Cour d'appel, 17 décembre 1996, C. c/ R.

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Abstract🔗

Référés

Urgence - Condition de la régularité de la décision - Appel de l'ordonnance : appréciation de l'urgence à la date de l'arrêt

Résumé🔗

La cour saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne peut statuer que dans les limites des pouvoirs de celui-ci. Si l'existence d'une instance principale au fond n'interdit pas le recours à une mesure prise selon la procédure de référé, il demeure que l'urgence étant une des conditions de la régularité de la décision prise en référé, la cour doit, pour statuer sur le mérite de l'appel d'une telle décision fondée sur l'urgence, se placer à la date à laquelle elle rend son arrêt.

Étant constant que l'instance au fond devait être évoquée à une prochaine audience et que l'expertise sollicitée devant la juridiction des référés était également demandée au fond, il n'existait plus présentement d'urgence justifiant la compétence du juge des référés pour ordonner une telle mesure, ainsi qu'en dispose l'article 414 du Code de procédure civile.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel interjeté le 8 novembre 1996 par G. C. d'une ordonnance de référé en date du 30 octobre 1996.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être relatés comme suit, référence étant faite pour le surplus à l'ordonnance entreprise et aux conclusions échangées en appel :

Selon actes sous seing privé en dates des 12 avril et 12 octobre 1994, G. C. a vendu à L. M. R. un bateau offshorer, dénommé « E. B. », de marque Mercruiser, immatriculé à Monaco, sous le numéro 5272, moyennant le prix de 340 000 francs.

Une avarie due à une fuite d'eau s'étant produite à la date du 30 juin 1995, l'examen de la coque du bateau permettait de constater une fissure horizontale de huit centimètres de long, situé à l'angle du bouchain tribord arrière, au niveau du point d'appui de l'épontille.

L. M. R., arguant du fait que suite à la découpe de l'angle incriminé, il était apparu la présence d'un bourrage des mâts sur une longueur de 8 centimètres au droit d'un trou existant dans la coque et résultant d'une ancienne réparation, a fait assigner, suivant exploit du 11 septembre 1995, G. C. devant le Tribunal de première instance, aux fins d'entendre prononcer la résolution de la vente, la restitution du bateau à G. C. et la condamnation de ce dernier à lui restituer la somme de 340 000 francs au titre du prix de vente.

Aux termes de ce même exploit, le demandeur sollicitait, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise.

Faisant état de ce qu'une nouvelle fuite se serait produite lors de la remise à flot du bateau, courant juillet 1995, L. M. R., suivant exploit du 16 septembre 1996, a fait assigner G. C. devant le juge des référés à l'effet de voir désigner un expert avec mission de rechercher l'existence, les causes et les remèdes des vices affectant le bateau qu'il avait acquis.

Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a prescrit l'expertise sollicitée, aux motifs que la saisine au fond du Tribunal n'interdisait pas le prononcé d'une telle mesure en référé, dès lors que celle-ci n'était pas de nature à faire préjudice au principal et que l'urgence était constatée, en l'espèce.

Au soutien de son appel, G. C. fait successivement valoir, pour l'essentiel :

  • en premier lieu, qu'en ordonnant une expertise, le premier juge a, d'une part, préjudicié le fond, le Tribunal étant appelé à statuer sur l'irrecevabilité de l'action formée par L. M. R. pour cause de tardiveté, s'agissant de vices cachés affectant une vente mobilière, dès lors que l'assignation tendant à la résolution de cette vente a été signifiée dix sept mois après la réalisation de celle-ci, d'autre part, excédé sa compétence, en sorte que la même demande était soumise aux juges du fond.

  • en second lieu, qu'en tout état de cause, en l'absence d'urgence, dès lors que le vice invoqué remontait à plus d'une année, le premier juge devait déclarer n'y avoir lieu à référé.

En définitive, G. C. demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance de référé entreprise, et statuant à nouveau, de déclarer le magistrat des référés incompétent tout en condamnant M. R. à lui payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

L. M. R. a conclu à la confirmation de l'ordonnance de référé querellée et à la condamnation de G. C. à lui payer la somme de 10 000 francs, à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, en faisant observer, successivement et pour l'essentiel :

  • en premier lieu, que la mesure d'expertise qu'il a sollicitée devant le Tribunal présente un caractère subsidiaire par rapport à sa demande principale tendant à la résolution de la vente, et que les dommages pour lesquels il sollicite une expertise, par voie de référé, sont différents de ceux ayant fait l'objet de son assignation au fond, et qu'il y a urgence à les constater.

  • en second lieu, que la demande d'expertise soumise au juge des référés ne préjudice pas le fond.

Sur ce,

Considérant que la Cour saisie de l'appel d'une ordonnance du juge des référés, ne peut statuer que dans les limites des pouvoirs de celui-ci ;

Considérant que si l'existence d'une instance principale au fond en cours n'interdit pas le recours à une mesure prise selon la procédure de référé, il demeure que l'urgence étant une des conditions de la régularité de la décision prise en référé, la Cour doit, pour statuer sur le mérite de l'appel d'une telle décision fondée sur l'urgence, se placer à la date à laquelle elle rend son arrêt ;

Considérant, qu'en l'espèce, il est constant que l'instance au fond soumise au Tribunal de première instance, doit être évoquée à l'audience du 16 janvier 1997 et que l'expertise sollicitée devant les premiers juges porte sur des vices affectant le bateau vendu qui font l'objet même du litige dont est saisie cette juridiction du fond, laquelle est en état de statuer prochainement, en sorte qu'il n'y a plus présentement d'urgence justifiant la compétence du juge des référés pour ordonner une telle mesure, ainsi qu'en dispose l'article 414 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, infirmant l'ordonnance entreprise, de dire n'y avoir lieu à référé, en l'état ;

Considérant, par ailleurs, que L. M. R., ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits en intentant une action de référé à l'effet d'obtenir la désignation d'un expert, il convient de débouter G. C. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Qu'en outre, G. C. ayant vu son appel déclaré fondé, il échet de débouter L. M. R. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Considérant qu'enfin, les dépens de première instance et d'appel devront être supportés par l'intimé, en l'état de sa succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • infirme l'ordonnance de référé en date du 30 octobre 1996.

Statuant à nouveau,

  • Dit n'y avoir lieu, en l'état, à référé.

  • Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs.

Composition🔗

MM. Sacotte, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor, Brugnetti, av. déf. ; Cohen, av. bar. de Nice ; Rey, avocat.

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