Cour d'appel, 16 novembre 1998, M. B. c/ Ministère Public

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Abstract🔗

Procédure pénale

Procès-verbal de police

- Valeur probante jusqu'à preuve du contraire

- Irrégularité : omissions complétées par des indications à l'audience

- Absence de nullité

Perquisition - saisie

- Examen par la police d'un véhicule (coffre) sur la voie publique

- Acte non assimilable à une perquisition

- Saisie de l'argent, au cours de la procédure de flagrant délit

Crimes et délit flagrants

- Définition : indice apparent d'un comportement délictueux (détention d'une somme importante de dollars)

- Pouvoirs propres du Procureur Général et du juge d'instruction (art. 253 CPP)

- Indépendamment de la procédure de flagrant délit prévue par l'article 399 CPP

Infraction à la loi sur les stupéfiants

Acquisition de biens provenant du trafic

- Preuve : présomptions

- Détention irrégulière d'une somme importante

- Liens avec des associés trafiquants

- Prétendue ignorance des opérations réalisées par les associés

Résumé🔗

Les mentions critiquées d'un procès-verbal de synthèse, daté et signé de l'officier de police judiciaire, relatives à la situation des enquêteurs sur le terrain, à leur action, et à leur décision d'interpeller un individu ne font nullement foi jusqu'à inscription de faux, et peuvent être combattues par des écrits ou des témoignages, ainsi qu'en dispose l'article 388 alinéa 2 du Code de procédure pénale.

Les omissions ou inexactitudes imputées, régulièrement soumises à la libre discussion des parties, ont pu être utilement complétées et rectifiées, lors des débats, par des indications qui ne sont pas formellement contredites par les mentions du procès-verbal, sans être de nature à entraîner sa nullité.

Dès lors qu'au moment de son interpellation, B. se trouvait en possession d'une importante somme de devises étrangères en espèces, qu'il allait déposer en banque, il existait à son encontre, l'indice apparent d'un comportement délictueux pouvant révéler l'existence d'une infraction répondant strictement à la définition du délit flagrant donnée par l'article 250-1° du Code de procédure pénale, s'agissant, comme le rapporte le procès-verbal de synthèse susvisé, de l'introduction à Monaco d'une importante somme de dollars sans déclaration préalable, dont le défaut caractérise un délit punissable tant en France qu'à Monaco, en application de la convention franco-monégasque du 14 avril 1945, relative au contrôle des changes (application à Monaco des textes en vigueur en France en matière de réglementation des changes, importation de capitaux) et de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 (rendant le Code des douanes français applicable à Monaco).

Dès lors qu'il a été procédé par les enquêteurs, en présence de la conductrice du véhicule, occupé par B. et avec son assentiment, à l'ouverture sur la voie publique du coffre dudit véhicule dans lequel se trouvaient des mallettes et cartons contenant 5 528 200 dollars américains, reconnus par B. comme étant sa propriété, il apparaît que l'examen et la saisie du contenu de ce coffre n'est pas, dans ces conditions, assimilable à une perquisition domiciliaire soumise aux formalités légales de l'article 255 du Code de procédure pénale.

Les irrégularités commises, selon la défense, lors de la prétendue perquisition ne peuvent, par voie de conséquence, affecter comme il est soutenu, la saisie des mallettes et cartons dont il s'agit, opérée dans les locaux de la Sûreté Publique, selon la procédure de flagrant délit alors ouverte et suivant procès-verbal.

L'article 399 du Code de procédure pénale en ce qu'il définit une procédure spéciale devant le Tribunal correctionnel en cas de délit flagrant, ne trouve pas à s'appliquer dans la matière régie par les dispositions des articles 253 et suivants du Code de procédure pénale, relative à l'instruction du délit flagrant, à laquelle sont, en effet, étrangères les règles de comparution et de jugement du prévenu.

Dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu en défense, aucune nullité ne saurait affecter la présente procédure, tirée de ce que le prévenu n'a pas été jugé dans le délai de trois jours francs prévus par l'article 399 précité.

Il ressort des déclarations du prévenu que celui-ci a reconnu, en substance avoir détourné à son profit une somme d'environ sept millions et demi de dollars, qui lui avait été confiée par des personnes, que l'on doit nécessairement comprendre, au vu de ses explications, comme étant certaines de celles avec lesquelles il admet avoir été matériellement associé dans diverses opérations, et dont il a reconnu se douter qu'elles se livraient à un trafic de stupéfiants, ayant d'ailleurs été antérieurement arrêté avec elles de ce chef.

Ces circonstances se trouvent manifestement corroborées par le résultat d'une écoute téléphonique pratiquée le 25 août 1995, en Allemagne, portant sur une communication téléphonique entre le père d'É. D. et un nommé É. S., au cours de laquelle B. a été désigné par D. comme étant « celui qui était parti avec l'argent » ;

Il en résulte à la conviction de la Cour que, compte tenu de ses liens manifestes avec É. D. et M. et de la réalité de son activité délictueuse avec ceux-ci, attestée lors d'une précédente poursuite, B. se savait en possession du produit d'un trafic de stupéfiants opéré par ces derniers, lorsqu'il s'est transporté à Monaco et y a été interpellé le 7 juillet 1995, quelles qu'aient été les circonstances dans lesquelles il a pu antérieurement appréhender les fonds trouvés en sa possession.

Il convient, dès lors, de retenir, comme étant constitué à sa charge le délit visé par la prévention, que prévoit de ce chef l'article 4-1 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970, alors, par ailleurs, que les faits constants ci-dessus rapportés révèlent à l'évidence une implication certaine du prévenu dans les trafics de stupéfiants, de nature à rendre invraisemblable son ignorance prétendue de l'objet des opérations dans lesquelles il admet avoir été associé à D..


Motifs🔗

La Cour

Considérant que le jugement du Tribunal correctionnel du 25 août 1998, M. B. a été condamné à la peine de douze années d'emprisonnement et à celle de cent mille francs d'amende, du chef de détention de fonds provenant du trafic de stupéfiants, s'agissant d'une somme de 5 528 200 dollars américains frauduleusement détenue.

Considérant que la Cour est saisie des appels de ce jugement régulièrement formés à titre principal et incident, le 31 août 1998, respectivement par M. B., et par le Ministère Public.

Considérant que l'instruction préparatoire au jugement susvisé, ainsi que les débats à l'audience révèlent les faits suivants :

M. B. domicilié en dernier lieu à La Haye (Pays-Bas), a été signalé en Bolivie comme ayant participé au trafic de stupéfiants au sein d'une organisation internationale, exclusivement consacrée à cette activité.

Cette organisation disposait en particulier, de trois laboratoires clandestins en Bolivie, destinés à la cristallisation de la cocaïne, et avait des liens avec de nombreux pays étrangers, tels le Chili, le Brésil, la Colombie, les États Unis, les Pays-Bas et Israël.

Outre « P. » M., chef de cette organisation, qui finançait le fonctionnement des laboratoires, ainsi que le frère de celui-ci, E. M., M. B. a été, avec d'autres inculpés, déclaré coupable par le Tribunal compétent de La Paz du délit de trafic de stupéfiants.

Il a été, pour ce, condamné par défaut, le 20 décembre 1996, notamment à la peine de douze années de réclusion.

L'enquête ayant abouti à cette condamnation s'est déroulée en Bolivie avec le concours d'agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) des États Unis d'Amérique.

L'un des agents de cette administration, en poste à l'Ambassade des États Unis à Paris, a révélé que ses homologues de Bolivie avaient, dès le mois d'octobre 1994, participé à la mise en place d'écoutes téléphoniques. Ces écoutes ont permis de découvrir que M. B. recevait d'E. M. d'importantes communications relatives au trafic illicite de stupéfiants.

B. avait déjà été arrêté le 13 octobre 1986 à Sao Paulo (Brésil), en compagnie d'autres membres de l'organisation, à l'occasion d'une saisie de 415 kg de cocaïne.

L'enquête en Bolivie de la DEA décrit M. B. comme un expert en double compartimentation, responsable de la dissimulation et du transport de stupéfiants pour le compte de l'organisation.

Les écoutes téléphoniques ont alors révélé, début janvier 1995, que l'organisation préparait un important transport de cocaïne à destination de l'Allemagne et des Pays-Bas.

De fait un camion est arrivé à la mi-février 1995 dans un entrepôt des Pays-Bas, transportant des tuyaux d'acier. La livraison acheminée du Chili par voie maritime avait eu lieu selon des instructions données par une entreprise néerlandaise (DNS Import-Export), dirigée par B., lui-même, à ses dires, associé à É. D. identifié comme membre de l'organisation et présenté par l'enquête bolivienne comme étant la « tête de pont » d'E. M. en Europe.

Les déclarations du représentant de la DEA à Paris attestent que B. avait établi les plans pour la fabrication des tuyaux exportés, qui étaient conçus de manière à contenir chacun un tube en matière plastique (PVC).

Lors de l'enquête opérée en Bolivie à partir de 1994, le domicile de B., alors situé au lieu dit, a été perquisitionné.

Au cours de la perquisition, y a été découvert un engrenage de grue de même type que celui ayant déjà été utilisé par B., pour un envoi de 60 kgs de cocaïne.

À ce propos, et sur la foi du témoignage d'un enquêteur, le jugement du Tribunal de La Paz ayant condamné B. rapporte que la drogue fabriquée par l'organisation « sortait du pays dans des tubes et des engrenages ».

Les autorités de police néerlandaise ont, sur commission rogatoire internationale du juge d'instruction de Monaco, indiqué comme étant probable que l'entreprise D., ayant commandé les tuyaux d'acier, n'ait été constituée que pour la circonstance, puisqu'elle n'a pas eu d'activité depuis sa constitution le 28 juillet 1994 jusqu'à sa liquidation au 29 mars 1995.

Une autre entreprise a été constituée de la même manière, avec B. pour mandataire, (L. M. Import/Export), qui a été liquidée le 3 avril 1995.

Celle-ci avait loué un hangar en juin 1994, où un semi-remorque, avait le 14 février 1995, effectivement livré 12 à 15 tuyaux d'acier d'environ 10 mètres de long et 15 cm de diamètre.

Une automobile prise en location par un membre de l'organisation (Y.) se trouvait alors sur les lieux, selon les informations fournies par la police néerlandaise, qui rapporte que celui-ci et D. utilisaient régulièrement le hangar.

La police néerlandaise a également révélé que, le 18 avril 1995 à 16 heures 30, les tuyaux d'acier avaient été enlevés du hangar pour être déposés sur la voie publique devant l'accès d'une entreprise située dans une autre localité.

Le hangar loué par l'entreprise de B. a été inspecté le 4 mai 1995 par les enquêteurs de la police néerlandaise, qui y ont découvert du matériel et des traces de soudure ainsi que, à l'extérieur, quatre tuyaux en matière plastique d'une longueur de 5 à 6 mètres.

Sur la base des éléments de l'enquête bolivienne, ayant ultérieurement abouti à ces indices, il était procédé, le 18 mars 1995 au matin, à l'arrestation en Bolivie d'une vingtaine de personnes, membres présumées de l'organisation à laquelle B. était associé.

Moins de 15 jours après, B. alors présent aux Pays-Bas, prenait possession d'un appartement situé, par mesure de sécurité, selon lui, au dernier étage d'un immeuble ;

C'est l'appartement, sis [adresse], où il demeurait jusqu'à ce qu'il déménage subitement, le 5 juillet 1995, selon ce qu'a déclaré une voisine entendue par la police néerlandaise.

Après avoir divorcé de sa première femme M. G., B. a déclaré avoir vécu en Bolivie avec sa deuxième épouse M. N. L., puis s'être marié civilement une troisième fois avec la nommée C. C. G..

Il a indiqué être arrivé en Hollande en janvier 1995 pour faire des investissements immobiliers.

L'examen des visas d'entrée et de sortie figurant sur son passeport montre, en effet, que son dernier départ de Bolivie se situe au 25 décembre 1994, date à laquelle il est entré au Chili, qu'il a quitté le 6 janvier 1995.

Son passeport révèle, cependant, que B. s'était déjà rendu en Hollande en 1994, époque correspondant à celle d'une demande de prorogation de validité de ce passeport.

Il a déclaré également être antérieurement venu à Dusseldorf, en 1993, après s'être évadé d'un commissariat de police de Sao Paulo.

Sa première femme M. a déclaré, d'ailleurs, que depuis son départ du Brésil, il devait, pensait-elle, résider en Hollande ou en Belgique.

Il a, de fait, demeuré quelques temps à Amsterdam avant d'installer sa dernière résidence à La Haye.

Bien qu'il ait été suspecté par la police israélienne de jouer alors un rôle essentiel dans l'acheminement d'importantes quantités de cocaïne vers l'Europe et Israël (1 500 kgs sur une période de deux ans) B. ne semble pas avoir fait l'objet de poursuites à cette époque aux Pays-Bas.

À compter d'avril 1995, lors de son installation à La Haye, B. a fréquenté deux personnes (O. et K.) qui ont attesté qu'il disposait de beaucoup d'argent, ce dont il ne se cachait pas à leur égard, puisqu'ils savaient tous deux qu'il avait installé dans son appartement un coffre-fort.

Il a alors cherché par diverses voies à faire sortir cet argent des Pays-Bas, ou à l'investir dans l'immobilier.

Il a ainsi accompagné O. lors de l'acquisition, pour son compte, d'un immeuble de La Haye.

Il a aussi demandé à K., début mai 1995 d'apporter 50 000 dollars en espèces à sa deuxième femme M. moyennant une rétribution de 5 000 dollars, puis également 50 000 dollars à son autre femme, C. C., ce dont K. s'est acquitté, tous frais lui étant payés.

Toujours en mai 1995, deux semaines plus tard, K. a été chargé par B. d'apporter 300 000 dollars à sa première femme M., en Israël, moyennant une rémunération de 3 000 dollars US, ce qu'il a fait, rencontrant à cette occasion un nommé S., qui accompagnait M. B., et qu'il devait retrouver ensuite à La Haye, S., y ayant alors séjourné en compagnie de B..

Ultérieurement B. a demandé à K. de porter encore 2 100 000 dollars US en Israël, somme que K. a vue en espèces au domicile de B., mais qu'il a refusé d'emporter, préférant ne prendre qu'une seule mallette contenant 900 000 dollars US.

K., également, à la même époque, a été chargé par B. de ramener de Paris à La Haye une nommée M. G., qui venait de Bolivie.

À son départ de La Haye, et après avoir séjourné 15 jours avec B., celle-ci avait, pour s'acquitter du prix d'une surcharge de ses bagages, utilisé une liasse de 10 000 dollars US contenue dans son sac. Elle devait d'ailleurs recevoir de K., quelques jours après, et d'ordre de B., un virement de 15 000 dollars US.

Un autre convoyeur, qui a refusé, a été sollicité par B., pour transporter un million de dollars à Tel Aviv, début juillet 1995.

Cette dernière période correspond à celle à laquelle B. a pris attache avec le représentant du bailleur de son dernier appartement de La Haye, P. K., pour le consulter sur des placements.

Le 1er juillet 1995 B. a, en effet, dit à K., selon les déclarations de celui-ci, qu'il avait deux millions de dollars à placer et qu'il détenait cette somme dans le coffre de sa voiture.

C'est K. qui a alors proposé à B. de venir à Monaco.

Le même jour il a téléphoné de l'appartement de B. à un neveu de son épouse, G. R., clerc stagiaire de notaire à Fossano (Italie), possédant un appartement à Menton, et dont il connaissait les liens avec J.-P. I., qui se présentait comme ayant des contacts avec les banques de Monaco.

Le 3 juillet 1995, J.-P. I. a été contacté téléphoniquement par G. R., qui lui a donc demandé un rendez-vous pour un ami de son oncle désirant ouvrir un compte bancaire à Monaco, et éventuellement y faire des achats immobiliers.

Rendez-vous fut alors pris avec les intéressés, pour le 5 juillet 1995 à 10 heures au Café de Paris, à Monaco, en même temps que J.-P. I. prenait contact avec M. P., une employée de la banque Rothschild, afin d'entreprendre les démarches sollicitées par R. ce même 5 juillet à 10 h 30.

R. avait, auparavant, lui-même pris contact par téléphone avec M. P. qui lui avait indiqué, s'agissant du placement d'une somme de 2 000 000 dollars en espèces, que s'il arrivait à prouver l'origine des fonds, la banque accepterait de le rencontrer avec le déposant.

Le 4 juillet 1995 à 5 heures du matin à bord de son véhicule de marque, immatriculé à Fossano, P. K. quitte La Haye en compagnie de B..

Celui-ci est alors porteur d'une grande valise de couleur grise, de plusieurs mallettes noires, et de deux cartons. Il indique à Kars qu'il transporte 5 000 000 dollars.

Tous deux arrivent à Menton le 4 juillet 1995 à 11 heures 30, et vont se reposer dans l'appartement de G. R..

Après que celui-ci les eut rejoints pendant la nuit, le lendemain matin ils vont trouver J.-P. I. à Monaco, et se rendent avec lui et R. dans les locaux de la banque Rothschild, tandis que l'argent demeurait dans la voiture de K. qu'ils venaient d'utiliser.

Reçus à la banque Rothschild par M. P., l'employée qu'avaient contactée I. et R., celle-ci apprenait alors qu'il s'agissait non pas de deux millions mais de cinq millions de dollars, et faisait appel au cours de l'entretien au directeur des crédits de l'établissement, De L..

De L. posait alors les questions habituelles afin de connaître l'origine des fonds, et insistait afin que B. produise des références bancaires et des noms de personnes pouvant attester de son honorabilité.

M. P. déclare avoir alors perçu une grande imprécision de la part de B., quant à la provenance de l'argent, présenté comme se trouvant en Israël, après avoir transité par l'Amérique du Sud.

Le directeur De L. a alors refusé d'ouvrir un compte à B., et même de conserver en coffre les espèces apportées, qui étaient cependant restées à l'extérieur de la banque, dans la voiture.

Il a conclu l'entretien en indiquant à ses interlocuteurs qu'il allait se renseigner, et qu'il les recontacterait.

Le correspondant de la banque auprès du service d'information et du contrôle des circuits financiers (SICCFIN) a alors été informé de l'entretien, de même que le Ministre d'État.

Le jour même la banque Rothschild recevait une télécopie d'Italie émanant de P. K., également communiquée aux époux I., qui reproduisait le contrat de location consenti à B. pour son domicile de La Haye.

Trois autres télécopies parvenaient également à la banque, le lendemain 6 juillet, provenant deux d'Israël par lesquelles J. S. attestait de la bonne moralité de B., la troisième de P. K. indiquant l'adresse de l'hôtel Saint-Michel de Menton, où se trouvait alors B..

Le 7 juillet 1995, vers 14 h 30, A. M. épouse de J.-P. I., recevait, selon ses déclarations, un appel téléphonique de la banque Rothschild, par lequel il lui était indiqué que les contrôles avaient été faits et que l'opération pouvait se faire.

Tout en informant de ceci son mari, présent à leur domicile, A. I. a alors téléphoné à B., à son hôtel de Menton, pour lui dire que la banque acceptait d'ouvrir le compte, et que J.-P. I. viendrait le chercher vers 15 heures.

Cinq minutes après J.-P. I. prenait son véhicule pour se rendre à l'hôtel de Menton, où se trouvait B..

Il y a pris en charge celui-ci, ainsi que ses bagages déposés dans le coffre du véhicule, avant de le conduire à Monaco en empruntant l'autoroute.

D'après le procès-verbal de synthèse relatant l'arrestation de B., à la date du 7 juillet 1995, les services de police de Monaco avaient alors obtenu confidentiellement des renseignements faisant état de ce que B. était susceptible de se trouver à Monaco en possession de plusieurs millions de dollars de provenance douteuse, introduits en France et à Monaco sans déclaration préalable.

Selon des informations officieuses parvenues à la sûreté, B. était également signalé comme « suivi » par les autorités de police des Pays-Bas étant soupçonné de trafic de drogue et de blanchiment d'argent.

Un message Interpol provenant de La Haye, et parvenu aux services de police judiciaire, avant la clôture du procès-verbal susvisé, fait d'ailleurs état de ces antécédents, en réponse à une demande télécopiée de ces mêmes services datée du 7 juillet 1995.

En outre, le directeur de la Sûreté publique entendu par le Tribunal correctionnel en qualité de témoin, a déclaré avoir été informé par la police hollandaise de ce que B. lié, au trafic de stupéfiants, devait se rendre à Monaco.

Ces éléments conduisaient alors un officier de police judiciaire, inspecteur divisionnaire chef, assisté de quatre inspecteurs principaux à repérer le véhicule d'I. à son passage le 7 juillet 1995 à 16 H 10.

Il s'avérait alors que ce véhicule pénétrait dans les dépendances de l'immeuble Monte-Carlo Sun, où demeurent les époux I., et qu'il en ressortait quelques instants plus tard.

À partir du hall de réception de l'immeuble J.-P. I. avait entre-temps contacté sa femme pour savoir si elle voulait venir à la banque avec lui ;

Selon ce qu'a déclaré A. I., celle-ci, a en fait, pris la place de son mari, car il devait téléphoner à des clients.

Elle a donc conduit le véhicule où se trouvait B. en direction de la banque Rothschild, suivie par les policiers qui surveillaient celui-ci, lesquels, vers 16 h 20, ont décidé de l'intercepter sur un parking.

B. était alors identifié et A. I., répondant à une question des policiers, déclarait spontanément qu'elle accompagnait celui-ci à la Banque Rothschild pour y déposer une importante somme d'argent qui se trouvait dans le coffre de la voiture.

Elle ouvrait alors ce coffre devant les policiers qui constataient sur ce, la présence de quatre mallettes et deux cartons dont B. s'est alors reconnu propriétaire.

Celui-ci, et A. I., étaient alors conduits dans les locaux de la Sûreté publique avec les cartons et mallettes contenus dans le coffre du véhicule.

C'est B. qui a déverrouillé les mallettes qui comportaient un système de fermeture à chiffres.

Le comptage mécanique des billets découverts dans ces bagages a livré un montant de 5 533 333 dollars américains, qui sera ultérieurement ramené, après constatation d'une erreur, dans le cours de l'instruction, à 5 528 200 dollars.

Au sujet de cette somme B. a successivement soutenu plusieurs versions tenant pour l'essentiel à ce qu'elle provenait de son activité professionnelle, de prêts usuraires auxquels il se serait livré, ou d'argent gagné au noir.

Il a également indiqué, en se rétractant ultérieurement, avoir volé cette somme.

Après le jugement dont appel, B. a cependant fait parvenir le 22 septembre 1998, au Procureur Général, qui l'a versée au dossier, une lettre de sa main comportant notamment, les termes suivants, selon sa traduction en langue française :

« l'argent qui a été saisi... est le résultat... de ce que j'ai volé » aux autres «. Ils m'ont puni et donné un avertissement... par le meurtre de mon frère D. B., durant mon emprisonnement (...)

(...) je dis la vérité et rien que la vérité... oui... c'est très possible... il y a des signes... comme quoi les autres se sont procuré l'argent... comme résultat du narco-trafic... ou d'autres voies criminelles... avec l'aide d'autres... qui m'ont fait confiance pour garder l'argent... et je l'ai volé... et j'ai fui.

(...) C'est exact, c'est une forte somme d'argent qui a été saisie... et je ne pouvais en expliquer l'origine... à cause de la sécurité de ma famille... et la mienne... et » ils « ont une bonne raison de nuire à moi-même et à ma famille... je leur ai volé cinq millions de dollars en liquide (...) ».

Considérant que le Ministère Public, estimant régulière la procédure de flagrant délit suivie contre B., a requis, à l'encontre de celui-ci, une peine de quinze ans d'emprisonnement ;

Considérant que, par conclusions de ses conseils déposées à l'audience de la Cour, du 26 octobre 1998, B. a fait plaider :

  • la nullité du procès-verbal de synthèse relatant son interpellation, dressé par L. A., Inspecteur Divisionnaire Chef et coté D15 au dossier d'instruction,

  • l'irrégularité de la procédure de délit flagrant, objet de ce procès-verbal,

  • la nullité de la perquisition, mentionnée par cet acte, du coffre du véhicule à bord duquel il a été interpellé,

  • la violation en l'espèce de l'article 399 du Code de procédure pénale faute de jugement dans le délai de trois jours prévu par ce texte,

  • enfin, le non-respect du délai de présentation de vingt-quatre heures également prévu par l'article 399 du Code de procédure pénale ;

Considérant que B. prétend, sur le fondement des moyens ainsi invoqués, à la nullité de l'ensemble des actes de la procédure, à son renvoi des fins de la poursuite, à sa mise en liberté immédiate, et à mainlevée de la saisie des fonds lui appartenant, trouvés dans le véhicule qu'il occupait lors de son interpellation ;

Sur quoi,

En ce qui concerne la procédure,

Quant au procès-verbal de synthèse :

Considérant que le procès-verbal de synthèse argué de nullité par B., portant la date initiale du 7 juillet 1995, comporte la signature de l'officier de police judiciaire qui l'a établi ainsi que mention de sa clôture et transmission au Procureur Général le 8 juillet 1995 ;

Qu'il n'apparaît affecté en sa rédaction d'aucune irrégularité de forme, qui lui ferait encourir la nullité ;

Qu'il est cependant prétendu par la défense qu'il comporterait des omissions ou inexactitudes ;

Qu'en effet, il ne ferait pas mention de la décision qui aurait été prise d'interpeller B., après l'avoir fait revenir à Monaco, non plus que des mesures prises à cet effet ; qu'à ce propos il mentionnerait erronément que les inspecteurs A., M., B. et S. se trouvaient tous dans le même véhicule et que c'est spontanément qu'ils auraient décidé de contrôler le véhicule des époux I. sans savoir qui était à bord, alors qu'en réalité l'inspecteur B. était seul à moto, posté à l'entrée de Monaco, tandis que les inspecteurs S. et M. étaient de leur côté dans une autre voiture, et qu'en définitive les enquêteurs savaient que le passager de la voiture était B. et agissaient sur ordre et non de leur propre initiative ;

Considérant, toutefois, que les mentions ainsi critiquées du procès-verbal dont s'agit, relatives à la situation des enquêteurs sur le terrain, à leur action, et à leur décision d'interpeller B., ne correspondent pas strictement au contenu de cet acte ; que même dans le cas contraire elles ne feraient nullement foi jusqu'à inscription de faux, et pourraient être combattues par des écrits ou des témoignages ainsi qu'en dispose l'article 388, alinéa 2 du Code de procédure pénale ;

Que les omissions ou inexactitudes imputées comme il vient d'être dit au procès-verbal de synthèse ont, de fait, été régulièrement soumises à la libre discussion des parties, notamment lors de l'audience de la Cour du 26 octobre 1998 ;

Considérant qu'il en est incontestablement résulté qu'un dispositif policier, consécutif aux informations communiquées au Ministre d'État lors de la première venue de B. à Monaco, a été effectivement mis en œuvre pour interpeller celui-ci à son retour, le 7 juillet 1995, auquel ont alors participé de concert, grâce à une liaison par radio, plusieurs officiers de police judiciaire simultanément postés en divers lieux de la Principauté ;

Considérant que la précision de ces circonstances de fait, si elle permet de compléter utilement les mentions du procès-verbal de synthèse susvisé, n'est pas de nature à entraîner la nullité de celui-ci, alors au demeurant, qu'ainsi qu'il a été dit, les indications apportées en dernier lieu par les débats ne sont pas formellement contredites par les mentions de cet acte qui fait état de renseignements défavorables obtenus sur B., de sa présence attendue à Monaco, et des moyens mis en place pour l'interpeller ; que l'on ne saurait à cet égard nécessairement déduire de la mention de sa ronde « en compagnie d'autres inspecteurs », que l'inspecteur divisionnaire chef A. ait dû alors avoir constamment à ses côtés, les autres policiers intéressés par la surveillance de B., qui opéraient de concert et en liaison avec lui ;

Que les moyens de nullité opposés au procès-verbal de synthèse susvisé doivent donc être rejetés ;

Quant au flagrant délit,

Considérant que l'interpellation de B. a eu lieu, le 7 juillet 1995, alors que celui-ci avait tenté deux jours avant de déposer à la Banque Rothschild, et en espèces, une somme de plus de 5 millions de dollars américains, ce dont le Ministre d'État avait alors été personnellement informé, en même temps que du refus de la banque de consentir à ce dépôt, faute de justificatifs produits par l'intéressé quant à l'origine des fonds ;

Qu'en lui signifiant ce refus, la banque avait expressément indiqué à B. qu'il devait ultérieurement apporter ces justificatifs, ce dont B. a entendu immédiatement s'acquitter par l'envoi de diverses télécopies, en attendant, en France, et en la possession de l'argent, qu'on lui fasse rapidement signe de revenir pour déposer effectivement celui-ci, ce qui fut fait le 7 juillet 1995 par l'intermédiaire des époux I. ;

Considérant qu'au moment de son interpellation, en la possession immédiatement avérée par les déclarations d'A. I., d'une importante somme de devises étrangères en espèces qu'il allait déposer en banque, il existait, à l'encontre de B., l'indice apparent d'un comportement délictueux pouvant révéler l'existence d'une infraction répondant strictement à la définition du délit flagrant donnée par l'article 250 (1°) du Code de procédure pénale, s'agissant, comme le rapporte le procès-verbal de synthèse susvisé, de l'introduction à Monaco d'une importante somme en dollars sans déclaration préalable ;

Considérant, en effet, qu'aux termes de la convention franco-monégasque du 14 avril 1945 relative au contrôle des changes, sont applicables de plein droit dans la Principauté de Monaco, les textes en vigueur en France en matière de réglementation des changes notamment ceux concernant l'importation des capitaux ; le territoire de la Principauté de Monaco étant, pour l'application de cette réglementation, assimilé au territoire français (Cf. articles 1 et 2) ;

Que ladite convention prévoit également que les infractions à la réglementation des changes sont poursuivies devant les tribunaux français et punies des peines prévues par la loi française (article 7) ;

Considérant qu'à ce propos, la loi française n° 89-935 du 29 décembre 1989, loi de finances pour 1990, dispose en son article 98-1, tel que modifié par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990, que les personnes physiques qui transfèrent, en provenance de l'étranger, des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d'un organisme cité à l'article 8 de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret ;

Considérant, à cet égard, que pour l'application de ces dispositions, le décret français n° 90-581 du 4 juillet 1990 dispose :

« * article 1 : les obligations prévues au paragraphe I de l'article 98 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 sont remplies lorsque la déclaration résultant de l'application de l'article 7 du décret n° 89-938 du 29 décembre 1989, réglementant les relations financières avec l'étranger, a été déposée.

» * article 2 : en cas de transfert vers ou en provenance (...) de la Principauté de Monaco, les personnes physiques résidentes et non résidentes déclarent à l'administration des douanes les sommes, titres ou valeurs, objet des transferts qu'elles réalisent pour leur propre compte ou pour celui d'autrui, lorsqu'ils sont égaux ou supérieurs à 50 000 francs « ;

Considérant en outre, qu'aux termes de l'article 23, II de la loi française n° 90-614 susvisée, du 12 juillet 1990, relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, » la méconnaissance des obligations énoncées au 1 de l'article 98 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989) sera punie de la confiscation du corps du délit ou, lorsque la saisie n'aura pu être faite, d'une somme en tenant lieu et d'une amende égale, au minimum au quart, et au maximum, au montant de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction (...). Les dispositions du titre XII du Code des douanes sont applicables aux infractions aux obligations visées au présent article (...) « ;

Considérant, enfin, qu'après avoir édicté en son article 464 de semblables obligations déclaratives, le Code français des douanes, qui est applicable à Monaco en vertu de l'article 1er de la convention douanière franco-monégasque du 18 mai 1963, reprend en son article 465, tel qu'il résulte du décret français n° 93-995 du 4 août 1993, les sanctions prévues par l'article 23-II précité de la loi française n° 90-614 ;

Considérant qu'il résulte, en définitive, de l'ensemble de ces dispositions que les mouvements de fonds opérés entre l'étranger et la Principauté de Monaco ou la France, et échappant au circuit bancaire, sont soumis à une déclaration obligatoire dont le défaut caractérise un délit punissable tant en France qu'à Monaco ;

Considérant que, de la sorte, la possession par B. des fonds en espèces dont il a été signalé porteur lors de son interpellation, a légitimement manifesté à la connaissance des enquêteurs de la Sûreté publique, l'indice apparent d'un comportement de sa part révélant que le délit précité était en train de se commettre, aux travers de l'introduction non déclarée de devises étrangères sur le territoire douanier institué par la convention franco-monégasque susvisée, du 18 mai 1963 ;

Considérant que, si la découverte de cet indice résulte manifestement de la mise en place d'un dispositif policier consécutif aux informations données par la banque Rothschild au Ministre d'État dès la première venue à Monaco de B., le 5 juillet 1995, et si B. a pu alors, comme il le soutient, faire l'objet d'une provocation destinée à le faire revenir à Monaco pour y être arrêté, celle-ci apparaît justifiée en l'occurrence, s'agissant au premier chef de caractériser un délit déjà commis, ou à tout le moins tenté, deux jours auparavant, indépendamment du fait que la réitération de ce délit s'avérait depuis lors imminente, et par là même justiciable d'une action répressive dans l'intérêt social ;

Qu'il doit être, à ce propos, relevé que les incitations dont B. a pu être l'objet, pour revenir à Monaco, n'ont pas, lors d'une telle réitération, anéanti la volonté délictueuse de ce prévenu qui demeurait libre de renoncer à son projet d'importation de devises à Monaco, quoiqu'il l'eût déjà, une première fois mis à exécution, puis ultérieurement matérialisé par l'envoi de documents à la Banque Rothschild, ceci attestant en revanche de l'imminence de sa récidive ;

Que, dans ces conditions, il convient, en définitive, de déclarer régulier le contrôle de voie publique alors opéré, pour interpeller B., de même que l'arrestation de ce dernier en flagrant délit, dont le Parquet Général a été dûment informé en l'état des devises en espèces effectivement importées par le prévenu ;

Quant à la perquisition :

Considérant que, selon les mentions du procès-verbal de synthèse susvisé, A. I. a déclaré lors de l'interpellation de B. qu'elle accompagnait celui-ci à la Banque Rothschild pour y déposer une importante somme d'argent en billets de banque, s'agissant de dollars US ; qu'elle a alors précisé que les dollars se trouvaient dans le coffre de la voiture qu'elle conduisait ; qu'elle a ouvert ce coffre, où se trouvaient quatre mallettes et deux cartons reconnus par B. comme étant sa propriété, ce sur quoi les intéressés ont été conduits à la Direction de la Sûreté publique, ainsi que ces mallettes et cartons ;

Considérant que B. a fait plaider par ses conseils que la saisie de ces effets par les enquêteurs résulterait d'une perquisition irrégulière ;

Considérant, toutefois, qu'il a été procédé, en l'espèce, en présence de la conductrice du véhicule occupé par B. et avec son assentiment, à l'ouverture, sur la voie publique, du coffre de ce véhicule ; que l'examen et la saisie du contenu de ce coffre par les enquêteurs n'est pas, dans ces conditions, assimilable à une perquisition domiciliaire soumise aux formalités légales de l'article 255 du Code de procédure pénale ;

Que le moyen de nullité invoqué à cet égard par B. doit donc être rejeté alors surtout que les déclarations d'A. I. lors de son audition du 7 juillet 1995 (» vous me dites qu'(...) il a été constaté la présence (...) de quatre valises noires «) ne sont pas nécessairement contradictoires avec les mentions susvisées du procès-verbal de synthèse ;

Que les irrégularités commises, selon la défense, lors de la perquisition prétendue ne peuvent, par voie de conséquence, affecter comme il est soutenu, la saisie des mallettes et cartons dont s'agit, opérée dans les locaux de la Sûreté publique selon la procédure de flagrant délit alors ouverte, et suivant procès-verbal du 7 juillet 1995 ;

Quant à l'application de l'article 399 du Code de procédure pénale :

Considérant que l'article 399 du Code de procédure pénale en ce qu'il définit une procédure spéciale devant le Tribunal correctionnel en cas de délit flagrant, ne trouve pas à s'appliquer dans la matière régie par les dispositions des articles 253 et suivants du Code de procédure pénale, relative à l'instruction du délit flagrant, à laquelle sont, en effet, étrangères les règles de comparution et de jugement du prévenu ;

Que, dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu en défense, aucune nullité ne saurait affecter la présente procédure, tirée de ce que M. B. n'a pas été jugé dans le délai de trois jours francs prévu par l'article 399 précité ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi que l'a relevé le Tribunal correctionnel, si B. a été contrôlé à bord du véhicule conduit par A. I., le 7 juillet 1995 vers 16 heures 20, il ne peut être déduit de cette circonstance et de la mention de l'heure prévue pour sa présentation, le lendemain, au Procureur Général, soit 16 heures 35, que le délai de 24 heures édicté à cet effet par l'article 399 précité n'aurait pas été respecté, puisqu'aussi bien l'heure réelle de présentation n'a pas été précisée, non plus que celle effective d'arrestation du prévenu ;

Qu'il convient donc de rejeter les moyens de nullité de la procédure invoqués par ce dernier sur le fondement de l'article 399 du Code de procédure pénale ;

En ce qui concerne le fond :

Considérant que les dernières déclarations de B. confirment les termes de sa lettre susvisée du 20 septembre 1998, adressée au Procureur Général ;

Qu'en effet B. a déclaré pour l'essentiel lors de son interrogatoire à l'audience de la Cour du 26 octobre 1998 :

» je maintiens les termes de mon courrier (...) sur la provenance des cinq millions de dollars (...) Je n'ai pas voulu l'écrire pour que cela ne serve pas de preuve contre d'autres personnes.

J'étais au courant des menaces qui pesaient sur moi et mon frère. J'ai peur de donner le nom de ces personnes très dangereuses (...)

Je les connais. Ils ont caché sept millions et demi de dollars dans un appartement. Ils savent que j'ai l'argent (...)

J'ai été arrêté avec eux en Bolivie. Je les ai connus en détention. Je n'ai pas travaillé avec eux. J'étais persuadé que c'était de l'argent douteux. Je n'ai pas demandé l'origine de cet argent (...) En 1994 j'avais des contacts avec D.. C'est lui qui intervenait entre M. et moi. À mes yeux il était le chef d'une bande. Il (...) a des contacts dans le monde entier (...) Je me suis enfui précipitamment de La Haye car j'avais peur de ces personnes.

Je m'étais installé à La Haye en 1995 car j'avais peur qu'ils me retrouvent. Cela faisait quatre mois que j'avais l'argent quand je me suis installé à La Haye. J'ai volé l'argent à Amsterdam dans un appartement.

Ils m'avaient confié l'argent pour que je le garde. Ils m'ont loué l'appartement, déposé l'argent que je devais garder. Et j'ai fui (...)

Je n'ai pas participé au trafic de stupéfiants. J'ai été manipulé. Ils m'ont demandé de créer les sociétés et de veiller à leur argent (...) J'ignorais exactement leurs activités. Je recevais entre 5 000 et 10 000 dollars. Je ne savais rien de précis mais je me doutais que ces activités étaient liées au trafic de stupéfiants.

(...) Voilà la vérité. Il est vrai qu'au Brésil j'ai participé au trafic de stupéfiants. Je me suis sauvé. J'étais recherché. J'avais pris contact avec D. et c'est lui qui m'a aidé et après il m'a demandé avec insistance de l'aider pour quelques opérations mais c'était un homme très secret et je ne savais pas ce qu'il faisait. Il exécutait les ordres de M.. J'ai volé sept millions et demi de dollars par tentation. «

Considérant qu'il ressort de ces déclarations que le prévenu a reconnu, en substance, avoir détourné à son profit une somme d'environ sept millions et demi de dollars, qui lui avait été confiée par des personnes dont il n'a pas indiqué le nom, mais que l'on doit nécessairement comprendre, au vu de ses explications, comme étant certaines de celles avec lesquelles il admet avoir été matériellement associé dans différentes opérations, et dont il a reconnu se douter qu'elles se livraient à un trafic de stupéfiants, ayant d'ailleurs été antérieurement arrêté avec elles de ce chef ;

Considérant que ces circonstances se trouvent manifestement corroborées par le résultat d'une écoute téléphonique pratiquée le 25 août 1995 en Allemagne, portant sur une communication téléphonique entre le père d'É. D. et un nommé É. S., au cours de laquelle B. a été désigné par D. comme étant » celui qui était parti avec l'argent " ;

Considérant qu'il en résulte à la conviction de la Cour que, compte tenu de ses liens manifestes avec É. D. et M. et de la réalité de son activité délictueuse avec ceux-ci attestée lors d'une précédente poursuite, B. se savait en possession du produit d'un trafic de stupéfiants opéré par ces derniers, lorsqu'il s'est transporté à Monaco et y a été interpellé le 7 juillet 1995, quelles qu'aient été les circonstances dans lesquelles il a pu antérieurement appréhender les fonds trouvés en sa possession ;

Qu'il convient, dès lors, de retenir comme étant constitué à sa charge le délit visé par la prévention, que prévoit de ce chef l'article 4-1 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970, alors par ailleurs, que les faits constants ci-dessus rapportés révèlent à l'évidence une implication certaine du prévenu dans les trafics de stupéfiants, de nature à rendre invraisemblable son ignorance prétendue de l'objet des opérations dans lesquelles il admet avoir été associé à D. ;

Que le jugement du Tribunal correctionnel du 25 août 1998 doit donc être, à cet égard, confirmé ;

Considérant, par ailleurs, qu'au regard de la nature des faits commis, du passé judiciaire de B., et de ses liens anciens avec le milieu des trafiquants internationaux de stupéfiants, le Tribunal apparaît avoir fait, à l'encontre du prévenu, une exacte application de la loi pénale ;

Qu'il convient donc de confirmer également sa décision quant aux peines prononcées, de même que quant à la mesure accessoire, de confiscation de la somme en espèces trouvée et saisie à Monaco en la possession de B., ce, par application de l'article 6 de la loi n° 890 du 1er juillet 1970 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, jugeant correctionnellement,

Statuant contradictoirement,

  • Rejette les moyens de nullité soulevés par le prévenu.

  • Confirme en toutes ses dispositions le jugement susvisé du tribunal, en date du 25 août 1998.

  • Condamne M. B. aux frais d'appel.

  • Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps.

Composition🔗

MM. Landwerlin prem. prés. ; Serdet proc. Gén. ; Mes Michel av. ; Gazo av. stag. ; Baudoux av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal correctionnel rendu le 25 août 1998.

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