Cour d'appel, 13 février 2001, B. c/ Bis SA

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Abstract🔗

Baux commerciaux

Renouvellement du bail - droit de repentir (non) = locataire n'occupant plus les lieux - droit de reprise (non) = pas formulé - indemnité d'éviction due au locataire (oui) - expertise aux fins d'appréciation du préjudice.

Résumé🔗

Il résulte de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 que, lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, le locataire sortant a droit à une indemnité d'éviction si les motifs allégués par le bailleur pour s'opposer à ce renouvellement ne sont pas jugés graves et légitimes.

Étant acquis définitivement aux débats en l'état d'un arrêt de la Cour d'appel du 3 octobre 1995 passé en force irrévocable de chose jugée que la loi précitée s'applique au bail litigieux, il s'en suit que l'octroi de l'indemnité d'éviction réclamée par la société défenderesse n'est soumis, en son principe qu'à la condition que le refus de renouvellement du bail motivant sa demande ne puisse être justifié, de la part des bailleurs, par des motifs graves ou légitimes ; que si lors du congé délivré le 31 juillet 1987 les époux B. ont pu se croire fondés à soutenir exclusivement et comme ils l'ont fait, que leur location ne pouvait prétendre au bénéfice du statut protecteur prévu par la loi n° 490, il demeure désormais, que par l'effet déclaratif devant être reconnu à l'arrêt précité du 3 octobre 1995, le congé motivé n'est pas légitime en tant que les bailleurs ont eu pour dessein de priver la société Bis du paiement d'une indemnité d'éviction qu'ils n'ont pas offerte, en refusant alors le renouvellement du bail.

La demande de la société Bis doit être déclarée, d'une part recevable comme introduite avant l'expiration du délai de deux ans prévue par l'article 31 de la loi n° 490, d'autre part, justifiée en son principe comme devant correspondre envers la société Bis à la réparation du préjudice causé à celle-ci par le défaut de renouvellement du bail et dont l'existence ne peut être niée.

Il convient dès lors, de confirmer la décision des premiers juges sur ces chefs et en rejetant les demandes subsidiaires formulées par les époux B. et tendant à l'exercice d'un droit de repentir ou d'un droit de reprise.

En effet, d'une part, le droit pour le bailleur de se soustraire au paiement d'une indemnité d'éviction, en application de l'article 11 de la loi n° 490 suppose, pour être exercé, que le preneur soit encore dans les lieux ce qui n'est pas le cas actuellement, d'autre part, les époux B. n'ont nullement sollicité la reprise des lieux loués dans leur congé du 31 juillet 1987, conformément aux dispositions de l'article 12 de la loi n° 490, tel qu'il a été modifié par la loi n° 469 du 21 mars 1975, non plus qu'ultérieurement mais avant l'expiration du bail.

Par ailleurs, la mission confiée à l'expert Melan en première instance devra être entièrement maintenue, sans devoir être modifiée comme le sollicitent les époux B., l'objet de l'expertise devant se limiter, en effet, à l'appréciation du préjudice du locataire sans pouvoir inclure celui éventuel des bailleurs qui échappe au seul objet de la demande dont est admise à connaître en l'occurrence la commission arbitrale des loyers commerciaux au titre de l'article 9 de la loi n° 490.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Suivant bail à loyer, enregistré, du 1er août 1967, la société anonyme Safas, alors représentée par son administrateur délégué B., a donné en location à la société anonyme Bis, ayant son siège à Paris, pour une durée de trois, six, neuf années à dater du 1er août 1967, un local de trois pièces principales à Monaco.

La propriété de ce local a été ultérieurement cédée par la société Safas aux époux G. B. et I. B. née L. B., selon acte dressé le 19 janvier 1982 par M. Louis-Constant Crovetto, notaire.

Aux termes d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, adressée le 27 juillet 1984 au service immobilier de la société Bis à Paris, B. indiquait se prévaloir de l'article 12 de la loi n° 490 sur les loyers commerciaux afin de reprendre l'usage du local, objet de la location précitée, et donnait en conséquence congé à cette société pour la date du 1er août 1985.

Saisi d'une demande de validation de ce congé et d'expulsion de sa locataire, selon assignation du 24 octobre 1985 délivrée par la société Safas à la société anonyme Bis, ayant son siège à Paris, et sur laquelle les époux B. intervenaient en cours d'instance, le tribunal, par jugement du 15 juin 1989, a déclaré les époux B. recevables en leur intervention volontaire aux débats, mis hors de cause la société SAFAS, déclaré inapplicable, en l'espèce, la loi n° 490 et ordonné l'expulsion de la société Bis, avec exécution provisoire de cette mesure.

Ledit jugement a été, cependant, infirmé par arrêt de la Cour d'appel du 7 mai 1991, dès lors que la société Safas, n'étant plus propriétaire, n'avait pas qualité pour délivrer son assignation du 24 octobre 1985, et que les époux B. n'avaient pu couvrir cette irrégularité de l'acte introductif d'instance par leur intervention volontaire.

Entre temps, cependant, les époux B. avaient fait signifier le 31 juillet 1987 à la société Bis, ayant son siège à Paris, un nouveau congé pour la date du 31 juillet 1988, au motif que le bail consenti à cette société, et tacitement reconduit entre les parties à compter du 1er août 1976, se trouvait exclusivement régi par les dispositions du droit civil.

Poursuivant une nouvelle fois l'expulsion de la société Bis, les époux B. ont, dès lors, demandé au tribunal, par assignation du 5 mai 1992, la validation de leur nouveau congé du 31 juillet 1987, motif pris de l'inapplication au bail de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux.

Sur cette assignation le tribunal a rendu, le 17 mars 1994, un jugement faisant droit à cette demande et ordonnant, avec exécution provisoire, l'expulsion, sous astreinte, de la société Bis.

Mais, par arrêt du 3 octobre 1995 devenu irrévocable et rendu sur appel de cette société (erronément indiquée comme étant monégasque, alors qu'elle s'est prévalue d'un siège social situé à Paris), la cour d'appel a infirmé le jugement précité du 17 mars 1994 en disant la location litigieuse bien soumise à la loi précitée.

Ce même arrêt a également déclaré prescrite l'action en validation du congé du 31 juillet 1987, comme introduite après l'expiration du délai de deux ans prévu l'article 31 de ladite loi.

Avant même que la demande de validation de ce congé n'eut été formulée par les époux B., leur locataire - s'étant alors désignée comme « société étrangère Bis/SA et/ou Groupe de sociétés Bis, société de prestation de main d'œuvre et de services dont le siège social est à Paris et dont l'adresse d'exploitation principale est à Monaco » - a saisi le tribunal de première instance, par acte du 12 octobre 1987 d'une contestation des termes d'un précédent commandement de payer qu'elle avait reçu le 7 juillet 1987 des époux B., ainsi que d'une demande d'apurement des comptes entre parties, à laquelle les bailleurs devaient toutefois déclarer s'opposer, car cette demande les aurait conduits, soutenaient-ils, à reconnaître implicitement l'application au bail en cause de la loi n° 490, ce qu'ils contestaient.

Sur cette instance, et par un deuxième jugement du 15 juin 1989, la société Bis a été cependant déboutée de sa demande.

Deux jours avant que le tribunal de première instance ne statue de la sorte par ses deux jugements précités du 15 juin 1989, à propos du différend dont il était saisi, tant par les bailleurs que par leur locataire, portant en particulier sur l'applicabilité au bail litigieux de la loi n° 490, ce qui était de nature à influer sur la validité du congé en dernier lieu délivré du 31 juillet 1989, la société Bis (une nouvelle fois désignée comme en son acte du 12 octobre 1987), a saisi, le 13 juin 1989, le président du Tribunal de première instance d'une demande de tentative de conciliation visant les époux B. et la société Safas, et fondée sur l'application de la loi n° 490.

La société Bis demandait, en effet, « sous réserve de la procédure pendante devant la juridiction civile saisie d'une action en nullité de congé délivré (...) le 31 juillet 1987 » que soit fixé, le cas échéant, en application de l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 le montant de son indemnité d'éviction à la somme principale de 3 335 950 francs.

Les pièces produites ne révèlent pas toutefois qu'à cette date du 13 juin 1989 une quelconque juridiction ait été expressément saisie d'une action en nullité du congé du 31 juillet 1987, dont les époux B. n'ont demandé la validation que le 6 mai 1992, et alors que le tribunal s'est prononcé le 15 juin 1989 sur le seul congé du 27 juillet 1984.

Sur la demande de la société Bis, ainsi portée devant le Président du tribunal, un procès-verbal de non-conciliation est ultérieurement intervenu le 18 janvier 1990 entre, d'une part, la société Bis ci-dessus désignée et, d'autre part, les époux B. et la société Safas, aux termes duquel les parties ont été renvoyées devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux, à l'audience du 15 février 1990.

Au vu de ce procès-verbal, et des conclusions ultérieures des parties, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a rendu, le 25 novembre 1992, une décision par laquelle elle s'est, d'une part, déclarée incompétente pour connaître de la contestation inhérente à la nature du bail et, jusqu'à ce que cette question ait été tranchée par les juridictions de droit commun, sursis à statuer, d'autre part, sur la demande d'indemnité d'éviction formulée par la société Bis.

La Commission arbitrale des loyers commerciaux a alors relevé, pour justifier sa décision, qu'à la date du 5 mai 1992 les époux B. avaient assigné la société Bis devant le tribunal afin que soit jugée inapplicable au bail en cause la législation sur les baux commerciaux, et validé leur deuxième congé du 31 juillet 1987 tendant à l'expulsion de la société Bis, au regard du caractère civil du bail, tandis que l'arrêt informatif de la Cour, antérieurement rendu le 7 mai 1991, sur appel du jugement du tribunal du 15 juin 1989 afférent au congé du 27 juillet 1984, ne permettait pas de tenir pour solutionnée la question de fond, séparant les parties, et relative à l'application en la cause de la loi n° 490.

Ainsi que cela a été ci-dessus rapporté, la réponse à cette question a été par la suite ultérieurement fixée par l'arrêt infirmatif de la cour rendu le 3 octobre 1995 sur appel du jugement précité du 17 mars 1994, relatif au deuxième congé du 31 juillet 1987, puisque le dispositif de cet arrêt dit la location litigieuse bien soumise à la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

Cet arrêt, doit-il être rappelé, est intervenu, selon ses mentions liminaires, entre, d'une part la « société anonyme monégasque Bis SA dont le siège social est à Paris et dont l'adresse d'exploitation principale est à Monaco », et, d'autre part, les époux B.

En l'état de cette décision, de nature à mettre un terme au sursis à statuer antérieurement prononcé le 25 novembre 1992, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a fait droit à une demande de rappel de la cause, formulée par la société Bis, le 29 janvier 1996, et procédé, sur ce rappel, à l'instruction définitive de l'affaire.

Au terme de celle-ci il est apparu que la société Bis, une nouvelle fois désignée comme « société étrangère Bis SA et/ou groupe de sociétés Bis prestation de main d'œuvre et de services, dont le siège social est à Paris, et l'adresse de l'exploitation principale à Monaco », ramenait l'indemnité d'éviction réclamée à la somme de 2 900 000 francs, et expliquait qu'elle avait exécuté le jugement du tribunal du 17 mars 1994 ayant ordonné son expulsion avec exécution provisoire.

Pour leur part, les époux B. avaient essentiellement fait valoir que leur premier congé du 27 juillet 1984 avait été donné à fins de reprise, sur le fondement de la loi n° 490, qu'il convenait donc de le valider, et que dès aucune indemnité d'éviction ne serait due à la société Bis au regard de la résiliation du bail qui devait être prononcée.

La société Bis avait cependant répondu qu'en l'état de l'arrêt infirmatif de la cour du 7 mai 1991, privant d'effet le premier congé délivré le 27 juillet 1984, le bail s'était tacitement renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er août 1985, et que l'arrêt de la cour du 3 octobre 1995 devait désormais permettre de statuer sur l'indemnité d'éviction demandée.

Enfin les époux B. avaient répliqué que leur adversaire au procès faisait état de plusieurs identités juridiques, d'où l'on devrait déduire l'irrecevabilité de la demande d'éviction, qui devait être pour ce rejetée.

Ils avaient également opposé à la société Bis leur faculté de repentir sous réserve d'une fixation équitable du loyer.

Au regard de ces diverses prétentions la Commission arbitrale des loyers commerciaux a rendu, le 8 juillet 1998, une décision par laquelle elle a débouté les époux B. de l'ensemble de leurs fins de non-recevoir et dit que, le refus de renouvellement n'étant pas justifié par un motif grave ou légitime, la société anonyme Bis avait droit à une indemnité égale au préjudice qui en était résulté pour elle.

Statuant avant dire droit sur le montant de cette indemnité, tous droits et moyens des parties demeurant expressément réservés de ce chef, et sans qu'il y ait lieu en l'état au versement d'une provision, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a, dès lors, commis en qualité d'expert, Monsieur Roland Melan, expert-comptable, avec mission :

  • 1°/ de décrire succinctement les locaux en cause en précisant leur situation, leur superficie, leur état et les aménagements qu'ils comportent, ainsi que les commodités ou inconvénients qu'ils présentent, au regard de l'activité commerciale exercée ;

  • 2°/ de déterminer le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par la société Bis pour les trois dernières années ayant précédé le congé, à partir du compte d'exploitation, du bilan ou de tous autres documents utiles ;

  • 3°/ de rechercher tous éléments de comparaison dans l'éventualité d'une réinstallation du fonds et d'en apprécier la possibilité ;

  • 4°/ de fournir, plus généralement tous éléments circonstanciés, notamment quant à la valeur du fonds de commerce, en ce compris celle du droit au bail, et à l'ensemble des frais de réinstallation dans les locaux similaires permettant d'apprécier le préjudice causé au locataire par le refus de renouvellement du bail ;

  • 5°/ de s'informer à cette fin auprès du service de l'enregistrement de la nature et du montant des transactions effectuées (cession de droit au bail et fonds de commerce) ;

Pour se prononcer de la sorte la Commission arbitrale des loyers commerciaux a d'abord considéré, sur les fins de non-recevoir soulevées par les époux B., qu'elle n'était saisie que du différend évoqué dans le cadre du préliminaire de conciliation, procédure tenue au contradictoire de la société anonyme étrangère Bis, et non d'une personne morale inexistante.

Qu'en outre, elle n'avait pas compétence pour apprécier la régularité de diverses décisions évoquées comme rendues par des juridictions de droit commun mais affectées de prétendues erreurs de dénomination de la société Bis.

La Commission arbitrale des loyers commerciaux a, par ailleurs, relevé que l'instance dont elle était saisie procédait, en suite d'un procès-verbal de non-conciliation du 18 janvier 1990, d'une demande tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction destinée à réparer le préjudice causé par le non-renouvellement du bail consenti par les époux B. en l'état d'un congé en date du 31 juillet 1987, en sorte que cette juridiction n'était nullement saisie d'une procédure d'expulsion ou d'éviction faisant suite à un congé datant de l'année 1984, ainsi que l'avaient pourtant soutenu les époux B.

La Commission arbitrale des loyers commerciaux en a donc déduit qu'en vertu des dispositions de l'article 6 de la loi n° 490, le litige se limitait aux conséquence dudit congé du 31 juillet 1987.

Sur cette base, et en l'état de l'arrêt rendu par la Cour d'appel, le 3 octobre 1995 relativement au congé du 31 juillet 1987, la Commission arbitrale des loyers commerciaux a estimé que la location liant les parties était bien soumise à la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et qu'en outre, si la cour avait pu considérer qu'en application de l'article 31 de ladite loi, l'action aux fins de validation du congé du 31 juillet 1987, exercée le 5 mai 1992, soit plus de deux ans après ce congé était prescrite, il n'en demeurait pas moins que l'instance engagée devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux suivant billet d'avis du 13 juin 1989, enregistré au greffe général le 15 juin 1989, tendant à voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction en suite de la délivrance du congé, était recevable comme ayant été introduite dans le délai requis légalement.

La Commission arbitrale des loyers commerciaux a, par ailleurs, considéré que le motif invoqué par les bailleurs pour s'opposer au renouvellement du bail n'était pas valable, dès lors qu'il avait été définitivement jugé que la société Bis relevait quant à son statut du régime de la loi n° 490, en tant que société commerciale exploitant un fonds de commerce dans les locaux donnés à bail.

La Commission arbitrale des loyers commerciaux a donc jugé, par application des dispositions de l'article 9 de la loi dont s'agit, que la société Bis s'était vu opposer un refus de renouvellement sans motif grave et légitime et était, partant, en droit d'obtenir une indemnité destinée à réparer le préjudice causé par ce refus, sans que l'exercice du droit de repentir prévu par l'article 11 de la loi n° 490, au demeurant prématuré, ne soit, par ailleurs recevable, le preneur ayant en effet quitté les lieux et loué un autre local.

Par acte d'appel et d'assignation du 22 octobre 1998, signifié à la société Bis, prise sous la dénomination précitée se trouvant reproduite dans la décision ainsi rendue le 8 juillet 1998 par la Commission arbitrale des loyers commerciaux, les époux B. demandent à la cour de mettre à néant ladite décision et, faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, en constatant que la société Bis avait fait état de plusieurs identités juridiques, sans aucun lien entre elles mais faisant obstacle à son identification réelle, de dire et juger entachées, de ces chefs, d'une nullité absolue les réclamations formulées à leur encontre.

Subsidiairement, au cas où par impossible la cour d'appel n'estimerait pas devoir « de piano » décréter la nullité susvisée, les époux B. demandent à la cour, de constater que la société Bis avait repris possession des lieux depuis plusieurs mois et de leur donner acte de ce qu'ils entendent exercer leur faculté de repentir consacrée par la loi sous réserve d'une fixation équitable de loyer.

Très subsidiairement les époux B. demandent à être déclarés fondés en leur exercice d'un droit de reprise sur les lieux loués, sans qu'aucune indemnisation ne soit dès lors due à la société Bis.

Plus subsidiairement les époux B. sollicitent le débouté de la société Bis de ses demandes, faute pour elle de produire un commencement de preuve quant à son préjudice éventuel.

Encore plus subsidiairement il est enfin demandé à la Cour par les époux B., au cas où serait ordonnée l'expertise sollicitée qu'il soit également donné mission à l'expert, en faisant le compte des parties, de chiffrer le coût de la remise en état des lieux, le montant actualisé des loyers et charges dus par la société Bis, ainsi que le préjudice par eux subi du chef de l'impossibilité de reloger leur fille dans les locaux dont s'agit.

La société intimée, se désignant en ses conclusions « société anonyme étrangère Bis SA » a conclu, en revanche, à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et à la condamnation des appelants à lui verser la somme de 150 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.

Ladite société a liminairement conclu, d'une part, que les époux B. n'avaient pu aucunement se méprendre sur son identité, nonobstant les erreurs de dénomination ayant pu être relevées, notamment quant à sa nationalité, qu'ils auraient d'ailleurs eux-mêmes commises.

Cette partie a, par ailleurs, contesté formellement avoir repris possession des lieux loués après qu'elle les eut quittés, non pas volontairement, souligne-t-elle, mais ensuite de la signification du jugement du 17 mars 1994, assorti de l'exécution provisoire, bien que ce jugement eût été ultérieurement infirmé par arrêt de la cour du 3 octobre 1995.

Elle estime donc que tout droit de repentir serait à exclure de la part des époux B.

S'agissant par ailleurs du mauvais état des lieux loués qui aurait été constaté lors de leur restitution, la société Bis mentionne que cette question ne pouvait nullement entrer en ligne de compte dans le calcul de l'indemnité d'éviction afin de diminuer celle-ci, ce pourquoi devrait être également confirmée la décision de la Commission arbitrale des loyers commerciaux.

Les époux B. ont alors répondu à ces conclusions en maintenant que ladite commission avait été irrégulièrement saisie compte tenu des mentions de la demande délivrée par la société Bis pour ce qui est de la dénomination de celle-ci. Eu égard à l'erreur qui affecterait cette dénomination ils en déduisent que la décision de la cour quant à la nature du bail litigieux ne pouvait nullement leur être opposée par la partie adverse, non visée par cette décision, et qui n'avait pas introduit une action au fond ensuite du sursis à statuer prononcé par la Commission arbitrale des loyers commerciaux.

S'agissant, enfin, du congé délivré le 31 juillet 1987, ils soulignent que la société Bis, n'y avait pas formé opposition alors qu'elle le considérait comme ayant un caractère commercial, de sorte qu'elle devrait être tenue pour avoir quitté les lieux en l'état d'un congé portant sur un bail exclu du domaine d'application de la loi n° 490, sans qu'une mesure d'exécution forcée n'ait été accomplie.

La société Bis, pour ce qui est de sa dénomination, a expliqué, en ses dernières conclusions, que l'article 264 du Code de procédure civile devrait conduire à rejeter l'exception de nullité invoquée par les époux B. comme affectant l'acte introductif d'instance devant la Commission arbitrale, dès lors qu'ils avaient conclu au fond postérieurement à cet acte.

Les époux B., sur la question de la nullité de la demande, ont toutefois dénié avoir conclu au fond comme cela leur est imputé et, enfin invoqué le défaut de qualité pour agir de l'agent responsable de la Société Bis, s'agissant de C. R., moyen dont ladite société a toutefois également sollicité le rejet sur le fondement de l'article 264 précité du Code de procédure civile.

Sur quoi :

Quant à la dénomination et à la représentation de la société intimée :

Considérant que la décision entreprise a été rendue sur une demande introduite, ainsi que cela a été rappelé, par « la société anonyme étrangère Bis SA et/ou Groupe des sociétés Bis prestation de main d'œuvre et de services, dont le siège social est à Paris et l'adresse d'exploitation principale à Monaco » ;

Considérant que cette dénomination qui fait exactement apparaître le siège social français de la société locataire des époux B., auquel ceux-ci ont adressé leur premier congé par lettre du 27 juillet 1984, constitue manifestement une désignation précise de leur adversaire au procès porté devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux ;

Considérant, par ailleurs, que les époux B. ne peuvent être admis à contester actuellement en cause d'appel la dénomination de l'intimée figurant dans la décision entreprise, dès lors que préalablement à celle-ci, et dès avant le sursis à statuer ordonné par cette même Commission le 25 novembre 1992, ces appelants avaient conclu, le 5 mai 1992, à un tel sursis, de sorte que leur éventuelle exception de nullité de l'acte introductif d'instance se trouvait dès cet instant couverte par leurs conclusions lesquelles impliquaient implicitement mais nécessairement renonciation de leur part à se prévaloir d'une telle nullité, en présence de laquelle la Commission arbitrale des loyers commerciaux n'aurait pu en effet demeurer saisie de l'instance durant son sursis à statuer ;

Qu'il en va de même, et pour le même motif, des moyens de nullité tirés de ce que la société Bis n'aurait pas été représentée en l'espèce conformément aux règles du droit commercial ;

Qu'en définitive, il y a donc lieu de rejeter les moyens de nullité présentés par les appelants comme affectant la demande originaire et, partant, le jugement qui en a été la suite de la Commission arbitrale des loyers commerciaux ;

Quant au fond :

Considérant qu'il résulte que l'article 9 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 que, lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, le locataire sortant a droit à une indemnité d'éviction si les motifs allégués par le bailleur pour s'opposer à ce renouvellement ne sont pas jugés graves et légitimes ;

Considérant qu'en l'espèce il est définitivement acquis aux débats que la loi précitée s'applique au bail litigieux conclu par les parties, dès lors qu'il en a été ainsi jugé par la cour d'appel selon arrêt, du 3 octobre 1995, désormais passé en force irrévocable de chose jugée comme il vient d'être dit ;

Que la société intimée, bien qu'erronément désignée dans ledit arrêt comme étant de nationalité monégasque, sans qu'aucune incertitude ne puisse en revanche subsister quant à son identité, en l'état des mentions exactes relatives à son siège social, est donc à même d'opposer aux appelants la chose jugée tirée de cet arrêt ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'octroi de l'indemnité d'éviction réclamée par ladite société n'est soumis, en son principe, qu'à la condition que le refus de renouvellement du bail motivant sa demande ne puisse être justifié, de la part des bailleurs, par des motifs graves ou légitimes ;

Considérant qu'il ne saurait être alors fait référence, en l'espèce, qu'au congé du 31 juillet 1987 délivré par ces mêmes bailleurs et qui, seul, a justifié la demande ;

Considérant que, si lors de ce congé, les époux B. ont pu se croire fondés à soutenir exclusivement et comme ils l'ont fait, que leur locataire ne pouvait prétendre au bénéfice du statut protecteur prévu par la loi n° 490 du 24 novembre 1948, il demeure désormais que, par l'effet déclaratif devant être reconnu à l'arrêt précité du 3 octobre 1995, le congé ainsi motivé n'est pas légitime en tant que les bailleurs ont eu pour dessein de priver la société Bis du paiement d'une indemnité d'éviction qu'ils n'ont pas offerte en refusant alors le renouvellement du bail ;

Considérant que la demande de ladite société ayant alors été formulée, comme cela a été rappelé, sous réserve de ce qui devait être jugé quant à l'application du statut litigieux, ladite demande doit être déclarée, d'une part, recevable comme introduite avant l'expiration du délai de deux ans prévue par l'article 31 de la loi n° 490 précitée, d'autre part, justifié en son principe comme devant correspondre envers la société Bis à la réparation du préjudice causé à celle-ci par le défaut de renouvellement du bail et dont l'existence ne peut être niée ;

Considérant qu'il convient, dès lors, de confirmer de ces chefs la décision des premiers juges en ce inclus le rejet des demandes subsidiaires formulées par les époux B. et tendant à l'exercice d'un droit de repentir ou d'un droit de reprise ;

Qu'en effet sur le premier point, le droit pour le bailleur de se soustraire au paiement d'une indemnité d'éviction en application de l'article 11 de la loi n° 490 suppose, pour être exercé, que le preneur soit encore dans les lieux ce qui n'est pas le cas actuellement, en l'état des pièces versées aux débats qui ne l'établissent pas en dépit des prétentions de fait à cet égard exprimées par les époux B. et inhérentes aux circonstances de vérification d'un état des lieux ;

Qu'en outre, et sur le deuxième point, les époux B. n'ont nullement sollicité la reprise des lieux loués dans leur congé du 31 juillet 1987, conformément aux dispositions de l'article 12 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, tel qu'il a été modifié par la loi n° 969 du 21 mars 1975, non plus qu'ultérieurement mais avant l'expiration du bail ;

Considérant, par ailleurs, que la mission confiée à l'expert Melan en première instance devra être entièrement maintenue, sans devoir être modifiée comme le sollicitent les époux B., l'objet de l'expertise devant se limiter, en effet, à l'appréciation du préjudice du locataire sans pouvoir inclure celui éventuel des bailleurs qui échappe au seul objet de la demande dont est admise à connaître en l'occurrence la Commission arbitrale des loyers commerciaux au titre de l'article 9 de la loi n° 490 ;

Considérant, d'autre part, que le recours introduit par les époux B. n'apparaît pas abusif ; que la société intimée doit donc être déboutée de sa demande indemnitaire présentée à raison de l'appel ;

Considérant, enfin, que les époux B. qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens de l'instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions la décision susvisée de la Commission arbitrale des loyers commerciaux ayant ordonné une expertise confiée à l'expert Melan,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la cour d'appel, au palais de justice, à Monaco, le treize février deux mille un par Monsieur Jean-François Landwerlin, premier président, commandeur de l'ordre de Saint-Charles, Madame Monique François, vice-président, officier de l'ordre de Saint-Charles, Monsieur Dominique Adam, conseiller, en présence de Mademoiselle Catherine Le Lay, premier substitut du procureur général, assistés de Madame Béatrice Bardy, greffier en chef.

Composition🔗

M. Landwerlin prem. prés. ; Mlle Le Lay prem. subst. proc. gén. ; Mes Lorenzi et Karczag-Mencarelli, av. déf. ; Forcioli-Conti, av. bar. de Nice ; Cren, av. bar. de Paris.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions la décision de la Commission arbitrale des loyers commerciaux en date du 8 juillet 1998 ayant ordonné une expertise aux fins de recueillir tous éléments permettant d'apprécier le préjudice causé au locataire.

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