats-défenseurs et avocats ne peuvent avancer aucun fait grave contre l'honneur ou la réputation des parties à moins que la cause ne l'exige et qu'ils n'aient reçu mandat exprès et par écrit de leurs clients. La juridiction saisie de la cause peut ordonner la suppression des écrits injurieux ou diffamatoires " ;

Considérant qu'en l'espèce, les écrits litigieux susmentionnés, ne présentent, quant aux faits évoqués, aucun caractère de gravité au sens des dispositions sus-rappelées de la loi n° 1047 du 28 juillet 1982 et se bornent à conforter les argumentations des appelants, en relation avec le litige soumis à la Cour ;

Que la demande présentée à cet égard par la Fondation Assistance aux Animaux doit, dès lors, être rejetée en sorte qu'il y a lieu d'écarter de même la demande de dommages-intérêts présentée à titre de réparation du préjudice dont la Fondation Assistance aux Animaux affirme avoir été victime ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné L. R. et V. R. à payer à la Fondation Assistance aux Animaux la somme de 50 000 francs soit 7 622,45 euros à titre de dommages-intérêts, eu égard au caractère manifestement abusif de la procédure engagée par L. R. et V. R. et aux frais occasionnés à la Fondation Assistance aux Animaux pour faire valoir ses droits face aux prétentions infondées de ceux-ci ;

Considérant sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée en cause d'appel par la Fondation Assistance aux Animaux, que la procédure instaurée témérairement devant la Cour par L. R. et V. R. y revêt un caractère abusif ayant occasionné à cette fondation un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation au profit de celle-ci des dommages-intérêts que la cour a les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 5 000 euros, au paiement de laquelle il y a lieu de condamner L. R. et V. R. ;

Considérant qu'eu égard à l'issue du litige L. R. et V. R. qui succombent supporteront les dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

  • Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2001 ;

  • Condamne L. R. et V. R. à payer à la Fondation Assistance aux Animaux la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

  • Rejette toutes autres conclusions des parties.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Léandri, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2001.

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