Cour d'appel, 18 janvier 2000, C. c/ SA Commercial Union Assurances

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Abstract🔗

Appel civil

Acte d'appel - Exploit d'assignation - Forme - Contenu à peine de nullité non comminatoire, article 427 et 966 du Code de procédure civile - Formulation des griefs et motifs - Invocation d'une compensation éteignant en totalité la dette grief suffisant

Résumé🔗

E. C., en sa qualité de courtier d'assurances avait été chargé de présenter à la SA Commercial Union Assurances des demandes de garantie émanant de ses assurés, de recouvrer les primes et de les lui transmettre ; en contrepartie de ces prestations il devait percevoir des commissions.

Ayant été condamné par jugement du tribunal de première instance à payer à la SA Commercial Union Assurances la somme en principal de 377 221,26 francs, outre les intérêts au taux légal à compter du 25 août 1997, et celle de 20 000 francs à titre de dommages intérêts, C. a interjeté appel par exploit d'assignation du 23 avril 1999.

La SA Commercial Union Assurances a liminairement conclu à l'irrecevabilité de cet appel dès lors qu'il ne remplirait pas les conditions prescrites à peine de nullité par l'article 427 du Code de procédure civile en ses premier et deuxième alinéas, pour absence de formulation de motifs et de moyens.

Aux termes de l'article 427 du Code de procédure civile, l'appel est formé par exploit d'assignation qui doit, notamment, contenir à peine de nullité, l'exposé des griefs faits au jugement critiqué, et les motifs à l'appui.

Par ailleurs, ainsi qu'en dispose l'article 966 subséquent aucune des nullités prononcées par ledit code n'est comminatoire, ce qui signifie qu'elles doivent être constatées par les juridictions dès que celles-ci en sont requises, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux griefs que de telles nullités pourraient ou non faire naître envers la partie qui s'en prévaut.

En l'espèce, il résulte manifestement des termes ci-dessus rapportés de l'exploit d'appel délivré par C., que celui-ci n'a formulé aucune critique à l'encontre du jugement frappé d'appel, sauf à indiquer qu'il avait opéré une compensation sur les primes servies par sa clientèle, ce en raison de litiges apparus entre lui-même et sa compagnie.

En dépit de son caractère sommaire cette allégation constitue en elle-même un grief fait au jugement précité, s'appuyant sur des circonstances de fait et de droit, formellement invoquées, dès lors qu'il est prétendu que la cour d'appel devrait désormais admettre une exception de compensation tenant à l'existence de sommes dues à l'appelant, dont résulterait au profit de celui-ci une extinction totale des créances invoquées par la SA Commercial Union Assurances.

Ainsi, l'exception péremptoire de forme opposée par cette partie à l'appelant, comme inhérente aux termes de l'exploit d'appel, doit être rejetée.

Il convient, dès lors, de renvoyer la SA Commercial Union Assurances à conclure au fond à une audience ultérieure, en réservant le surplus de ses droits, tout comme les dépens.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par acte du 22 avril 1998, la société anonyme dénommée Commercial Union Assurances a saisi le tribunal de première instance d'une demande dirigée contre E. C., commerçant à l'enseigne « Cabinet C., Courtage d'assurances et de réassurances », aux fins d'obtenir paiement d'une somme en principal et intérêts arrêtés au 25 août 1997 de 414 943,38 francs, sous réserve d'intérêts de retard postérieurs au 26 août 1997, outre 30 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et frais dits « irrépétibles », le tout avec exécution provisoire du jugement de condamnation requis.

La Société Commercial Union Assurances sollicitait également la constatation judiciaire de l'état de cessation des paiements d'E. C., faute de règlement des sommes dues.

Elle avait fait valoir, devant le tribunal, qu'elle avait été en relation d'affaires avec E. C., en sa qualité de courtier d'assurances et, qu'à ce titre, celui-ci avait été chargé de lui présenter les demandes de garantie émanant de ses assurés, de recouvrer les primes et de les lui transmettre, en contrepartie de quoi il devait percevoir des commissions.

Elle avait également précisé qu'un examen de la situation comptable d'E. C. avait révélé que ce dernier lui était redevable de la somme de 80 321,58 francs - déduction faite de la somme de 700,42 francs qu'elle-même lui devait dans le cadre du contrat n° 13472 - représentant :

  • des fonds versés par les assurés au Cabinet C. et non reversés, pour la somme de 75 149,06 francs ;

  • une « ristourne » de commissions, pour la somme de 5 409,19 francs ;

  • une retenue abusive sur commissions concernant le contrat n° 12729 pour la somme de 417,50 francs ;

  • une retenue abusive sur commissions concernant le contrat n° 11700, pour la somme de 46,25 francs.

La Société Commercial Union Assurances avait mentionné qu'à cette somme devait s'ajouter un montant de 296 899,68 francs correspondant aux primes payées par la Société Gemco entre les mains d'E. C., qui ne les lui avait jamais reversées.

Elle précisait aussi que le défendeur ne lui avait jamais réglé les sommes réclamées malgré l'envoi d'une mise en demeure en date du 25 août 1997.

Bien qu'ayant constitué avocat-défenseur pour représenter ses intérêts, E. C. n'a fait valoir devant le tribunal de première instance aucun argument ou moyen de défense pour s'opposer à la demande.

Par jugement du 25 février 1999, le tribunal de première instance, statuant contradictoirement, a condamné E. C. à payer à la société anonyme dénommée Commercial Union Assurances la somme en principal de 377 221,26 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 25 août 1997, et celle de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts. Il a, par ailleurs, débouté la Société Commercial Union Assurances du surplus de ses demandes, ordonné l'exécution provisoire de la décision, et condamné E. C. aux dépens.

Par ses conclusions en défense déposées en cause d'appel, la Société Commercial Union Assurances demande liminairement à la cour, de constater la nullité de l'exploit d'appel et assignation dès lors qu'il ne remplirait pas les conditions prescrites à peine de nullité par l'article 427 du Code de procédure civile en ses premier et deuxième alinéas, pour absence de motifs et de moyens formulés à l'appui de l'appel.

Cette partie conclut donc principalement à l'irrecevabilité de l'appel d'E. C., et à la confirmation du jugement dont s'agit, tout en se réservant subsidiairement de conclure ultérieurement au fond.

Formant appel incident, elle sollicite par ailleurs de la cour que soit porté de 20 000 à 50 000 francs le montant des dommages-intérêts au paiement desquels a été condamné l'appelant.

Sur quoi,

Considérant qu'aux termes de l'article 427 du Code de procédure civile, l'appel est formé par un exploit d'assignation qui doit, notamment, contenir à peine de nullité, l'exposé des griefs faits au jugement critiqué, et les motifs à l'appui ;

Considérant, par ailleurs, qu'ainsi qu'en dispose l'article 966 subséquent aucune des nullités prononcées par ledit code n'est comminatoire, ce qui signifie qu'elles doivent être constatées par les juridictions dès que celles-ci en sont requises, sans qu'il y ait lieu de s'attacher aux griefs que de telles nullités pourraient ou non faire naître envers la partie qui s'en prévaut ;

Considérant, qu'en l'espèce, il résulte manifestement des termes ci-dessus rapportés de l'exploit d'appel délivré par E. C., que celui-ci n'a formulé aucune critique à rencontre du jugement frappé d'appel, sauf à indiquer qu'il avait opéré une compensation sur les primes servies par sa clientèle, ce en raison de litiges apparus entre lui-même et sa compagnie ;

Considérant qu'en dépit de son caractère sommaire cette allégation constitue en elle-même un grief fait au jugement précité s'appuyant sur des circonstances de fait et de droit, formellement invoquées, dès lors qu'il est prétendu que la cour d'appel devrait désormais admettre une exception de compensation tenant à l'existence de sommes dues à l'appelant, dont résulterait au profit de celui-ci une extinction totale des créances invoquées par la Société Commercial Union Assurances ;

Considérant qu'ainsi l'exception péremptoire de forme opposée par cette partie à l'appelant, comme inhérente aux termes de l'exploit d'appel, doit être rejetée ;

Qu'il convient, dès lors, de renvoyer la Société Commercial Union Assurances à conclure au fond à une audience ultérieure, en réservant le surplus de ses droits, tout comme les dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant contradictoirement,

  • Rejette la demande de nullité de l'exploit d'appel formée par la Société Commercial Union Assurances ;

  • Renvoie celle-ci à conclure au fond à l'audience du 15 février 2000, et réserve ses droits de ce chef.

Composition🔗

M. Landwerlin prés. ; Mlle Le Lay prem. subs. proc. gén., Mes Brugnetti et Karczag-Mencarelli av. déf. ; Me Gorra av. bar. de Nice ; Me Rey av.

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