Cour d'appel, 28 avril 1998, Société International garage c/ B., État de Monaco

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Abstract🔗

Mandat

Achat de véhicule - Garagiste intermédiaire - Mandataire apparent du concessionnaire

Résumé🔗

Le client qui a remis à un garagiste aux fins d'acquérir par l'intermédiaire de celui-ci un véhicule neuf de marque Mercedes-Benz d'une valeur de 220 000,00 francs, d'une part, une voiture automobile en dépôt vente, estimée à 90 000,00 francs, d'autre part, deux chèques successifs d'un montant respectif de 50 000,00 et 80 000,00 francs en règlement du solde, a pu légitimement croire que celui-ci était le mandataire du concessionnaire de la marque Mercedes-Benz, en sorte que ce dernier ne saurait en l'état prétendre justifier d'un droit de créance certain portant sur le solde du prix de vente du véhicule litigieux, ni se prévaloir d'une clause de réserve de propriété à l'encontre de ce client.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue l'appel relevé le 6 août 1997 par la société anonyme de droit français dénommée International Garage d'une ordonnance de référé en date du 22 juillet 1997.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

Le 27 juin 1995, H. B. remettait son véhicule de marque Mitsubishi, immatriculé MC L089, en dépôt vente au prix de 90 000 francs, au garage de la société à responsabilité limitée de droit français, dénommée « ASEL », exploitant le commerce d'achat et vente de véhicules, sous l'enseigne « P. A. ».

Le même jour, il passait commande à cette même société, d'un véhicule neuf, de marque Mercedes, type C250D, ligne Élégance, d'un prix de 220 000 francs, sur lequel il versait un acompte de 50 000 francs en un chèque libellé à l'ordre de celle-ci.

Le 11 juillet 1995, P. A. gérant de la société ASEL commandait ce même véhicule, au nom d'H. B., à la société anonyme de droit français dénommée International Garage, concessionnaire de la marque Mercedes-Benz.

Le 27 juillet 1995, P. A. livrait à H. B., le véhicule que ce dernier lui avait commandé, accompagné des documents administratifs y afférents, contre paiement de la somme de 80 000 francs en un chèque libellé à l'ordre de la société « International Garage », représentant le solde du prix d'achat dudit véhicule.

Faisant état de ce qu'H. B. ne lui avait réglé que la somme de 80 000 francs et restait lui devoir un solde de 140 000 francs sur le prix de vente du véhicule Mercedes qu'il avait acquis, la société International Garage, a, suivant exploit en date des 2 et 27 février 1996, fait signifier à l'État de Monaco, service du contrôle technique et de la circulation, qu'elle s'opposait à la vente et au transfert du certificat d'immatriculation de ce véhicule, dont elle disait être demeurée propriétaire.

Suivant exploit en date du 27 juin 1997, H. B., faisant état de ce qu'il se trouvait dans l'impossibilité de céder ce véhicule Mercedes du fait de cette opposition, a fait assigner en référé la société International Garage, en présence de l'État de Monaco, aux fins d'obtenir la mainlevée des oppositions formées les 2 et 27 février 1996 par ladite société.

Par l'ordonnance entreprise, le magistrat des référés a donné mainlevée immédiate desdites oppositions.

Pour statuer ainsi, le premier juge a, pour l'essentiel, considéré :

  • que le véhicule litigieux avait été commandé par P. A. à la société International Garage, pour le compte d'H. B. ;

  • que ce dernier avait remis en dépôt vente à P. A., un véhicule Mitsubishi pour valoir paiement d'une partie du prix du véhicule Mercedes commandé, à concurrence de 90 000 francs ;

  • que par chèque du 17 juillet 1995, H. B. établissait à l'ordre de la société ASEL un chèque de 50 000 francs ;

  • que par chèque du 27 juillet 1995, il remettait à P. A., un chèque de 80 000 francs à l'ordre de la société International Garage ;

  • que ces circonstances font sérieusement présumer qu'H. B. a intégralement payé le prix du véhicule litigieux à P. A. mandataire, tout le moins apparent, de la société International Garage, en sorte que ladite société ne pouvait pas, en l'état se prévaloir d'un droit de créance certain portant sur le solde du prix de vente dudit véhicule, et par voie de conséquence, d'un droit de propriété actuellement incontestable tiré de l'application d'une clause de réserve de propriété.

La société International Garage fait, pour l'essentiel, valoir au soutien de son appel :

  • En premier lieu, que le véhicule lui a été commandé par P. A., gérant de la société ASEL, agissant pour le compte d'H. B. ;

  • En second lieu, que sur le prix de vente dudit véhicule s'élevant à 220 000 francs, H. B. ne s'est acquitté que d'une somme de 80 000 francs, en sorte que celui-ci reste lui devoir 140 000 francs ;

  • En troisième lieu, que c'est à tort, que le premier juge a considéré que P. A. était le mandataire apparent de la société International Garage, auquel il avait réglé l'intégralité du prix du véhicule Mercedes, dès lors que celui-ci n'était que le mandataire d'H. B., ainsi qu'il l'a reconnu ;

  • En quatrième lieu, que faute d'avoir réglé l'intégralité du prix de vente à la société International Garage, H. B. ne peut se prévaloir des versements qu'il a effectués au profit de P. A., pour prétendre être libéré de son obligation au paiement envers ladite société, laquelle était en droit de se prévaloir d'une créance certaine à l'encontre d'H. B. et par là même, de son droit de propriété sur le véhicule vendu à celui-ci.

En définitive, elle demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance déférée et de débouter H. B. de sa demande de mainlevée des oppositions formées à sa requête auprès de l'État de Monaco relatives à la vente et au transfert du certificat d'immatriculation de ce même véhicule.

L'État de Monaco a déclaré s'en rapporter à justice sur la demande formulée par la société International Garage.

H. B. a conclu, pour l'essentiel :

  • En premier lieu, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société International Garage, celui-ci ayant été formé hors du délai prévu par l'article 420, alinéa 2, du Code de procédure civile ;

  • En second lieu, à titre subsidiaire, à la confirmation de l'ordonnance attaquée, la société International Garage ne justifiant à son encontre ni d'un droit de créance certain, ni d'un droit de propriété incontestable, dès lors qu'il avait réglé l'intégralité du prix du véhicule au mandataire de ladite société ;

  • En troisième lieu, à la condamnation de la société International Garage à lui payer la somme de 20 000 francs de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire.

Sur ce,

Quant à la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 420, alinéa 2, du Code de procédure civile, que les ordonnances de référé peuvent être frappées d'appel dans les quinze jours suivant leur prononcé, lorsque la partie appelante a comparu à l'audience ;

Qu'à cet égard, la société International Garage ayant relevé appel par exploit du 6 août 1997, de l'ordonnance rendue le 27 juillet 1997, il convient de constater qu'elle s'est conformée aux prescriptions de l'article susvisé, en sorte que son appel doit être déclaré recevable ;

Quant à la mainlevée ordonnée :

Considérant que l'article 414 du Code de procédure civile dispose : « En cas d'urgence et en toute matière, le Président du Tribunal de première instance, peut ordonner en référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal » ;

Considérant que la Cour saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés ne peut statuer que dans les limites des pouvoirs de celui-ci ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats, qu'H. B. a remis en dépôt vente, au prix de 90 000 francs à la société ASEL exploitant un garage, sous l'enseigne P. A., représentée par P. A., un véhicule de marque Mitsubishi pour valoir paiement d'une partie du prix d'acquisition d'un véhicule Mercedes dont il avait passé commande à cette même société ;

Que P. A. a commandé ce véhicule Mercedes à la société International Garage, pour le compte d'H. B., lequel lui a remis successivement deux chèques d'un montant respectif de 50 000 francs et 80 000 francs, en sorte que, lors de la livraison de ce véhicule par ladite société à P. A., il en avait réglé intégralement le prix à ce dernier ;

Considérant qu'au regard de ces circonstances, H. B. qui avait traité avec P. A. l'achat du véhicule litigieux, a pu légitimement croire que ce dernier, professionnel de la vente des véhicules automobiles, était le mandataire de la société International Garage, concessionnaire de la marque Mercedes-Benz, en sorte que ladite société ne saurait, en l'état, prétendre justifier d'un droit de créance certain portant sur le solde du prix de vente du véhicule litigieux, ni se prévaloir d'une clause de réserve de propriété, à l'encontre d'H. B. ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance de référé entreprise ;

Considérant, par ailleurs, que la société International Garage ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits, son appel n'a pas été exercé de manière fautive, en sorte qu'il y a lieu de débouter H. B. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Considérant, enfin que les dépens d'appel suivront la succombance de la société International Garage ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Déclare la société anonyme de droit français dénommée International Garage recevable en son appel et l'en déboute au fond ;

Confirme l'ordonnance de référé en date du 22 juillet 1997 ;

Déboute H. B. de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Composition🔗

MM. Sacotte, prem. près. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut, Blot, Karczag-Mencarelli, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme l'ordonnance de référé du 22 juillet 1997.

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