Cour d'appel, 8 avril 1991, Ministère Public c/ J. D.

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Abstract🔗

Compétence pénale

Infractions commises dans un pays étranger par un étranger compétence internationale, exceptionnelle des juridictions pénales monégasques - Conditions de recevabilité des poursuites à Monaco - Articles 21-8 et 6 du Code de procédure pénale -Infractions connexes : exclues de la compétence internationale monégasque

Résumé🔗

Il ressort de la combinaison des articles 21, 8 et 6 du Code de procédure pénale que les tribunaux de la Principauté ont une compétence exceptionnelle et dérogatoire au droit commun de la territorialité des infractions pour connaître les délits commis par un étranger et punis dans d'autres pays, si celui-ci est trouvé dans la Principauté en possession d'objets acquis au moyen de l'infraction (usage de document falsifié) à condition que celle-ci ait fait l'objet d'une plainte de la partie lésée ou d'une dénonciation officielle faite à l'autorité monégasque par l'autorité du pays où le délit a été commis, ce qui n'est point le cas en l'espèce.

La compétence internationale des juridictions monégasques ne saurait résulter des cas de connexité définis par l'article 27 du Code de procédure pénale qui est d'application interne et au surplus facultative.


Motifs🔗

La Cour,

chambre correctionnelle

Considérant que les faits ayant motivé cette poursuite peuvent être relatés comme suit :

Le 23 novembre 1990 le service de sécurité du super-marché Auchan, sis à La Trinité, département des Alpes-Maritimes, informait les services de la Sûreté Publique qu'à la date du 21 novembre précédent un individu ayant fait usage d'un passeport au nom de Y. G. et utilisant un véhicule immatriculé dans la Principauté de Monaco, avait procédé à l'achat dans cet établissement de 9 fusils à pompe calibre 12 de marque Mossberg ;

L'enquête diligentée à Monaco permettait d'identifier cet individu comme étant le nommé J. D. lequel reconnaissait avoir effectué l'achat des armes susvisées en utilisant un passeport initialement délivré à son nom qu'il avait falsifié à Monaco par divers grattages et surcharges en l'utilisant au nom fictif de Y. G. ;

Il précisait avoir acheté ces armes, en prélevant une commission de 4 000 F, pour le compte d'un ressortissant italien connu de lui sous le prénom de S. auquel il les avait remises à proximité de l'agglomération de La Trinité ; Il déclarait avoir brûlé le passeport falsifié sur une décharge située à Monti, au-dessus de la ville de Menton ;

C'est en cet état qu'intervenait le jugement déféré qui a retenu D. dans les liens de la prévention en ce qui concerne le délit de falsification de document administratif mais s'est déclaré incompétent pour connaître du délit d'usage dudit document commis en territoire étranger ;

Considérant que le Ministère Public qui déclare ne faire porter son appel que sur la décision d'incompétence prononcée par le Tribunal soutient que les faits d'usage du passeport falsifié, bien que commis en France, relèvent de la compétence des juridictions monégasques en ce qu'ils sont connexes, au sens de l'article 27 paragraphes 1 et 4 du Code de procédure pénale, au délit de falsification du dit document administratif constitué à Monaco ; qu'il requiert en conséquence l'infirmation de ce chef du jugement entrepris tout en demandant confirmation de la peine prononcée ;

Considérant que D., non appelant, déclare s'en rapporter à la décision de la Cour ;

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l'article 21 du Code de procédure pénale les tribunaux de la Principauté de Monaco connaissent de toutes les infractions commises sur le territoire et de celles qui sont commises à l'étranger dans les cas déterminés à la section II du Titre I du Livre préliminaire dudit code ;

Considérant qu'en vertu de l'article 8 du même code, relevant de la section II susvisée, pourra être poursuivi et jugé dans la Principauté l'étranger qui se sera rendu coupable au dehors d'un crime ou d'un délit commis même au détriment d'un autre étranger s'il est trouvé dans la Principauté en possession d'objets acquis au moyen de l'infraction, la poursuite ne pouvait toutefois avoir lieu que dans les conditions prévues par l'article 6, c'est-à-dire qu'à la requête du Ministère Public et seulement sur la plainte de la partie lésée ou sur une dénonciation officielle faite à l'autorité monégasque par l'autorité du pays où le délit a été commis ;

Considérant que D., de nationalité française, n'a pas été trouvé à Monaco en possession d'objets acquis au moyen de l'infraction d'usage de document falsifié et qu'il n'y a pas eu de dénonciation officielle de cette infraction par les autorités françaises sur le territoire desquelles le délit a été commis ;

Considérant dès lors que les conditions de cette compétence exceptionnelle et dérogatoire au droit commun de la territorialité des infractions ne sont pas réunies en l'espèce, étant par ailleurs observé, ainsi que l'ont à juste titre relevé les premiers juges, que la compétence internationale des juridictions monégasques ne saurait résulter des cas de connexité définis par l'article 27 du Code de procédure pénale qui est d'application interne et au surplus facultative ;

Que c'est donc légitimement que les premiers juges se sont déclarés incompétents en ce qui concerne le délit d'usage de document falsifié, commis en France ;

Considérant que leur décision doit également être confirmée du chef du délit de falsification de document administratif constitué à Monaco qui est constant et pour lequel ils ont fait à D. une application de la loi pénale qui doit être approuvée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ;

La Cour d'appel de la Principauté ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal correctionnel en date du 15 janvier 1991 ;

Laisse les frais à la charge du Trésor public ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé, en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, jugeant correctionnellement au Palais de Justice, à Monaco-Ville, le huit avril mil neuf cent quatre vingt onze par Messieurs : J.-Ph. Huertas, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles ; J.-Ch. Sacotte, vice-président ; dame Monique François, conseiller ; M. Maurice Borloz, conseiller ; Chevalier du même ordre ; en présence de M. Daniel Serdet, Premier substitut général ; Chevalier de l'ordre de Saint-Charles ; assistés de M. Antoine Montecucco, Greffier principal, Chevalier dudit Ordre de Saint-Charles.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal correctionnel rendu le 15 janvier 1991 le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de révision (arrêt 21 juin 1991 - publié).

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