Cour d'appel, 18 juin 1996, C. c/ Compagnie « Les mutuelles du Mans » - mutuelle générale française accidents »

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Abstract🔗

Contrat d'assurance

Garantie de la responsabilité professionnelle : pour la période de validité de la police - Clause restrictive : subordonnant la garantie aux réclamations formulées seulement durant la période susvisée - Nullité de la clause

Résumé🔗

Le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration (résiliation) a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait (faute professionnelle) qui s'est produit pendant cette période.

La clause du contrat subordonnant la garantie « aux réclamations écrites formulées aimablement ou judiciairement auprès de l'assuré au cours de la période comprise entre la date de prise d'effet et la date de résiliation du contrat » laquelle apparaît contraire au principe fondamental de l'assurance de responsabilité sus-énoncé, est nulle et doit être réputée non écrite.


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 11 juin 1993 par le Tribunal de Première Instance de Monaco dans le litige opposant R. A. C. à la Compagnie d'Assurances Les Mutuelles du Mans - Mutuelle Générale Française Accidents.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

Par arrêt du 6 juin 1995, la Cour, confirmant pour l'essentiel un jugement du Tribunal de Première Instance du 11 juin 1993, a condamné Maître R. C., Avocat-défenseur, à payer à la SAM Polymat la somme de 310 211,83 F à titre de dommages-intérêts en réparation d'une faute professionnelle.

Au cours de cette première procédure, Maître C., par acte du 4 novembre 1992, avait fait assigner en intervention la Compagnie Les Mutuelles du Mans (MGFA) afin d'être relevé et garanti des condamnations pouvant être prononcées à son encontre, sur la base de la police d'assurance conclue entre cette compagnie et l'Ordre des Avocats et Avocats-Défenseurs de Monaco.

Par le jugement attaqué, le Tribunal a déclaré Maître R. C. irrecevable en son appel en garantie.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a retenu que l'action en responsabilité avait été introduite à l'encontre de Maître C. postérieurement à la date d'effet de la résiliation de la police litigieuse fixée au 31 janvier 1990.

Maître R. A. C. a relevé appel de cette décision.

À l'appui de son appel, Maître C. relève en premier lieu que la faute retenue à son encontre s'est produite entre le 2 décembre 1983 et le 2 mars 1984, soit au cours d'une période pendant laquelle la police d'assurance était en cours de validité.

Il soutient que c'est la date du sinistre qui doit être prise en compte pour faire jouer la garantie et non pas la date de l'assignation, laquelle, possible pendant trente ans, ne dépend absolument pas de lui.

En second lieu, il rappelle que l'obligation d'assurance des avocats est une obligation légale et il précise avoir personnellement toujours payé ses cotisations au titre de cette assurance.

Il demande en conséquence à la Cour :

  • d'infirmer le jugement entrepris ;

  • de condamner la Compagnie Les Mutuelles du Mans (MGFA) à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la SAM Polymat ;

  • de la condamner aux dépens.

La Compagnie Les Mutuelles du Mans rappelle en premier lieu que le contrat d'assurance « responsabilité civile professionnelle » qui couvrait l'ensemble de l'Ordre des Avocats de Monaco avait été dénoncé le 14 novembre 1989, avec effet au 31 janvier 1990. Elle déclare que depuis cette date, elle n'assurait plus aucun risque professionnel des membres du Barreau de Monaco.

Elle fait observer en second lieu que la première réclamation et mise en jeu de la responsabilité professionnelle de Maître C. serait intervenue au plus tôt le 14 août 1990.

Elle demande en conséquence à la Cour :

  • de dire irrecevable l'appel en intervention forcée et en garantie engagée à son encontre ;

  • de confirmer le jugement entrepris ;

  • de condamner Maître C. aux dépens.

Ceci étant exposé, la Cour :

Considérant qu'il est constant, et non contesté que le Barreau de Monaco a souscrit auprès de la Compagnie Les Mutuelles du Mans (MGFA) une police d'assurance couvrant notamment la responsabilité civile professionnelle de ses membres et portant le n° 3 819 606 ;

Que par lettre du 14 novembre 1989, le Bâtonnier alors en exercice a dénoncé ce contrat avec effet du 31 janvier 1990 ;

Considérant que ce contrat comporte, au titre des conditions générales, un article 4 dont les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Article 4 : Champ d'application de la garantie - La garantie s'applique aux réclamations écrites formulées amiablement ou judiciairement auprès de l'assuré au cours de la période comprise entre la date de prise d'effet et la date de résiliation du contrat.

Toutefois, la garantie est maintenue pendant un délai maximum de douze mois à compter de la résiliation pour des faits qui se sont produits pendant la période de validité du contrat ».

Considérant que le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période ;

Considérant que la clause n° 4 du contrat, ci-dessus reproduite, contraire à ce principe fondamental de l'assurance de responsabilité, est nulle et doit être réputée non écrite ;

Considérant que le sinistre dont Maître R. C. demande à être garanti trouve son origine dans la faute professionnelle commise par lui entre le 2 décembre 1983 et le 2 mars 1984, et non pas dans la demande formulée à son encontre par la SAM Polymat le 14 août 1990 ;

Considérant qu'il est constant qu'en 1983 et 1984, le contrat d'assurance était en cours de validité ;

Qu'en conséquence, la Compagnie d'Assurances Les Mutuelles du Mans (MGFA) doit être tenue de relever et garantir Maître R. C., dans les limites fixées aux conditions particulières du contrat, des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la SAM Polymat par l'arrêt de la Cour du 6 juin 1995 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

  • Infirme le jugement attaqué, du 11 juin 1993 (n° R4937).

  • Condamne la Compagnie Les Mutuelles du Mans - Mutuelle Générale Française Accidents à relever et garantir Maître R. C., dans les limites prévues aux clauses particulières du contrat, des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la SAM Polymat par arrêt de la Cour du 6 juin 1995.

  • Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. Prés. ; Carasco Proc. Gén. ; Mes Lorenzi, Brugnetti av. déf. ;

Note🔗

Cet arrêt infirme le jugement rendu le 11 juin 1993 par le Tribunal de Première Instance.

Le contrat d'assurance résilié, avec effet à compter du 31 janvier 1990, garantissait les fautes professionnelles d'un avocat commises en 1983 et 1984 ; or, l'assuré avait assigné en intervention l'assureur le 4 novembre 1992 soit postérieurement à la résiliation.

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