Cour d'appel, 5 mars 2002, SAM Banque du Gothard c/ R.

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Abstract🔗

Procédure civile

Incidents - Référés - Expertise ordonnée en référé - Assignation contre un tiers par voie principale, en déclaration d'ordonnance commune - Dénonciation de l'assignation aux autres parties - Recevabilité de cette action

Résumé🔗

Par l'effet de l'appel faisant l'objet de la présente instance, est déférée à la Cour la connaissance, en la forme et au fond, de l'action exercée en référé par la Banque du Gothard à l'encontre d'A. R., suivant acte introductif d'instance du 20 février 2001 ;

Cette action tend, selon les termes de cet acte, à ce que l'ordonnance de référé susvisée du 9 mai 2001 soit déclarée commune aux parties à cette ordonnance et à A. R., et, à ce qu'en conséquence l'expertise se trouvant actuellement en cours, ensuite de cette décision, soit opposable à A. R. en tant que celui-ci serait appelé à y concourir avant que ne soit constatée par le juge chargé du contrôle de cette mesure d'instruction l'exécution de celle-ci ;

Même si les dispositions du titre XXII du livre II du Code de procédure civile consacrées aux référés n'y font pas référence, non plus d'ailleurs qu'aux articles de ce code relatifs à l'expertise, lesquels ont été cependant visés par le magistrat des référés en son ordonnance du 9 mai 2001, les articles 386, 387 et 388 du Code de procédure civile, concernant l'assignation en déclaration de jugement commun, sont applicables à la matière de référés, sous réserve que soient alors également réunies les conditions prescrites par l'article 414 dudit code, relatives à l'urgence et l'absence de préjudice au principal ;

Ainsi qu'il est de règle selon la jurisprudence, lesdits articles reçoivent en effet application dans le cas où il s'agit d'assigner une personne à la requête de l'une ou l'autre des parties, afin de voir déclarer commune avec elle une ordonnance de référé à intervenir ;

En ce cas, et aux termes de l'article 387 du Code de procédure civile, l'assignation doit contenir, en outre des énonciations requises par l'article 156 précédent, les motifs et l'objet de la demande originaire, à l'instar de ce qui est prévu pour les jugements au fond ;

Elle doit être, par ailleurs, simultanément dénoncée comme l'indique ce même article 387, aux autres parties à l'instance en cours, au besoin par acte d'huissier ;

Toutefois, indépendamment de la déclaration d'ordonnance commune ainsi réglée par voie d'incident, toute partie à une ordonnance de référé déjà rendue est admise à former une assignation contre un tiers afin que cette décision soit déclarée commune à ce tiers et aux personnes y étant parties ;

Une telle assignation introduite contre le tiers par la voie d'une action principale, et devant être portée devant la juridiction qui a prononcé l'ordonnance originaire, ou statué en dernier lieu, a alors pour objet de conférer à cette décision une autorité relative de chose jugée envers le tiers assigné ;

Ainsi que l'admet également la jurisprudence elle est recevable en tout état de cause, notamment lorsque, par l'ordonnance originaire, a été prescrite une expertise en cours, à laquelle le tiers devra désormais concourir ;

Ainsi, au regard du caractère principal de l'action dont procède une telle déclaration d'ordonnance commune sur expertise, les dispositions précitées du code de procédure civile relatives aux incidents, ne sont pas alors applicables, pour autant toutefois que ne soit pas simultanément sollicitée une modification des termes de la mission d'expertise antérieurement ordonnée, qui ne saurait utilement intervenir hors le contradictoire des parties originaires à cette mesure d'instruction ;

En définitive la Banque du Gothard doit, en la forme, être reçue en son action principale en déclaration d'ordonnance commune dirigée contre A. R. seul, qui n'a pas contesté la régularité de cette action, dépourvue au demeurant d'incidence quant à la mission de l'expert.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par acte du 20 février 2001 la société dénommée Bluebell Trading Company SA ayant son siège statutaire à Tortola (îles Vierges Britanniques) a saisi le président du Tribunal de première instance d'une action en référé dirigée contre la société anonyme monégasque dénommée Banque du Gothard, tendant à la commission d'un expert judiciaire.

Il résulte des pièces produites que cette société, immatriculée sous le n° 307 458, a été constituée le 8 janvier 1999 sous la forme d'une « International Business Company » (IBC), ce, dans le cadre de l' « International Companies Ordonnance » de 1984 en vigueur dans les îles Vierges Britanniques, où elle se trouve exemptée d'impôt sur les sociétés, en vertu de cette législation.

Au soutien de son action la société demanderesse rappelait qu'elle avait, le 29 mars 1999, ouvert un compte de titres n° 15370 auprès de la Banque du Gothard à Monaco, et que, dès l'ouverture de ce compte, elle avait effectué un total de versements s'élevant à la somme de 10 325 000 euros.

Afin de faciliter l'accomplissement des opérations financières dont elle devait charger la banque, elle avait, par ailleurs, obtenu de celle-ci une « ligne de crédit multidevises » et consenti un gage de compte d'instruments financiers, en acceptant également, sur proposition de la banque, que son courrier bancaire soit laissé auprès de celle-ci.

La société Bluebell Trading Company indiquait aussi qu'à la faveur d'un « déplacement récent sur Monaco » un peu plus d'un an après l'ouverture du compte, elle avait eu la désagréable surprise de trouver celui-ci dépouillé de la quasi-intégralité de ses actifs, au prix d'opérations dépassant très largement le cadre contractuel arrêté par les parties.

Ladite société précisait, à cet égard que l'examen des relevés de son compte permettait en effet de constater que des opérations d'achat et de vente de titres avaient été passées par la banque, alors que les usages bancaires, au-delà de la législation, imposaient que soit recueilli le consentement exprès du client, aux termes d'une « convention d'opérations à risque ».

Il en résultait, selon la demanderesse, que la banque avait ainsi contrevenu aux dispositions légales tirées des deux derniers alinéas de l'ordonnance souveraine n° 13.184 portant application de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 sur la gestion de portefeuilles et la gestion d'activités boursières assimilées, édictant que le mandat de gestion doit faire état des risques que peuvent comporter certaines opérations, et que, lorsque le mandant autorise des opérations à effet de levier, un accord spécial et exprès de sa part doit être donné, qui indique les modalités de ces opérations et celles de son information.

La société Bluebell Trading Company réitérant n'avoir jamais passé les ordres de vente ou d'achat de produits financiers ayant eu pour effet la disparition de ses actifs, avait, préalablement à son action en référé, saisi le président du Tribunal de première instance d'une requête aux fins de constat, sur laquelle ce magistrat, par ordonnance du 30 novembre 2000, avait donné mission à un huissier de :

  • se rendre dans les locaux de la Banque du Gothard,

  • se faire remettre par les responsables de celle-ci l'ensemble des ordres passés sur le compte n° 15370 ainsi que les mandats correspondants, y compris leur horodatage et plus généralement tous documents, y compris les correspondances et/ou échanges entre la société Bluebell et la banque,

  • accéder au dossier sur support papier du compte n° 15370, lister et obtenir copie de l'intégralité des documents qu'il contenait,

  • accéder au dossier sur support informatique du compte n° 15370 assisté d'un opérateur de la banque, retranscrire très précisément les informations s'affichant à l'écran et opérer impression de l'intégralité de ces dernières,

  • du tout dresser procès-verbal devant être remis à la société Bluebell avec, en annexe, toutes pièces d'exécution de cette mission.

Au vu des documents remis par la banque, et bien que les ordres passés sur le compte n° 15370 ne lui aient pas été alors communiqués, motif pris de l'important travail de recherche que cette remise supposait pour la banque, la société Bluebell Trading Company avait relevé que, plus de quatre cents opérations avaient été réalisées sans ordre de sa part, et sans qu'aucune « convention sur opération à risques » ne soit souscrite.

À propos de ces opérations, la société Bluebell Trading Company relevait également qu'environ 350 d'entre elles avaient été réalisées sans que soit préalablement établis, comme le prescrivent les articles 9 et 11 de la loi n° 1194 du 9 juillet 1997, les fiches et les enregistrements chronologiques correspondant aux ordres passés, tandis que, d'autre part, des discordances étaient également notées entre les dates de passation des ordres et leur report sur les relevés de compte, comme entre ceux-ci et les « listings » internes de la banque.

La société demanderesse faisait aussi grief à la banque, sur la base des documents incomplets obtenus de celle-ci, de n'avoir pas fait apparaître, pour une cinquantaine d'opérations, le visa du contrôleur ou du gestionnaire, non plus que la confirmation donnée à la banque pour l'exécution de la totalité des ordres portant sur des produits à risques, une centaine d'opérations apparaissant par ailleurs dépourvue de toute mention sur les documents réunis par la banque.

Enfin, cette même société reprochait à la Banque du Gothard, en l'état d'un gage d'instruments financiers qu'elle lui avait donné pour environ 20 500 000 euros, de ne pas lui avoir communiqué l'ensemble des documents permettant d'individualiser les titres ainsi donnés en gage, ce pourquoi elle estimait qu'une recherche complémentaire de ces titres devait être également effectuée en même temps que l'expertise sollicitée, destinée, en somme, à reconstituer l'intégralité des opérations financières passées sur le compte dont s'agit, dès lors qu'elles apparaissaient insuffisamment détaillées par la banque, compte tenu du caractère incomplet des indications et documents fournis par celle-ci.

Pour s'opposer à la mesure d'instruction ainsi sollicitée, la banque du Gothard avait fait valoir que la demande d'expertise était tardive, comme contraire à un délai contractuel de réclamation fixé à trente jours entre les parties, qu'elle était dépourvue d'urgence, et enfin, qu'elle ne s'appuyait pas sur des irrégularités non prouvées, car les opérations incriminées auraient, en réalité, été effectuées sur les « instructions verbales » de la société demanderesse.

En l'état de cette contestation, le président du Tribunal de première instance a estimé que le moyen d'irrecevabilité de la demande relevait du fond du litige séparant les parties, et qu'il ne pouvait donc être examiné en référé ; qu'en revanche l'urgence était établie compte tenu essentiellement au regard des pertes non contestées invoquées par la demanderesse, de la nécessité de clarifier la situation de celle-ci, insuffisamment expliquée par la banque en dépit du constat d'huissier ordonné auquel avait fait rapidement suite la demande d'expertise, laquelle s'avérait de la sorte justifiée.

Par ordonnance de référé du 9 mai 2001, le président du Tribunal de première instance a donc ordonné une mesure d'instruction et désigné pour y procéder l'expert Pierre Colombani.

Celui-ci a alors reçu mission de :

  • recueillir tous éléments contractuels permettant de déterminer les conventions passées entre les parties, notamment quant aux conditions dans lesquelles les opérations financières devaient être exécutés,

  • procéder à la reconstitution de l'intégralité des opérations financières passées sur le compte en veillant à réunir, pour chacun des ordres considérés, les ordres donnés, les fiches d'ordres et leur report sur les listings internes de la banque,

  • décrire le mode de transmission des instructions données par la société Bluebell à la Banque du Gothard et d'exécution de ces ordres,

  • dire si des irrégularités de fonctionnement ont affecté le compte de la société Bluebell, dans l'affirmative, d'en déterminer les origines et les causes,

  • donner son avis, sur le plan technique, au sujet de l'absence de conclusion, entre les parties, d'un mandat de gestion,

  • indiquer le sort réservé aux titres gagés par la société Bluebell au profit de la Banque du Gothard selon acte du 22 juin 1999,

  • de manière générale, recueillir tous éléments permettant à la juridiction qui pourrait être saisie de déterminer les responsabilités éventuellement encourues en la cause.

Par assignation en référé du 2 juillet 2001 la Banque de Gothard a sollicité à l'encontre d'A. R., seul assigné à cette fin, que l'ordonnance de commission d'expert, ainsi rendue antérieurement le 9 mai 2001, soit déclarée commune à cette partie pour que l'expertise ordonnée se déroule désormais au contradictoire de celle-ci et lui ultérieurement opposable.

La Banque du Gothard a fait valoir, pour justifier cette demande, que les « ayants droit économiques » de la société Bluebell Trading Company, qui serait une société « offshore », sont E. R. et son épouse, père et mère d'A. R., et que ce dernier était le gestionnaire du compte de titres de la société Bluebell Trading Company avant de quitter la banque. En l'état des irrégularités de fonctionnement de ce compte alléguées par ladite société, la Banque du Gothard estimait donc qu'il convenait de préserver ses droits quant au recours qu'elle serait ensuite susceptible d'exercer contre son ancien salarié, A. R., pour le cas où « d'éventuelles fautes se révèleraient », qui auraient été commises par ce dernier en sa qualité de gestionnaire du compte litigieux.

Eu égard aux relations de travail ainsi alléguées mais non niées, A. R. a, toutefois, contesté la compétence du juge des référés pour se prononcer sur la demande de la Banque du Gothard en ce que, tendant à une expertise dirigée contre un ancien salarié de l'établissement, cette demande devait être portée devant le Tribunal du travail dont le bureau de jugement serait à même d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, ce, en application de l'article 49 de la loi n° 446 du 16 mai 1994 renvoyant aux dispositions générales du Code de procédure civile.

A. R. a, par ailleurs, fait état de ce qu'aucun document n'avait été produit par la Banque du Gothard permettant de vérifier l'allégation que ses parents auraient été les ayants droit économiques de la prétendue « société offshore » Bluebell Trading Company, alors, d'une part, que la notion de « société offshore » serait inconnue en droit, la banque du Gothard faisant sans doute référence, selon lui, à une simple société étrangère, que, d'autre part, cet établissement avait sans doute confondu la notion de mandataire et celle « d'ayant droit économique », et qu'en toute hypothèse l'article 2 de la loi précitée n° 1.194 du 9 juillet 1997 définit limitativement les personnes habilitées à exercer légalement les activités de gestion qu'elle régit, de sorte que lui-même n'aurait pu, sans l'accord exprès du « mandant », prescrit par l'ordonnance d'application de cette loi, obtenir délégation de la banque pour procéder à la gestion des avoirs en cause, avant que n'intervienne sa démission de ses fonctions auprès de la Banque du Gothard, qu'il admet avoir été effective à compter du 13 septembre 2000.

A. R. a enfin soutenu, pour s'opposer à la demande, qu'il ne disposait d'aucun élément quelconque intéressant la gestion des intérêts de la société Bluebell Trading Company, puisque tous les documents utiles à ce titre étaient en réalité détenus par la Banque du Gothard.

Celle-ci a réfuté devant le juge des référés, les moyens ainsi opposés à sa demande, en observant que la compétence invoquée du Tribunal du travail ne pourrait faire obstacle à une action en référé, que la législation sur la gestion de portefeuilles n'empêcherait nullement l'application en la cause du droit commun de la responsabilité, lequel devait conduire A. R. à répondre de ses fautes envers son employeur, et qu'il était incontestable que la gestion de compte dont s'agit avait été par lui assurée, ce sur des instructions données par ses parents, bénéficiaires économiques de la société Bluebell Trading Company.

Par ordonnance de référé du 2 octobre 2001 le vice-président du Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formulée par la Banque du Gothard ; il a rejeté par voie de conséquence celle-ci en renvoyant les parties à se pourvoir autrement, et en réservant les dépens.

Pour statuer de la sorte, ce magistrat a retenu qu'il n'était pas démontré que les époux R. auraient été les ayants droits économiques du compte Bluebell Trading Company SA en cause, ni qu'A. R. en aurait été le gestionnaire tandis que faire droit à la demande de la Banque du Gothard, et déclarer commune à A. R. l'ordonnance de référé rendue dans l'instance opposant cette banque à la société Bluebell Trading Company, reviendrait à admettre qu'A. R. serait concerné à un titre ou un autre par ce litige opposant une banque à un de ses clients, alors que cette question se heurtait à des contestations sérieuses au fond et échappait ainsi à la compétence du juge des référés.

Par l'acte d'appel et d'assignation susvisé, régulièrement signifié le 17 octobre 2001 à A. R., et réitérant ses antérieurs moyens développés en première instance, la Banque du Gothard demande qu'il plaise à la Cour réformer l'ordonnance ainsi rendue le 2 octobre 2001 et, statuant à nouveau, déclarer « commune » à A. R. l'ordonnance de référé précitée du 9 mai 2001, en réservant les dépens.

Outre ses antérieurs moyens, la Banque du Gothard a indiqué en son acte d'appel qu'il résulterait désormais des pièces versées aux débats que la qualité de gestionnaire du compte dont s'agit, d'A. R., serait incontestable et que c'est de mauvaise foi que ce dernier avait dès lors soutenu s'être trouvé étranger à une telle gestion.

Reprenant également devant la Cour ses antérieurs moyens de défense présentés au juge des référés, A. R. persiste à soutenir en l'état des pièces produites qu'aucun élément probatoire n'aurait été apporté afin d'établir qu'il serait personnellement responsable des opérations financières dont la reconstitution fait l'objet de l'expertise, ni que la société Bluebell Trading Company aurait ses parents comme « ayants-droit économiques », allégation qu'il tient pour dépourvue de conséquences juridiques en l'espèce, tout comme la qualification de « société off shore » confiée par l'appelante à ladite société.

A. R. précise aussi qu'il était lié par un contrat de travail conclu le 24 août 1998 par lequel lui avaient été attribuées des fonctions « d'assistant de gestion » au sein de la Banque du Gothard, de sorte que seul le Tribunal du travail pourrait connaître des griefs éventuels que lui ferait cet établissement, et non point le juge des référés.

Il a donc conclu, en définitive, au débouté de la Banque du Gothard des fins de son appel, à la confirmation de l'ordonnance susvisée du 2 octobre 2001 à la condamnation de cette appelante à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Sur quoi :

Considérant que, par l'effet de l'appel faisant l'objet de la présente instance, est déférée à la Cour la connaissance, en la forme et au fond, de l'action exercée en référé par la Banque du Gothard à l'encontre d'A. R., suivant acte introductif d'instance du 20 février 2001 ;

Considérant que cette action tend, selon les termes de cet acte, à ce que l'ordonnance de référé susvisée du 9 mai 2001 soit déclarée commune aux parties à cette ordonnance et à A. R., et, à ce qu'en conséquence l'expertise se trouvant actuellement en cours, ensuite de cette décision, soit opposable à A. R. en tant que celui-ci serait appelé à y concourir avant que ne soit constatée par le juge chargé du contrôle de cette mesure d'instruction l'exécution de celle-ci ;

Considérant que, même si les dispositions du titre XXII du livre II du Code de procédure civile consacrées aux référés n'y font pas référence, non plus d'ailleurs qu'aux articles de ce code relatifs à l'expertise, lesquels ont été cependant visés par le magistrat des référés en son ordonnance du 9 mai 2001, les articles 386, 387 et 388 du Code de procédure civile, concernant l'assignation en déclaration de jugement commun, sont applicables à la matière de référés, sous réserve que soient alors également réunies les conditions prescrites par l'article 414 dudit code, relatives à l'urgence et à l'absence de préjudice au principal ;

Qu'ainsi qu'il est de règle selon la jurisprudence, lesdits articles reçoivent en effet application dans le cas où il s'agit d'assigner une personne à la requête de l'une ou l'autre des parties, afin de voir déclarer commune avec elle une ordonnance de référé à intervenir ;

Qu'en ce cas, et aux termes de l'article 387 du Code de procédure civile, l'assignation doit contenir, en outre des énonciations requises par l'article 156 précédent, les motifs et l'objet de la demande originaire, à l'instar de ce qui est prévu pour les jugements au fond ;

Qu'elle doit être, par ailleurs, simultanément dénoncée comme l'indique ce même article 387, aux autres parties à l'instance en cours, au besoin par acte d'huissier ;

Considérant, toutefois qu'indépendamment de la déclaration d'ordonnance commune ainsi réglée par voie d'incident, toute partie à une ordonnance de référé déjà rendue est admise à former une assignation contre un tiers afin que cette décision soit déclarée commune à ce tiers et aux personnes y étant parties ;

Qu'une telle assignation introduite contre le tiers par la voie d'une action principale, et devant être portée devant la juridiction qui a prononcé l'ordonnance originaire, ou statué en dernier lieu, a alors pour objet de conférer à cette décision une autorité relative de chose jugée envers le tiers assigné ;

Qu'ainsi que l'admet également la jurisprudence elle est recevable en tout état de cause, notamment lorsque, par l'ordonnance originaire, a été prescrite une expertise en cours, à laquelle le tiers devra désormais concourir ;

Considérant qu'ainsi, au regard du caractère principal de l'action dont procède une telle déclaration d'ordonnance commune sur expertise, les dispositions précitées du Code de procédure civile relatives aux incidents, ne sont pas alors applicables, pour autant toutefois que ne soit pas simultanément sollicitée une modification des termes de la mission d'expertise antérieurement ordonnée, qui ne saurait utilement intervenir hors le contradictoire des parties originaires à cette mesure d'instruction ;

Qu'en définitive la Banque du Gothard doit, en la forme, être reçue en son action principale en déclaration d'ordonnance commune dirigée contre A. R. seul, qui n'a pas contesté la régularité de cette action, dépourvue au demeurant d'incidence quant à la mission de l'expert ;

Considérant, d'autre part et en fait, que les pièces régulièrement versées aux débats démontrent notamment, comme cela a été ci-dessus rapporté, qu'A. R. a exercé à partir d'août 1998 et jusqu'à sa démission en septembre 2000, soit durant plus de deux ans, une activité d' « assistant de gestion » auprès de la Banque du Gothard à Monaco, ce, en exécution d'un contrat de travail, et que c'est durant cette période qu'a été ouvert le compte n° 15370 dont s'agit, le 29 mars 1999 ;

Qu'au cours de son activité A. R. a été chargé dudit compte ouvert par la société Bluebell Trading Company, en qualité de gestionnaire (pièce n° 2 de Maître Frank Michel) ;

Qu'à la date du 22 septembre 2000, une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, a été adressée par la Banque du Gothard faisant état de cette qualité, et de ce que « les ayants-droit économiques » de ce même compte seraient les père et mère d'A. R. ;

Considérant que, nonobstant la contestation actuellement élevée sur ce dernier point par A. R., il en résulte que, dans la perspective du recours qui pourrait être éventuellement exercé contre ce gestionnaire par la Banque du Gothard, à raison des fautes de gestion dont elle-même devrait répondre envers la société Bluebell Trading Company, cette banque est certainement fondée à faire intervenir A. R. à l'expertise en cours, sur déclaration d'ordonnance commune, en vue de lui rendre opposables les constatations que cette mesure d'instruction pourrait révéler le concernant ;

Qu'à cet égard, la détermination de la juridiction qui serait éventuellement compétente pour l'exercice au fond d'un tel recours s'avère sans effet sur la déclaration d'ordonnance commune actuellement sollicitée, par voie de référé ;

Qu'il n'y a pas lieu, non plus, de s'attacher à la qualité prêtée par l'appelante aux époux R., père et mère de l'intimé, d' « ayants-droit économiques » de la société Bluebell trading Company, ni au fait que cette société étrangère n'aurait d'activité qu'extra-territoriale, soit en dehors du pays de son siège social statutaire, ce qu'indique en langue française le terme « offshore » ;

Qu'en effet ces éléments sont actuellement dépourvus d'incidence en référé, comme ne procédant pas d'une contestation sérieuse de la demande, dès lors qu'ils influeraient seulement sur l'éventuelle fictivité de la société en cause, ou sur l'existence pour celle-ci d'un siège social réel au lieu où serait effectivement pris l'ensemble des décisions la concernant, lequel serait ainsi distinct de son siège statutaire, circonstances n'étant manifestement pas de nature à faire actuellement obstacle à l'intervention d'un tiers à l'expertise ordonnée ;

Qu'il convient, dès lors, de faire en définitive droit à l'appel de la Banque du Gothard en infirmant pour ce l'ordonnance entreprise, étant observé que la déclaration d'ordonnance commune demandée s'avère urgente comme ayant trait à une expertise en cours ;

Considérant, par ailleurs, que la demande de dommages-intérêts formée par A. R. ne peut être par nature reçue en matière de référé, indépendamment de son caractère injustifié résultant de ce qui précède ;

Considérant, enfin, que les dépens de première instance et d'appel devront être supportés par A. R. qui succombe en définitive en ses moyens de défense, ce par application, à raison de la matière, des articles 231, 421 et 435 du Code de procédure civile, les décisions de ce chef pouvant intervenir d'office quelles que soient les conclusions des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

  • Reçoit la société anonyme monégasque dénommée Banque du Gothard Monaco en son appel,

  • Y faisant droit,

  • Infirme l'ordonnance de référé entreprise, du 2 octobre 2001, en ce que le premier juge s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande présentée par cette partie, en la condamnant aux dépens,

Statuant à nouveau,

  • Déclare commune à A. R. et aux autres parties à cette décision, l'ordonnance de référé susvisée du 9 mai 2001 ayant commis l'expert Colombani aux fins d'une mesure d'instruction,

  • Déclare en conséquence A. R., partie à cette mesure d'instruction,

  • Rejette sa demande de dommages-intérêts.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel et Pastor, av. déf.

Note🔗

Dans une instance opposant la Sté Bluebell Trading Company à la Banque du Gothard le juge des référés a le 9 mai 2001 ordonné une expertise. La Banque du Gothard a le 2 juillet 2001 assigné en référé un tiers, R., aux fins que soit déclarée commune à cette partie l'expertise ordonnée. Par ordonnance du 2 octobre 2001 le juge des référés s'est déclaré incompétent, d'où l'appel formé contre cette décision.

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