Cour d'appel, 5 juillet 1996, SCI Liégi c/ D.

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Abstract🔗

Commissionnaire arbitrale des loyers commerciaux

Révision du prix du loyer - Recevabilité : action intentée un an au moins après fixation du dernier loyer (art. 21) (1) - Saisine : plus d'un mois après réception de la lettre recommandée (art. 21) (2) - Preuve : modification des conditions économiques générales ou particulières au fonds (art. 22) (3)

Résumé🔗

Le délai d'un mois visé par l'article 22 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 concernant les loyers commerciaux ne constitue pas le délai de saisine de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux, lequel rendrait irrecevable ainsi qu'il est soutenu à tort, une action en diminution du prix devant cette juridiction, mais le délai d'attente minimum précédant l'engagement de l'action que la loi concède aux parties pour s'accorder amiablement (2).

En vertu de l'article 21 de la loi susvisée, la révision du prix de location peut être demandée lorsqu'il s'est écoulé une année au moins depuis la date à laquelle avait pris cours le prix précédemment fixé, ce qu'est le cas en espèce (1).

Par application de ce même article, le demandeur qui sollicite une révision du prix du loyer doit justifier de ce que le prix payé ne correspond plus à la valeur locative du fonds par suite d'une modification, soit dans les conditions économiques générales de la Principauté, soit dans les conditions particulières affectant le fonds.

Celui-ci en justifie dès lors qu'il apparaît des circonstances de la cause que postérieurement à la conclusion du bail, un salon de coiffure a été créé dans la galerie marchande du centre commercial de Fontvieille, drainant une importante clientèle trouvant des facilités de stationnement tandis que le fonds de coiffure dont s'agit situé dans la rue ... en est privé en raison d'un nouveau plan de la circulation routière de ladite voie (3).


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par la SCI Liégi d'un jugement de la Commission Arbitrale des Loyers commerciaux en date du 8 novembre 1995.

Les faits, la procédure, les moyens et prétentions des parties peuvent être résumés comme suit, référence étant faite pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

R. D., exploitant un fonds de commerce de coiffure à l'enseigne « E. », à Monaco est titulaire d'un bail à loyer renouvelé le 29 septembre 1993 pour une durée de 3, 6, 9 ans, avec effet du 1er janvier 1993 au prix annuel de 355 800 francs, TTC, indexé sur l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE.

À la suite du refus opposé par le propriétaire à une demande en diminution de loyer formée par R. D. le 14 novembre 1994, celui-ci a saisi la Commission Arbitrale des loyers commerciaux sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 pour obtenir une fixation du loyer à la somme de 168 000 francs par an à compter du 1er mars 1995.

Faisant partiellement droit à cette demande, les premiers juges ont fixé le montant du loyer à la somme de 220 000 Francs par an à compter du 1er mars 1995 estimant qu'il existait une modification dans les conditions particulières affectant le fonds tenant à la création de nouveaux fonds de coiffure et à la modification du plan de circulation routière dans le quartier de la Condamine.

Au soutien de son appel tendant à la réformation de la décision entreprise et à la condamnation de R. D. au paiement d'une somme de 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la SCI Liégi fait valoir en premier lieu une irrecevabilité tirée de la violation des dispositions de l'article 22 de la loi n° 490 précitée en ce qu'un délai de trois mois s'est écoulé entre la réception de la lettre recommandée prévue par la loi et la comparution des parties devant le magistrat conciliateur, alors que cet article prévoit un délai maximum d'un mois à compter de la lettre recommandée.

L'appelante soutient en second lieu, au fond, d'une part que les modifications d'exploitation alléguées par l'intimé sont antérieures au renouvellement du bail et donc à la fixation conventionnelle du loyer aujourd'hui contesté, d'autre part que l'intimé ne rapporte pas la preuve d'une modification substantielle des conditions économiques générales de la Principauté depuis octobre 1993 alors qu'il a ouvert un autre commerce de coiffure à Monte-Carlo.

L'appelante rappelle enfin que l'intéressé est entré dans les lieux sans avoir eu à payer un pas de porte et qu'ayant exécuté des travaux d'aménagement du local il a bénéficié dans le cadre du bail initial d'une remise mensuelle de loyer de 2 500 francs pendant 6 ans.

L'intimé conclut à la confirmation de la décision entreprise tant sur la recevabilité de l'action qu'au fond en rappelant que les éléments de fait retenus par la Commission arbitrale justifient la diminution qu'il sollicite.

Sur ce,

Considérant que le délai d'un mois visé par l'article 22 précité ne constitue pas, contrairement à ce que la SCI Liégi soutient par une lecture hâtive du texte, le délai de saisine de la juridiction mais le délai que la loi concède aux parties pour s'accorder amiablement ;

Que c'est donc à juste titre que la Commission arbitrale dont la décision doit être confirmée de ce chef, a décidé que ce délai constituait un délai d'attente minimum précédant l'engagement de l'action ;

Que le moyen d'irrecevabilité doit être rejeté ;

Au fond,

Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, la révision du prix de location peut être demandée lorsqu'il s'est écoulé une année au moins depuis la date à laquelle avait pris cours le prix précédemment fixé, ce qui est le cas de l'espèce puisque le bail a été signé le 29 septembre 1993 avec effet rétroactif au 1er janvier 1993 et la demande présentée le 14 novembre 1994 ;

Considérant que par application du même article le demandeur doit justifier de ce que le prix payé ne correspond plus à la valeur locative du fonds par suite d'une modification soit dans les conditions économiques générales de la Principauté, soit dans les conditions particulières affectant le fonds ;

Considérant sur ce dernier point invoqué par R. D. et retenu par la Commission arbitrale, que des modifications importantes ont affecté les conditions inhérentes au fonds telles que l'ouverture fin 1993 dans la galerie marchande du centre commercial de Fontvieille d'un salon de coiffure « J.-L. D. » bénéficiant de l'importante clientèle journalièrement drainée par ce centre commercial et des facilités de stationnement que représente le parking desservant ce centre tandis que dans le même temps le plan de circulation routière de la rue où se situe le fonds de l'intimé a eu pour effet de supprimer le stationnement des véhicules au voisinage immédiat du commerce le privant ainsi nécessairement d'une clientèle habituée à utiliser un véhicule automobile personnel et à stationner à proximité immédiate du commerce auquel elle s'adresse ;

Que la connaissance par l'intimé de ces conditions nouvelles lors de la signature du bail ne fait pas obstacle à une diminution de loyer dès lors que leur effet négatif - que l'intimé a pu espérer surmonter - s'est manifesté que postérieurement à cette signature ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise et de débouter la SCI Liégi de son appel ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'Appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement de la Commission arbitrale des loyers commerciaux en date du 8 novembre 1995.

Déboute la SCI Liégi de son appel.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ; Mes Pastor et Escaut av. déf. ;

Note🔗

Cet arrêt confirme la décision de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux en date du 8 novembre 1995.

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