Cour d'appel, 4 juin 2002, D. G. c/ SARL Agence G.

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Abstract🔗

Agent d'affaires

Mandat tacite donné à une agence immobilière, d'acquérir un immeuble - Application des dispositions françaises : loi du 2 janvier 1970 (art. 6) et du décret du 20 juillet 1972 (art. 72) - Rémunération de l'agent indue : à défaut d'un mandat écrit fixant la rémunération et déterminant la partie en ayant la charge - Faute de l'agent d'avoir accepté un acompte sur commission justifiant le droit à réparation

Résumé🔗

I. - Il est reconnu par les parties et notamment la SARL Agence G. qui précise ne l'avoir jamais contesté, que celles-ci ont soumis leurs relations contractuelles aux dispositions françaises de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et de son décret d'application du 20 juillet 1972 ; il est constant qu'il ne pouvait en être qu'ainsi, eu égard à l'activité exercée en France par l'Agence G. sise à Cap d'Ail (France) portant en l'espèce, sur la cession de biens immobiliers situés en France ;

II. - Aux termes des dispositions de la loi précitée du 2 janvier 1970 l'agent immobilier ne peut réclamer une rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1er que si, préalablement à toute négociation ou engagement, il détient un mandat écrit fixant la rémunération de l'agent et déterminant la partie qui en aura la charge ;

La reconnaissance d'honoraires signée par B. D. G. le 23 août 1996 concomitamment avec une offre d'achat des lots 266, (appartement) 280 (garage) et 191 (cave) pour le prix de 1 100 000 francs document dont se prévaut la société G. qui reconnaît d'ailleurs par ses écritures n'avoir disposé de la part de D. G. que d'un mandat tacite, ne peut en tenir lieu dès lors d'une part que ce document ne précise ni les caractéristiques du bien immobilier recherché par le client, ni la nature de la prestation à fournir au client, ni les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération lorsque la prestation n'et pas fournie au client dans le délai prévu et d'autre part que l'intermédiaire ne justifie pas qu'un double de ce document, portant le numéro de son enregistrement sur le registre des mandats, a été remis à B. D. G. ;

La SARL Agence G. qui ne justifie pas avoir détenu, préalablement à l'engagement de B. D. G. d'acquérir les biens immobiliers, objet de l'acte passé le 11 août 1997 en l'étude de Maître Fontaine notaire à Mention, un mandat écrit, ce qu'elle reconnaît expressément puisqu'elle se réfère à un mandat tacite résultant de l'engagement d'honoraires rappelé par O. B. dans sa lettre du 25 novembre 1998, est mal fondé à prétendre à une rémunération ;

Il en est ainsi nonobstant ce document précité de reconnaissance d'honoraires, en aucun cas assimilable au mandat exigé par les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972, dès lors que cette reconnaissance d'honoraires du 23 août 1996, alors analysée comme étant une convention de rémunération conclue entre les parties, n'est pas postérieure à la réitération de la vente qui selon l'attestation de Maître Fontaine notaire à Mention est intervenue le 11 août 1997 ;

Il s'ensuit que la référence à cet engagement, faite par la lettre du 20 octobre 1997 à laquelle l'appelant a annexé un chèque de 2 500 francs en acompte sur la commission, n'a plus d'effet que la reconnaissance d'honoraires antérieure à la réitération de la vente par acte authentique ; il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement entrepris de débouter la SARL Agence G. de sa demande en paiement objet de l'assignation du 17 février 1998, et ce faisant ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le même jour au préjudice de l'appelant entre les mains du Crédit Lyonnais à Monaco.

III. - En acceptant un acompte sur une commission d'intermédiaire qu'elle savait indue, et en sollicitant d'abord par lettres et mises en demeure puis par voie de justice après avoir recouru à une mesure conservatoire, paiement du solde la SARL Agence G. exerçant en France, professionnel de l'immobilier n'ignorant pas les sanctions civiles et pénales attachées à l'inobservation notamment de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, a commis une faute ouvrant droit à l'égard de D. G. à réparation ;

Il sera alloué à B. D. G. 2000 euros à titre de dommages-intérêts.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par arrêt, avant dire droit au fond en date du 14 novembre 2000 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits et pour la procédure antérieure audit arrêt, la Cour d'appel a renvoyé la société Agence G. à conclure, éventuellement avec tous documents utiles, d'une part quant à la loi applicable aux relations contractuelles la liant à B. D. G., d'autre part quant au contenu du mandat susvisé n° 58 et à l'existence d'un mandat souscrit par B. D. G. au profit de l'agence, enfin quant à la réalité des démarches de négociation effectuées par cette société et ayant abouti à la vente du 11 août 1997 portant sur des biens distincts de ceux mentionnés dans l'offre d'achat du 23 août 1996.

En exécution de ce arrêt, l'Agence G. qui demande à la Cour de débouter B. D. G. des fins de son appel, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 25 novembre 1999 sauf à porter à 3 000 euros les dommages-intérêts sollicités pour résistance abusive, appel dilatoire, et insinuations calomnieuses, expose :

  • qu'elle n'a jamais contesté que les relations contractuelles menées entre elle-même et B. D. G. d'une part, et la SCI Saint-Georges d'autre part, relèvent de la loi française et plus précisément des articles 72, 73 et 74 du décret français n° 76 678 du 20 juillet 1972 visés dans l'offre d'achat d'un bien immobilier et dans la reconnaissance d'honoraires du 23 août 1996 ;

  • que répondant au vœu de la Cour elle verse aux débats le mandat n° 58 la liant au vendeur la SCI Résidence Saint-Georges et à son gérant B., duquel il ressort qu'elle disposait bien des pouvoirs nécessaires pour négocier avec tout acquéreur potentiel et plus particulièrement avec D. G., la vente en état futur d'achèvement de logements de la résidence Saint-Georges à Cap d'Ail ;

  • en ce qui concerne l'existence d'un mandat souscrit par l'appelant à son profit, que ce dernier ne peut contester la réalité d'un mandat tacite résultant des échanges de correspondances entre les parties, ce qui est confirmé par la reconnaissance de dette de 50 000 francs ;

  • que la réalité des démarches réalisées en exécution de ce mandat, qui ont abouti à la vente du 11 août 1997 est établie par les pièces du dossier, à savoir :

  • le mandat de vente n° 58 signé avec le vendeur, lui permettant de présenter à la clientèle les appartements à la vente,

  • la visite d'un appartement avec D. G.,

  • l'offre d'achat rédigée par l'agence sur laquelle D. G. a apposé sa signature, concernant l'appartement de deux pièces de 55 m2 situé au 2e étage de l'immeuble avec garage au prix de 1 150 000 francs et qui a permis à l'appelant de négocier à la baisse le prix initialement fixé à 1 250 000 francs, ce document stipulant formellement qu'une commission de 6 % TTC du prix de vente était prévue et devait être versée par le vendeur à l'agence,

  • la signature entre la SCI Saint-Georges et D. G. d'une nouvelle offre d'achat portant sur un appartement de 2 pièces de 55 m2 au 2e étage avec garage moyennant le prix de 1 100 000 francs, et dans le même temps la signature par D. G. de la note d'honoraires de 50 000 francs TTC,

  • la régularisation le 11 août 1997 par-devant Maître Fontaine notaire à Menton, de l'acquisition,

  • l'échange de courriers entre les parties au sujet des honoraires de 50 000 francs, et notamment la lettre du 25 novembre 1998 par laquelle O. B. indique la nature de l'intervention de l'agence et le montant des honoraires dus par l'acquéreur ce qui équivaut bien à un mandat tacite de recherche de biens ;

Elle fait encore valoir que c'est grâce à des contrevérités que B. D. G. a failli tromper la Cour qui par l'arrêt du 14 novembre 2000 a noté dans un considérant « que les lots finalement cédés à D. G. par le promoteur de la SCI Château Saint Georges ne correspondaient pas à ceux ayant fait l'objet des négociations initiales avec l'Agence G. au mois d'août 1996 », alors qu'il est maintenant clairement établi par la lettre de la gérante de la SCI Saint Georges du 19 juillet 2001, que si D. G. a effectivement négocié l'achat d'un second appartement en août 1997, il n'a pas pour autant renoncé à acheter le lot initialement visité avec l'agence, projetant de réunir ces lots sis sur le même palier en un seul appartement ;

B. D. G. qui a conclu au débouté de la société Agence G. de l'ensemble de ses demandes, et par ses dernières écritures à la condamnation de celle-ci au paiement de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, expose au soutien de son appel :

  • que le fait que l'agence ait eu, en l'état du mandat la liant à la SCI Château Saint Georges, la possibilité de négocier avec n'importe quel acquéreur, ne démontre pas pour autant qu'elle ait fait des démarches utiles à son égard ;

  • que la reconnaissance de l'existence d'une vague relation contractuelle n'exonère pas l'agence de l'obligation qu'elle a de faire signer un contrat écrit à ses clients ;

  • que l'attestation d'O. B. promoteur de l'opération de construction dont la vente des appartements à construire a été confiée à l'Agence G. est inopérante, s'agissant d'une relation professionnelle de celle-ci ;

  • que l'engagement de régler à l'agence la somme de 50 000 francs a été signé avant la première promesse d'achat, qui a été annulée en l'état du refus par la banque, de consentir le prêt sollicité ; qu'ainsi donc l'agence ne peut prétendre sur le fondement de cet engagement, au paiement de cette somme, puisque l'appartement qui a été finalement acquis, proposé non par l'agence mais par le promoteur, n'est pas du tout celui qui a fait l'objet du contrat entre les parties ; qu'il en est ainsi même s'il s'est engagé par la suite à honorer cet engagement, dès lors d'une part que l'agence n'est en rien intervenue dans la transaction portant sur ce deuxième appartement, et que c'est l'agence et le promoteur qui lui ont fait croire que le contrat initial était maintenu et que la commission était due ;

  • que l'erreur ne faisant pas compte, il va de soi que le lien contractuel entre l'agence et lui-même a été purement et simplement anéanti lorsque la banque a refusé le crédit.

Sur ce :

I - Considérant qu'il est reconnu par les parties et notamment par la SARL Agence G. qui précise ne l'avoir jamais contesté, que celles-ci ont soumis leurs relations contractuelles aux dispositions françaises de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce et de son décret d'application du 20 juillet 1972 ; qu'il est constant qu'il ne pouvait en être qu'ainsi, eu égard à l'activité exercée en France par l'Agence G. sise à Cap d'Ail (France) portant en l'espèce, sur la cession de biens immobiliers situés en France ;

II - Considérant qu'aux termes des dispositions de la loi précitée du 2 juillet 1970 l'agent immobilier ne peut réclamer une rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1er que si, préalablement à toute négociation ou engagement, il détient un mandat écrit fixant la rémunération de l'agent et déterminant la partie qui en aura la charge ;

Considérant que la reconnaissance d'honoraires signée par B. D. G. le 23 août 1996 concomitamment avec une offre d'achat des lots 266, (appartement) 280 (garage) et 191 (cave) pour le prix de 1 100 000 francs document dont se prévaut la société G. qui reconnaît d'ailleurs par ses écritures n'avoir disposé de la part de D. G. que d'un mandat tacite, ne peut en tenir lieu dès lors d'une part que ce document ne précise ni les caractéristiques du bien immobilier recherché par le client, ni la nature de la prestation à fournir au client, ni les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération lorsque la prestation n'est pas fournie au client dans le délai prévu et d'autre part que l'intermédiaire ne justifie pas qu'un double de ce document portant le numéro de son enregistrement sur le registre des mandats, a été remis à B. D. G. ;

Considérant que la SARL Agence G. qui ne justifie pas avoir détenu, préalablement à l'engagement de B. D. G. d'acquérir les biens immobiliers objet de l'acte passé le 11 août 1997 en l'étude de Maître Fontaine notaire à Menton, un mandat écrit, ce qu'elle reconnaît expressément puisqu'elle se réfère à un mandat tacite résultant de l'engagement d'honoraires rappelé par O. B. dans sa lettre du 25 novembre 1998, est mal fondé à prétendre à une rémunération ;

Considérant qu'il en est ainsi nonobstant ce document précité de reconnaissance d'honoraires, en aucun cas assimilable au mandat exigé par les articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972, dès lors que cette reconnaissance d'honoraires du 23 août 1996, alors analysée comme étant une convention de rémunération conclue entre les parties, n'est pas postérieure à la réitération de la vente qui selon l'attestation de Maître Fontaine notaire à Menton est intervenue le 11 août 1997 ;

Considérant qu'il s'ensuit que la référence à cet engagement, faite par la lettre du 20 octobre 1997 à laquelle l'appelant a annexé un chèque de 2 500 francs en acompte sur la commission, n'a pas plus d'effet que la reconnaissance d'honoraires antérieure à la réitération de la vente par acte authentique ; qu'il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement entrepris de débouter la SARL Agence G. de sa demande en paiement objet de l'assignation du 17 février 1998, et ce faisant d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le même jour au préjudice de l'appelant entre les mains de l'agence du Crédit Lyonnais à Monaco.

III - Considérant qu'en acceptant un acompte sur une commission d'intermédiaire qu'elle savait indue, et en sollicitant d'abord par lettres et mises en demeure puis par voie de justice après avoir recouru à une mesure conservatoire, paiement du solde la SARL Agence G. exerçant en France, professionnel de l'immobilier n'ignorant pas les sanctions civiles et pénales attachées à l'inobservation notamment de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, a commis une faute ouvrant droit à l'égard de D. G. à réparation ;

Considérant qu'il sera alloué à B. D. G. 2000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que la société Agence G. supportera les dépens de première instance et d'appel.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ;

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement, et après arrêt avant dire droit du 14 novembre 2000 ;

  • Infirme le jugement du Tribunal de première instance du 25 novembre 1999,

  • Déclare la SARL Agence G. mal fondée en ses demandes ; l'en déboute ;

  • Ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 17 février 1998 au préjudice de D. G. B. entre les mains de l'agence du Crédit Lyonnais à Monaco,

Faisant droit à la demande reconventionnelle de D. G. ;

  • Condamne la SARL Agence G. à payer à ce dernier 2 000 euros à titre de dommages-intérêts,

  • La condamne aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Evelyne Karczag-Mencarelli, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Pastor, av. déf. ; Me Paret, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt infirme le jugement de première instance du 25 novembre 1999.

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