Cour d'appel, 15 novembre 1994, SA Banque Finindus c/ C.

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Abstract🔗

Hypothèque

Hypothèque judiciaire - Condition de substitution d'une inscription de justice à une Inscription provisoire : existence d'un Jugement de condamnation

Résumé🔗

Conformément aux articles 762 ter et 762 quater du Code de procédure civile, pour qu'une inscription définitive d'hypothèque judiciaire se substitue à l'inscription provisoire qui a été prise, en garantie d'une créance, il importe que la juridiction monégasque non seulement soit saisie de l'action en paiement de la créance, mais encore qu'elle ait statué à cet égard.

En l'absence d'un jugement sur le fond, prononçant une condamnation, étant donné que les parties ont été convenues de soumettre l'action en paiement à la juridiction française, l'inscription provisoire d'hypothèque prise à Monaco, ne peut être conservée ; c'est donc à juste titre (pour des motifs différents) que le Tribunal a ordonné la radiation de l'inscription provisoire judiciaire concernée.


Motifs🔗

La Cour

La Cour est saisie de l'appel relevé par la SA dénommée Banque Finindus d'un jugement du tribunal de première instance en date du 6 mai 1993 qui a ordonné la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire qu'elle a prise le 21 août 1992, volume 177 n° 166, sur un appartement, une cave et trois parkings, propriété de C. C. à Monaco, en garantie du paiement d'une somme de 900 000 francs, prononcé pour le surplus la radiation de l'instance, débouté C. C. de ses demandes de dommages-intérêts et de remboursement de frais, condamné la banque aux dépens.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être exposés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et aux écritures échangées en appel :

À la suite de relations financières ayant existé entre la banque Finindus et deux sociétés Impérial Parc et Reso, bénéficiaires chacune d'un crédit pour le remboursement desquels C. C. s'est porté caution solidaire, la banque non remboursée aux termes prévus et s'estimant créancière d'une somme totale d'environ 9 000 000 de francs a procédé à Monaco à deux inscriptions provisoires d'hypothèque judiciaire sur un appartement et ses dépendances propriété de C. C. et à quatre saisies-arrêts à son encontre, en garantie de ses créances.

Saisi par la banque de six instances en paiement et en validation desdites sûretés, le tribunal de première instance, par six décisions en date du 6 mai 1993 a, par des motifs communs, ordonné les radiations et mainlevées de ces sûretés et prononcé pour le surplus la radiation des instances.

La banque a relevé appel de la seule décision rendue sur l'assignation du 28 août 1992 dirigée à l'encontre de C. C. pris tant à titre personnel qu'à titre de représentant légal de la SA Reso, action qui tend à la condamnation de C. C., caution solidaire de la Société Reso au paiement de la somme de 900 000 francs outre 100 000 francs de dommages-intérêts et à la validation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise le 21 août 1992 volume 177 n° 166 sur un appartement, une cave et trois parkings, propriété de C. C. à Monaco.

Pour prononcer la radiation de cette inscription, le tribunal faisant application de l'article 762 quater du Code de procédure civile a estimé que la mise en vente des biens immobiliers de cinq sociétés civiles dont C. possède pour quatre d'entre elles plus de la moitié des parts, excéderait très largement la créance totale de la banque qui n'alléguait pas que ces sociétés se trouveraient dans une situation obérée ce qui rendait sans pertinence la demande subsidiaire d'expertise ;

Il estimait cependant que le retard persistant de C. C. à s'acquitter d'une dette qu'il ne contestait pas pour l'essentiel rendait sans fondement sa demande de dommages-intérêts et de remboursement de frais car la banque avait pu légitimement estimer que le recouvrement de sa créance était en péril lorsqu'elle avait sollicité la mesure conservatoire ;

Enfin, après avoir constaté que les parties avaient d'un commun accord soumis le fond de leur litige aux juridictions françaises, le tribunal a ordonné d'office de ce chef la radiation de l'instance ;

Au soutien de son appel qui tend à la réformation de ce jugement, la banque fait valoir pour l'essentiel que les garanties données par C. C. reposeraient sur une évaluation unilatérale du débiteur et non sur une évaluation objective ; elle sollicite en conséquence le maintien de la mesure conservatoire, une éventuelle expertise comptable sur l'ensemble des sociétés civiles anonymes françaises et monégasques gérées par C. C. et à titre très subsidiaire le bénéfice des dispositions de l'article 483 du Code de procédure civile ;

L'intimé soulève en premier lieu l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il a été formé à son encontre à titre de représentant légal de la SA Reso, qualité qu'il conteste ;

En second lieu, au fond, l'intimé fait valoir que le 26 juillet 1993 il a réglé à la banque une somme de 7 437 915,63 francs dans laquelle serait inclus le paiement de la dette de la SA Reso pour un montant de 987 113,71 francs arrêté au 15 juillet 1953 en principal et intérêts en exécution d'un jugement définitif du tribunal du 14 avril 1993 ;

En troisième lieu il prétend qu'il ne resterait plus en litige que des agios et des frais sur la dette de la SCI Imperial Parc, litige porté devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Il sollicite en conséquence la confirmation du jugement et la condamnation de la banque au paiement d'une somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

En réponse la banque soutient que :

  • C. C. est poursuivi sur ses biens à titre de caution de la SA Reso et qu'en conséquence sa qualité au sein de cette société est indifférente à la régularité de l'appel ;

  • le paiement de la somme de 7 437 915,63 francs a été effectué par la SCI Imperial Parc et non par C. ; ce paiement ferait suite à l'obtention par cette société d'une somme de 9 000 000 de francs à titre de provision à l'encontre d'une compagnie d'assurances ; toutefois ce paiement n'aurait éteint qu'une partie de la dette de la SCI Imperial Parc ;

  • la dette de la Société Reso qui s'élèverait en principal et intérêts arrêtés au 15 juillet 1993 à la somme de 1 050 110,51 francs n'a pas été réglée ; une procédure serait pendante devant le tribunal de première instance de Monaco en exequatur du jugement définitif du tribunal de grande instance de Nice en date du 14 avril 1993 consacrant la créance de la banque ;

  • à la suite du paiement partiel effectué par la SCI Imperial Parc, elle a donné mainlevée des mesures conservatoires prises tant en France qu'à Monaco, à l'exception du privilège du vendeur sur le terrain de la SCI Imperial Parc en garantie du solde de la créance qu'elle estime détenir contre cette société et de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise sur l'appartement de C. C. à Monaco en garantie de sa créance à l'encontre de la SA Reso ;

En réplique C. C. fait valoir que :

  • s'il est caution de la SA Reso il n'en est pas le représentant légal en sorte que le jugement dont appel, pour lequel il demande par ailleurs la confirmation, serait erroné ;

  • il estime que le paiement de la somme de 7 437 915,63 francs ajouté à celui de 509 357,64 francs issu de la vente des meubles du château de S-E. a soldé la totalité des dettes des SCI Imperial Parc et Reso qu'il évalue au 26 juillet 1993 à 7 117 066,22 francs, et il sollicite à cet égard une expertise comptable sur les sommes réellement dues par ces deux sociétés ;

  • si les quatre saisies-arrêt pratiquées à Monaco ont été levées, il n'en va pas de même des inscriptions hypothécaires car les pouvoirs de mainlevée établis par la banque ont été conditionnés au paiement par C. C. des frais de mainlevée ; il sollicite à cet égard la radiation de l'inscription concernée aux frais de la banque ;

Sur ce :

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que C. C. a été assigné en première instance tant à titre personnel qu'à titre de représentant légal de la SA Reso ;

Considérant que C. ne conteste pas, à titre personnel, sa qualité de caution solidaire de la SA Reso ;

Considérant sur la qualité du représentant légal de cette société qu'il y a lieu de relever que non seulement il n'a pas contesté cette qualité devant le tribunal mais qu'au contraire il a conclu devant cette juridiction le 13 janvier 1993 en indiquant qu'il était le représentant de cette société ;

Considérant en tout état de cause que l'erreur matérielle commise par le tribunal dans l'énonciation des qualités où C. C. n'apparaît qu'à titre de représentant légal de la SA Reso n'a pas de portée sur le lien juridique d'instance résultant de l'assignation du 28 août 1992 tendant à sa condamnation en qualité de caution et en validation d'une inscription hypothécaire prise sur ses biens personnels et alors que le jugement dont appel contient tous les éléments nécessaires à l'établissement de la qualité en laquelle il est poursuivi ;

Considérant que l'appel, conséquence de l'instance engagée devant le tribunal, est recevable, C. C. ne contestant pas sa qualité de caution ;

Considérant que le moyen doit dès lors être rejeté ;

Au fond :

Considérant que l'assignation du 28 août 1992 a saisi le tribunal d'une action tendant à la condamnation de C. C. au paiement de la somme principale de 900 000 francs en garantie duquel une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire a été prise à Monaco le 21 août 1992 ; que par la même assignation la banque sollicite que soit ordonnée l'inscription définitive de cette sûreté en vertu de l'article 762 ter du Code de procédure civile ;

Considérant que cet article comme aussi l'article 762 quater du même code prévoient que la juridiction monégasque doit non seulement être saisie du fond mais encore doit statuer sur ce fond et reconnaître la créance pour qu'une inscription définitive puisse être prise et se substituer à l'inscription provisoire ;

Considérant qu'en l'espèce, le tribunal a, par le jugement dont appel, constaté que les parties avaient d'un commun accord entre elles exprimé à l'audience, soumis l'action en paiement aux juridictions françaises ;

Considérant que cet accord n'a pas été remis en cause devant la Cour ;

Considérant dès lors qu'en l'absence d'un jugement sur le fond prononçant une condamnation, l'inscription provisoire d'hypothèque prise à Monaco ne peut être conservée et que c'est donc à juste titre, bien que pour des motifs différents auxquels sont substitués ceux de la Cour, que le Tribunal a ordonné la radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise le 21 août 1992 volume 177 n° 166 ;

Considérant que cette radiation devra intervenir, ainsi que le demande l'intimé, aux frais de la banque Finindus qui a pris cette inscription ;

Considérant qu'il y a lieu par ailleurs de confirmer le jugement dont appel en ses autres dispositions ;

Considérant qu'en l'état de la radiation ordonnée, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes des parties, à l'exception de celle formulée par C. C. à l'encontre de la banque en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Considérant sur cette demande, que C. C. qui n'établit pas l'existence d'une faute qu'aurait commise la banque dans l'exercice du droit d'appel, doit en être déboutée ;

Considérant que la banque qui succombe doit être condamnée aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS, substitués à ceux des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement du tribunal de Première instance en date du 6 mai 1993 ;

Y ajoutant dit que les frais de radiation de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire prise à Monaco le 21 août 1992, volume 177 n° 166 sur un appartement, une cave et trois parkings, propriété de C. C. à Monaco, seront à la charge de la SA Banque Finindus ;

Déboute la SA dénommée Finindus de ses demandes, fins et conclusions ;

Déboute C. C. de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Composition🔗

MM. Sacotte prem. prés. ; Carrasco proc. gén. - Mes Karczag-Mencarelli et Blot av. Déf. ; Szepetouski av. bar. Nice.

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