Cour d'appel, 10 juin 1986, Société d'Entreprises de Transport et de Transit c/ S.A.M. Transit Monaco.

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Abstract🔗

Compétence de la juridiction monégasque

Clause attributive de compétence - Lieu du paiement

Résumé🔗

La compétence de la juridiction monégasque se trouve fondée en l'état d'une clause attributive de compétence suffisamment apparente sur la facture et du lieu du paiement correspondant au domicile de l'établissement bancaire où est effectué le virement de fonds.

Observations :

Une société française débitrice d'une société monégasque soulevait l'exception d'incompétence de la juridiction monégasque sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure civile au motif qu'elle était domiciliée en France où avait été conclu le contrat.

Or les factures délivrées par la société monégasque comportaient une clause attributive de compétence au profit de Monaco ; par ailleurs le contrat avait été exécuté à Monaco, le paiement ayant été effectué dans une banque monégasque (Cf. Cass com. française, B. C. : Bull. civ. III, n. 79).


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté par la société anonyme de droit français dénommée Société d'Entreprises de Transport et de Transit (ci-après S.E.T.) d'un jugement du Tribunal de première instance qui l'a déboutée de l'exception d'incompétence par elle soulevée sur l'assignation en paiement dont elle a fait l'objet de la part de la S.A.M. Transit Monaco ;

Considérant que par exploit du 18 novembre 1981 la Société Transit Monaco a fait assigner la Société S.E.T. en paiement, outre 10 000 francs de dommages-intérêts d'une somme principale de 44 469,53 francs correspondant au solde des deux factures n° 41803 du 7 septembre 1981 et n° 41811 du 9 septembre suivant et, qu'avant toute défense au fond, la Société S.E.T. a demandé au Tribunal de se déclarer incompétent sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure civile au motif qu'elle était domiciliée à Bobigny (France) et que la convention dont l'exécution était poursuivie avait été conclue dans ce pays, ce à quoi la société demanderesse a répondu que ses factures et son papier à lettre commercial comportaient une clause attributive de compétence au profit des juridictions monégasques, ladite clause ayant été nécessairement acceptée par la S.E.T. en raison des relations régulières ayant existé entre les deux sociétés ;

Considérant que pour statuer ainsi qu'ils l'ont fait, les premiers juges ont estimé :

  • que le fait que la Société S.E.T. avait reçu de la Société Transit Monaco, avec les deux factures susvisées, dix autres factures comportant la clause attributive de compétence au profit des juridictions monégasques, ce, entre le 17 avril 1981 et le 11 janvier 1982, établissait l'existence de relations contractuelles étroites entre les parties dont il pouvait être déduit que la Société S.E.T. avait tacitement accepté la clause de compétence invoquée ;

  • que le virement par la S.E.T., le 9 septembre 1981, sur un compte monégasque de Transit Monaco, de la somme de 13 440,47 francs en paiement de factures antérieures établissait que la S.E.T. s'était manifestement conformée à l'une des mentions contractuelles figurant par ailleurs sur les factures aux termes desquelles lesdites factures étaient stipulées payables à Monaco ce qui, par l'application combinée des articles 1102, 1er alinéa du Code civil et 3 - 2° du Code de procédure civile conférait compétence au Tribunal ;

Considérant qu'à l'appui de son appel la Société S.E.T. fait valoir en premier lieu la Société Transit Monaco ayant devant les premiers juges fondé la compétence de la juridiction monégasque uniquement sur la clause attributive de compétence, le seul problème qui pouvait se poser devant le Tribunal et dont la Cour de céans se trouve actuellement saisie par l'effet dévolutif de l'appel était celui de savoir si les clauses particulières imprimées sur les factures émises par la Société Transit Monaco, et notamment celle attribuant expressément compétence aux seules juridictions de la Principauté pour connaître de tous les litiges pouvant naître entre la société et ses clients, pouvait ou non recevoir application en l'espèce ;

Que toutefois, analysant l'argumentation tirée par le jugement entrepris de la combinaison des articles 1102, 1er alinéa du Code civil et 3 - 2° du Code de procédure civile, elle soutient que le fait qu'elle ait « antérieurement (à la facture objet de l'assignation) réglé, sans difficultés, d'autres factures en faisant virer les sommes correspondant au montant de celles-ci à l'un des comptes bancaires dont la Société Transit Monaco est titulaire en Principauté » ne saurait permettre ni de dire que des paiements ont été effectués à Monaco, le lieu où est censé avoir lieu un paiement effectué par virement bancaire étant « aux termes d'une jurisprudence absolument formelle » (sic) le lieu où l'ordre de virement a été donné ni même de tenir pour formellement acquis que la Société S.E.T. non seulement avait parfaitement connaissance de la clause attributive de compétence figurant sur les factures qu'elle avait reçues mais également et surtout qu'elle avait parfaitement accepté de se soumettre à cette clause dérogatoire du droit commun, une telle acceptation ne pouvant résulter que d'une volonté exprimée d'une manière formelle et non équivoque, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Que l'appelante conclut ainsi, par réformation du jugement entrepris, à ce qu'il soit fait droit à l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée ;

Considérant que la Société Transit Monaco conclut de son côté à la confirmation dudit jugement ;

Sur ce,

Considérant qu'il appartient aux juges de définir l'objet du litige dont ils sont saisis et de trancher ce litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;

Qu'étant ainsi investis du pouvoir de relever d'office les moyens de pur droit, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les paiements auxquels la Société S.E.T. a procédé, par virement de son compte bancaire à celui de la Société Transit Monaco ouvert en Principauté, devaient être réputés comme ayant été effectués en Principauté ;

Qu'en effet, en matière de virement bancaire, le lieu du paiement est celui où les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire et se confond, en conséquence, avec celui du domicile de son banquier (Cass. com. française, 16 fév. 1967 : Bull. civ. III, n. 79).

Considérant par ailleurs que la clause attributive de compétence indiquée par Transit Monaco est nette et précise et qu'elle est portée au recto des factures de format commercial, de ladite société d'une manière suffisamment apparente qui résulte tant de sa disposition typographique, transversalement et sur les trois-quarts de la hauteur desdites factures, que de la dimension de ses caractères qui n'est pas inférieure à celle de caractères utilisés dans le corps des mêmes factures pour des mentions d'ordre publicitaire ou commercial ;

Considérant qu'il résulte de ces circonstances de fait que la clause litigieuse a pu être agréée par la Société S.E.T., un tel agrément, en l'absence d'une acceptation formelle, ne pouvant résulter que des relations d'affaires antérieures entre les parties ;

Considérant à cet égard que c'est à bon droit que les premiers juges ayant relevé, qu'antérieurement à la conclusion du contrat ayant donné lieu aux factures litigieuses, la Société S.E.T. avait déjà reçu dix factures comportant la clause d'attribution de compétence et que, concomitamment à l'émission desdites factures litigieuses elle avait effectué un paiement conformément à l'une des mentions contractuelles figurant sur les factures au même titre que la clause attributive de compétence, ont estimé que la Société S.E.T. avait agréé ladite clause ;

Qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement dont appel ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Confirme le jugement entrepris du 26 janvier 1984 en ce qu'il a débouté la Société d'Entreprises de Transport et de Transit de l'exception d'incompétence par elle soulevée et l'a condamnée aux dépens ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Clérissi et Lorenzi, av. déf.

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