Cour d'appel, 25 juin 1996, N. c/ G.

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Abstract🔗

Contrats et obligations

Interprétation de la volonté des parties par le juge - Inexistence d'un acte de cession à défaut de prix : art. 1434 du Code civil

Résumé🔗

Dès lors que dans un acte les parties ont manifesté la volonté de remettre en cause le prix initialement fixé dans une convention de cession d'actions conclue antérieurement, il s'ensuit que les premiers juges ont fait une exacte interprétation de la volonté réelle des parties, en prononçant pour inexistence la nullité de ladite convention, à défaut de prix, conformément aux dispositions de l'article 1434 du Code civil.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel interjeté le 27 décembre 1995 par S. N. contre un jugement du tribunal de première instance en date du 27 octobre 1994 signifié le 27 novembre 1994.

Les faits, la procédure, les prétentions et moyens des parties peuvent être ainsi résumés, référence étant faite pour le surplus au jugement entrepris et aux écritures échangées en appel :

Par acte du 30 décembre 1991, S. N. avait cédé à E. G. les actions qu'il détenait dans le capital de la SA « EG Heliservice » au prix de 4 000 000 de francs belges, lequel devait être payé le 30 mai 1992 au plus tard.

Par acte du 5 juin 1992 intitulé « Reconnaissance » signé par S. N., ce dernier - délivrait quittance à E. G. pour son règlement du prix de vente des actions détenues dans trois autres sociétés, à savoir « E.G. Renting », « B.B.C. » et « Fanucchi » - indiquait, en outre « être d'accord de discuter le prix de 4 000 000 de francs belges déterminé dans le contrat de cession des parts de la SA » EG Heliservice « en date du 11 juin 1992 à 10 heures ».

Par jugement du 27 novembre 1994, le tribunal a déclaré nul et de nul effet le contrat de cession d'actions de la SA de droit belge « E.G. Heliservice », en date du 30 décembre 1991, a constaté que Monsieur G. n'était redevable d'aucune somme envers Monsieur N. et a ordonné la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque prise à la requête de Monsieur N. le 24 août 1992 sur l'appartement sis à Monaco, appartenant à Monsieur G.

Les premiers juges ont motivé leur décision sur la nullité de la convention du 30 novembre 1991, faute d'accord sur le prix, eu égard aux termes du second acte en date du 5 juin 1992.

Dans son acte d'appel, Monsieur N. soutient que les premiers juges ont inexactement apprécié la nature de ses engagements contractuels avec Monsieur G. car en réalité, l'acte du 5 juin 1992 avait comme finalité, selon lui, non pas de remettre en cause le prix de 4 000 000 de francs belges déterminé dans l'acte de cession du 30 novembre 1991, mais de discuter des modalités de règlement de ce prix, le versement n'étant pas intervenu comme prévu dans le contrat le 30 mai 1992.

À l'appui de son argumentation, l'appelant rappelle que Monsieur G. n'a pas contesté les termes de la mise en demeure à lui adressée le 11 juin 1992 par laquelle il lui était réclamé la somme de 4 000 000 francs belges pour la cession des actions « EG Heliservice ».

Monsieur N. sollicite donc l'infirmation du jugement entrepris, la condamnation de Monsieur G. à lui verser la somme de 4 000 000 francs belges avec intérêts de droit à compter du 11 juin 1992, la validation de l'inscription provisoire d'hypothèque prise sur l'appartement de ce dernier et l'allocation d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi.

Par écritures du 16 février 1995, Monsieur G. fait valoir que l'acte de cession du 30 décembre 1991 ne peut lui être opposé que comme commencement de preuve par écrit car cette convention ne constitue pas selon lui un mode de preuve, n'ayant été rédigée qu'en un seul exemplaire contrairement aux dispositions de l'article 1172 du Code civil.

Par ailleurs, Monsieur G. soutient que l'acte du 5 juin 1992 démontre que le prix de 4 000 000 de francs belges déterminé dans la convention du 30 novembre 1991 a été remis en cause et que par la suite aucun accord n'est intervenu sur ledit prix.

À cet égard, et pour contester l'argumentation de Monsieur N., Monsieur G. fait remarquer qu'il a réagi à la mise en demeure du 11 juin 1992 par une lettre du 23 juin 1992 dans laquelle il rappelle que le prix devait être revu.

L'intimé indique qu'il n'y a jamais eu consentement sur le prix et qu'à tout le moins, l'acte du 5 juin 1992 a révoqué la convention de cession du 30 décembre 1991.

En définitive, Monsieur G. demande que Monsieur N. soit débouté de son appel et à titre subsidiaire que ce dernier rapporte la preuve qu'il détient effectivement 50 % du capital d'Heliservice.

Dans ses conclusions du 13 juin 1995, l'appelant précise qu'il détient un exemplaire de l'acte du 5 juin 1992 qui comprend le même texte que celui contenu dans l'exemplaire produit par Monsieur G., à l'exception d'une reconnaissance de dette de ce dernier dans laquelle celui-ci déclare payer avant le 30 juin 1992 une somme de 225 000 francs à Monsieur N.

Monsieur N. indique qu'au moment de la cession des actions, la société N.V. Primo SA pour laquelle il s'est porté fort, était propriétaire des actions.

L'appelant soutient que Monsieur G. est de mauvaise foi lorsqu'il prétend qu'il ne détiendrait pas 50 % du capital d'Heliservice alors que Monsieur G. possède ces actions depuis début 1992.

À cet égard, Monsieur N. précise que Monsieur G. apparaît comme l'actionnaire unique d'Heliservice dans l'acte du 17 mai 1993 portant augmentation du capital.

L'appelant sollicite par conséquent l'adjudication de ses précédentes conclusions.

Par écritures du 30 janvier 1996, Monsieur G. confirme ses précédentes conclusions en précisant que sa présence dans l'augmentation de capital du 17 mai 1993 n'est pas en relation avec l'acte de cession litigieux et que Monsieur N. tente sciemment d'opérer une confusion à ce sujet.

Monsieur G. indique en outre que Monsieur N. ne peut agir pour le compte de la société « NV Primo SA » alors qu'il n'est toujours intervenu qu'en son seul nom propre et qu'ainsi son action est irrecevable.

Dans ses conclusions du 26 mars 1996 Monsieur N. tout en demandant l'adjudication de ses précédentes écritures, rappelle que l'acte de cession du 30 décembre 1991 prévoit très clairement qu'il agissait tant en son nom personnel que pour le compte de tiers pour lesquels il se portait fort et qu'en conséquence le moyen d'irrecevabilité de l'action soulevé par l'intimé est inopérant.

Par écritures du 29 mai 1996, Monsieur G. confirme ses précédentes prétentions en sollicitant à titre subsidiaire que Monsieur N. rapporte la preuve qu'il a la possibilité de vendre une participation de 50 % ou de 75 % dans la SA Heliservice.

Sur ce,

Considérant qu'il est mentionné dans l'acte de cession du 30 décembre 1991 que « Monsieur N. agit en son nom personnel ou pour le compte de tiers pour lesquels il se porte fort ».

Que par ailleurs le présent litige porte exclusivement sur l'inexécution d'une obligation de ce contrat, dont nul ne saurait nier que Monsieur N. est l'une des deux parties ;

Que le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action de Monsieur N. qui résulterait d'un défaut de qualité pour agir de ce dernier est donc inopérant ;

Qu'il convient de déclarer recevable l'action de Monsieur N. ;

Considérant par ailleurs que le moyen tiré de la non-validité de l'acte de cession du 30 décembre 1991 qui ne répondrait pas aux exigences des dispositions de l'article 1172 du Code civil, n'est pas davantage pertinent ;

Qu'en effet, aucune des parties n'en a contesté ni l'existence ni le contenu ;

Que cet acte vaut donc commencement de preuve des relations contractuelles entre les parties au 30 décembre 1991 en vertu des seules dispositions de l'article 1169 du Code civil ;

Que par contre, il résulte de la mention portée dans l'acte du 5 juin 1992 que celles-ci ont eu la volonté de remettre en cause le prix initialement fixé ;

Que cet acte a ainsi révoqué la convention de cession du 30 décembre 1991 ;

Qu'en soulignant qu'il convenait de prononcer pour inexistence la nullité dudit contrat, à défaut de prix, conformément aux dispositions de l'article 1434 du Code civil, les premiers juges ont fait une exacte interprétation de la volonté réelle des parties ;

Considérant qu'il ne résulte pas en outre des pièces produites aux débats qu'un nouveau prix ait été fixé pour la cession des actions Heliservice ;

Que conséquemment Monsieur N. ne justifie d'aucun titre de créance à l'encontre de Monsieur G. ;

Que dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La cour d'appel de la principauté de Monaco,

  • Déclare Monsieur S. N. recevable en son action.

  • Déboute Monsieur S. N. des fins de son appel.

  • Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 27 octobre 1994.

  • Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. Prés. ; Serdet prem. Subst. Proc. Gén. ;Mes Escaut, Brugnetti av. déf. ; Chaffoy et Monard av. en Belgique.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance du 27 octobre 1994.

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