Cour d'appel, 1 février 1988, Caisse d'assurance maladie, accident et maternité des travailleurs indépendants (C.A.M.T.I.) c/ S.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Jugement - Appel

Relaxe - Autorité de la chose jugée - Appel de la partie civile seule - Portée de son appel - Vérification des éléments matériels de l'infraction

Résumé🔗

Lorsqu'il est interjeté appel d'un jugement de relaxe par la partie civile seule, les juges d'appel, saisis de l'action civile, et bien que la décision des premiers juges ait acquis l'autorité de la chose jugée au regard de l'action publique, n'en sont pas moins tenus d'apprécier si les éléments matériels de l'infraction écartée par les premiers juges sont constitués pour condamner, s'il y a lieu, le prévenu à des dommages-intérêts envers la partie civile.


Motifs🔗

LA COUR,

statuant correctionnellement,

Statuant sur l'appel interjeté par la Caisse d'assurance maladie, accident et maternité des travailleurs indépendants (C.A.M.T.I.), partie civile, d'un jugement contradictoire du Tribunal correctionnel en date du 26 novembre 1987 qui a déclaré A. S. coupable du délit de non-paiement de cotisations dues à ladite caisse et l'a condamné à la peine de 800 F d'amende et à payer à la partie civile la somme de 6 192,18 F à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que les faits ayant motivé cette poursuite peuvent être résumés comme suit :

Du fait du non-paiement par A. S., travailleur indépendant, des cotisations dues à la C.A.M.T.I. en dépit des mises en demeure adressées, cette caisse saisissait le Parquet général, aux fins d'exercer les poursuites prévues par la loi ;

A. S., qui déclarait lors de l'enquête diligentée que ses revenus ne lui permettaient pas de faire face aux cotisations réclamées et estimait inéquitables les poursuites exercées contre lui, était cité à la requête du Ministère public devant le Tribunal correctionnel suivant exploit du 30 juin 1987 comme étant prévenu d'avoir à Monaco, courant 1985/1987, en tout cas depuis temps non prescrit, exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle non salariée, omis de verser les cotisations dues à la C.A.M.T.I. relatives aux périodes d'avril à septembre 1985, de juillet (1986) à juin 1987 et réclamées par lettres recommandées avec accusé de réception ;

Délits prévus et réprimés par les articles 2 et 24 de la loi n. 644 du 17 janvier 1958, 39 de la loi n. 455 du 27 juin 1947, 1, 12 et 27 de la loi n. 1048 du 28 juillet 1982 ;

Le Ministère public déclarait à l'audience renoncer aux poursuites pour la période postérieure au 31 juillet 1986 ;

S. soutenait pour sa défense qu'il avait cessé d'exercer son activité professionnelle depuis plusieurs années ou du moins qu'il ne l'exerçait que de façon tellement réduite que les bénéfices qu'il en retirait étaient inférieurs au montant des cotisations réclamées par la C.A.M.T.I. et sollicitait une mesure expertale pour déterminer les sommes dues à la caisse ; il justifiait être titulaire d'une pension de retraite française, avec effet du 1er août 1986, lui permettant de bénéficier des prestations en matière de l'assurance maladie du régime de Sécurité sociale français et produisait une attestation de la Direction des services fiscaux de Monaco établissant qu'il avait déclaré cesser son activité le 31 décembre 1985 ;

Par le jugement frappé d'appel du 26 novembre 1987, le tribunal déclarait la prévention non établie à l'encontre de S. au-delà du 1er janvier 1986 et notamment en ce qui concernait le mois de juillet 1986 ; estimant par contre que le prévenu avait exercé une certaine activité professionnelle en 1985, et notamment durant les deuxième et troisième trimestres 1985, au cours desquels il n'avait pas acquitté les cotisations dues à la C.A.M.T.I., il le déclarait coupable du délit poursuivi de ce chef, le condamnait en répression à une amende de 800 F ainsi qu'à payer à la C.A.M.T.I., constituée partie civile - qui sollicitait à titre de dommages-intérêts la somme de 13 144,62 F en réparation du préjudice causé par le non-paiement des cotisations et majorations afférentes aux deuxième et troisième trimestres 1985 et au mois de juillet 1986 - et dont la demande n'était reconnue fondée que pour les deux trimestres précités, la somme de 6 192,18 F ;

Considérant que la partie civile fait valoir au soutien de son appel que l'article 1er de la loi n. 1048 du 28 juillet 1982 constitue, à l'égard des personnes qui exercent une activité professionnelle non salariée au sens de la loi sur la retraite des travailleurs indépendants ou qui, si elles résident à Monaco ou dans le département limitrophe, bénéficient d'une pension au titre de cette loi, un régime obligatoire couvrant les risques maladie, accident et maternité ;

Que l'article 2 de ce texte prévoit une exemption de ce régime à l'égard des titulaires d'une pension servie par la Caisse autonome des retraites lorsqu'ils perçoivent des prestations de même nature au titre d'une pension de retraite acquise en vertu d'une législation sur les retraites des salariés ;

Que la pension de retraite française des travailleurs salariés n'étant versée à A. S. qu'à compter du 1er août 1986, c'est à tort qu'elle a été déboutée de sa demande en paiement de 6 952,44 F à titre de dommages-intérêts en l'état du non-paiement par ce dernier des cotisations, intérêts et majorations de retard relatifs au mois de juillet 1986, y compris la mise à jour des intérêts arrêtés au 31 octobre 1987 ;

Qu'elle sollicite, par voie de réformation du jugement entrepris, la condamnation de S. à lui payer la somme de 13 144,52 F ;

Considérant que le Ministère public déclare s'en rapporter ;

Considérant que le prévenu s'oppose à cette demande qu'il estime injustifiée en se référant aux motifs de la décision entreprise ;

Sur ce,

Considérant que le jugement du 26 novembre 1987, qui a déclaré la prévention non établie à l'encontre d'A. S. en ce qui concernait le mois de juillet 1986, constitue de ce chef une décision de relaxe ;

Considérant que lorsqu'il est interjeté appel d'un jugement de relaxe par la partie civile seule les juges d'appel, saisis de l'action civile, et bien que la décision des premiers juges ait acquis l'autorité de la chose jugée au regard de l'action publique, n'en sont pas moins tenus d'apprécier les faits et de vérifier si les éléments matériels de l'infraction écartée par les premiers juges sont constitués pour condamner, s'il y a lieu, le prévenu à des dommages-intérêts envers la partie civile ;

Considérant qu'il est constant que S., résidant à Monaco, était titulaire au mois de juillet 1986 d'une pension de retraite de travailleur indépendant ;

Considérant dès lors qu'il était assujetti, pour la période incriminée du mois de juillet 1986, au régime obligatoire institué par l'article 1er de la loi n. 1048 du 28 juillet 1982 et tenu d'acquitter des cotisations correspondantes ;

Qu'il suit de là qu'il y a lieu d'infirmer, sur la seule action civile, le jugement du Tribunal correctionnel du 26 novembre 1987 en ce qu'il a débouté la C.A.M.T.I. de ses demandes relatives aux cotisations et pénalités afférentes au mois de juillet 1986 ;

Considérant toutefois que la partie civile n'est fondée à solliciter à ce titre que la réparation du préjudice consécutif au non-paiement des cotisations et accessoires correspondant audit mois à l'exclusion des intérêts qu'elle réclame depuis le premier trimestre 1983 ;

Que sa demande ne doit, en conséquence, être admise que pour la somme de 1 113,20 F (cotisations : 920 F - majoration : 92 F - intérêts de retard arrêtés au 4 janvier 1988 : 101,20 F) ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement en matière correctionnelle sur la seule action civile et dans les limites de l'appel ;

Infirme sur les intérêts civils le jugement du Tribunal correctionnel du 26 novembre 1987 mais seulement en ce qu'il a débouté la Caisse d'assurance maladie, accident et maternité des travailleurs indépendants (C.A.M.T.I.) de ses demandes relatives au mois de juillet 1986 ;

Et statuant à nouveau de ce chef, condamne A. S. à payer à la C.A.M.T.I. la somme de 1 113,20 F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute la C.A.M.T.I. du surplus de ses demandes ;

Condamne A. S. aux frais qui comprendront au profit de Maître Philippe Sanita, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n. 8361 du 24 juillet 1985 ;

Composition🔗

MM. Huertas, prem. prés. rap. ; Serdet, subst. ; MMe Sanita et Blot, av. déf.

Note🔗

Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 14 avril 1988.

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