Cour d'appel, 1 décembre 1998, C. c/ Société SOBI

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Abstract🔗

Action oblique

Conditions

- Mise en cause du débiteur

- Non nécessité, l'article 1021 du Code civil ne la prévoyant pas

Action concomitante du créancier contre le débiteur

- Nécessité d'appeler en cause le débiteur

Résumé🔗

Il est constant que C., créancier de la Société Les Almadies, et prétendant que sa propre débitrice était créancière de la Société SOBI, en raison de la responsabilité contractuelle encourue par celle-ci (refus de régler une ouverture de crédit consentie) a exercé contre la Société SOBI, l'action de la Société Les Almadies, par la voie oblique, telle que prévue par l'article 1021 du Code civil, tout en lui réclamant également paiement de sa propre créance.

Cependant, si aucune disposition légale ne subordonne la recevabilité de l'action oblique à la mise en cause du débiteur par son créancier, le débiteur doit, en revanche être appelé à l'instance, lorsque, comme en l'espèce, C. ne se contente pas d'exercer les droits de la Société Les Almadies par la voie oblique, mais réclame le paiement de ce qui lui serait dû sur les sommes réintégrées, par le jeu de cette action, dans le patrimoine de cette dernière.

Ainsi C., qui ne se bornait pas à exercer les droits de sa débitrice mais demandait paiement de sa propre créance a agi aussi contre sa débitrice, qui ne pouvait être jugée sans avoir été appelée.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur les appels principal et incident respectivement relevés par L. C. et la société anonyme monégasque SOBI, devenue United European Bank Limited, d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 10 juillet 1997.

Les faits, la procédure, les prétentions et les moyens des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus, à la décision attaquée et aux écritures échangées en appel :

La société civile immobilière de droit français dénommée Les Almadies à l'effet de financer un programme de construction immobilière a notamment obtenu, d'une part, un prêt de la somme de 524 000 francs que lui avait consenti L. C. selon acte sous seing privé du 28 septembre 1991, d'autre part, une ouverture de crédit de 4 500 000 francs que lui avait octroyé la Société Monégasque de Banque et d'Investissements, devenue United European Bank Ltd, selon acte authentique en date du 30 septembre 1991.

N'ayant pu mener à bonne fin son programme de construction, la société Les Almadies ne s'est plus acquittée de ses engagements de remboursement envers ses créanciers, en sorte que la SOBI, agissant en vertu de son titre exécutoire, a fait procéder à l'adjudication des biens immobiliers de la société Les Almadies moyennant le prix de 1 620 000 francs qui a été absorbé par sa créance, garantie par une inscription d'hypothèque conventionnelle.

Pour sa part, L. C. a obtenu, par jugement du Tribunal de grande instance de Toulon en date du 24 mars 1994, la condamnation de la société Les Almadies à lui payer la somme de 524 000 francs en principal, en remboursement du prêt qu'il avait consenti à celle-ci, outre les intérêts conventionnels.

L. C., déclarant exercer, par voie oblique, sur le fondement de l'article 1021 du Code civil, l'action tendant à mettre en cause, en sa qualité de créancier de la société Les Almadies, la responsabilité contractuelle de la société SOBI envers cette dernière, a, suivant exploit en date du 11 mai 1995, fait assigner la société SOBI en paiement de la somme de 524 000 francs avec intérêts au taux conventionnel de 8 % l'an, outre celle de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts.

Par le jugement entrepris, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevables les demandes formulées par L. C. et rejeté la demande reconventionnelle de la société SOBI en paiement de dommages-intérêts.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont, pour l'essentiel, relevé que L. C. ne se contentant pas d'exercer les droits de sa débitrice par la voie oblique mais réclamant le paiement de ce qui lui serait dû sur les sommes réintégrées dans le patrimoine de sa débitrice par le jeu de l'action oblique, il lui appartenait de mettre en cause la société Les Almadies, à peine d'irrecevabilité de son action.

Au soutien de son appel, L. C. fait valoir, pour l'essentiel :

  • En premier lieu, que c'est à tort, que les premiers juges ont déclaré son action irrecevable, dès lors que disposant d'un titre à l'encontre de sa débitrice la société Les Almadies, en vertu du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Toulon, il n'avait plus besoin de l'appeler à nouveau en cause dans l'instance l'opposant à la société SOBI.

  • En second lieu, quant au fond, que la société SOBI, en refusant de verser le solde de 2 800 000 francs qu'elle s'était engagée à payer à la société Les Almadies, en vertu du contrat de prêt, a failli à son obligation contractuelle et que c'est en raison de la carence fautive de la société SOBI que la société Les Almadies n'a pu réaliser son programme de construction faute d'un financement suffisant.

  • En troisième lieu, que le comportement fautif de la SOBI a entraîné sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Les Almadies ayant entraîné un préjudice pour celle-ci ainsi que pour C., créancier de cette dernière.

En définitive, L. C. demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de condamner la société SOBI à lui payer directement la somme de 524 000 francs avec intérêts au taux conventionnel de 8 % l'an, outre celle de 100 000 francs, à titre de dommages-intérêts.

La société SOBI a conclu, d'une part, à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par L. C. et, d'autre part, à sa réformation en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive en demandant à la Cour de condamner L. C. à lui payer, de ce chef, la somme de 100 000 francs.

Elle expose, à cet effet et pour l'essentiel :

  • En premier lieu, que c'est à bon droit, que les premiers juges ont déclaré L. C. irrecevable en ses demandes à son encontre, en l'absence de mise en cause de la société Les Almadies.

  • En second lieu, quant au fond, qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de la société Les Almadies, dès lors qu'aux termes du contrat de prêt consenti à celle-ci, le solde du crédit ne pouvait être débloqué qu'après justification d'un palier de réservations de 7 200 000 francs, lequel n'a jamais été atteint.

SUR CE,

Considérant qu'il résulte des écritures judiciaires, tant de première instance que d'appel de L. C., que celui-ci, créancier de la société Les Almadies, et prétendant que sa propre débitrice était créancière de la société SOBI, exerce contre celle-ci l'action de la société Les Almadies par la voie oblique, telle que prévue par l'article 1021 du Code civil, tout en lui réclamant également paiement de sa propre créance ;

Considérant à cet égard, que si aucune disposition légale ne subordonne la recevabilité de l'action oblique à la mise en cause du débiteur par son créancier, le débiteur doit, en revanche, être appelé à l'instance, lorsque, comme en l'espèce, L. C. ne se contente pas d'exercer les droits de la société Les Almadies par la voie oblique mais réclame le paiement de ce qui lui serait dû sur les sommes réintégrées, par le jeu de cette action, dans le patrimoine de cette dernière ;

Considérant qu'ainsi L. C. qui ne se bornait pas à exercer les droits de sa débitrice mais demandait paiement de sa propre créance a agi aussi contre sa débitrice qui ne pouvait être jugée sans avoir été appelée ;

Considérant que c'est donc, à juste titre, que les premiers juges ont déclaré L. C. irrecevable en ses demandes ;

Considérant, par ailleurs, que L. C. ayant pu se méprendre de bonne foi, en première instance, sur l'étendue et la portée de ses droits, c'est à juste titre, que les premiers juges ont débouté la société SOBI de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'enfin les dépens d'appel suivront la succombance de L. C. ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • Déboute L. C. et la société SOBI devenue United European Bank Limited des fins de leurs appels principal et incident.

  • Confirme, en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de première instance en date du 10 juillet 1997.

Composition🔗

Mmes François, v. prés. ; Le Lay prem. subst. Proc. Gén.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 10 juillet 1997, également publié.

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