Cour d'appel, 10 décembre 2001, B et D c/ Ministère public, en présence de dame B-L J.

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Abstract🔗

Procédure pénale

Instruction - Audition de témoins - Interprète nécessaire - Désignation parmi les témoins, sans prestation de serment - Annulation du procès-verbal d'audition - Non-extension de la nullité = l'acte nul n'étant pas déterminant

Minorité

Délinquance juvénile - Crimes commis par des mineurs, sans implication de majeurs - Compétence du tribunal correctionnel art. 47 CP - Double degré de juridiction

Résumé🔗

Sur l'exception de nullité

Suivant procès-verbal d'audition du 27 octobre 1999 (pièce D 65) le juge tutélaire, devant qui se sont présentées spontanément les dames Z épouse R, H, A a recueilli les déclarations faites ensemble par ces trois personnes. Il résulte de cette audition commune l'impossibilité d'identifier l'auteur de ses déclarations et partant, de vérifier le respect des règles de forme substantielles relativement à l'audition des personnes entendues ; s'il apparaît des débats que c'est essentiellement la dame H qui s'est exprimée devant le juge tutélaire, en langue arabe, avec l'assistance des dames Z et A pour traduire ses propos en français, la traduction ainsi opérée de la part de deux personnes qui n'ont pas prêté serment et dont l'une, au surplus, est la mère d'un inculpé viole les dispositions substantielles de l'article 139 du Code pénal.

Il s'ensuit que le procès-verbal, entaché de nullité doit être annulé et écarté expressément des débats.

Si le réquisitoire aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel mentionne ce procès-verbal parmi les faits résultant de l'information, il apparaît que cet acte n'a pas été l'élément déterminant de renvoi, alors qu'au contraire, les motifs au nombre de sept, fondant la conviction du procureur général ne reprennent pas le contenu dudit procès-verbal ; il en va de même de l'ordonnance de renvoi qui en a adopté les motifs ; il n'y a donc pas lieu d'étendre la nullité ci-dessus constatée aux actes ultérieurs de la procédure.

Sur le fond

Considérant qu'il existait des éléments établissant la preuve des crimes de viol, complicité de viol et d'attentats à la pudeur avec violences et en réunion sur une mineure de moins de quinze ans commis le 11 février 1990 respectivement par deux mineurs de 18 ans, A. B. et A. D., la cour d'appel, saisie sur appel du jugement du tribunal correctionnel, statuant en matière criminelle, rendu le 10 juillet 2001 a confirmé celui-ci tant en ses dispositions pénales que civiles.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Le 9 juin 1995, A.B., née le 24 avril 1975 à Monaco, a porté plainte devant les services de police à l'encontre d'A.D. d'H.B. et d'un dénommé A. pour des faits de viol et d'attentat à la pudeur commis avec violence sur sa personne, le 11 février 1990 alors qu'elle était âgée de moins de quinze ans.

Elle déclarait que ce jour-là, vers 19 heures 30, H.B. qu'elle connaissait pour l'avoir côtoyé lors d'un séjour en colonie de vacances, lui avait demandé par l'intermédiaire du vidéophone de son domicile, [adresse], de descendre le rejoindre dans la galerie où se situe le hall de l'immeuble, afin de bavarder, ce qu'elle avait fait.

Elle indiquait avoir alors constaté que B. était accompagné de deux autres garçons, l'un, A.D. qu'elle connaissait pour être un voisin, l'autre, qui lui était inconnu et dont elle apprendra au cours des faits qu'il répondait au diminutif « A. ».

Elle déclarait qu'après un certain temps de conversation et alors qu'elle attendait l'ascenseur pour regagner son domicile, les trois garçons s'étaient mis à la caresser sur le corps ce qui l'avait choqué. Elle déclarait s'être enfuie et réfugiée dans les toilettes publiques voisines où elle s'était mise à pleurer puis en était ressortie et avait constaté qu'ils étaient toujours présents dans la galerie. Elle indiquait que voulant rejoindre son domicile, elle était entrée dans le hall de l'immeuble situé dans la galerie pour emprunter l'ascenseur, que les trois garçons l'avaient suivie et qu'ils étaient entrés à sa suite dans la cabine de l'ascenseur, l'un deux appuyant sur le bouton du troisième sous-sol menant aux caves avant qu'elle n'ait pu réagir.

Elle déclarait qu'arrivés à ce niveau, ils l'avaient entraînée de force au fond du couloir qui était parfaitement éclairé et tandis que le dénommé A. faisait le guet, A.D. la maintenait contre le mur pendant que H.B. la dévêtait complètement. Ces deux derniers lui avaient ensuite caressé la poitrine puis l'avait allongée sur le dos et pendant que D. la maintenait, B. la pénétrait avec son sexe.

Elle indiquait que D. et B. avaient ensuite appelé le dénommé A. qui la violait à son tour tandis que les deux autres la maintenait allongée.

Elle précisait que D. avait ensuite introduit un ou plusieurs doigts dans son vagin pendant qu'elle restait maintenue par ses deux autres agresseurs. Enfin, H.B. lui avait ordonné de se mettre à genoux et devant sa résistance, les trois l'y avaient contrainte et B. lui introduisait son sexe dans la bouche.

A.B. indiquait qu'après le départ de ses agresseurs, elle s'était rhabillée puis était rentrée chez elle ne parlant des faits ni à sa sœur présente, ni à sa mère au retour de celle-ci quelques heures plus tard.

Elle précisait qu'elle s'était confiée quelques jours après les faits à plusieurs amis ainsi qu'à son médecin traitant qui avait alors informé sa mère.

Elle expliquait son dépôt de plainte tardif par la crainte de représailles de la part de ses agresseurs et du regard qui serait porté sur elle. Elle ajoutait qu'elle avait été longtemps persuadée qu'elle pourrait vivre avec son secret.

D.R. divorcée B. mère de la victime, indiquait aux services de police que le docteur S., à qui sa fille s'était confiée après les faits, avait fait subir à cette dernière un test de dépistage du virus HIV ainsi qu'un test de grossesse, tests qui s'étaient révélés négatifs.

Elle indiquait qu'elle avait fait le choix de ne pas révéler les faits afin d'éviter à sa fille le poids d'une procédure.

Elle précisait que le soir des faits, elle était rentrée tardivement à son domicile et que sa fille aînée lui avait fait part de l'inquiétude qu'elle avait eue en raison d'une absence prolongée d'A.

C.B. amie de classe d'A.B., déclarait que celle-ci l'avait informée peu après les faits des agressions sexuelles dont elle avait été victime, nommant A.D. comme l'un de ses agresseurs. Elle lui avait confié avoir subi, en raison de ces agressions, un test de dépistage du sida. C.B. précisait qu'A.B. lui avait parue apeurée à l'évocation des faits de même qu'à l'idée de se trouver seule dans la rue en présence de ses agresseurs et qu'elle n'avait pas douté de la sincérité de son amie car celle-ci n'était pas une affabulatrice.

P.L., qui avait fait la connaissance d'A.B. au mois de juillet 1989 dans une colonie de vacances où il exerçait la fonction d'infirmier, a déclaré avoir été contacté au début de l'année 1990 par un ancien moniteur de cette colonie de vacances prénommé J. qui devait par la suite être identifié comme étant J.C., lequel lui avait appris qu'A.B. avait eu un problème dont elle souhaitait parler. P.L. indiquait qu'au cours de la rencontre qui s'en était suivie, A.B. lui avait confié, sans entrer dans les détails, qu'elle avait été agressée sexuellement par des personnes qu'elle connaissait de vue. Il décrivait A. B. comme étant timide et renfermée et déclarait qu'il n'avait pas douté de la véracité de ses propos.

D.L.J. qui a fait la connaissance d'A.B. après les faits, à déclaré avoir constaté dès le début de leur relation une grande anxiété chez elle dont elle a fini par lui avouer la cause, sur l'insistance de celui-ci, et qui tenait aux agressions dont elle avait été la victime.

Afin d'identifier le dénommé A., six clichés photographiques représentant des individus de même type physique, connus de la police, ont été présentés à A.B. qui a reconnu A.B. comme étant le troisième individu présent le jour des faits avec A.D. et H.B.

A.B. et A.D. ont été interpellés le 23 octobre 1995.

A.B. né le 21 juillet 1972, a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il a reconnu néanmoins être un ami de longue date d'A.D. chez qui il se rendait fréquemment le week-end, que son surnom était celui d'A. et qu'il connaissait H.P. pour l'avoir rencontré chez D.

A.D. né le 18 juillet 1975, a également nié les faits. Il a toutefois reconnu qu'il fréquentait de longue date B. et B. que l'un comme l'autre lui rendait parfois visite à son domicile.

Lors de la confrontation qui a eu lieu dans les locaux de la police, A.B. a réitéré ses déclarations circonstanciées. Elle a maintenu ses accusations contre A.D. et le dénommé A. En ce qui concerne ce dernier, elle marquait une hésitation à la vue d'A. tout en confirmant qu'elle l'avait bien identifié parmi les photographies présentées, comme étant l'un de ses agresseurs.

D. et B. ont, quant à eux, maintenu leurs dénégations.

Sur réquisitoire du Procureur Général, une information judiciaire a été ouverte à l'encontre d'A., A.B. et H.B., des chefs de viol commis sur mineur de quinze ans en ce qui concerne B. et B. de complicité de viol en ce qui concerne D. d'attentat à la pudeur sur mineur commis en réunion avec violence sur mineur de quinze ans, en ce qui concerne les trois susnommés.

A.D. et A.B. ont été inculpés de ces crimes le 24 octobre 1995 par le juge tutélaire, chargé de l'instruction.

L'un et l'autre ont nié les faits et ont confirmé leurs déclarations faites au cours de l'enquête préliminaire.

A.B. s'est constituée partie civile devant le juge tutélaire le 24 avril 1996. Elle a réitéré l'ensemble de ses précédentes déclarations et a affirmé reconnaître désormais avec certitude A.B. comme étant le nommé A.

C.B. et P.L. ont maintenu devant le juge tutélaire leurs précédentes déclarations.

J.C. ancien moniteur de colonie de vacances qui avait fait la connaissance d'A.B. dans le cadre de cet emploi au mois de juillet 1989 et qui entretenait depuis une relation suivie avec elle, a indiqué au juge tutélaire que celle-ci lui avait appris les faits au mois de février 1990. Il précisait qu'A.B. lui ayant dit ne pas vouloir alerter sa mère, il lui avait conseillé de prendre contact avec un ami commun P.L., infirmier au Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco.

Il déclarait n'avoir à aucun moment mis en doute les propos d'A.B. qu'il qualifiait de jeune fille simple et naturelle, précisait qu'elle s'était montrée bouleversée durant leur conversation téléphonique et que ce trouble resurgissait à chaque évocation des faits.

A.B. faisait parvenir au juge tutélaire, en cours d'information, deux cartes accompagnées de deux enveloppes datées de Dax les 5 et 12 mars 1990 dans lesquelles J.C. s'exprimait sur les faits qu'elle lui avait révélés.

Entendue à nouveau, A.B. précisait notamment au juge tutélaire que lorsqu'elle s'était trouvée une première fois devant l'ascenseur de son immeuble, B.D. et B. l'avaient encerclée et lui avaient alors caressé la poitrine avant qu'elle ne puisse se dégager et s'enfuir vers les toilettes publiques.

D.L.J., aujourd'hui époux d'A.B. confirme ses précédentes déclarations. Il précisait que dans les premières semaines de leur rencontre, il avait été étonné du comportement tendu qu'A.B. manifestait à la vue d'A.D. Il indiquait qu'après qu'elle lui ait révélé les agressions dont elle avait été victime, il lui avait, un jour, désigné dans la rue un dénommé A. qu'il connaissait comme étant une relation de D. et de B. et qu'A.B. lui avait alors confirmé qu'A.B. était bien le troisième agresseur.

Le docteur S., médecin de famille, a déclaré, après avoir été relevé de son secret professionnel par A.B. que celle-ci était venue le consulter le 1er mars 1990 lui révélant qu'elle avait été violée. Il indiquait avoir immédiatement alerté la mère d'A. et mis en place une surveillance médicale. Il précisait que devant le détail des révélations faites et connaissant A.B. il n'avait pas mis en doute la véracité de ses déclarations.

D.R. mère d'A., a confirmé devant le juge tulélaire ses précédentes déclarations. Elle a remis à ce dernier, pour attester de la date du 11 février 1990, date des faits, deux tickets d'un spectacle auquel elle avait assisté ce jour-là à 17 heures à Nice et réitérait que de retour à son domicile en début de soirée, sa fille aînée lui avait fait part de son inquiétude lors d'une absence prolongée d'A., descendue dans la rue à la suite d'un appel interphonique.

H.B. refoulé de la Principauté pour autre cause depuis le 15 juillet 1991, a été interpellé et inculpé le 23 juin 1998 de viol et d'attentat à la pudeur, en réunion, avec violence commis sur un mineur de quinze ans. Il a nié les faits. Il a reconnu cependant connaître ses deux coinculpés, même s'il a indiqué moins bien connaître B. que D.

Une confrontation a eu lieu le 25 juin 1998 au cours de laquelle les trois inculpés ont maintenu leurs dénégations.

A.B. a de son côté confirmé l'ensemble de ses précédentes déclarations.

Le 27 octobre 1999, les dames R. et H., mère et grand-mère maternelle d'H.B. ainsi que la dame A., amie de la famille, se sont présentées au cabinet du juge tutélaire pour l'informer du décès d'H.B. survenu le 5 novembre 1998 à Casablanca (Maroc) où il résidait depuis son refoulement. Elles attribuaient ce décès à un suicide à la suite de menaces verbales d'A.D. et d'A.B. dirigées contre sa famille et proférées lors de la venue d'H.B. dans la Principauté au mois de juin 1998 pour y être entendu dans la présente affaire.

Selon la grand-mère d'H.B. celui-ci lui aurait avoué sa participation au viol d'A.B. commis en compagnie d'A.D. et d'A.B.

Un acte de décès concernant H.B. a été versé à la procédure d'information.

D. et B. ont contesté le contenu de ces déclarations et ont nié avoir menacé B.

La demi-sœur de ce dernier, B.C. s'est présentée devant le juge tutélaire à la demande d'A.D. et de l'avocat de celui-ci afin de déclarer que B. n'avait pas été menacé.

Une expertise psychologique d'A.D. et d'A.B. a été ordonnée par le juge tutélaire.

L'expert n'a relevé aucun trouble particulier d'ordre pathologique, ni aucun élément de nature à envisager une responsabilité atténuée des prévenus qui ne présentent pas d'état de dangerosité pour eux-mêmes ou autrui.

Par ordonnance du 2 février 2001, le juge tutélaire a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre d'H.B. et a renvoyé devant le Tribunal correctionnel A.D. et A.B. pour y être jugés conformément à la loi.

Considérant qu'à l'audience de la cour d'appel fixée pour l'examen de l'affaire, Maître Frank Michel, conseil d'D. a déposé des conclusions tendant à ce que soit prononcée la nullité de la pièce du dossier de l'information coté D65 et constituée par le procès-verbal daté du 27 octobre 1999 par lequel le juge tutélaire a relaté l'audition par ses soins des dames Z. épouse R., mère d'H.B., H., sa grand-mère maternelle, et A., amie de la famille. Il fait valoir au soutien de cette exception de nullité que l'audition conjointe de ces trois personnes par le juge tutélaire, d'une part, ne permet pas d'individualiser celle qui a effectué la déclaration retranscrite dans le procès-verbal, d'autre part, à supposer que cette déclaration ait été faite par la dame H., grand-mère d'un inculpé, aurait été recueillie en violation des dispositions des articles 133 et 139 du Code de procédure pénale.

Il demande que cette nullité soit étendue au réquisitoire du procureur général aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel en ce qu'il vise cette audition ainsi qu'à l'ordonnance de renvoi rendue par le juge tutélaire qui en adopte les motifs, estimant que rien ne permet d'imaginer que ce réquisitoire et cette ordonnance auraient tendu à un renvoi en l'absence de ce procès-verbal dont il soutient en outre, qu'il a servi de fondement exclusif à la décision des premiers juges.

Il sollicite qu'en l'état de ces annulations, A.D. soit renvoyé des fins de la poursuite.

La cour ayant joint l'incident au fond, les débats se sont poursuivis.

A.B. a nié toute participation aux faits et a maintenu l'ensemble de ses précédentes déclarations.

Il a indiqué n'avoir pas fréquenté H.B. qui n'était pas de ses amis. Il a déclaré avoir été en revanche un ami d'A.D. et avoir été invité chez ce dernier à plusieurs occasions.

A.D. a également contesté les accusations portées contre lui. Il a déclaré avoir été un très bon ami d'H.B. qu'il fréquentait régulièrement et a dit pas se souvenir si B. et B. avaient pu se rencontrer chez lui.

A.B. épouse L.J. a déclaré maintenir l'ensemble de ses déclarations antérieures.

Elle a sollicité par l'intermédiaire de son avocat-défenseur la confirmation du jugement déféré.

Le Ministère public a requis la confirmation dudit jugement en ce qui concerne la culpabilité des inculpés et une peine de cinq ans d'emprisonnement à l'encontre de chacun d'eux, par réformation dudit jugement.

Maître Frank Michel, conseil d'A.D. a sollicité, à titre subsidiaire, pour le cas où l'exception de nullité ne serait pas retenue, la relaxe de celui-ci en l'absence d'éléments matériels objectifs propres à asseoir une conviction et, à titre très subsidiaire, une peine d'emprisonnement avec sursis.

Maître Cardix, conseil d'A.B. a plaidé la relaxe en relevant pour l'essentiel l'ancienneté des faits, la tardiveté de la plainte, l'absence d'expertise psychologique de la partie civile, sa fragilité nerveuse, l'hésitation à reconnaître B., l'absence d'éléments matériels.

Sur ce :

Considérant sur l'exception de nullité, que suivant procès-verbal d'audition du 27 octobre 1999 (D65), le juge tutélaire, devant qui se sont présentées spontanément les dames Z. épouse R., H., A., a recueilli les déclarations faites, ensemble, par ces trois personnes ;

Que ces déclarations se rapportaient, pour l'essentiel, au décès d'H.B. survenu par suicide à Casablanca le 5 novembre 1998, aux menaces visant sa famille dont il avait été l'objet de la part d'A.D. et d'A.B. lors de son séjour à Beausoleil au mois de juin 1998 pour l'inciter à continuer à mentir, aux pressions qu'il avait subies de la part d'A.D. et du père de ce dernier, notamment lors d'un séjour de ceux-ci à Casablanca, enfin, à l'aveu fait par H.B. à sa grand-mère de sa présence lors des faits avec D. et B.

Considérant qu'il résulte de cette audition commune l'impossibilité d'identifier l'auteur de ces déclarations et partant, de vérifier le respect des règles de forme substantielles relativement à l'audition des personnes entendues ;

Que s'il résulte des débats que c'est essentiellement la dame H. qui s'est exprimée devant le juge tutélaire, en langue arabe, avec l'assistance des dames Z. et A., pour traduire ses propos en français, la traduction ainsi opérée de la part de deux personnes qui n'ont pas prêté serment et dont l'une, au surplus, est la mère d'un inculpé, viole les dispositions substantielles de l'article 139 du Code pénal ;

Qu'il s'ensuit que le procès-verbal, entaché de nullité doit être annulé et écarté expressément des débats ;

Que si le réquisitoire aux fins de renvoi devant le Tribunal correctionnel mentionne ce procès-verbal parmi les faits résultant de l'information, il apparaît que cet acte n'a pas été l'élément déterminant du renvoi, alors qu'au contraire, les motifs, au nombre de sept, fondant la conviction du procureur général ne reprennent pas le contenu dudit procès-verbal ; qu'il en va de même de l'ordonnance de renvoi qui en a adopté les motifs ;

Qu'il n'y a donc pas lieu d'étendre la nullité ci-dessus constatée aux actes ultérieurs de la procédure ;

Considérant au fond, sur l'action publique, qu'il résulte de l'enquête, de l'information et des débats à l'audience les éléments d'appréciation suivants qui permettent à la cour d'asseoir sa conviction ;

Considérant que C.B., J.C., P., le docteur G.S., ont tous confirmé qu'A.B., s'était confiée à eux dans un temps très voisin des faits ; que C.B., a précisé, en outre, avoir personnellement constaté la crainte de la plaignante de se trouver seule en présence d'A.D. ; que J.C., a adressé à A., B., deux courriers les 5 mars et 12 mars 1990 - ces dates figurant sur les enveloppes conservées ayant contenu ces courriers - lui exprimant son soutien moral et sa colère envers ses agresseurs écrivant notamment : « j'ai été très touché que ce soit à moi que tu parles le premier » et « Pour revenir sur l'histoire des trois c..., je veux te dire que si tu ne veux pas que je les bu..., je ne le ferais pas ; ... je ne supporte pas qu'on te touche pour te faire du mal. » ; que P.L., qui a reçu A.B., à la demande de J.C., afin de l'aider et de la réconforter, a indiqué qu'elle lui avait paru réellement affectée par la situation qu'elle lui avait révélée ; que le docteur G.S., qu'elle connaissait et chez qui elle s'est rendue en consultation le 1er mars 1990, lui a prescrit des tests de recherche du sida et de grossesse et a immédiatement alerté B., mère de la mineure ;

Considérant que toutes ces personnes qui connaissaient A.B., à des titres divers ont affirmé qu'elles n'avaient à aucun moment mis en doute la véracité de ses déclarations, A.B., étant, selon elles, discrète, réservée, équilibrée et ne présentant aucune tendance à l'affabulation ;

Considérant qu'A.B., s'est encore confiée à son futur mari, D.L. J., sur l'insistance de ce dernier qui avait constaté dès le début de leur rencontre au cours de l'année 1992 une gêne manifeste dans son comportement amoureux et sexuel ;

Considérant qu'A.B., a donné une version constante des faits dont rien ne permet de supposer qu'elle les ait inventés alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle serait soumise à de pénibles interrogatoires et confrontations mettant directement en cause son intimité personnelle ;

Considérant, quant à l'identité des auteurs de ces violences, qu'A.B., a, dès l'origine, formellement désigné A.D. et H.B. qu'elle connaissait le premier pour être son voisin, le deuxième pour l'avoir côtoyé en colonie de vacances ;

Que si lors d'une confrontation à la police, A.B. a marqué une hésitation à reconnaître en A.B. qui répond au diminutif d'A., son troisième agresseur, après l'avoir identifié sur présentation d'une planche photographique, A.B. dont le trouble s'explique aisément par l'émotion qu'a pu lui procurer la vue de son agresseur a, en définitive, affirmé devant le juge tutélaire et maintenu depuis lors qu'elle reconnaissait de façon certaine en B. le dénommé A. qui l'avait violée ;

Que bien que B. ami d'enfance de D. ait contesté avoir fréquenté à l'époque des faits B. autre ami de D. il résulte tant des déclarations de D. et de B. devant les services de police que de celles de B., devant le juge tutélaire, que les trois garçons se connaissaient et se fréquentaient à l'époque des faits ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments établissent la preuve que le 11 février 1990 :

  • A.B.

  • a commis un viol sur A.B. mineure de 15 ans, en lui imposant une relation sexuelle, contre sa volonté ;

qu'il s'est ainsi rendu coupable du crime de viol sur mineur de 15 ans qui lui est reproché ;

  • a commis un acte impudique sur la personne d'A.B. mineure de 15 ans, en lui caressant les seins contre la volonté de celle-ci, le défaut de consentement résultant de la violence morale tenant à la présence d'A.D. et d'H.B. qui l'encerclaient ;

qu'il s'est ainsi rendu coupable du crime d'attentat à la pudeur sur mineur de 15 ans commis avec violence et avec l'aide d'A.D. et d'H.B.

  • A.D.

  • a maintenu par la force A.B. mineure de 15 ans, pendant qu'H.B. et A.B. commettaient à tour de rôle un viol sur sa personne ;

qu'il s'est ainsi rendu coupable du crime de complicité de viol sur mineur de 15 ans en aidant avec connaissance les auteurs de l'action dans les faits qui l'ont facilitée et consommée ;

  • a commis des actes impudiques sur la personne d'A.B. mineure de 15 ans contre sa volonté, d'une part en lui caressant les seins, le défaut de consentement résultant de la violence morale tenant à la présence d'A.B. et d'H.B. qui l'encerclaient, d'autre part en introduisant au moins un doigt dans son vagin, le défaut de consentement résultant de la contrainte physique à laquelle elle a été soumise en étant maintenue par la force par A.B. et H.B. ;

Qu'il s'est ainsi rendu coupable du crime d'attentat à la pudeur sur mineur de 15 ans, commis avec violence et avec l'aide d'A.B. et H.B.

Considérant que la décision des premiers juges ayant déclaré A.B. et A.D. coupables des crimes qui leur sont reprochés doit dès lors être confirmée ainsi que la peine de quatre ans d'emprisonnement prononcée à leur encontre ;

Considérant qu'en raison de la gravité des faits qui constituent des crimes et du quantum de la peine prononcée, il y a lieu de décerner mandat d'arrêt à l'encontre d'A.B. et d'A.D.

Considérant sur l'action civile d'A.B. épouse L.J. régulièrement constituée partie-civile, qu'il est indéniable que les graves violences sexuelles qu'elle a ainsi subies au cours de son adolescence ont engendré de réelles souffrances psychiques et morales justifiant les dommages-intérêts que le tribunal correctionnel a valablement évalués à 120 000 francs ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision du Tribunal correctionnel de ce chef ; que le jugement doit encore être confirmé, d'une part, en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de B.D. qui se connaît civilement responsable de son fils A.D. mineur au moment des faits, et en ce qu'il a exclu S.J. mère du mineur, à l'égard de laquelle la mise en cause est infondée au regard de l'article 1231 du Code civil, d'autre part, en ce qu'il a déclaré les époux A.B. civilement responsables de leur fils A.B. également mineur à l'époque des faits, la condamnation de ces derniers devant être prononcée par défaut à leur encontre ;

Qu'enfin, c'est à bon droit que le Tribunal correctionnel a condamné solidairement A.B., A.D., les époux A.B., et P., au paiement de la somme susvisée de 120 000 francs à titre de dommages-intérêts, par application des articles 36, 49 du Code pénal et 1234 du Code civil ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, par arrêt rendu publiquement et contradictoirement en matière criminelle à l'encontre d'A.B. d'A.D. de B.D. de S.J. épouse D. divorcée D., par défaut à l'encontre des époux A., B.

Vu l'article 212 du Code de procédure pénale,

Annule le seul procès-verbal du juge tutélaire en date du 27 octobre 1999, coté D 65, et l'écarte expressément des débats,

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 10 juillet 2001, tant en ses dispositions pénales que civiles,

Vu l'article 418 du Code de procédure pénale,

Décerne mandat d'arrêt à l'encontre d'A.B. et d'A.D.

Condamne A.B. et A.D. solidairement avec leurs civilement responsables les époux A.B. et B.D. aux frais,

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition🔗

Mme François, vice prés. ; Mlle Le Lay, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel, av. déf. ; Cardix, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt statue en matière criminelle sur appel du tribunal correctionnel qui en vertu de l'article 47 du Code pénal a compétence pour juger les crimes commis par des mineurs de 18 ans, à condition que ceux-ci n'aient point à agir avec la participation de majeurs de 18 ans.

(Cf. jugement du tribunal correctionnel du 10 juillet 2001 concernant la même affaire, également publié.)

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