Cour d'appel, 14 février 1995, dame M. c/ BCCI Monaco

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Action en justice

Qualité pour agir : liquidateur judiciaire agissant à Monaco contre un débiteur en vertu d'un jugement français - Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 - Exclusion de la procédure d'exequatur

Faillites

Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 - Action en justice exercée par un liquidateur judiciaire français - Qualité pour agir, sans obligation de recourir à la procédure d'exequatur

Résumé🔗

En application de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950, relative à la faillite et la liquidation judiciaire (art. 3, al. 1 et 2) le liquidateur judiciaire d'une société en état de liquidation judiciaire agissant en vertu d'un jugement français, a qualité pour exercer à Monaco une action en paiement contre un débiteur y demeurant, la convention susvisée n'imposant la procédure d'exequatur que pour les actes d'exécution envisagés sur le territoire de la Principauté (art. 3, al. 3).


Motifs🔗

La Cour

La Cour statue sur l'appel relevé par M. M. d'un jugement rendu le 24 mars 1994 par le Tribunal de Première instance de Monaco dans le litige l'opposant à la BCCI Monaco.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel.

Par acte en date du 21 octobre 1992, la société en liquidation judiciaire Bank Of Crédit And Commerce International Overseas (BCCI) agissant par l'intermédiaire de ses liquidateurs et administrateur judiciaire a fait assigner M. M. en paiement, avec exécution provisoire, de la somme de 133 578 francs représentant en capital et intérêts arrêtés au 31 janvier 1992, le solde débiteur d'un compte ouvert en ses livres à Monaco.

La BCCI faisait valoir que ses représentants agissaient dans le cadre de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire.

M. M. soutenait que les représentants de la BCCI n'avaient aucune qualité pour agir à Monaco motif pris de l'absence de toute décision judiciaire monégasque les autorisant à agir sur le territoire de la Principauté.

Par le jugement déféré, le tribunal a :

- reçu la société BCCI en son action exercée par ses liquidateurs ;

- donné acte à ladite société de ce que son ancien administrateur judiciaire C. n'était plus en fonction,

- condamné M. M. à lui payer :

la somme de 133 578 francs en principal,

les intérêts de la somme de 130 414,61 francs calculés au taux légal à compter du 17 décembre 1991,

les intérêts calculés au même taux sur la somme de 3 163,40 francs à compter du 21 octobre 1992 date de l'assignation,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par son acte d'appel tendant à la réformation du jugement entrepris et à ce que la BCCI soit déclarée irrecevable et, en tout état de cause, infondée en ses demandes, M. M. fait valoir pour l'essentiel reprenant l'argumentation développée devant les premiers juges :

- que l'exequatur du jugement français est nécessaire pour permettre à la BCCI d'agir sur le territoire monégasque,

- que sur le fond, la preuve de la créance de la BCCI apparaît pour le moins insuffisante et que faute par cette banque de produire quelque pièce probante elle doit être déboutée de ses demandes.

L'intimée pour sa part conclut à la confirmation du jugement entrepris faisant valoir pour l'essentiel que la recevabilité de son action repose sur les dispositions des articles 2 et 3 alinéa 1er de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 et que son action engagée contre M. n'est pas une action d'exécution.

Sur le fond, la BCCI fait observer que pour la première fois l'appelante conteste les sommes dont elle est redevable envers elle mais ne produit aucune pièce à l'appui de ses dires.

L'intimée relève qu'elle a produit aux débats le relevé des opérations effectuées tant au crédit qu'au débit du compte de M. M. faisant apparaître un solde débiteur de 133 578,01 francs au 31 décembre 1992 sous réserve des intérêts en cours.

Par conclusions en date du 28 novembre 1994 M. M. sollicite qu'il soit fait injonction à la BCCI de produire l'intégralité de son relevé de compte à peine d'irrecevabilité ou de rejet de sa demande aux motifs qu'elle n'est pas en mesure de contrôler les opérations tant au crédit qu'au débit de son compte.

Par conclusions en date du 19 décembre 1994 la BCCI sollicite qu'il soit constaté qu'elle a produit aux débats l'intégralité des relevés de compte de M. certifiés conformes rappelant en outre que l'appelante avait signé une convention de prêt et de découvert le 15 avril 1991.

Sur ce,

Considérant que c'est une juste analyse et application de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire et notamment des dispositions des articles 3 alinéas 1er et 2, en des termes que la Cour adopte et fait siens, que les premiers juges ont estimé que le liquidateur peut, en conséquence du jugement français du 23 juillet 1992 l'ayant nommé en France, exercer à Monaco toutes actions comme représentant de la société BCCI, sans qu'il soit excipé, comme le fait l'appelante, des dispositions de l'alinéa 3 du même article 3 de la convention lesquelles n'imposent la procédure d'exequatur que pour les actes d'exécution envisagés sur le territoire de la Principauté ;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal a déclaré la société BCCI recevable en son action ;

Considérant, sur le fond, qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment des relevés du compte M. en pièce 13 du dossier de la BCCI, non sérieusement contestées par l'appelante, que M. M. reste devoir à la société BCCI la somme en principal de 133 578 francs outre les intérêts tels que calculés par les premiers juges ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. M. qui succombe aux dépens ;

Audience du 24 mars 1994

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire Notari, Huissier, en date du 21 octobre 1992, enregistré ;

Attendu qu'en réplique et demandant acte, sans opposition adverse, de ce que la mission de son administrateur judiciaire C. avait pris fin, la BCCI, qui déclare se trouver dès lors représentée par ses seuls liquidateurs bancaire et judiciaire, F. et C.-M., a conclu en dernier lieu au rejet de la fin de non-recevoir ainsi invoquée par la défenderesse, ce, notamment, sur le fondement de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire ;

Attendu que la BCCI soutient à cet égard, par l'intermédiaire de ses actuels représentants à l'instance, qu'ayant, ainsi qu'il est constant, été déclarée en France, d'abord en redressement puis en liquidation judiciaire, les décisions juridictionnelles françaises rendues à cet effet ont, en vertu des principes du droit international privé, force probante du mandat conféré à son liquidateur judiciaire pour agir en son nom, alors par ailleurs qu'un liquidateur de son établissement de crédit a été nommé le 2 septembre 1992 par la Commission bancaire, en application de la loi bancaire française du 24 janvier 1984 ;

Qu'elle précise en outre qu'à l'effet de la présente action, l'exequatur préalable des décisions précitées n'est nullement requis en l'occurrence au regard de la Convention franco-monégasque précitée puisque l'article 3 de celle-ci permet, en son alinéa 2, ce type d'action, et que l'alinéa 3 subséquent, qui ne saurait être en l'état utilement invoqué par la défenderesse, n'impliquerait l'exequatur préalable d'une décision de « faillite » française que s'il s'agissait actuellement de procéder directement à des actes d'exécution sur la base de cette décision, ce qui ne serait point le cas en l'occurrence ;

Sur quoi,

Attendu que le Tribunal se trouve saisi d'une action personnelle en paiement ; qu'il lui incombe à ce titre de se prononcer, au contradictoire de la partie défenderesse, sur la demande de condamnation de celle-ci formulée par une société ayant été déclarée en France en état de cessation de paiements et ayant, du fait de ses succursales, des biens tant en France qu'à Monaco ;

Attendu que, dans ces conditions et à l'effet de la demande, le liquidateur judiciaire de la société BCCI, agissant conjointement avec le liquidateur bancaire susnommé (dont la désignation par la Commission bancaire française est de plein droit exécutoire à Monaco par application de l'article 4 de la Convention franco-monégasque relative au contrôle des changes du 14 avril 1945), est manifestement fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 3 alinéa 2 de la Convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 ; qu'il se déduit en effet de ce texte que ledit liquidateur peut, en conséquence du jugement français susvisé du 23 juillet 1992 l'ayant nommé en France, exercer à Monaco toutes actions comme représentant de la société débitrice ;

Que la défenderesse ne saurait à cet égard prétendre à l'application de l'alinéa 3 du même article, lequel, ainsi que l'a soutenu à juste titre la BCCI, n'imposerait l'exequatur à Monaco du jugement précité que pour les actes d'exécution qui seraient envisagés sur le territoire de la Principauté sans qu'une décision de condamnation, justifiant lesdits actes, n'ait été antérieurement prise par les juridictions monégasques compétentes ;

Attendu qu'il s'ensuit que la société BCCI doit être déclarée recevable en sa demande ;

Attendu, par ailleurs, que la défenderesse n'a pas contesté le contenu des pièces produites, quant au fond, par ladite société ;

Qu'il en résulte, aux termes d'un relevé de compte en date du 31 janvier 1992, versé aux débats par la BCCI, que M. M. reste bien devoir à celle-ci le solde réclamé de 133 578 francs ;

Attendu que, par voie de conséquence, la demande de la BCCI apparaît justifiée en principal, les intérêts de ladite somme devant courir au taux légal sur celle de 130 414,61 francs à compter d'une précédente mise en demeure de payer ayant été adressée pour ce montant par la BCCI à M. M. sous la date du 17 décembre 1991 ; que, d'autre part, et pour le surplus de la condamnation principale, ces intérêts courront au même taux à compter de l'assignation valant seule de ce chef mise en demeure de payer ;

En ordonne la distraction au profit de Maître Patrice Lorenzi, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne enfin que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef ;

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première instance de la Principauté de Monaco, le 24 mars 1994, par Monsieur Jean-François Landwerlin, Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Brigitte Gambarini, Premier Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Mademoiselle Isabelle Berro, Juge, en présence de Monsieur Daniel Serdet, Premier substitut du Procureur général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Laura Sparacia, Greffier.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

La cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement du 24 mars 1994 en toutes ses dispositions,

Déboute M. M. de ses demandes, fins et conclusions,

Note🔗

Cet arrêt confirme un jugement du Tribunal du 24 mars 1994 en toutes ses dispositions, publié après le présent arrêt. " 

  • Consulter le PDF