Cour d'appel, 11 décembre 2001, D. J. c/ Language Homestays Limited

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Abstract🔗

Exploits et assignations civils

Mentions prescrites : articles 136 et 141 du Code de procédure civile - Société de commerce assignée sans la désignation de son représentant légal - Nullité non comminatoire de l'exploit d'assignation d'où infirmation du jugement ayant rejeté l'exception de nullité soulevée en première instance

Résumé🔗

Considérant qu'aux termes de l'article 136 (2e) du Code de procédure civile « tout exploit contiendra (...) le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit sera signifié, ou du moins une désignation précise de l'une et de l'autre » ;

En outre l'article 141 du même code dispose que « les sociétés de commerce seront désignées par leur raison sociale ou par l'objet de leur entreprise et représentées conformément aux règles du droit commercial » ;

Considérant en l'espèce que l'exploit d'assignation critiqué du 26 octobre 1998 satisfait sans conteste, au regard de ses mentions, qui ont été ci-dessus rapportées, aux prescriptions précitées de l'article 136 du Code de procédure civile ;

Considérant, cependant, que ledit exploit ne comporte par ailleurs, ni indication du représentant légal de la société International Language Homestays Limited, dont la personnalité morale n'a pas été au demeurant contestée, ni mention de la manière dont cette partie s'est trouvée représentée lors de cet acte, la seule mention retenue à cet égard que ladite société serait représentée par « un représentant légal », exerçant « poursuites et diligences », s'avérant insuffisante à ce titre ;

En effet, pour l'application de l'article 141 § 1 du Code de procédure civile, l'exploit d'assignation signifié à la requête d'une personne morale doit indiquer formellement, et à tout le moins, la qualité de l'organe qui a pris l'initiative de requérir la signification lorsque cette personne morale exerce une activité commerciale au regard du droit monégasque, dont relève alors cette qualification en raison du caractère interne des règles de procédure applicables ; tel est manifestement le cas de la société International Language Homestays Limited, exerçant pour l'organisation de séjours linguistiques une activité d'agence d'affaires, au sens de l'article 2 du Code de commerce ;

Conformément aux prescriptions de l'article 155 du Code de procédure civile, lequel édicte que les dispositions de l'article 141 § 1 du même code, doivent être respectées à peine de nullité, l'exploit d'assignation susvisé du 26 octobre 1995 doit être déclaré nul faute de mentionner l'organe représentant légalement la société International Language Homestays Limited, à défaut de l'identité du représentant légal de celle-ci ;

À ce propos, l'article 966 du Code de procédure civile dispose qu'aucune des nullités prévues par ledit code n'est comminatoire, ce qui fait donc obligation aux juridictions de les prononcer dès lors seulement qu'elles sont encourues, et sans avoir à vérifier simultanément l'existence des griefs pouvant éventuellement en résulter pour la partie qui s'en prévaut, lesquels ne conditionnent pas, en droit monégasque, la mise en œuvre de ces nullités ;

Ce chef, le jugement du 16 février 1999 déféré à la Cour doit être, par voie de conséquence, infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité proposée par D. J., au regard de l'article 141 du Code de procédure civile ;


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Le 9 octobre 1989 a été constituée à Gibraltar une société Home Language Living Experience limited, immatriculée sous le n° 34157, qui est devenue par la suite, en raison d'un changement de dénomination intervenu le 24 septembre 1992, la société International Language Homestays Limited.

Il résulte d'une pièce versée aux débats (pièce n° 24 de Maître Léandri) que cette société aurait été dirigée, en 1993, notamment par P. D.

Une autre société, également dénommée International Language Homestays Limited, a été, par ailleurs, constituée dans l'île anglo-normande de Guernesey.

Cette société, dont le président en 1993 était P. D., avait pour objet l'organisation de séjours linguistiques au profit d'étudiants étrangers (conclusions de Maître Escaut du 26 octobre 1999, p. 2).

Elle disposait pour ce faire de bureaux situés en Angleterre.

Son papier à lettres de 1994, à l'entête ILH (pièce n° 412 Maître Escaut), précise que toutes réservations par voie informatique seraient traitées par la société Student Reservations Limited en ses bureaux de Margate, à laquelle il convenait donc de s'adresser.

En outre P. D. a attesté sous serment le 14 novembre 1993, par-devant notaire de Margate, exercer les fonctions de consultant en marketing international dans cette société, et pouvoir s'exprimer au nom de celle-ci.

Il a, à ce titre, déclaré que seuls lui-même et les dénommés A. W., M. B. et M. L. étaient autorisés à endosser des chèques au nom de la société.

Une troisième société dénommée International Language Homestays dirigée par L. H., se trouve, par ailleurs, avoir été ultérieurement constituée, cette fois dans l'État américain de Floride, où elle y a son siège.

Ainsi que le mentionne un courrier du 28 janvier 1993 versé en copie aux débats (pièce n° 20 de Maître Léandri), la société International Language Homestays Limited s'était adjoint, à compter du 1er janvier 1993, le nom commercial de Home Language Lessons Worldwide, tout en conservant son siège à Guernesey et ses bureaux à Margate.

Il était en outre mentionné que tous paiements devaient lui être adressés à l'ordre de International Language Homestays Limited, sur son compte en livres sterling de la Midland Bank Plc (international division) (Angleterre), pour le compte de l'établissement Bank of Bermuda (Guernesey) Ltd, n° 3620231, sous compte n° 50161320.

La dénomination commerciale ainsi adoptée par la société International Language Homestays Limited de Guernesey a été cependant vivement critiquée par I. J., autrefois associé à P. D., qui a reproché à celui-ci d'avoir utilisé, ce faisant, une raison sociale très voisine de celle dont il usait alors lui-même pour ses activités : Home Language Lessons.

I. J. s'est expliqué à ce propos dans un courrier daté du 19 octobre 1995 (pièce n° 7 de Maître Blot) adressé au Crédit Lyonnais, où il fait état de ce que D. aurait ainsi tenté de semer le trouble dans l'esprit des clients de Home Language Lessons, ce pourquoi il disait avoir introduit en Angleterre une action judiciaire contre D.

Divers documents signés de I. J. (notamment, pièce n° 18 de Maître Escaut), mentionnent en effet une société International Language Homestays Limited, ayant pour directeurs I. J. et D. J.

Cette société y est présentée comme une « division » d'une autre société : l'Éducation Management Services Limited de Jersey, et il est également indiqué qu'il convenait de s'adresser au bureau des réservations géré par la société Ramsgate Computer Bureau Limited (Kent).

S'agissant de la concurrence prétendue de D. il est de fait que, par une ordonnance judiciaire britannique du 2 avril 1996, dont la traduction a été produite dans la présente instance (pièce n° 4 de Maître Blot), la société Home Language Lessons Limited a obtenu, à l'encontre de la société Student Reservations Limited (chargée de la gestion d'une partie de l'activité de la société International Language Homestays Limited) ainsi qu'à l'encontre de A. W. (ci-dessus nommé comme collaborateur de D.) l'interdiction faite à ces parties défenderesses d'utiliser à l'avenir la dénomination Home Language Lessons et leur condamnation à lui transférer les participations que ces mêmes parties avaient prises en son sein, outre paiement immédiat à son profit d'une somme de 15 000 livres sterling.

La solution judiciaire ainsi apportée en 1996 illustre le conflit d'intérêts existant entre I. J. et P. D., qui avait, en particulier, donné lieu à un article publié le 10 septembre 1993 dans un journal périodique couvrant les localités anglaises de Margate, Ramsgate et Broadstairs, et dénommé « Isle of Thanet (Gazette) ».

Cet article relatait, à l'occasion d'une faillite récemment ouverte à l'encontre de P. D. que celui-ci, diplômé d'Oxford, s'était associé dans les années 60 à I. J., qui dirigeait alors une prospère école de langues à Ramsgate, la « Regency school of English », avant de la quitter pour monter sa propre école puis de s'associer à nouveau avec J. dans le cadre d'une société en participation.

L'objet de celle-ci était d'organiser en faveur des étudiants un enseignement de langues au domicile même des professeurs, afin de faciliter leur apprentissage ; J. disait, selon l'article, avoir apporté le capital et les relations, tandis que D. était responsable des réservations ; les bénéfices devaient être répartis par moitié mais J. indiquait demeurer responsable de la société.

Par suite d'une mésentente entre eux, motivée selon D. par le fait que J. était en train de monter une Regency School of English Monaco et se désintéressait de la société, un partage de celle-ci serait ensuite intervenu, mais, aux dires de J., D. se serait emparé entièrement de la société et aurait fini par promettre de verser en contrepartie à J. la somme de 300 000 livres sterling, promesse qui n'aurait pas, cependant, été entièrement tenue.

En définitive, le syndic de la faillite de D. avait déclaré, selon l'article, que J. demeurait, à hauteur de 180 000 livres sterling, le principal créancier de D.

Il est constant qu'entre temps J. avait développé son activité, notamment sous l'enseigne Home Language International qui correspondait à la dénomination d'une société qu'il dirigeait, ayant son siège à St-Hélier, dans l'île anglo-normande de Jersey, laquelle a disposé de bureaux de réservation (Kent), et, d'autre part, toujours à Ramsgate, observation étant faite que ces deux adresses avaient les mêmes numéros de téléphone, de télécopie et de télex.

C'est sous cette même dénomination Home Language International que I. J. a également exploité son activité, tout au moins en fait, à partir de Monaco, où il avait ouvert l'établissement « The Regency School of english and french » dont la directrice était N. O.

Il apparaît, en effet, qu'outre un compte bancaire ouvert au nom de cet établissement auprès de l'agence de Monaco du Crédit Lyonnais, avec procuration donnée à N. O., un autre compte a été ouvert dans la même agence, avec procuration donnée à I. J., par D. J., épouse de ce dernier, sous la rubrique « HLI » correspondant aux lettres initiales de Home Language International.

En cet état des activités concurrentes et conflictuelles de P. D. et de I. J. - ayant trouvé leur prolongement jusque devant la Cour de cassation française qui, par arrêt du 24 mars 1998, a annulé un arrêt rendu le 19 octobre 1995 par la Cour d'appel de Douai ayant admis à l'exequatur en France une condamnation pécuniaire prononcée en Angleterre à l'encontre de D. et au profit de J. - une nommée M. A. S., qui exerçait à Barcelone (Espagne) une activité d'organisation de cours et séjours à l'étranger, a établi quatre chèques à l'ordre de International Language Homestays, dans le cadre de cette activité (pièce n° 30 de Maître Escaut).

Ces chèques ont été tirés, les trois premiers portant les numéros 354 504, 481 534 et 370 451, sur la Caixa d'Estalvis i Pensions de Barcelona, les 2, 3 et 4 juin 1993, pour les montants respectifs de 990, 1090 et 2100 livres sterling (GBP).

Le quatrième, n° 0 008 946, a été tiré peu après sur la Caixa de Girona - Departamento Extranjero - pour la somme de 2 030 GBP.

Ces quatre chèques devaient être payés en Angleterre, les trois premiers par la Barclays Bank de Londres pour le compte de la Caixa, le quatrième, au même titre, par la Lloyds Bank Plc de Londres.

Selon diverses factures émanant de la société International Language Homestays Limited de Guernesey, émises par son bureau des réservations de Margate (pièces n° 24 à 29 de Maître Escaut) il est manifeste que deux de ces factures sont établies pour un montant (990 et 1 090 GBP) correspondant à celui de deux des chèques précités.

D'après leur libellé, elles procédaient de l'activité de la société dispensée en Angleterre au profit d'étudiants envoyés par M. A. S., et devaient être payées par virement bancaire adressé au bureau des réservations de Margate, de la société International Language Homestays Limited, pour être encaissées, ainsi que cela a été ci-dessus mentionné, par l'intermédiaire de la Midland Bank PLC.

En fait, M. A. S., qui admet avoir cessé en janvier 1993 les relations commerciales qu'elle avait entretenues jusqu'alors avec I. J. ou ses sociétés Home Language International ou Home Language Lessons (pièce n° 37 de Maître Escaut), a expliqué dans une lettre datée de janvier 1994 (pièce n° 31 de Maître Escaut) qu'au cours de l'été 1993 elle avait bien établi des chèques pour 6 210 GBP à l'ordre de International Language Homestays Limited en règlement de services fournis par cette société, qu'elle avait bien adressé l'enveloppe contenant ces effets au bureau des réservations, à Margate, mais que, par erreur, elle y avait écrit Home Language Lessons Limited, au lieu de International Language Homestays Limited.

À ce propos I. J. a indiqué, dans une lettre du 19 octobre 1995 adressée au Crédit Lyonnais (pièce n° 7 de Maître Blot) que cette confusion était due sans doute au fait que P. D. opérait depuis janvier 1993 sous la raison sociale de Home Language Lessons Worlwide.

Selon ce qu'a déclaré par courrier du 31 octobre 1993 (pièce n° 02 de Maître Blot) la directrice de The Regency School de Monaco, N. O., celle-ci a reçu par la poste ces chèques ; comme ils ne concernaient pas apparemment l'activité de l'école elle a téléphoné à I. J., alors absent, pour l'en informer sans lui préciser les détails, et ce dernier lui a demandé de déposer ces chèques à la banque.

Il est constant que les quatre chèques précités ont été déposés sur le compte ci-dessus mentionné ouvert au Crédit Lyonnais sous rubrique « ILH », et encaissés par D. J., aux dires de celle-ci de bonne foi.

Pour répondre aux premières réclamations de M. A. S., I. J. a écrit à cette dernière, le 3 février 1994 (pièce n° 18 de Maître Escaut), que, lorsqu'il avait découvert, au retour d'un voyage, que lesdits chèques avaient été encaissés, à la diligence de sa directrice N. O., sur le compte de sa femme, alors qu'ils étaient à l'ordre de International Language Homestays Limited, il avait pris les conseils d'un avocat, afin d'introduire une action judiciaire contre cette société et contre A. W., estimant que celui-ci avait frauduleusement transféré les affaires de Home Language Lessons à une nouvelle société et essayé de lui vendre, en conséquence, des parts sociales sans valeur.

I. J. en a conclu, sur ces bases, que le montant des chèques dont s'agit de 6 210 GBP appartenait, au titre de ses revenus à la société Home Language Lessons Limited par lui acquise en règlement partiel d'une dette de P. D. à son égard.

Il a en définitive refusé d'en payer le montant à M. A. S.

Pour sa part, celle-ci a fait valoir auprès de I. J. (pièce n° 17 de Maître Escaut) que International Language Homestays ne voulait plus, par ailleurs, lui payer ses commissions pour 1993, avant de recevoir les chèques « perdus ».

Ensuite de nombreuses demandes demeurées sans succès, auprès notamment du Crédit Lyonnais, qui tendaient au recouvrement du montant précité de 6 210 GBP au total, la société International Language Homestays Limited a, par acte du 26 octobre 1995, fait assigner la société anonyme française dénommée Crédit Lyonnais, par l'intermédiaire du directeur de son agence de la Condamine, ainsi que D. J., afin d'obtenir leur condamnation solidaire - ou celle de l'un à défaut de l'autre - à lui payer ladite somme de 6 210 livres sterling ou son équivalent en francs au cours du change lors du paiement, outre 20 000 francs à titre de dommages-intérêts, le tout avec exécution provisoire du jugement de condamnation ainsi requis.

La société demanderesse se trouve désignée comme suit dans l'exploit d'assignation délivré de la sorte : « International Language Homestays LTD, ..., Guernesey, Channel Islands, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant audit siège ».

Au soutien de son action ainsi introduite ladite société estimait que le compte de D. J. avait été crédité à tort et que celle-ci, qui n'avait toujours pas restitué la somme réclamée, devait être condamnée au paiement de ladite somme solidairement avec le Crédit Lyonnais, qui aurait commis une faute en créditant le compte de sa cliente du montant de quatre chèques dont elle n'était pas la bénéficiaire.

D. J., à titre principal, a cependant soulevé une exception de nullité de l'exploit introductif d'instance en date du 26 octobre 1995, pour violation des dispositions des articles 136 et suivants du Code de procédure civile, en l'absence d'indication de la forme juridique, du domicile ou du siège social de la partie demanderesse.

À titre subsidiaire, et réclamant 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, elle a fait valoir que les chèques libellés à l'ordre d'International Language Homestays, dont il était demandé paiement, avaient été déposés de bonne foi sur le compte intitulé « Madame J. ILH (International Language Homestays) » et avaient été par la suite virés au profit d'un compte ouvert par la société International Homestays dirigée par L. H. auprès de la Nation's Bank of Atlanta (Floride) laquelle avait affirmé que ces chèques lui revenaient, compte tenu de ses relations commerciales avec I. J.

Il est de fait, à ce propos, que, par courrier du 31 octobre 1995 (pièce n° 11 de Maître Blot) L. H. a précisé qu'elle avait travaillé avec Home Language Lessons jusqu'en 1987, dont le président était alors P. D., avant qu'il ne perde le contrôle de cette société, en 1993, qui avait été transférée à I. J.

Ayant alors commencé à travailler avec ce dernier, elle a fait grief à D. d'avoir utilisé le nom de International Language Homestays qui était celui qu'elle avait elle-même enregistré en Floride pour son activité.

Sur l'exception, la société International Language Homestays a répliqué que l'assignation était régulière puisque comportant mention de la forme juridique et du siège social de la société.

Elle a par ailleurs repris, quand au fond, les éléments de fait ci-dessus rapportés en en déduisant, pour l'essentiel, qu'elle était seule bénéficiaire des chèques dont s'agit et devait, par suite, être admise à en recouvrer le montant.

Pour sa part le Crédit Lyonnais, expliquant que lesdits chèques avaient été endossés en faveur de D. J., et que rien ne permettait de suspecter la régularité de cette opération, a conclu à sa mise hors de cause et réclamé à la demanderesse 20 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre 10 000 francs pour frais irrépétibles.

Dans le domaine des faits, le Crédit Lyonnais a rappelé à ce propos que les quatre chèques litigieux comportaient effectivement l'endos de D. J.

Il les a produits sous forme de copies, reproduisant également, au dos, les cachets et signatures apposés par ses préposés (pièces n° 4, 5, 6 et 7 de Maître Léandri).

En l'état de cet ensemble de demandes, et par jugement du 18 février 1999, le Tribunal de première instance a d'abord rejeté l'exception de nullité soulevée par D. J. et déclaré régulier en la forme l'exploit d'assignation en date du 26 octobre 1995.

Pour se prononcer de la sorte cette juridiction a estimé que les mentions de l'exploit d'assignation du 26 octobre 1995 sont conformes aux prescriptions des articles 136 et 141 susvisés ; qu'en effet, elles précisent le nom de la partie requérante qui est une société à responsabilité limitée (Limited) dénommée International Language Homestays LTD, l'adresse de son siège social qui se situe à Guernesey, et l'indication que cette société est représentée par son représentant légal, étant observé par le Tribunal que cette simple mention satisfait, même en l'absence du nom et de la fonction dudit représentant, aux règles d'usages en la matière.

Le Tribunal de première instance a, par ailleurs, et quant au fond,

  • condamné D. J. et la société Crédit Lyonnais in solidum à payer à la société dénommée International Language Homestays LTD, sans capitalisation, la somme de 80 000 francs à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

  • débouté la société International Language Homestays LTD de sa demande au titre des frais irrépétibles,

  • ordonné l'exécution provisoire du jugement ainsi rendu,

  • et condamné enfin, avec solidarité, les parties défenderesses aux dépens.

À ce propos le Tribunal de première instance a cependant rappelé que la condamnation solidaire poursuivie au principal ne reposait sur aucun des cas de solidarité prévus par la loi, en sorte qu'il convenait de prononcer de ce chef une condamnation in solidum, conformément aux règles de la responsabilité civile.

Par l'acte d'appel et d'assignation susvisé du 14 avril 1999, D. J., après avoir demandé à la Cour de suspendre l'exécution provisoire dudit jugement - ce qui a été ordonné par arrêt du 29 juin 1999 - demande qu'il plaise désormais à cette juridiction, par voie d'infirmation de ce même jugement, à titre principal déclarer nul et non avenu l'exploit introductif d'instance du 26 octobre 1995, motif pris de l'absence de mention du représentant légal de la société requérante, ce par application des articles 136, 141, 155 et 966 du Code de procédure civile, avec toutes conséquences de droit, et, à titre subsidiaire, débouter la société International Company Homestays LTD de toutes ses demandes en la condamnant à lui payer une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société International Language Homestays Limited concluant à la confirmation du jugement entrepris, a contesté à nouveau, en cause d'appel, l'exception de nullité ainsi soulevée par l'appelante, estimant avoir été régulièrement désignée dans l'exploit incriminé, alors qu'elle est « représentée par son représentant légal ».

Quant au fond, et sollicitant en cause d'appel paiement, de la part de D. J., d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts, elle a, pour l'essentiel, réitéré ses moyens de première instance et dénié par ailleurs au Crédit Lyonnais toute faculté de conclure par des moyens de défense à l'infirmation du jugement susvisé, dès lors que celui-ci serait devenu définitif pour lui, en l'absence d'appel principal de sa part.

Estimant toutefois cette question définitivement réglée par l'arrêt précité de la Cour du 29 juin 1995, le Crédit Lyonnais a également conclu à la nullité de l'exploit introductif d'instance pour violation des articles 136 et 141 du Code de procédure civile, faute de justification par la société demanderesse de sa représentation conforme aux règles du droit commercial.

Quant au fond, le Crédit Lyonnais a par ailleurs demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il avait retenu sa responsabilité bancaire en violation du principe de la non-ingérence du banquier, qui excluait qu'il puisse contrôler la régularité de la détention par ses clients des chèques par eux présentés en paiement, en l'absence d'anomalie apparente du titre au regard de l'identité du déposant.

Prétendant avoir ainsi satisfait à ses obligations, le Crédit Lyonnais a donc conclu au débouté de la société International Language Homestays Limited de sa demande, et à ce qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur quoi :

Considérant que l'exception de nullité visant l'exploit introductif d'instance du 26 octobre 1995 a été formellement invoquée devant le Tribunal de première instance par D. J., dès ses premières conclusions du 17 janvier 1996, ce, dans les conditions prévues par l'article 264 du Code de procédure civile, lequel dispose que « toute nullité d'exploit introductif d'instance sera couverte si elle n'est pas proposée avant toute exception ou défense, autre que les exceptions de caution et d'incompétence » ;

Considérant que, le jugement susvisé du Tribunal de première instance s'étant prononcé sur ce point par une décision de rejet de l'exception de nullité ainsi invoquée, l'appel formé de ce chef par D. J. doit conduire la Cour, par l'effet dévolutif édicté à l'article 429 du Code de procédure civile, à examiner à nouveau cette même exception ;

Considérant, par ailleurs, qu'il ne peut être fait grief au Crédit Lyonnais de s'associer pour sa part à celle-ci au seul motif invoqué par la société International Language Homestays Limited, que, n'ayant pas formé appel principal contre le jugement entrepris, ce dernier serait devenu définitif à son égard ;

Qu'en effet la matière objet du jugement précité s'avère indivisible dès lors qu'elle concerne, à travers la demande, une seule opération critiquée de paiement de chèque apparemment réalisée par le tiré défendeur sur le seul fondement d'un endossement opéré par l'autre partie défenderesse mais argué d'irrégularité ;

Qu'ainsi l'appel principal du jugement susvisé du 18 février 1999, formé par la seule D. J., a nécessairement profité au Crédit Lyonnais dès lors que celui-ci, se joignant à cet appel par voie de conclusions a, comme l'a rappelé la Cour en son arrêt préalable du 29 juin 1999, entendu manifestement critiquer pour sa part le jugement entrepris ;

Qu'en définitive il convient, de ce chef, d'admettre le Crédit Lyonnais à soutenir également en cause d'appel l'exception de nullité qu'il a, ainsi, communément invoquée avec D. J. ;

Considérant qu'aux termes de l'article 136 (2e) du Code de procédure civile « tout exploit contiendra (...) le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante et de la partie à laquelle l'exploit sera signifié, ou du moins une désignation précise de l'une et de l'autre » ;

Qu'en outre l'article 141 du même code dispose que « les sociétés de commerce seront désignées par leur raison sociale ou par l'objet de leur entreprise et représentées conformément aux règles du droit commercial » ;

Considérant qu'en l'espèce l'exploit d'assignation critiqué, du 26 octobre 1998, satisfait sans conteste, au regard de ses mentions, qui ont été ci-dessus rapportées, aux prescriptions précitées de l'article 136 du Code de procédure civile ;

Considérant, cependant, que ledit exploit ne comporte, par ailleurs, ni indication du représentant légal de la société International Language Homestays Limited, dont la personnalité morale n'a pas été au demeurant contestée, ni mention de la manière dont cette partie s'est trouvée représentée lors de cet acte, la seule mention retenue à cet égard que ladite société serait représentée par « un représentant légal », exerçant « poursuites et diligences », s'avérant insuffisante, à ce titre ;

Qu'en effet, pour l'application de l'article 141 § 1 du Code de procédure civile, l'exploit d'assignation signifié à la requête d'une personne morale doit indiquer formellement, et à tout le moins, la qualité de l'organe qui a pris l'initiative de requérir la signification lorsque cette personne morale exerce une activité commerciale au regard du droit monégasque, dont relève alors cette qualification en raison du caractère interne des règles de procédure applicables ; que tel est manifestement le cas de la société International Language Homestays Limited, exerçant pour l'organisation de séjours linguistiques une activité d'agence d'affaires, au sens de l'article 2 du Code de commerce ;

Considérant que, conformément aux prescriptions de l'article 155 du Code de procédure civile, lequel édicte que les dispositions de l'article 141 § 1 du même code doivent être respectées à peine de nullité, l'exploit d'assignation susvisé du 26 octobre 1995 doit être déclaré nul faute de mentionner l'organe représentant légalement la société International Language Homestays Limited, à défaut de l'identité du représentant légal de celle-ci ;

Qu'à ce propos, l'article 966 du Code de procédure civile dispose qu'aucune des nullités prévues par ledit code n'est comminatoire, ce qui fait donc obligation aux juridictions de les prononcer dès lors seulement qu'elles sont encourues, et sans avoir à vérifier simultanément l'existence des griefs pouvant éventuellement en résulter pour la partie qui s'en prévaut, lesquels ne conditionnent pas, en droit monégasque, la mise en œuvre de ces nullités ;

Que, de ce chef, le jugement du 18 février 1999 déféré à la Cour doit être, par voie de conséquence, infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité proposée par D. J., au regard de l'article 141 du Code de procédure civile ;

Considérant que, le fond du litige séparant les parties ne pouvant être dès lors examiné en l'état, l'ensemble des demandes originaires et additionnelles formulées à cet égard par la société International Language Homestays Limited doit être déclaré irrecevable ;

Qu'au regard de cette irrecevabilité la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire et en cause d'appel à l'encontre de D. J. et du Crédit Lyonnais, doit être également rejetée ;

Qu'il en va de même des demandes de dommages-intérêts réitérées en cause d'appel par ces deux parties pour abus de procédure, dès lors que le fond n'est pas abordé ;

Considérant, enfin, qu'en raison de ce qu'elle succombe en son action quant à la forme, la société International Language Homestays Limited devra supporter les dépens, tant de première instance que d'appel, ce, par application des articles 231 et 435 du Code de procédure civile ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement susvisé du Tribunal de première instance en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'exploit introductif d'instance du 26 octobre 1995,

Statuant à nouveau, de ce chef, prononce la nullité dudit exploit,

En conséquence dit n'y avoir lieu de statuer sur le fond du litige séparant les parties,

Déclare, par suite, irrecevables les demandes formées par la société International Language Homestays Limited à l'encontre tant de D. J. que de la société Crédit Lyonnais,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition🔗

M. Landwerlin, prem. prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Escaut, Léandri, av. déf. ; Mullot, av.

Note🔗

Cet arrêt a infirmé le jugement du Tribunal de Première Instance du 18 février 1999, en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'exploit introductif d'instance du 25 octobre 1995.

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