Cour d'appel, 20 juin 1989, Société State Insurance Company of Somalia c/ S.A. Marcotrade

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Abstract🔗

Saisie-arrêt

Saisie-arrêt pratiquée à Monaco - Compétence de la juridiction monégasque pour statuer sur la validité et le fond

Conflits de lois

Application de la loi étrangère

Résumé🔗

L'article 3-9° du Code de procédure civile a une portée générale qui s'induit de sa rédaction même, puisqu'il vise les demandes en validité ou main-levée des saisies-arrêts formées dans la Principauté, et généralement toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires ; le caractère général conféré à cette disposition trouve sa justification dans le fait que la législation monégasque n'a pas voulu que le sort de sommes d'argent ou de valeurs mobilières, saisies à Monaco et devenues indisponibles pour leur propriétaire, dépende de la saisine d'une juridiction étrangère qui n'est tenue à aucun délai pour statuer, cette indisponibilité pouvant se prolonger indéfiniment et causer ainsi un grave préjudice au propriétaire de ces biens.

Il s'évince de ce principe que les juridictions monégasques sont nécessairement compétentes pour connaître du fond du litige, même si pour ce faire, elles doivent appliquer une loi étrangère, car aucune disposition n'interdit de faire application des lois d'un État étranger.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté par la Société State Insurance Company de Somalia en abrégé SICOS, d'un jugement rendu le 10 novembre 1988 par lequel le Tribunal de Première Instance a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par cette Société ;

Considérant que les faits de la cause sont exactement rapportés par le jugement entrepris auquel le présent arrêt, en tant que de besoin se réfère expressément ;

Considérant que les premiers juges, saisis d'une action en paiement et en validation d'une saisie-arrêt pratiquée par la Société de droit Suisse dénommée Marcotrade sur les comptes ouverts par l'appelante à la banque Barclays Bank de Monte-Carlo mais appelés à statuer uniquement sur l'exception d'incompétence soulevée par la Société SICOS, ont estimé que l'article 3-9° du Code de Procédure Civile édicte le principe qu'en matière de saisie-arrêt régulièrement effectuée dans la Principauté, les juridictions monégasques sont seules compétentes pour apprécier tant la validité de la saisie-arrêt que le fond de la demande et que par voie de conséquence, la discussion instaurée par les parties sur une clause du contrat les liant, selon laquelle cet accord était soumis à la législation somalienne, se trouvait sans portée en l'espèce ;

Considérant que par son acte d'appel, la Société SICOS poursuit la réformation du jugement au motif repris dans d'ultimes conclusions, que la convention des 5 et 6 octobre 1983, prévoit qu'elle est soumise à la législation somalienne et qu'en conséquence si les tribunaux monégasques sont compétents pour statuer sur la saisie-arrêt ils seraient incompétents pour appliquer une loi de fond étrangère ;

Qu'à titre subsidiaire, l'appelante sollicite un sursis à statuer jusqu'à ce que les juridictions somaliennes - au demeurant non encore saisies du litige au fond - aient statué ;

Considérant que par des conclusions en date du 7 février 1989, l'intimée demande la confirmation du jugement entrepris ;

Sur ce :

Considérant que l'article 3-9° du Code de Procédure Civile a une portée générale qui s'induit de sa rédaction même puisqu'il vise les demandes en validité ou en main levée des saisies-arrêts formées dans la Principauté et généralement toutes demandes ayant pour objet des mesures provisoires ou conservatoires ; que le caractère général conféré à cette disposition trouve sa justification dans le fait que la législation monégasque n'a pas voulu que le sort de sommes d'argent ou de valeurs mobilières saisies à Monaco et devenues indisponibles pour leur propriétaire dépende d'une juridiction étrangère qui, même si elle est saisie, n'est tenue à aucun délai pour statuer, cette indisponibilité pouvant se prolonger indéfiniment et causer ainsi un grave préjudice au propriétaire de ses biens ; qu'il s'évince de ce principe que les juridictions monégasques sont nécessairement compétentes pour connaître du fond du litige, même si pour ce faire, elles doivent appliquer une loi étrangère car aucune disposition n'interdit de faire application de lois d'un État étranger ;

Considérant que la demande de sursis à statuer doit être rejetée en vertu de la jurisprudence constante des juridictions monégasques selon laquelle il n'existe pas de litispendance en matière internationale ;

Considérant dès lors qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

confirme le jugement entrepris ;

Composition🔗

MM. Huertas prem. prés., Carrasco proc. gén., MMes Karczag-Mencarelli, Brugnetti et Marquet av. déf.

Note🔗

Cet arrêt confirme le jugement rendu le 10 novembre 1988 par le Tribunal de Première Instance.

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