Cour d'appel, 16 février 1987, B., E. ès qualités d'administrateur c/ Dame R.-B., Caisse de compensation des services sociaux, P.

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Abstract🔗

Jugement par défaut - Opposition

Point de départ du délai - Prévenu non domicilié en Principauté - Inapplication de la Convention d'aide judiciaire mutuelle franco-monégasque - Application des articles 374 dernier alinéa du Code de procédure pénale et 150 du Code de procédure civile - Date du dépôt de la signification de l'acte par l'huissier au Parquet du Procureur général

Résumé🔗

Si l'article 4 de la Convention d'aide judiciaire mutuelle franco-monégasque du 21 septembre 1949 prévoit d'une façon générale la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile, commerciale et pénale, l'article 8 spécifie que ce n'est qu'en matière civile et commerciale que la signification sera réputée exécutée dans les conditions prévues par les articles 7 et 8 de ladite convention.

Il en découle qu'en matière pénale le point de départ du délai de huit jours pour l'exercice du droit à former opposition à une décision rendue par défaut par une juridiction jugeant correctionnellement sera dans le cas d'une personne condamnée n'ayant pas son domicile ni sa résidence en Principauté, par l'effet de l'article 374 dernier alinéa du Code de procédure pénale renvoyant à l'article 150 du Code de procédure civile, celui du dépôt de l'exploit de signification par huissier au Parquet du Procureur général lequel vise l'original et en adresse copie aux autorités étrangères compétentes.

L'article 150 du Code de procédure civile édicte en effet la présomption selon laquelle le destinataire d'un acte habitant hors de la Principauté a eu connaissance de celui-ci le jour de son dépôt au Parquet du Procureur général.

En application des dispositions légales précitées la signification du jugement de défaut du 4 mars 1986 étant réputée avoir produit ses effets le 21 mars 1986 date du dépôt de la signification du jugement par l'huissier au Parquet général, l'opposition formée le 17 avril 1986 par le prévenu, domicilié en France, se trouve tardive et partant irrecevable en vertu de l'article 382 du Code de procédure civile.


Motifs🔗

LA COUR, STATUANT CORRECTIONNELLEMENT,

Après débats à l'audience du 2 février 1987 et ce, après en avoir délibéré conformément à la loi pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour ;

Considérant que par acte de greffe du 13 novembre 1986, l'avocat-défenseur de H. B., actuellement assisté de l'administrateur au redressement judiciaire de son entreprise française de transports publics, sieur E., a interjeté appel du jugement contradictoirement rendu, le 11 novembre 1986, par le Tribunal correctionnel ; que cette décision a déclaré irrecevables les oppositions qu'avait formées H. B., suivant lettre adressée à Madame le Procureur général, le 17 avril 1986, et exploits de Maître Escaut-Marquet, huissier, du 23 avril 1986, notifiés à dame R.-B., partie civile, et à la C.C.S.S., partie intervenante, contre les jugements de défaut des 11 novembre 1982 et 4 mars 1986 l'ayant :

  • le premier, déclaré civilement responsable du nommé P. L., chauffeur à son service, reconnu coupable du délit de blessures involontaires (puis relaxé de ce chef par jugement du 8 mars 1983 sur opposition de ce préposé relativement à la seule action publique), tenu solidairement avec ledit employé à réparation de l'intégralité des conséquences dommageables et - étant réservés les droits de la C.C.S.S. - au versement à dame R.-B., reçue en sa constitution de partie civile, d'une indemnité provisionnelle de 8 000 F ;

  • le second, statuant sur la liquidation des indemnisations, condamné à payer à dame Y. R.-B. la somme de 23 000 F (en sus de la provision) et celle de 128 288,25 F à l'organisme social ;

Considérant que B. reproche aux premiers juges d'avoir déclaré irrecevable son opposition à l'encontre de la dernière en date des décisions de défaut pour tardiveté par fixation inexacte du point de départ du délai d'exercice de son recours au 21 mars 1986, jour de dépôt au Parquet général d'exploits de signification dudit jugement à la diligence des parties civile et intervenante, et non au 17 avril 1986, date à laquelle il soutient, sans être démenti, avoir reçu copie des exploits de signification à Saint-Laurent-du-Var, lieu de son domicile, et ainsi eu connaissance de la décision ; par là, qu'ils auraient méconnu la prééminence sur les articles du Code de procédure pénale auxquels ils se sont référés des dispositions des articles 7 et 8 de la Convention d'aide mutuelle judiciaire franco-monégasque du 21 septembre 1949, prévoyant que les transmissions des actes judiciaires et extrajudiciaires entre les deux pays s'effectuent de parquet à parquet et édictant que la signification sera réputée exécutée à la date de la remise de l'acte, constatée par la signature d'un récépissé, ou de celle d'établissement d'une attestation de refus de réception du destinataire par le fonctionnaire délégué à cet effet ;

Qu'il leur fait également grief d'avoir à tort déclaré irrecevable son opposition au jugement du 30 novembre 1982, par eux affirmé définitif et fondement de celui de la liquidation des réparations, alors qu'il n'est pas établi que ce jugement lui ait été signifié sous quelque forme que ce soit ou qu'il en a eu connaissance antérieurement au 17 avril 1986 ; qu'il objecte que les appréciations critiques relatives à une prétendue abstention délibérée de sa part à retirer des convocations de la police française destinées à l'informer de cette décision initiale ne sont pas pertinentes et que le jugement définitif du 8 mars 1983, ayant déchargé P. de toute responsabilité pénale - même exclusivement prononcé quant à l'action publique - devait juridiquement entraîner l'exclusion de toute responsabilité au plan de l'action civile, en ce qui le concerne ;

Considérant que B. estimant avoir démontré la régularité en la forme de ses oppositions demande que soit infirmé le jugement contradictoirement rendu le 4 mars 1982 ayant maintenu les décisions antérieures de condamnations solidaires à réparation au profit de dame R.-B. et de la C.C.S.S. ;

Que, développant le moyen déjà soutenu devant la juridiction du premier degré, l'appelant fait valoir, en invoquant le principe de l'autorité absolue du criminel sur le civil, qu'en l'état du jugement du 8 mars 1983 ayant relaxé son préposé P. par constatation d'absence de toute faute pénale, notamment de celle d'imprudence ou de maladresse, et du comportement à tout le moins irréfléchi de la victime de l'accident du 7 avril 1982, ne peut être retenue sa responsabilité de commettant non plus que celle éventuellement fondée sur l'article 1231 (alinéa 1er) du Code civil, eu égard à la faute exonératoire commise par la partie civile, dont il convient de prononcer le déboutement ainsi que celui de la partie intervenante ;

Considérant que dame R.-B. demande confirmation du jugement querellé en soutenant que les dispositions de la convention franco-monégasque du 21 septembre 1949, invoquées par l'appelant, sont inapplicables en matière pénale comme l'ont implicitement décidé les premiers juges et objecte, par ailleurs, que ceux-ci dans le jugement du 8 mars 1983, n'avaient relevé aucune faute à sa charge pouvant justifier l'exonération de responsabilité de H. B. ;

Considérant que le Ministère public requiert également la confirmation de la décision entreprise quant à l'irrecevabilité des oppositions ; que, tout en reconnaissant qu'il n'est point trouvé trace de la signification à B., ès qualités de civilement responsable de P., du jugement de défaut du 30 novembre 1982, il souligne qu'il en était fait mention dans celui du 4 mars 1986, dont la date de signification a été légalement celle du dépôt au Parquet général des exploits de signification de la décision par défaut du 4 mars 1986, en conformité des dispositions des articles 382, 374 du Code de procédure pénale et 150 du Code de procédure civile, devant être seules prises en compte en matière de signification de décision de juridiction répressive dont ne traite pas la convention franco-monégasque susvisée ; qu'ainsi les oppositions portées à la connaissance du Parquet général par lettre du 17 avril 1986 comme celles notifiées suivant exploits du 21 avril 1986 aux autres parties se trouvant formées hors délai sont bien irrecevables ;

Sur la recevabilité des oppositions,

Sur le point de départ du délai d'opposition au jugement du 4 mars 1986 :

Considérant qu'il apparaît que B. invoque à tort les dispositions de la Convention d'aide judiciaire mutuelle franco-monégasque du 21 septembre 1949 ; qu'en effet si l'article 4 de cet accord prévoit d'une façon générale la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile, commerciale et pénale, l'article 8 spécifie que ce n'est qu'en matière civile et commerciale que la signification sera réputée exécutée dans les conditions prévues par les articles 7 et 8 de ladite convention ; qu'il en découle qu'en matière pénale le point de départ du délai de huit jours pour l'exercice du droit à former opposition à une décision rendue par défaut par une juridiction jugeant correctionnellement sera dans le cas d'une personne condamnée n'ayant pas son domicile ni sa résidence dans la Principauté (article 374, dernier alinéa, renvoyant à l'article 150 du Code de procédure civile) celui du dépôt de l'exploit de signification par huissier au Parquet du Procureur général lequel vise l'original et en adresse copie aux autorités (étrangères) compétentes ;

Considérant qu'en application des dispositions légales précitées la signification du jugement de défaut du 4 mars 1986 étant réputée avoir produit ses effets le 21 mars 1986, l'opposition formée par B. les 17 et 21 avril 1986 était tardive et partant irrecevable ; qu'il échet, en conséquence, de confirmer de ce chef le jugement entrepris ;

Sur le point de départ du délai d'opposition au jugement du 30 novembre 1982 :

Considérant que la signification d'une décision de justice désigne l'opération consistant, pour un huissier à porter la décision d'une juridiction à la connaissance d'une personne, par remise d'une copie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 150 du Code de procédure civile auquel renvoie l'article 374, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, la copie des exploits concernant les personnes qui habitent hors de la Principauté sera remise au Parquet du Procureur général lequel l'enverra aux autorités compétentes, après avoir visé l'original et fait mentionner sur un registre spécial la date du dépôt et celle de la transmission, l'exploit produisant ses effets au jour du dépôt ;

Considérant que par là, l'article 150 du Code de procédure civile édicte la présomption selon laquelle le destinataire d'un acte habitant hors de la Principauté a eu connaissance dudit acte le jour de son dépôt au Parquet du Procureur général ;

Considérant que le jugement du Tribunal correctionnel du 4 mars 1986 qui se réfère d'une manière explicite et détaillée au jugement rendu par la même juridiction le 30 novembre 1982 a été signifié au Parquet de Madame le Procureur général le 21 mars 1986 et que, dès lors, le sieur B. est présumé avoir eu connaissance à cette date non seulement du jugement signifié mais également du jugement du 30 novembre 1982 ;

D'où il suit que, par application des dispositions de l'article 382 du Code de procédure pénale, son opposition audit jugement formée le 21 avril 1986 est tardive et, de ce fait, irrecevable ;

Qu'il échet, en conséquence, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'opposition formée par B. au jugement du 30 novembre 1982 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Substitués partiellement à ceux des premiers juges ;

Statuant contradictoirement à l'égard de B. H., assisté de l'administrateur au redressement judiciaire, et par défaut à celui de P. L. ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal correctionnel du 11 novembre 1986 ;

Composition🔗

MM. Merqui, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. ; MMe Marquilly et Sanita, av. déf.

Note🔗

Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 18 mai 1987 qui a jugé que la Cour d'appel avait fait une exacte application des textes.

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