Cour d'appel, 28 avril 1997, C.-B. c/ Ministère public en présence de B.

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Abstract🔗

Non représentation d'enfant

Méconnaissance d'une décision de justice exécutoire (garde au père) - Invocation du refus de l'enfant - Intention coupable de la mère - Délit constitué

Résumé🔗

Ayant omis de représenter sa fille mineure à son père, titulaire du droit de garde, en vertu d'un arrêt exécutoire de la Cour d'appel, la mère qui s'est inclinée devant la volonté de sa fille, se refusant à retourner chez son père, sans faire une pression suffisante sur celle-ci pour l'amener à respecter une décision de justice prise dans son intérêt supérieur, ne saurait exciper de son absence d'intention coupable.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur les appels relevés le 27 juin 1996 par P. B. et par le Ministère public, le 28 juin 1996, par G. B., d'un jugement du Tribunal correctionnel du 18 juin 1996 qui a condamné P. C. à la peine de deux mille francs d'amende pour non représentation d'enfant et au paiement d'un franc à G. B. à titre de dommages-intérêts.

Les faits, la procédure et les prétentions des parties peuvent être résumés comme suit :

G. B. divorcé de P. C. par jugement du Tribunal de première instance en date du 15 juillet 1989 est titulaire du droit de garde sur leur fille mineure A., la dame B. bénéficiant d'un droit de visite organisé en dernier lieu par l'arrêt du 1er juillet 1994.

À l'issue de l'exercice de son droit de visite correspondant aux vacances scolaires d'été de l'année 1995 P. B. n'a pas représenté leur fille à son père qui a déposé plainte et qui s'est constitué partie civile devant le Tribunal correctionnel.

Considérant que la prévenue explique son comportement par le refus opposé par sa fille, âgée de 14 ans, de vivre désormais chez son père ; qu'elle précise qu'une ordonnance rendue par le juge aux affaires matrimoniales de Nice le 18 décembre 1996 lui a reconnu le droit de garde ;

Considérant que la partie civile, appelante, sollicite la condamnation de la prévenue à une peine dissuasive et au paiement de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que le Ministère public qui rappelle que la volonté de l'enfant ne saurait exonérer la prévenue de sa culpabilité requiert la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant que la prévenue fait plaider sa relaxe principalement au motif que la citation à comparaître devant le Tribunal correctionnel viserait à tort un arrêt de la Cour d'appel du 1er juillet 1994 inapplicable aux faits survenus le 11 septembre 1995 alors qu'elle aurait dû viser l'arrêt infirmatif du 7 juillet 1995 rendu à la suite de l'ordonnance du juge tutélaire du 13 juin 1995.

Qu'à titre subsidiaire, elle sollicite sa relaxe pour défaut d'intention délictuelle puisqu'elle n'a fait que respecter la volonté de sa fille également prise en compte par le père à l'issue des vacances de la fin de l'année 1995 ;

Sur ce,

Considérant que la prévenue a été citée à comparaître devant le Tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir à Monaco le 11 septembre 1995 en méconnaissance de l'arrêt exécutoire de la Cour d'appel du 1er juillet 1994 omis de représenter sa fille mineure à son père, titulaire du droit de garde ;

Considérant que si le 13 juin 1995, une ordonnance du juge tutélaire a confié à la mère la garde de l'enfant, cette décision a été infirmée par arrêt de la Cour d'appel en date du 7 juillet 1995 en sorte qu'au jour des faits reprochés - le 11 septembre 1995 - les rapports juridiques régissant les parties sur le droit de garde se trouvaient réglés par l'arrêt du 1er juillet 1994 qui avait confirmé l'ordonnance du juge tutélaire du 1er juin 1994 sur le maintien du droit de garde au père ;

Que le moyen de nullité de la citation et de la demande subséquente de relaxe de ce chef doivent être rejetés ;

Considérant que la prévenue qui s'est inclinée devant la volonté de sa fille et qui n'a pas établi avoir fait une pression suffisante sur celle-ci pour l'amener à respecter une décision de justice prise dans son intérêt supérieur ne saurait exciper de son absence d'intention coupable ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision du Tribunal sur la culpabilité comme sur la pénalité, le Tribunal ayant fait une juste appréciation des circonstances de la cause ;

Considérant sur l'action civile, qu'ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre relevé le seul préjudice caractérisé en l'espèce est d'ordre moral ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer leur décision d'indemniser ce préjudice par l'allocation de la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant en matière correctionnelle,

  • Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 18 juin 1996.

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Tribunal correctionnel

Audience du 18 juin 1996

Attendu que P. C. épouse B. est poursuivie correctionnellement sous la prévention :

D'avoir à Monaco, le 11 septembre 1995, en méconnaissance de l'arrêt exécutoire de la Cour d'appel de Monaco, en date du 1er juillet 1994 qui a confirmé l'ordonnance du juge tutélaire du 1er juin 1994, statuant sur le droit de garde et organisant son droit de visite, omis de représenter sa fille mineure A. à son père G. B. qui est en droit de la réclamer, et de l'avoir enlevée ou détournée des mains de son père qui en a la garde,

Délit prévu et réprimé par l'article 294 du Code pénal ;

Attendu qu'à l'audience G. B. s'est constitué partie civile et a fait déposer par son conseil Maître Escaut, avocat-défenseur, des conclusions tendant à obtenir la condamnation de la prévenue à une peine du chef du délit qui lui est reproché par la citation et le paiement d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Que cette constitution de partie civile est régulière en la forme et qu'il y a lieu de l'accueillir ;

Sur l'action publique :

Attendu qu'il est constant que G. B. bénéficie du droit de garde sur la personne de l'enfant commune A. en vertu d'un arrêt de la Cour d'appel de Monaco prononcé le 1er juillet 1994, aujourd'hui définitif ;

Que le 11 septembre 1995, à l'issue du droit de visite estival dont bénéficie la prévenue en vertu de la décision susvisée, celle-ci n'a pas représenté l'enfant à son père alors qu'ainsi qu'elle l'a reconnu à l'audience, il le lui avait expressément demandé téléphoniquement à cette date, puis par lettre du 14 septembre suivant ;

Qu'ainsi, le délit de non-représentation d'enfant est constitué, le refus de l'enfant de retourner chez son père tel qu'invoqué par P. B. n'étant pas en l'espèce susceptible d'enlever le caractère exécutoire de la décision susvisée ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer P. C. épouse B. coupable du délit qui lui est reproché et de lui faire application de la loi pénale en tenant compte, cependant, des circonstances atténuantes existant en la cause ;

Sur l'action civile :

Attendu que la constitution de partie civile de G. B. est recevable en la forme ; que cependant le seul préjudice caractérisé en l'espèce est exclusivement d'ordre moral ; qu'il paraît, en conséquence équitable de l'indemniser à hauteur de la somme de un franc symbolique ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant contradictoirement,

Sur l'action publique :

Déclare P. C. épouse B. coupable du délit qui lui est reproché ;

En répression, faisant application des articles 294 et 392 du Code pénal,

La condamne à la peine de deux mille francs d'amende ;

Sur l'action civile :

Accueille G. B. en sa constitution de partie civile ;

Le déclarant partiellement fondé en sa demande, condamne P. C. épouse B. à lui payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts ;

Condamne, en outre, P. C. épouse B. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 8361 du 29 juillet 1985 avec distraction au profit de maître Escaut, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats ;

Fixe au minimum la durée de la contrainte par corps ;

Composition🔗

MM. Sacotte, prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Escaut, av. déf. ; Flamant, av. bar. de Nice.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du tribunal correctionnel du 18 juin 1996 publié à la suite.

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