Cour d'appel, 3 mai 1988, P. c/ État de Monaco.

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Abstract🔗

Expropriation

Consignation provisionnelle - Somme arbitrée par le juge - Non recours à une mesure d'expertise

Résumé🔗

La consignation provisionnelle ordonnée par le juge en vertu des dispositions de l'article 18 de la loi n. 490 du 24 novembre 1948 modifiée ne préjuge en rien de la détermination de l'indemnité d'éviction définitive ; elle s'avère destinée à conférer à la personne expropriée une garantie de paiement sans qu'il y ait lieu pour le juge de recourir à une mesure d'investigation préalable laquelle conduirait nécessairement à un tel préjugé que les termes de l'article 18 susvisé apparaissent exclure, en ce qu'ils prescrivent au président du tribunal « d'arbitrer » le montant de la somme à consigner ;


Motifs🔗

LA COUR,

Statuant sur l'appel relevé par J. P. d'une ordonnance en date du 18 décembre 1987, non signifiée, du vice-président du Tribunal de première instance prise en vertu des dispositions de l'article 18 de la loi n. 490 modifiée du 24 novembre 1948, laquelle, après avoir constaté que P. était menacé d'expulsion et susceptible d'avoir droit à une indemnité d'éviction, a :

  • arbitré à 750 000 F la somme provisionnelle que l'État de Monaco devra consigner entre les mains du greffier en chef près la Cour et les Tribunaux de Monaco ;

  • affecté cette somme au paiement de l'indemnité d'éviction que la Commission arbitrale aura à fixer de façon définitive au profit de J. P. ;

  • dit qu'il sera sursis à l'expulsion de ce locataire tant que ladite somme n'aura pas été consignée ;

  • ordonné, vu l'urgence, l'exécution provisoire et mis les dépens à la charge du demandeur ;

Statuant également par voie de jonction sur les défenses à exécution provisoire formées par exploit séparé du 12 janvier 1988 par P. à l'encontre de la même ordonnance, défenses qui s'avèrent sans objet en raison du défaut d'exécution avant la décision de la Cour laquelle est appelée à se prononcer au fond ;

Considérant que les faits de la cause et les moyens des parties sont exactement rapportés dans la décision entreprise à laquelle la Cour se réfère expressément ;

Considérant que par les motifs exposés dans son exploit d'appel P. conclut à entendre mettre à néant l'ordonnance déférée, ordonner le sursis à son expulsion et, demandant qu'il lui soit donné acte de ce qu'il accepte le principe de recevoir une indemnité provisionnelle afin de pourvoir à son relogement et au transfert de son fonds de commerce, sollicite l'instauration, aux frais avancés de l'État, de toute mesure d'investigation appropriée permettant d'apprécier le montant de cette indemnité en tenant compte de l'existence d'un bail mixte portant sur un local d'habitation et des locaux où il exploite son fonds de commerce de vente de scooters et cyclomoteurs, comportant la concession exclusive de la marque « Vespa », avec atelier de réparation ;

Considérant que par ses écritures du 11 janvier 1988 l'État de Monaco conclut, pour sa part, à l'irrecevabilité, ou en tout cas au mal-fondé, de l'appel, à la confirmation de l'ordonnance du 18 décembre 1987 y compris en ce qu'elle comporte l'exécution provisoire et demande acte de ce qu'il maintient son offre de verser effectivement à J. P., contre remise des clés, la somme de 750 000 F à titre d'indemnité provisionnelle sous les réserves réciproques quant à la poursuite de l'instance en fixation de l'indemnité définitive ;

Sur ce,

Considérant qu'il doit être relevé que si P. invoque l'existence d'un bail qu'il qualifie de mixte en ce qu'il porte à la fois sur les locaux où s'exploite son fonds de commerce et sur le logement qu'il occupe à usage d'habitation, il s'évince du dispositif de son exploit d'appel, ce qui est encore confirmé par le donner acte qu'il sollicite, qu'il n'en tire pas d'autre conséquence que sa prétention à obtenir réparation du préjudice global devant résulter de son éviction, qui reste à fixer par la Commission arbitrale, avec son incidence éventuelle, dans le cadre de la présente procédure prévue par l'article 18 du texte précité, sur la détermination de la somme à arbitrer par le président du Tribunal de première instance et devant conditionner sa demande de sursis à expulsion ;

Considérant qu'il apparaît dès lors que P. fait exclusivement grief au premier juge d'avoir purement et simplement entériné l'offre de l'État de Monaco en fixant à 750 000 F le montant de la consignation à opérer alors qu'il ne disposait pas d'éléments pour le faire et dans des conditions qui ne répondaient pas à la préoccupation du législateur telle qu'exprimée en l'article 18 lequel n'aurait pu, à tout le moins, envisager la détermination d'une telle consignation préalable à l'expulsion qu'au résultat d'une expertise permettant d'apprécier le préjudice réellement subi par le locataire ;

Considérant que tout en constatant qu'il n'était pas en possession des éléments permettant d'évaluer le préjudice résultant pour P. de son éviction, dont l'appréciation relève de la Commission arbitrale, le premier juge, en arbitrant à 750 000 F le montant de la consignation qu'il a ordonnée a, implicitement mais nécessairement, admis que l'offre faite par l'État de consigner - et même de verser effectivement dès la libération des lieux et sous réserve des droits des parties - une somme provisionnelle de ce montant revêtait un caractère sérieux et satisfactoire dans le cadre de la procédure prévue par l'article 18 de la loi n. 490 ;

Considérant que cette appréciation, qui ne préjuge en rien de la détermination de l'indemnité d'éviction définitive, doit être approuvée compte tenu des données soumises et de la nature de la consignation qui s'avère destinée à conférer au locataire une garantie de paiement, sans qu'il y ait lieu de recourir à une mesure d'investigation préalable qui conduirait nécessairement à un tel préjugé et que les termes de l'article 18 précité apparaissent au demeurant exclure notamment en ce qu'ils prescrivent au président du tribunal « d'arbitrer » le montant de la somme à considérer ;

Que l'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée dans toutes ses dispositions, l'urgence résultant en l'espèce de l'expiration du titre locatif de P. désormais sans droit à se maintenir dans les lieux, en concédant aux parties les donner-acte sollicités ;

Que l'appelant, qui succombe dans son recours, doit être condamné aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires du premier juge ;

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement et dans la limite des conclusions des parties,

Joint les instances ;

Concède aux parties les donner-acte respectivement sollicités et visés aux motifs ;

Confirme, dans toutes ses dispositions l'ordonnance du 18 décembre 1987 ;

Composition🔗

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, subst. ; MMe Léandri et J.-Ch. Marquet, av. déf.

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