Cour d'appel, 10 novembre 1992, SAM Cifer c/ K.

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Abstract🔗

Exploit

Clerc d'huissier effectuant la signification d'un acte d'appel - Mentions légalement portées : absence de nullité

Résumé🔗

Un acte d'appel et d'assignation, frappé du timbre de l'étude d'un huissier précisant le nom du clerc assermenté qui le remplace et mentionnant après les mots dactylographiés « où étant et parlant à » la phrase manuscrite : « M. X..., chez qui il habite et qui s'est chargé de lui remettre la copie sous pli cacheté », suivie de la signature du clerc d'huissier, comporte toutes les mentions régulières exigées par la loi, étant précisé qu'aucune disposition n'impose qu'elles soient rédigées selon le même procédé ou de la même écriture.

Un tel acte ne saurait être réputé légalement inexistant. Seul une procédure d'inscription de faux pourrait permettre de contester la véracité des mentions relatant l'accomplissement par l'huissier ou le clerc assermenté, des actes de son ministère.


Motifs🔗

La Cour,

La Cour statue sur l'appel du jugement rendu le 23 janvier 1992 par le Tribunal de première instance de Monaco dans le litige opposant C. K. et la SAM Cifer.

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision déférée et à l'acte d'appel et assignation du 26 mars 1992.

Par acte sous-seing privé du 4 novembre 1987, la SAM Cifer a donné à bail à C. K. un appartement pour une durée de trois ans, renouvelable. Ce bail prenait effet le 1er octobre 1987. Une somme de 36 000 francs était versée par le preneur en garantie de bonne exécution de ses obligations locatives.

Par lettre du 24 janvier 1990, C. K. faisant connaître au bailleur qu'il n'entendait pas, pour convenances personnelles, voir renouveler son bail en octobre 1990.

Le 28 septembre 1990, la SAM Cifer faisant dresser par Maître Escaut-Marquet, Huissier, en présence de C. K., un constat de l'état des lieux.

Le 1er octobre 1990, C. K. faisait lui-même procéder, en présence de la représentante de la SAM Cifer à un nouveau constat par Maître Notari, Huissier.

Des difficultés ayant surgi entre preneur et bailleur au sujet de l'établissement des comptes, C. K., par acte du 4 février 1991, a fait assigner la SAM Cifer devant le Tribunal de première instance en vue d'obtenir, pour l'essentiel, la restitution de la caution de 36 000 francs et une somme de 108 000 francs à 144 000 francs à titre de dommages-intérêts pour « perte de jouissance locative/rupture de contrat ».

À l'appui de sa demande, il exposait d'une part que le constat du 1er octobre 1990 établissait qu'il avait restitué l'appartement en parfait état et, d'autre part, qu'en 1988, un sinistre « dégât des eaux », provenant de l'appartement du dessus avait causé la destruction partielle du plafond du salon et du balcon et que, pendant deux ans, la SAM Cifer avait laissé les choses en l'état ; lui occasionnant ainsi un préjudice considérable.

La SAM Cifer, pour sa part, contestait les allégations de C. K. et déclarait lui avoir remboursé la somme de 10 160,36 francs résultant, selon elle, de l'apurement des comptes.

Par le jugement déféré, le Tribunal a :

  • condamné la SAM Cifer à payer à C. K. les sommes suivantes :

• 32 062,89 francs au titre de la restitution du dépôt de garantie avec intérêts à compter du 4 février 1991 ;

• 30 000 francs à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance ;

  • débouté la SAM Cifer de sa demande de dommages-intérêts ;

  • condamné la SAM Cifer aux dépens.

La SAM Cifer a relevé appel de cette décision par acte d'appel et assignation du ministère de Maître Escaut-Marquet, Huissier, en date du 26 mars 1992.

À l'appui de son appel, la SAM Cifer fait valoir en premier lieu que le Tribunal n'aurait pas pris en compte le coût de divers travaux de réfection qui devraient être déduits de la caution. Elle prétend que les constats d'huissiers dressés en fin de bail établissent la réalité de ces travaux et produit diverses factures relatives à ces travaux.

En second lieu, sur le prétendu trouble de jouissance, elle déclare que le seul sinistre qui avait été porté à sa connaissance concernait un sinistre survenu le 16 mars 1988 dans un appartement n° 3, bloc C, 6e étage, c'est-à-dire dans un appartement ne faisant pas l'objet du bail de C. K. Elle expose que d'autres traces de sinistre, affectant cette fois l'appartement litigieux n'auraient été constatées, au plafond de la loggia, qu'en septembre 1990, que l'assurance avait été immédiatement prévenue et les réparations évaluées à 3 830 francs.

Elle affirme enfin que la procédure intentée à son encontre est abusive.

Elle demande en conséquence à la Cour :

  • d'infirmer le Jugement entrepris ;

  • de débouter C. K. de toutes ses demandes ;

  • de condamner C. K. au paiement de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

  • de le condamner aux dépens.

C. K. n'a pas constitué Avocat-Défenseur.

Il a fait parvenir à la Cour une correspondance dans laquelle il expose, entre autres, que l'acte d'appel et assignation aurait été remis par une personne, un jeune homme, n'ayant ni la qualité d'huissier, ni celle de clerc assermenté. Il estime cet acte « inexistant » et prétend que sa nullité d'ordre public devrait être relevée d'office par la Cour.

Il ajoute que ledit acte lui aurait enjoint de comparaître « en personne » et non par Avocat-Défenseur.

Ceci étant exposé, la Cour :

Sur la régularité de l'acte d'appel et assignation :

Considérant que l'acte d'appel et assignation du 26 mars 1992, frappé du timbre de l'étude de Maître Marie-Thérèse Escaut-Marquet, Huissier, porte notamment, marquée au timbre humide la mention « Mireille Marsone, Clerc Assermenté, remplaçant », ladite mention devant être intercalée entre les mots « Je soussignée » et « Marie-Thérèse Escaut-Marquet ».

Qu'il comporte par ailleurs, après les mots dactylographiés « où étant et parlant à », la phrase manuscrite : « Mme L. V. P. chez qui il habite et qui s'est chargée de lui remettre la copie sous pli cacheté ».

Qu'il porte à la fin une signature dont il n'est ni contesté ni contestable qu'elle est celle de Mireille Marsone.

Considérant que cet acte comporte toutes les mentions exigées par la loi ;

Qu'aucune irrégularité ne peut être relevée dans ces mentions, étant précisé qu'aucune disposition n'impose qu'elles soient rédigées selon le même procédé ou de la même écriture ;

Que ledit acte ne saurait donc être réputé légalement inexistant.

Considérant que seule une procédure d'inscription de faux peut permettre de contester la véracité des mentions relatant l'accomplissement par l'huissier, ou le clerc assermenté, des actes de son ministère ;

Qu'il n'est pas allégué qu'une telle procédure ait été engagée ;

Qu'à l'évidence, les simples affirmations portées par C. K., hors du cadre procédural, ne sauraient remettre en cause la validité de l'acte d'appel et assignation ;

Considérant que C. K. a ainsi été régulièrement assigné ;

Qu'il est établi par l'abondante correspondance adressée à la Cour qu'il a eu connaissance de l'assignation et que c'est en toute connaissance de cause qu'il a refusé de constituer Avocat-Défenseur, malgré les dispositions de l'article 430 du Code de procédure civile ;

Qu'il doit être relevé à ce sujet que les allégations selon lesquelles l'acte d'appel et assignation l'aurait requis de comparaître « personnellement » devant la Cour sont dénuées de tout fondement, ledit acte ne comportant pas la mention incriminée ;

Qu'au surplus, aucun grief ne peut être invoqué ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de statuer par arrêt réputé contradictoire.

Sur le fond,

Considérant que devant les premiers juges, C. K. a soutenu avoir été victime, courant mars 1988, d'un sinistre « dégâts des eaux » affectant les plafonds et murs du salon et de la loggia et que la SAM Cifer n'aurait jamais fait effectuer les travaux de réparation, lui causant ainsi une privation de jouissance partielle de 30 mois.

Considérant qu'il résulte des pièces versées par l'appelante, correspondance avec la Compagnie d'Assurances et rapport d'expertise, que ce sinistre avait affecté un appartement n° 3, bloc C, 6e étage, alors loué par C. K., mais distinct de celui objet du présent litige ;

Que ledit sinistre ne peut donc être pris en considération.

Considérant qu'il résulte par ailleurs des pièces versées par l'appelante, qu'un autre sinistre du même type était survenu courant septembre 1990 et avait fait l'objet d'une déclaration à la Compagnie d'Assurances le 17 septembre 1990. Ce sinistre affectant cette fois l'appartement litigieux, avait fait l'objet d'une expertise postérieurement au départ des lieux de C. K. Le montant des réparations, consistant en remise en état des peintures, s'élevait à 3 830 francs ;

Qu'il ressort du constat de Maître Claire Notari, Huissier, du 1er octobre 1990, que les dégâts causés par ce sinistre affectaient le plafond de la terrasse et du séjour.

Considérant que ce seul sinistre minime, signalé 15 jours seulement avant le départ du locataire et alors que toutes les dispositions étaient prises pour la restitution des lieux, n'a entraîné pour C. K. aucune privation, même partielle, de jouissance.

Considérant que c'est ainsi à tort que les premiers juges ont accordé à C. K. une indemnité de ce chef.

Considérant que devant les premiers juges, C. K. sollicitait la restitution intégrale de la somme de 36 000 francs donnée en garantie.

Considérant que de cette somme doivent être déduits, outre le solde des charges et fournitures, ainsi que l'on justement fait les premiers juges, le montant des travaux de remise en état incombant au locataire et effectués en réalité par le bailleur ;

Considérant que si le constat d'huissier du 1er octobre 1990 établit qu'à cette date l'appartement était en parfait état (sous réserve des traces de dégâts des eaux), il résulte des pièces versées par l'appelante que certains travaux avaient été effectués pour le compte de la SAM Cifer et payés par elle ;

Qu'il en est ainsi en particulier pour la remise en état des volets roulants et fenêtres, pour un montant de 14 357,72 francs, de la plomberie pour 3 662,36 francs et de travaux d'électricité pour 3 700,20 francs ;

Considérant qu'en définitive la SAM Cifer est fondée à retenir sur la caution la somme de 25 657,45 francs ;

Qu'elle justifie avoir restitué à C. K. la somme de 8 948,72 francs ;

Qu'elle reste en définitive redevable envers C. K. de la somme de 1 393,83 francs ;

Considérant qu'aucune des actions n'est manifestement abusive, malicieuse ou dilatoire ;

Qu'il n'y a donc pas lieu à l'allocation de dommages-intérêts de ce chef.

Considérant que C. K., qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions initiales, doit supporter seul les dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Dit recevable l'appel de la SAM Cifer,

Infirme le jugement entrepris,

Condamne la SAM Cifer à payer à C. K. la somme de 1 393,83 francs,

Déboute l'appelante de ses autres demandes, fins et conclusions ;

Composition🔗

MM. Sacotte prem. prés. ; Serdet prem. subst. proc. gén. ; Me Escaut av. déf.

Note🔗

Cet arrêt infirme un jugement du 23 janvier 1992.

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