Cour d'appel, 6 janvier 1998, Société Sinaia Anstalt c/ W., Société de Banque Suisse

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Abstract🔗

Exploit

Désignation précise du requérant - Défaut d'indication du représentant légal d'une société - Sanction : nullité de l'exploit

Procédure civile

Conclusions - Moyen d'irrecevabilité : irrégularité de l'exploit - Moyen de nullité équivalent

Résumé🔗

Aux termes de l'article 136 du Code de procédure civile tout exploit doit contenir notamment le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante ou, du moins une désignation précise de celle-ci, aux termes de l'article 155 du même code ces mentions sont exigées à peine de nullité.

En l'espèce un exploit de saisie-arrêt et d'assignation a été délivré « à la requête d'une société dénommée ayant son siège au Liechtenstein, agissant sur poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège » avec indication qu'elle était représentée par telle personne domiciliée en Principauté de Monaco.

C'est à juste titre que les premiers juges ont analysé le moyen d'irrecevabilité soulevé par le défendeur qui objectait à la société demanderesse de ne point verser aux débats toutes justifications quant à ses statuts, son immatriculation, l'identité de son représentant légal, sa qualité à agir en justice, comme tendant implicitement mais nécessairement à voir prononcer la nullité de l'exploit.

La mention dans l'acte de saisie-arrêt et d'assignation d'une société comme étant représentée par une personne dénommée, alors qu'il n'est point soutenu que celle-ci soit la représentante légale de la société, ni qu'elle ait pouvoir de la représenter à l'instance, apparaît insuffisante pour constituer la désignation précisé de la partie requérante, exigée par l'article 136 du Code de procédure civile.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité dudit exploit de saisie-arrêt et d'assignation.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 10 avril 1997 par le Tribunal de première instance dans le litige opposant la société Sinaia à M. R. W.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Par acte sous seing privé du 12 mai 1993, la société Liechtensteinoise Sinaia, représentée à Monaco par Mme G. L., propriétaire de l'Agence A., a donné en location à M. R. W. des locaux à usage d'habitation et leurs annexes situés à Monaco. Ce bail, à effet du 1er juin 1993 était conclu pour deux ans, renouvelable d'année en année, pour un loyer annuel de 504 000 francs, outre les charges.

À compter du 1er septembre 1995, M. W. cessait de payer les loyers et charges et, par exploit du 28 février 1996, la société Sinaia lui faisait commandement de payer la somme de 182 751,31 francs à titre d'arriérés. Ledit commandement demeurait infructueux.

Parallèlement, le 26 février 1996, M. W. donnait congé à la société Sinaia pour le 31 mai 1996, déclarant subir divers troubles de jouissance.

Par exploit du 27 juin 1996, la société Sinaia faisait assigner M. W. devant le juge des référés aux fins d'expulsion et de remise des clefs. Par ordonnance du 1er août 1996, il était fait droit à cette demande.

Pour sa part, M. W. présentait, le 8 juillet 1996, une requête aux fins de désignation d'un huissier pour établir que les clefs auraient été remises par le concierge de l'immeuble au représentant de la société propriétaire le 24 juin 1996. Il était fait droit à cette requête par ordonnance du 15 juillet 1996.

Indépendamment de ces difficultés, Mme L., mandataire de la société Sinaia, présentait le 3 avril 1996 à M. le président du Tribunal de première instance, une requête tendant à être autorisée à pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes de M. W., à hauteur de 350 000 francs montant estimé des loyers, charges et indemnité d'occupation impayés. Il était fait droit à cette requête par ordonnance du 4 avril 1996.

Par exploit du 9 avril 1996, la société Sinaia a fait assigner M. W. devant le Tribunal de première instance aux fins de validation de la saisie-arrêt et en paiement des causes de celle-ci.

Par jugement du 10 avril 1997, le Tribunal de première instance a :

  • Déclaré nul l'exploit de saisie-arrêt et d'assignation du 9 avril 1996.

  • Ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt.

  • Condamné la société Sinaia aux dépens.

La société Sinaia a relevé appel de cette décision.

À l'appui de son appel, la société Sinaia prétend en premier lieu que M. W. n'avait pas soulevé devant les premiers juges, la nullité de l'assignation, mais seulement l'irrecevabilité de celle-ci faute pour ladite société de justifier de son existence juridique, de l'identité de son représentant légal et de la régularité du mandat de G. L. pour agir en justice.

Elle déclare avoir fourni en cours d'instance toutes les précisions demandées et ajoute que M. W., qui était en relation constante avec elle et Mlle L., connaissait parfaitement la situation de l'une et de l'autre.

En deuxième lieu, elle soutient que la demande de nullité de l'exploit introductif d'instance est formée pour la première fois en cause d'appel et doit donc être déclarée irrecevable.

En troisième lieu, sur le fond, la société Sinaia fait valoir que les clefs de l'appartement ne lui auraient été remises que le 2 octobre 1996 et que, de ce fait, les sommes qui lui sont dues s'élèvent à 317 951,31 francs au titre des loyers et charges dus au 31 mai 1996 et à 158 745,59 francs au titre de l'indemnité d'occupation du 1er juin 1996 au 2 octobre 1996.

En quatrième lieu, elle conteste l'existence des troubles de jouissances invoqués par M. W.

En cinquième lieu, elle estime abusive et vexatoire la résistance de M. W.

Elle demande en conséquence à la Cour :

  • d'infirmer le jugement entrepris.

  • d'évoquer l'ensemble de l'affaire.

  • de dire irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, la demande de nullité de l'exploit d'assignation.

  • de condamner M. W. à lui payer les sommes de 317 951,31 francs, 158 754,59 francs et 50 000 francs.

  • de débouter M. W. de toutes ses demandes, fins et conclusions.

  • de le condamner aux dépens.

M. W. pour sa part, rappelle, en premier lieu, que l'assignation du 9 avril 1996 ne comportait pas les mentions exigées par l'article 136 du Code de procédure civile. Il relève en particulier que l'exploit ne contenait aucune indication relative à l'existence de son représentant légal ni à son domicile.

Il affirme que la demande d'irrecevabilité formulée par lui de ces chefs devant les premiers juges a justement été qualifiée par eux de demande en nullité de l'exploit d'assignation.

En tant que de besoin, et reprenant les moyens présentés devant le Tribunal, il déclare renouveler devant la Cour cette demande de nullité.

En deuxième lieu, sur le fond, il expose, à titre subsidiaire, qu'il a subi de nombreux troubles de jouissance, résultant de travaux incessants dans l'immeuble et d'émanations d'odeurs nauséabondes dans son appartement, ce qui, selon lui, justifierait le non-paiement de partie des loyers et charges.

En troisième lieu, il déclare avoir quitté les lieux le 15 juin 1996 et remis les clefs en tout cas avant le 24 juin 1996. Il estime de ce fait n'être redevable d'aucune indemnité d'occupation.

Il demande en définitive à la Cour :

  • de confirmer le jugement entrepris ;

  • subsidiairement, de constater que le bailleur n'a pas rempli ses obligations et que le bail s'est trouvé résilié à ses torts et de le décharger de toute condamnation pécuniaire.

  • de dire qu'aucune d'indemnité d'occupation n'est due.

  • de débouter la société Sinaia de toutes ses demandes, fins et conclusions.

  • de la condamner aux dépens.

Cela étant exposé, la Cour,

Considérant qu'aux termes de l'article 136 du Code de procédure civile, tout exploit doit contenir notamment le nom, les prénoms, la profession et le domicile de la partie requérante ou, du moins une désignation précise de celle-ci ;

Qu'aux termes de l'article 155 du même code ces mentions sont exigées à peine de nullité ;

Considérant que l'exploit de saisie-arrêt et d'assignation du 9 avril 1996 a été délivré « à la requête de la société Sinaia, dont le siège social est à Vaduz (Liechtenstein) agissant sur poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège » ;

Qu'il y était indiqué que cette société était « représentée par Mme G. L., propriétaire exploitante de l'agence A., y demeurant en cette qualité, à Monte-Carlo » ;

Qu'il y était fait élection de domicile en l'étude de Maître Léandri, avocat-défenseur ;

Considérant que, devant les premiers juges, M. W., défendeur, a, par conclusions du 11 juillet 1996, soulevé l'irrecevabilité de la demande de la société Sinaia faute pour elle de verser aux débats toutes pièces utiles, « notamment ses statuts, la justification de sa régulière immatriculation, l'identité de son représentant légal, sa qualité à agir en justice » ;

Qu'il demandait également d'expliciter selon quels critères Mme G. L., qui n'était pas le représentant légal, pouvait représenter la société ;

Considérant que par le jugement entrepris, le Tribunal a estimé que ces conclusions d'irrecevabilité tendaient implicitement mais nécessairement à voir prononcer la nullité de l'exploit d'assignation ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont ainsi analysé le moyen soulevé par M. W. dès lors que celui-ci relevait, dans ses écritures, l'absence de toute indication sur l'existence même de la société Sinaia et l'identité de son représentant légal ;

Considérant que la mention dans l'acte du nom de Mme L. dont il n'était pas soutenu qu'elle fut la représentante légale de la société ni qu'elle ait eu pouvoir de la représenter à instance, est insuffisante pour constituer la désignation précise de la partie requérante, exigée par l'article 136 du Code de procédure civile ;

Considérant que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont prononcé la nullité de l'exploit de saisie-arrêt et d'assignation du 9 avril 1996, avec ses conséquences ;

Qu'il y a lieu en conséquence de débouter la société Sinaia des fins de son appel et de confirmer le jugement attaqué ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • confirme le jugement attaqué, du 10 avril 1997.

  • déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Composition🔗

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Léandri, Brugnetti, av. déf. ; Gorra, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du 10 avril 1997.

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