Cour d'appel, 22 janvier 2002, G. c/ O., V. S., Sam P. C. & Compagnie, Sam Riviera Télécom, État de Monaco

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Abstract🔗

Exequatur

Jugement émanant d'une juridiction néerlandaise rendu par défaut - Conditions d'exécution : article 472 et suivants du Code civil : non remplies - Partie n'ayant pas été citée régulièrement - Décision étrangère contraire à l'ordre public comme étant contredite par un jugement monégasque

Résumé🔗

En l'absence de convention d'entraide mutuelle judiciaire entre la Principauté de Monaco et le Royaume des Pays-Bas, il appartient à la juridiction monégasque, d'examiner, en vertu des articles 474 du Code de procédure civile, ledit jugement en la forme et au fond et de le réviser au besoin en tout ou en partie.

En cause d'appel le demandeur à l'exequatur a produit, conformément aux exigences de l'article 475 du Code de procédure civile, une expédition authentique du jugement du 15 février 1989 du Tribunal d'arrondissement de Middelburg ainsi que le certificat de non appel délivré par le greffier de la Cour d'appel de La Haye, lesdits documents ayant été dûment légalisés par les autorités compétentes.

La juridiction saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement rendu aux Pays-Bas doit vérifier, si d'après la loi néerlandaise, les parties ont été régulièrement citées et mises à même de se défendre.

Dans son jugement du 15 février 1989 le Tribunal de première instance de Middelburg a indiqué que H. J. O., défendeur, sans domicile ou résidence connus aux Pays-Bas n'avait pas comparu, et que par exploit du 26 avril 1988, signifié au Procureur de la Reine dans le ressort de Middelburg, le demandeur, T. G., avait signifié le défaut au défendeur, H. O., et l'avait convoqué en indiquant dans l'exploit qu'O. demeurait à ..., Chypre du Nord.

Ce même jugement précise que par lettre du 22 juillet 1988 adressée au Procureur de la Reine, dans le ressort de Middelburg, A. C., Agissant au nom du Directeur général du Ministère de la justice de la République de Chypre, a retourné les documents audit Procureur de la Reine, déclarant que n'était pas connus la résidence d'O. qui était entré illégalement en République de Chypre, n'avait jamais contacté les autorités légitimes et pourrait séjourner dans le territoire de Chypre occupé illégalement par la Turquie depuis août 1974. En outre, par les exploits du 26 août 1988 et 31 octobre 1988 dont un extrait a été publié dans un journal du 3 novembre 1988, le jugement du 12 août 1987 par lequel défaut a été prononcé à l'encontre d'O. a été signifié à celui-ci qui a été convoqué à comparaître mais H. O. n'ayant pas comparu, à nouveau le défaut a été prononcé à son encontre.

T. G. soutient au demeurant que cette lettre du Ministère de la Justice de la République de Chypre établit qu'il était impossible eu égard aux renseignements limités quant au domicile d'O. à Chypre, de faire parvenir une pièce judiciaire à son domicile.

Cependant il résulte des pièces versées aux débats que par un courrier du 22 novembre 1988 de Taner Erginel, juge de la Haute Cour au Tribunal de première instance de la République turque de Chypre du Nord adressé au Président du Tribunal d'arrondissement de Middelburg que « La Haute Cour de la République turque de Chypre du Nord a été informée que l'administration gréco-chypriote a tenté de signifier une citation à comparaître à H. O., un ressortissant néerlandais, dont la résidence permanente est ..., République turque de Chypre du Nord » et que « la signification de cette citation à comparaître non seulement s'est avérée impossible, parce que l'administration gréco-chypriote n'exerce pas de contrôle de facto sur la Chypre du Nord mais également illégale, car contraire aux stipulations sur les significations de citations à comparaître étrangères, selon les lois en vigueur dans la République turque de Chypre du Nord » et qu'en conséquence « en l'absence de convention entre les deux États, le seul mode de signification de la citation à comparaître serait la voie diplomatique.

Toutefois il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est par ailleurs pas allégué qu'il a été recouru à la voie diplomatique pour signifier ladite citation à comparaître alors que selon un certificat de résidence délivré le 29 novembre 1988 par les autorités de la République turque de Chypre du Nord, H. O. était résident permanent à ...

L'impossibilité de la signification de cette citation à comparaître n'est pas établie. Que dans ces conditions, H. O. ne peut être considéré comme ayant été régulièrement cité et mis à même de se défendre.

En outre, ainsi que l'a relevé le tribunal, ledit jugement du 15 février 1989 a déclaré nu un contrat de vente d'un appartement situé à Monaco, lequel a été conclu le 3 septembre 1979 entre J V. S. et H. O., et validé par jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 16 juin 1983.

La tierce opposition formée par T. G. a été rejetée par arrêt de ce jour.

Ainsi le jugement du 15 Février 1989 du Tribunal d'arrondissement de Middelburg est contraire à l'ordre public international en ce qu'il contredit un jugement du Tribunal de première instance de Monaco.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont refuser d'ordonner l'exequatur en Principauté de Monaco du jugement rendu par le Tribunal d'arrondissement de Middelburg (Pays-Bas) en date du 15 février 1989 et ont rejeté le surplus de ses demandes subséquentes.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté le 4 juin 1999 par T. G. à l'encontre du jugement susvisé du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3289).

Considérant les faits suivants :

T. G., faisant état de sa qualité de curateur aux faillites de l'association de fait ou société en nom collectif irrégulière Lotto et National Home Service, J. D. et J. V. S., ouverts par jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles du 8 mars 1962, dont l'exequatur fait l'objet d'une instance devant la Cour a fait assigner, par exploit du 1er octobre 1990, H. O. et J. V. S. au contradictoire des sociétés P. C. et compagnie, Riviera Téléphone et du conservatoire des Hypothèques aux fins de voir :

• ordonner l'exequatur du jugement rendu par le tribunal d'arrondissement de Middelburg (Pays-Bas) le 15 février 1989, définitif, et ce en application des articles 473 et suivants du Code de procédure civile monégasque.

• en conséquence, J. V. S. en sa qualité de seule héritière de son père J. V. S., décédé le 23 juin 1990, et H. O., entendre dire et juger que cette décision sera exécutoire en Principauté de Monaco, en ce qu'elle a déclaré :

» pour droit qu'est nul le contrat conclu entre V. S. et O. le 3 septembre 1979, portant sur la vente par V. S. à H. J. O. d'une partie d'un complexe de biens immobiliers sis à Monte-Carlo (Monaco) lesquelles parties sont décrites dans l'acte portant le numéro de répertoire 875/1979 qui a été dressé par Maître A.J.M. Daverdeldt, notaire à Baarle-Nassau de l'acte de vente précité.

Condamner V. S. et O. aux frais de procédure estimés dans le chef du demandeur à 1 918,50 francs jusqu'au prononcé dont 678,50 francs et 1 240 francs au salaire du procureur.

Entend que V. S. payera de ces frais de procédure un montant de 1 140.85 francs au demandeur et O. un montant de 777,65 francs.

Le présent jugement est prononcé par M.A.A. Schuering en audience publique du mercredi 15 février 1989, en présence du greffier. « ;

• ordonner la jonction comme connexe de cette procédure avec celle en tierce opposition formée par le requérant devant le tribunal de céans par exploit du 21 mars 1984,

• également dire et juger que la décision à intervenir devra être transcrite sur les registres de Monsieur le Conservateur des Hypothèques de la Principauté de Monaco.

• ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

• condamner J. V. S. en sa qualité de seule héritière de son père, J. V. S., décédé le 23 juin 1990 et H. O. aux dépens, et le cas échéant solidairement avec toutes parties qui émettraient une prétention contraire à la demande légitime de T. G., ès-qualité ;

En l'état du défaut constaté à l'audience du 20 décembre 1990 de J. V. S ., non citée à personne, la réassignation de celle-ci était ordonnée par le tribunal.

Celle-ci n'a toutefois pas comparu sur nouvelle assignation du 25 janvier 1991 de telle sorte que le Tribunal de première instance a statué par jugement réputé contradictoire.

H. O. a conclu à l'irrecevabilité de la demande d'exequatur formée par T. G. au motif que les dispositions de l'article 475 du Code de procédure civile seraient méconnues et a sollicité un montant de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par le jugement entrepris du 18 mars 1999, le Tribunal de première instance a débouté T. G. de l'ensemble de ses demandes, mis le conservateur des Hypothèques, ainsi que les sociétés P. C. et compagnie et Riviera Télécom hors de cause, condamné T. G. à payer à H. O. la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi qu'aux dépens.

En l'état des défauts constatés à l'audience de la Cour d'appel du 12 octobre 1999, de J. V. S. et de la SAM P. C. et cie, la réassignation des défaillants a été ordonnée par la Cour.

Ces deux intimés n'ont toutefois pas comparu de telle sorte qu'il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

T. G. conclut à la recevabilité de son appel, à l'infirmation du jugement entrepris, et demande à la Cour de prononcer l'exequatur du jugement rendu le 15 février 1989 par le Tribunal d'arrondissement de Middelburg (Pays-Bas), déclarant nul un contrat de vente passé entre V. S. et O. le 3 septembre 1979, concernant un appartement situé à Monaco, et ce, en application des dispositions des articles 473 et suivants du Code de procédure civile monégasque, d'ordonner la transcription de la décision à intervenir sur les registres du conservateur des Hypothèques de Monaco et de condamner J. V. S., en qualité de seule héritière de son père, J. V. S. et H. O. au paiement d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que si les premiers juges lui ont fait grief de n'avoir pas produit l'original de l'exploit de signification ni les documents dûment légalisés par un agent diplomatique ou consulaire aux autorités compétentes, cette omission sera réparée devant la Cour.

Que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, H. O. a été valablement cité selon les règles de procédure en vigueur.

Qu'il n'a pas été démontré devant les premiers juges que H. O. se serait valablement domicilié sur le territoire de la République turque de Chypre du Nord.

Qu'au contraire le jugement soumis à l'exequatur reconnaît qu'H. O., sans domicile ou résidence connue aux Pays-Bas, a été cité mais n'a pas comparu.

Qu'H. O. qui n'a jamais été domicilié avec certitude en Chypre du sud ne peut alléguer une prétendue résidence en Chypre du sud pour soutenir l'irrégularité de la citation qui lui a été délivrée en Chypre du nord.

Qu'enfin si les premiers juges ont relevé que le jugement dont l'exequatur est sollicité a déclaré nul un contrat de vente d'un appartement que le Tribunal de première instance de Monaco a précisément validé par jugement du 16 juin 1983, et se heurtait dès lors à la conception monégasque de l'ordre public international en contredisant une décision locale passée en force de chose jugée, appel a été formé également contre le jugement du Tribunal de première instance de Monaco n° R 3288 qui l'a débouté de la tierce opposition qu'il a formée à l'encontre du jugement du 16 juin 1983 ;

Que dès lors que la Cour aura fait droit à cet appel, aucune contrariété à l'ordre public monégasque ne subsistera plus pour accorder l'exequatur du jugement hollandais.

Par conclusions du 4 janvier 2000 l'État de Monaco demande à la Cour de constater qu'il n'est formé aucune demande à son encontre et que sa présence est inutile à la solution du litige, de le mettre hors de cause et de condamner T. G. à lui payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait qu'il est contraint à assurer sa représentation et sa défense en cause d'appel dans un litige qui ne le concerne pas, et enfin de condamner T. G. aux entiers dépens.

L'État de Monaco fait valoir que compte tenu de ce que les demandes formulées par T. G. ne sont pas dirigées contre lui, il appartient à la Cour d'adopter la même motivation que celle des premiers juges et de le mettre hors de cause.

Par conclusions du 1er février 2000 H. O. conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement entrepris, et à la condamnation de T. G. à lui payer la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il fait valoir qu'en vertu des dispositions de l'article 475 alinéa 2 du Code de procédure civile, applicable en l'espèce en l'absence de convention d'exequatur entre le Royaume des Pays-Bas et la Principauté de Monaco, le demandeur à l'exequatur doit produire l'original de l'exploit de signification, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de telle sorte que la demande d'exequatur est irrecevable.

Qu'en outre, alors qu'en vertu de l'article 475 alinéa 4 du Code de procédure civile, tous les documents versés aux débats doivent être légalisés par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté de Monaco accrédité auprès de l'État étranger ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet État, les documents produits par T. G. ne comportent aucune mention de légalisation, la demande d'exequatur étant ainsi irrecevable.

Que par ailleurs il résulte du jugement du 15 février 1989 du Tribunal d'arrondissement de Middelburg qu'il n'a pas été régulièrement cité et mis à même de se défendre.

Que la citation a été adressée au Consul général de la République grecque de Chypre alors que T. G. ne pouvait ignorer qu'il habite le territoire de la République turque de Chypre.

Que le tribunal d'arrondissement de Middelburg en était informé dès lors que la Cour Suprême de la République turque de Chypre du Nord lui avait clairement indiqué son adresse, par courrier du 22 novembre 1988, dont il a été accusé réception en rappelant le droit international applicable en la matière.

Que c'est donc de mauvaise foi que cette juridiction a estimé qu'il n'était pas possible de faire signifier un acte judiciaire à son domicile.

Qu'enfin la décision du Tribunal d'arrondissement de Middelburg est contraire à l'ordre public monégasque dès lors qu'elle contredit totalement le jugement rendu le 16 juin 1983 qui a validé la vente intervenue le 3 septembre 1979.

Qu'en tout état de cause, l'exequatur n'aurait pas d'effet rétroactif à Monaco et serait par suite sans influence sur le jugement du 16 juin 1983 régulièrement transcrit et le transfert de propriété qu'il consacre.

Par conclusions du 23 mai 2000 T. G. fait encore valoir que le jugement dont il demande l'exequatur répond aux exigences de l'article 473 et suivants du Code de procédure civile.

Qu'en cause d'appel il a produit l'original de l'exploit de signification et les documents dûment légalisés par un agent diplomatique ou consulaire.

Que le Tribunal de première instance de Monaco ne pouvait, sans renverser la charge de la preuve, prétendre que H. O. était valablement domicilié en République turque de Chypre, que le Tribunal d'arrondissement de Middelburg en avait une connaissance certaine et qu'en conséquence H. O. n'avait pas été mis en position de se défendre valablement.

Par conclusions du 23 novembre 2000 H. O. fait encore valoir qu'il n'a pas été régulièrement cité et mis à même de se défendre, car la citation a été adressée au Consul général de la République grecque de Chypre, soit la Chypre du sud, alors qu'il est domicilié en République turque de Chypre, soit au nord, ainsi que cela résulte des nouvelles pièces qu'il a produites et qui justifient de son domicile.

Par d'ultimes conclusions du 13 février 2001, T. G. indique encore à la Cour, s'agissant des pièces nouvelles versées aux débats par H. O. pour justifier de son domicile en République turque de Chypre, que celles-ci n'ont aucun caractère de publicité et ne lui permettaient pas de connaître la résidence réelle de H. O., alors que lui-même a démontré ses multiples diligences pour assigner valablement H. O. devant le Tribunal de Middelburg ; que contrairement aux affirmations de H. O., la procédure ne serait pas nulle pour avoir été introduite par une citation délivrée à une mauvaise adresse mais s'avère parfaitement régulière pour avoir été délivrée au Parquet en l'absence de certitude sur le domicile de H. O. ; que par ailleurs H. O. n'a pas davantage relevé appel du jugement du Tribunal de Middelburg qui a été considéré comme contradictoire à l'encontre de toutes les parties, l'une des parties, V. S. ayant constitué avocat et s'étant défendue.

Qu'enfin, l'acte notarié litigieux indiquant une adresse de H. O. au Liecthenstein, il appartenait à celui-ci de prévenir le notaire de son changement d'adresse, et que faute de l'avoir fait, il ne peut reprocher au Tribunal de Middelburg d'avoir donné défaut contre lui.

Le conseil de la SAM Riveira Telecom a indiqué à la Cour qu'il s'en rapporte à justice, sans déposer de conclusions.

Sur ce :

Considérant qu'en l'absence de convention d'entraide mutuelle judiciaire entre la Principauté de Monaco et le Royaume des Pays-Bas, il appartient à la juridiction monégasque, saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement rendu par une juridiction néerlandaise, d'examiner, en vertu des articles 472 et suivants du Code de procédure civile, ledit jugement en la forme et au fond et de le réviser au besoin en tout ou en partie ;

Considérant qu'en cause d'appel le demandeur à l'exequatur a produit, conformément aux exigences de l'article 475 du Code de procédure civile, une expédition authentique du jugement du 15 février 1989 du Tribunal d'arrondissement de Middelburg ainsi que le certificat de non appel délivré par le greffier de la Cour d'appel de La Haye, lesdits documents ayant été dûment légalisés par les autorités compétentes ;

Considérant que la juridiction saisie d'une demande d'exequatur d'un jugement rendu aux Pays-Bas doit vérifier, si d'après la loi néerlandaise, les parties ont été régulièrement citées et mises à même de se défendre ;

Considérant que dans son jugement du 15 février 1989 le Tribunal de première instance de Middelburg a indiqué que H. J. O., défendeur, sans domicile ou résidence connus aux Pays-Bas n'avait pas comparu, et que par exploit du 26 avril 1988, signifié au Procureur de la Reine dans le ressort de Middelburg, le demandeur, T. G., avait signifié le défaut au défendeur, H. O., et l'avait convoqué en indiquant dans l'exploit qu'O. demeurait à ..., Chypre du Nord ;

Que ce même jugement précise que par lettre du 22 juillet 1988 adressée au Procureur de la Reine, dans le ressort de Middelburg, A. C., agissant au nom du directeur général du Ministère de la justice de la République de Chypre, a retourné les documents audit Procureur de la Reine, déclarant que n'était pas connue la résidence d'O. qui était entré illégalement en République de Chypre, n'avait jamais contacté les autorités légitimes et pourrait séjourner dans le territoire de Chypre occupé illégalement par la Turquie depuis août 1974 ; qu'en outre par les exploits du 26 août 1988 et 31 octobre 1988 dont un extrait a été publié dans un journal du 3 novembre 1988, le jugement du 12 août 1987 par lequel défaut a été prononcé à l'encontre d'O. a été signifié à celui-ci qui a été convoqué à comparaître mais H. O. n'ayant pas comparu, à nouveau le défaut a été prononcé à son encontre ;

Considérant que T. G. soutient au demeurant que cette lettre du Ministère de la justice de la République de Chypre établit qu'il était impossible eu égard aux renseignements limités quant au domicile d'O. à Chypre, de faire parvenir une pièce judiciaire à son domicile ;

Considérant cependant qu'il résulte des pièces versées aux débats que par un courrier du 22 novembre 1988 de Taner Erginel, juge de la Haute Cour au Tribunal de première instance de la République turque de Chypre du Nord adressé au Président du Tribunal d'arrondissement de Middelburg que » La Haute Cour de la République turque de Chypre du Nord a été informée que l'administration gréco-chypriote a tenté de signifier une citation à comparaître à H. O., un ressortissant néerlandais, dont la résidence permanente est à ..., République turque de Chypre du Nord « et que » la signification de cette citation à comparaître non seulement s'est avérée impossible, parce que l'administration gréco-chypriote n'exerce pas de contrôle de facto sur la Chypre du Nord mais également illégale, car contraire aux stipulations sur les significations de citations à comparaître étrangères, selon les lois en vigueur dans la République turque de Chypre du Nord « et qu'en conséquence » en l'absence de convention entre les deux États, le seul mode de signification de la citation à comparaître serait la voie diplomatique " ;

Considérant toutefois qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est par ailleurs pas allégué qu'il a été recouru à la voie diplomatique pour signifier ladite citation à comparaître alors que selon un certificat de résidence délivré le 29 novembre 1988 par les autorités de la République turque de Chypre du Nord, H. O. était résident permanent à ... ;

Que l'impossibilité de la signification de cette citation à comparaître n'est pas établie. Que dans ces conditions, H. O. ne peut être considéré comme ayant été régulièrement cité et mis à même de se défendre ;

Qu'en outre, ainsi que l'a relevé le tribunal, ledit jugement du 15 février 1989 a déclaré nul un contrat de vente d'un appartement situé à Monaco, lequel a été conclu le 3 septembre 1979 entre J. V. S. et H. O., et validé par jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 16 juin 1983 ;

Que la tierce opposition formée par T. G. a été rejetée par arrêt de ce jour ;

Qu'ainsi le jugement du 15 février 1989 du Tribunal d'arrondissement de Middelburg est contraire à l'ordre public international en ce qu'il contredit un jugement du Tribunal de première instance de Monaco ;

Que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont refusé d'ordonner l'exequatur en Principauté de Monaco du jugement rendu par le Tribunal d'arrondissement de Middelburg (Pays-Bas) en date du 15 février 1989 et ont rejeté le surplus de ses demandes subséquentes ;

Que c'est encore à juste titre que le Tribunal a condamné T. G. à payer à H. O. un montant de 5 000 francs soit 762,25 euros à titre de dommages-intérêts en relevant le caractère téméraire de la demande de celui-ci ;

Que T. G. a en outre, en relevant appel du jugement entrepris, fautivement attrait devant la Cour d'appel H. O. et contraint celui-ci à se défendre devant la Cour ; qu'en réparation du préjudice ainsi causé à H. O. et eu égard aux éléments suffisants d'appréciation dont dispose la Cour, il y a lieu de condamner T. G. à verser à H. O. la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

Considérant qu'aucune demande dirigée à l'encontre de l'État de Monaco, des sociétés P. C. et compagnie et Riviera Télécom qui ne sont pas concernés par l'instance en exequatur de la décision du Tribunal d'arrondissement de Middelburg, ceux-ci doivent dès lors être mis hors de cause ;

Considérant que T. G. a fautivement attrait devant la Cour d'appel l'État de Monaco qui a ainsi été contraint de défendre ses intérêts devant la Cour, alors qu'il n'est pas concerné par la procédure ; que l'État de Monaco a ainsi subi un préjudice qu'il y a lieu d'évaluer, en l'état des éléments d'appréciation dont dispose la Cour à la somme de 750 euros ;

Qu'en réparation dudit préjudice, T. G. versera dès lors à l'État de Monaco la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu'eu égard à l'issue du litige, T. G. qui succombe supportera les dépens d'appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

  • Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance du 18 mars 1999 (R 3289),

  • Condamne T. G. à verser à l'État de Monaco la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts,

  • Condamne T. G. à verser à H. O. la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts,

  • Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition🔗

M. Adam, cons. ff. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor, Licari, Brugnetti, Sbarrato, av. déf.

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