Cour d'appel, 6 janvier 1998, Société monégasque de banque privée c/ S. es-qualité, N.

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Abstract🔗

Cessation des paiements

Action en paiement - À l'égard du débiteur failli - Suspension des poursuites, sursis à statuer - Procédure collective - À l'égard de la caution solidaire : poursuite de l'action individuelle

Caution

Action en paiement dirigée contre le débiteur failli - Irrecevabilité à l'égard du débiteur failli : suspension des poursuites individuelles - Recevabilité à l'égard de la caution

Résumé🔗

Le Tribunal ne saurait déclarer recevable l'action en continuation d'une expertise à l'égard d'un débiteur principal, déclaré en cessation des paiements (postérieurement à la décision ordonnant l'expertise).

En effet, une telle instance puise désormais son fondement dans une poursuite individuelle laquelle se trouve suspendue conformément à l'article 461 du Code de commerce, par suite du jugement constatant la cessation des paiements, de sorte qu'il doit être sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure collective.

L'existence de cette procédure entraîne pour le créancier l'obligation de produire sa créance entre les mains du syndic et de se soumettre à la procédure de vérification et d'admission prévue par la loi.

Si la demande en paiement du créancier est irrecevable à l'égard du débiteur principal, en raison de la règle de la suspension des poursuites, il n'en est pas de même de la demande dirigée à l'encontre de la caution solidaire, laquelle n'est point affectée par la procédure collective ouverte contre le débiteur failli.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM dénommée Société de banque privée d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 30 janvier 1997.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être exposés comme suit, référence étant faite pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

La SAM dénommée Socrédit se prévalant d'une créance de 4 000 000 de francs outre les intérêts, à l'encontre de J. N. a assigné en paiement son débiteur ainsi que R. N., caution solidaire.

Par jugement avant dire droit en date du 19 mars 1992, le Tribunal de première instance a ordonné une expertise comptable d'ordre général afin de faire la part entre le capital prêté par la banque et les intérêts.

J. N. ayant été déclaré en liquidation de biens par jugement du tribunal de première instance en date du 3 novembre 1994, le juge chargé de suivre l'expertise a renvoyé le dossier devant le Tribunal pour l'intervention du syndic de la liquidation.

Ce syndic est intervenu le 20 juin 1996 et a déclaré s'en rapporter à justice.

En cet état de la procédure, la SAM dénommée Société de banque privée déposait, le 17 octobre 1996 devant le Tribunal, des conclusions dans lesquelles elle relevait que bien que le syndic n'ait pas pris parti dans ses conclusions sur l'admission ou le refus de sa créance, l'utilité de l'expertise se justifiait pour en permettre l'évaluation. Elle proposait donc la désignation d'un expert pour assister le syndic, avec la mission prévue par le jugement du 19 mars 1992 et sollicitait que cet expert ne soit pas celui qui avait en charge l'expertise ordonnée par ledit jugement, en raison d'un désaccord persistant sur la manière de conduire l'expertise.

Par le jugement déféré, le Tribunal, analysant les conclusions précédemment rappelées en une demande de changement d'expert rejetait la demande et ordonnait la poursuite de l'expertise.

Au soutien de son appel tendant à la nullité du jugement du 30 janvier 1997, et à titre subsidiaire, à sa réformation, la SAM dénommée Société monégasque de banque privée fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande et ordonné la poursuite de l'expertise alors que cette demande s'emplaçait, non pas dans le cadre de l'action en paiement suspendue par la cessation des paiements de J. N., mais dans le cadre de la procédure collective de vérification des créances à l'occasion de laquelle elle souhaitait que le syndic soit assisté d'un expert.

L'appelante demande donc à la Cour de déclarer « impossible » la continuation des opérations d'expertise ordonnées par le jugement du 19 mars 1992 et de désigner un expert pour assister le syndic dans l'évaluation de sa créance.

Le syndic a conclu le 2 décembre 1997, en déclarant s'en rapporter à justice sur le mérite de la demande en désignation d'expert.

R. N., défaillant, réassigné par exploit du 24 avril 1997, n'a pas comparu.

Sur ce,

Considérant qu'en l'état de la réassignation de R. N. l'arrêt à intervenir sera réputé contradictoire à l'égard de tous, conformément à l'article 217 du Code de procédure civile ;

Considérant que l'action en paiement intentée par la banque a été dirigée à la fois à l'encontre de J. N., débiteur principal, et de R. N., caution solidaire ;

1° Considérant qu'en ce qui concerne la demande en paiement dirigée contre J. N., celle-ci s'est trouvée suspendue conformément à l'article 461 du Code de commerce à la suite du jugement du 3 novembre 1994 qui a constaté la cessation des paiements de J. N. ;

Que dès lors le Tribunal ne pouvait, par son jugement du 30 janvier 1997, ordonner la continuation d'une expertise qui trouvait son fondement dans une poursuite individuelle suspendue et sur laquelle il doit être sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure collective ;

Considérant que l'existence de cette procédure collective entraîne pour la banque l'obligation de produire sa créance entre les mains du syndic et de se soumettre à la procédure de vérification et d'admission prévue par la loi ;

Que la banque est donc irrecevable à demander, dans la présente instance limitée à l'action individuelle sur laquelle il a été sursis à statuer, la désignation d'un expert pour assister le syndic dans la vérification de sa créance, étant en outre observé qu'une telle demande, à la supposer recevable, relève du syndic vérificateur et non de la banque pour le compte du syndic ;

2° Considérant que la demande en paiement, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de R. N., caution solidaire, n'est pas affectée par la procédure collective ouverte contre J. N. ;

Que l'expertise ordonnée par le jugement du 19 mars 1992 doit donc suivre son cours en ce qui concerne la caution ;

Considérant que les dépens doivent être réservés en fin de cause ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de Monaco,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

  • réforme le jugement du Tribunal de première instance en date du 30 janvier 1997.

Jugeant à nouveau,

  • sursoit à statuer sur l'action en paiement dirigée à l'encontre de J. N. jusqu'à l'issue de la procédure collective ouverte par jugement du Tribunal de première instance du 3 novembre 1994.

  • déclare la SAM Société monégasque de banque privée irrecevable en sa demande de désignation d'expert.

  • dit que l'expertise ordonnée par le jugement du 19 mars 1992 se poursuivra à l'encontre de R. N.

Composition🔗

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot, Lorenzi, Licari, av. déf.

Note🔗

Cet arrêt réforme le jugement du 30 janvier 1997.

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