Cour d'appel, 9 mars 1993, A.-A. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace et Compagnie d'assurances Les Mutuelles du Mans.

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Abstract🔗

Accident du travail

Présomption d'imputabilité :

  • - Preuve contraire non rapportée :

  • - effort violent effectué par une aide-soignante en état de grossesse.

Résumé🔗

Dès lors qu'il n'est point établi, pour écarter la présomption d'imputabilité instituée par l'article 2 de la loi n° 635 du 11 janvier 1958, que l'état de grossesse d'une aide-soignante soit la cause exclusive de ses lésions subies dans un temps contemporain de l'effort soudain et violent qu'elle a dû fournir à l'hôpital pour prévenir la chute d'un malade, et que le travail n'ait joué aucun rôle si minime fût-il dans l'apparition des symptômes médicalement constatés, la victime se trouve fondée à se prévaloir de la législation sur les accidents du travail.


Motifs🔗

La Cour,

La Cour statue sur l'appel relevé le 2 juillet 1992 par S. A., épouse A. d'un jugement rendu le 4 juin 1992 dans une instance l'opposant au Centre Hospitalier Princesse Grace et à la Compagnie d'assurances dénommée « les Mutuelles du Mans Assurances IARD » ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties au jugement déféré et aux écritures échangées en appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés ;

Saisi par le Centre Hospitalier Princesse Grace et la Compagnie « Les Mutuelles du Mans Assurances IARD », d'une demande tendant à faire dire et juger que S. A., au vu du rapport du Docteur Tran Dinh Khiem commis judiciairement en qualité d'expert, n'a pas été victime d'un accident du travail le 10 novembre 1989 et que par voie de conséquence les soins et traitements postérieurs n'ont pas à être pris en charge au titre des accidents du travail,

Le Tribunal de première instance par le jugement susvisé a fait droit intégralement aux prétentions de l'employeur et de son assureur-loi ;

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont estimé que S. A., aide-soignante au Centre Hospitalier Princesse Grace, en refusant de se laisser examiner par l'expert judiciaire Tran Dinh Khiem, les a conduits à se référer aux seuls éléments médicaux versés à la procédure par les demandeurs ainsi qu'à ceux résultant du dossier d'accidents du travail proprement dit ;

Que ces documents, notamment le procès-verbal d'enquête du juge des accidents du travail et le certificat du Docteur H. du 14 novembre 1989 prescrivant un arrêt de travail de 30 jours à compter du 11 novembre 1989 leur permettaient de déduire, alors qu'il était établi en outre par un certificat du Docteur G. en date du 25 septembre 1989 que la victime souffrait déjà, à quatre mois de grossesse, de troubles divers afférents à cet état, que le travail lors de l'épisode du 10 novembre 1989 allégué par S. A., n'avait joué aucun rôle, aussi minime fût-il, dans l'évolution de sa grossesse qui présentait déjà dès les débuts un caractère pathologique indéniable ;

Au soutien de son appel, S. A. expose, qu'étant de service à l'hôpital, elle avait le 10 novembre 1989, en donnant des soins à un malade de forte corpulence qu'elle dut retenir pour prévenir sa chute, fourni un effort important qui lui avait provoqué immédiatement, alors qu'elle était enceinte de six mois, une douleur abdominale violente, l'obligeant à interrompre son activité, à consulter le service de gynécologie obstétrique du Centre Hospitalier le jour même, puis le Docteur H. trois jours plus tard ;

Elle fait valoir :

  • que les premiers juges ont fondé leur décision sur une appréciation médicale et non légale des faits ;

  • que la lésion survenue le 10 a été provoquée à l'occasion ou par le fait du travail et que la présomption d'imputabilité prévue par la loi n'a pas joué son rôle de protection à son profit, et que n'a pas été établie l'existence d'un état pathologique antérieur qui enlèverait au travail son rôle causal ;

Elle sollicite en définitive la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que S. A. n'a pas été victime d'un accident du travail et demande à la Cour de déclarer que les faits susvisés survenus le 10 novembre 1989 à son détriment constituent un accident du travail avec toute conséquence de droit ;

Les parties intimées, reprennent en appel leurs conclusions de première instance, sur l'existence d'une grossesse à caractère pathologique indéniable depuis au moins le 25 septembre 1989, et sur le fait que l'effort de soulèvement allégué au 10 novembre a été effectué trois jours avant son hospitalisation survenue pendant la fin de la semaine qui a suivi, alors qu'un effort violent aurait entraîné une hospitalisation immédiate, et qu'enfin la victime n'a subi ni choc direct, ni chute au niveau abdominal ;

Elles sollicitent en conséquence la confirmation de la décision attaquée ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte suffisamment des énonciations précises du procès-verbal d'enquête du juge chargé des accidents du travail et du certificat médical rédigé le 14 novembre 1989 par le Docteur H., chef du service de gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier Princesse Grace qui a examiné alors l'appelante,

Que S. A., enceinte de cinq mois environ au moment des faits, a fourni, le 10 novembre 1989, dans l'exercice de son travail un effort qui lui a fait ressentir immédiatement une vive douleur à l'abdomen, l'obligeant à interrompre sur le champ son activité d'aide-soignante à l'hôpital et à consulter le jour même le service de gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier ;

Que ce service a constaté, dans un temps voisin de l'action, les lésions successives survenues à la victime et qui sont relevées dans le certificat médical susvisé, établi par le chef de ce service, lequel a délivré un arrêt de travail d'un mois à compter du 11 novembre 1989 ;

Considérant, en conséquence, par application de l'article 2 de la loi n° 636,

  • que le dommage subi par la victime à l'occasion de son travail a pour cause l'effort soudain et violent qu'elle a dû fournir face à une force extérieure pour prévenir la chute d'un malade ;

  • que les parties intimées, au vu des pièces qu'elles versent aux débats n'établissent pas pour écarter la présomption d'imputabilité instituée par la loi, que les antécédents pathologiques non contestés de la grossesse de l'aide-soignante, sont la cause exclusive des lésions survenues à S. A. dans un temps contemporain de l'action, et que le travail n'a joué aucun rôle, si minime fût-il, dans l'apparition des symptômes visés dans le certificat du docteur H. ;

Considérant dès lors que l'épisode du 10 novembre 1989, contrairement à l'appréciation qu'en a faite le tribunal dans le jugement déféré est un accident du travail qui relève, avec toutes ses conséquences de droit, notamment sur la prise en charge des soins et traitements postérieurs, de la loi n° 636 du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que l'accident survenu le 10 novembre 1989 à S. A. pendant son travail est un accident du travail avec toutes conséquences de droit.

Composition🔗

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Mes Karczag-Mencarelli et Sanita av. déf.

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