Cour d'appel, 15 novembre 1999, J. L'H. c/ C. T.

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Abstract🔗

Abandon de famille

Éléments constitutifs caractérisés : abstention volontaire - Compensation invoquée : inopérante en matière alimentaire - Impossibilité absolue de payer : non établie

Résumé🔗

J. L'H. de L. a été condamné par jugement du 8 janvier 1998, assorti de l'exécution provisoire, à payer à C. T. une pension alimentaire mensuelle de 3 000 francs pour l'entretien et l'éducation de deux des quatre enfants du couple confiés à la garde de leur mère ; Il a été mis fin au paiement de la pension alimentaire par arrêt de la Cour d'appel du 30 juin 1998.

Le prévenu qui s'est abstenu de payer la pension de février à juin 1998, ainsi que les parts contributives des mois de janvier et février, juillet à octobre 1998 invoque d'une part la compensation qu'il a opérée en ne payant pas les parts contributives des mois de janvier et février 1998 avec les allocations familiales, d'un montant de 6 929 francs qui ont été prélevées sur son salaire pour la période du 22 octobre au 3 novembre 1997 en raison de la fausse déclaration que son épouse aurait faite aux services sociaux sur sa situation familiale durant cette période, et, d'autre part, l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d'acquitter les sommes mises à sa charge par le jugement précité.

Il se fonde essentiellement sur le rapport de l'enquête sociale ordonnée par ledit jugement, duquel il ressort qu'après déduction des charges, y compris la pension et les parts contributives, le prévenu disposait d'une somme de 8 230 francs par mois pour lui-même et les deux enfants dont il a la garde.

Mais, d'une part la compensation n'étant pas admise en matière de dette alimentaire, le prévenu était mal fondé à retenir le versement des parts contributives des mois de janvier et février 1998.

D'autre part, il apparaît que le prévenu ayant disposé, charges déduites, de la somme mensuelle de 8 230 francs puis de celle de 9 239 francs par suite de la suppression de la pension alimentaire par l'arrêt précité du 30 juin 1998, possédait des ressources suffisantes pour ne pas être dans l'impossibilité absolue de payer, en sorte que son abstention présente un caractère volontaire et que les délits d'abandon de famille pour lesquels il a été poursuivi sont constitués.


Motifs🔗

La Cour,

La cour statue sur les appels relevés parte in qua par J. L'H. de L., le 11 juin 1999 et, à titre incident, le 15 juin 1999, par le Ministère public, d'un jugement du tribunal correctionnel en date du 8 juin 1999 qui a relaxé le prévenu des délits d'abandon de famille en ce qui concerne la part contributive à l'entretien et l'éducation des mineurs R. et L. pour les mois de juillet à octobre 1998, mais l'a, en revanche, déclaré coupable de ces mêmes délits quant à la pension alimentaire due à C. T. pour les mois de février à juin 1998, et à la part contributive à l'entretien et l'éducation des mineurs pour les mois de janvier et février 1998, l'a condamné à une amende de 3 500 francs tandis qu'il a accueilli C. T., épouse L'H. de L. en sa constitution de partie civile et condamné le prévenu à lui payer la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Considérant que les faits, objet de la poursuite, peuvent être résumés comme suit :

  • le 17 septembre 1998, C. T., en instance de divorce d'avec son époux J. L'H. de L., a déposé plainte auprès des services de la Sûreté publique de Monaco à l'encontre de celui-ci pour non-paiement de pension alimentaire, de janvier à juin 1998 (1 000 francs par mois) et des parts contributives à l'entretien et l'éducation de deux des enfants communs, R. et L. (3 000 francs par mois), pour les mois de janvier, février, juillet, août, septembre 1998, allouées par jugement du 8 janvier 1998.

Elle déclarait se trouver dans une situation financière critique et ne percevoir, en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, que la moitié de son salaire de 6 600 francs par mois.

J. L'H. de L. réglait alors la somme de 12 000 francs sur celle de 20 000 francs due mais contestait devoir la part contributive de 3 000 francs pour les mois de janvier et février 1998, motif pris de ce que son épouse aurait indûment perçu des allocations familiales à sa place, du 22 octobre au 30 novembre 1997, de même qu'il contestait devoir verser toute pension alimentaire en raison de la décision de la Cour d'appel qui a supprimé cette pension par arrêt du 30 juin 1998.

Considérant que le prévenu déclare s'être trouvé dans l'impossibilité de payer les parts contributives et la pension alimentaire à son épouse dont les revenus sont supérieurs aux siens ; qu'en ce qui concerne les parts contributives impayées des mois de janvier et février 1998, il affirme que par suite d'une fausse déclaration de son épouse auprès des caisses sociales, les allocations pour les quatre enfants communs ont été prélevées sur son salaire alors que ceux-ci ont été à sa charge jusqu'au 15 novembre 1997, en sorte qu'il estime avoir valablement opéré une compensation sur les contributions de janvier et février 1998 ;

Considérant que C. T., non appelante, sollicite la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant que le Ministère public requiert également la confirmation dudit jugement ;

Considérant que le prévenu fait plaider sa relaxe en faisant valoir que la décision entreprise contiendrait une contradiction en ce qu'elle l'a relaxé pour la période postérieure à juin 1998 mais l'a retenu pour abandon de famille de janvier à juin 1998 alors que le rapport d'enquête sociale dressé en mars 1998 faisait état de ses graves difficultés financières durant toute cette période ;

Sur ce :

I. - Sur l'action publique :

Considérant que J. L'H. de L. a été condamné par jugement du 8 janvier 1998, assorti de l'exécution provisoire, à payer à C. T. une pension alimentaire mensuelle de 1 000 francs pour elle-même et une part contributive mensuelle de 3 000 francs pour l'entretien et l'éducation de deux des quatre enfants du couple confiés à la garde de leur mère ; qu'il a été mis fin au paiement de la pension alimentaire par arrêt de la Cour d'appel du 30 juin 1998 ;

Considérant que le prévenu qui s'est abstenu de payer la pension de février à juin 1998 ainsi que les parts contributives des mois de janvier, février, juillet à octobre 1998, invoque d'une part la compensation qu'il a opérée en ne payant pas les parts contributives des mois de janvier et février 1998 avec les allocations familiales d'un montant de 6 929 francs qui ont été prélevées sur son salaire pour la période du 22 octobre au 30 novembre 1997 en raison de la fausse déclaration que son épouse aurait faite aux services sociaux sur sa situation familiale durant cette période, et, d'autre part, l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d'acquitter les sommes mises à sa charge par le jugement précité ;

Qu'il se fonde essentiellement sur le rapport de l'enquête sociale ordonnée par ledit jugement, duquel il ressort qu'après déduction des charges, y compris la pension et les parts contributives, le prévenu disposait d'une somme de 8 230 francs par mois pour lui-même et les deux enfants dont il a la garde ;

Considérant, d'une part, que la compensation n'est pas admise en matière de dette alimentaire ; que dès lors, le prévenu était mal fondé à retenir le versement des parts contributives des mois de janvier et février 1998 ;

Considérant, d'autre part, qu'il apparaît que le prévenu ayant disposé, charges déduites, de la somme mensuelle de 8 230 francs puis de celle de 9 230 francs par suite de la suppression de la pension alimentaire par l'arrêt précité du 30 juin 1998, possédait des ressources suffisantes pour ne pas être dans l'impossibilité absolue de payer, en sorte que son abstention présente un caractère volontaire et que les délits d'abandon de famille pour lesquels il a été poursuivi sont constitués ;

Qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé J. L'H. de L. du chef d'abandon de famille pour la période de juillet à octobre 1998, de le déclarer coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés et de réformer le jugement sur la peine qui doit être portée à 5 000 francs ;

II. - Sur l'action civile :

Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par C. T., consécutif à la privation des sommes fixées par décision de justice, en lui allouant celle de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts et qu'il convient de confirmer, sur ce point, la décision entreprise ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant correctionnellement,

I. - Sur l'action publique :

  • Réforme le jugement du 8 juin 1999 en ce qu'il a relaxé J. L'H. de L. des délits d'abandon de famille du chef de la part contributive à l'entretien et l'éducation des mineurs R. et L. pour les mois de juillet à octobre 1998 ;

  • Le déclare coupable de ces délits ;

  • Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré J. L'H. de L. coupable des autres délits d'abandon de famille visés à la prévention ;

  • Le réformant sur la pénalité,

  • Condamne J. L'H. de L. à la peine de 5 000 francs d'amende ;

II. - Sur l'action civile :

  • Confirme le jugement du 8 juin 1999 ayant condamné J. L'H. de L. à payer à C. T. la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

  • Condamne J. L'H. de L. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 8361 du 29 juillet 1985 et dit que l'administration en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement correctionnel du 8 juin 1999 quant à la culpabilité, la condamnation à des dommages-intérêts mais le réforme quant à la pénalité.

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