Cour d'appel, 20 mai 1986, B. c/ Société Banque de Financement Industriel et Consorts G.

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Abstract🔗

Cautionnement

Obligation de conseil de la banque vis-à-vis de la caution (non) - Vices du consentement

Résumé🔗

Il n'existe pas en droit monégasque à la charge du banquier une obligation légale d'information de la caution.

Eu égard au caractère unilatéral du cautionnement l'invocation d'une obligation d'information doit être appréciée strictement dans le cadre de l'existence de vices du consentement ou d'une violation aux dispositions de l'article 989 du Code civil énonçant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi alors que la caution dont le rôle est de garantir le créancier contre l'insolvabilité de son débiteur n'est point dispensée de prendre elle-même tous les renseignements de nature à assurer la défense de ses intérêts.

L'erreur sur la solvabilité du débiteur ne pourrait être prise en considération que s'il était démontré que la caution ait fait de cette solvabilité une condition de son engagement ; n'étant point prétendu au surplus que la banque ait lors de l'établissement de l'acte de cautionnement dissimulé aux cautions une situation financière obérée ce qui aurait pu être de nature - à supposer établie une telle dissimulation - à fonder une action en nullité.

Étendue du cautionnement

Elle est circonscrite par l'article 1852 du Code civil.

Intérêts de la créance

Le cautionnement portant sur une somme principale et les intérêts, le créancier est fondé, en cas de règlement judiciaire du débiteur principal, à réclamer à la caution en raison de la solidarité l'unissant à ce dernier les intérêts qu'a fait courir à sa date la production de la créance à la procédure collective.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant qu'il ressort des éléments de la cause la relation suivante des faits et de la procédure :

Par acte de cautionnement du 3 décembre 1973, L. G., son épouse née N. O. et R. B. se sont portés tous trois cautions solidaires avec indivisibilité entre les héritiers de la Société Anonyme Coronet France ayant son siège social à Neuilly-sur-Seine - . en ce qui concerne une facilité d'escompte de 400 000 francs dont bénéficie cette société auprès de la Banque de Financement Industriel (B.F.I.) où elle avait ouvert un compte courant - agence Monaco le 25 novembre 1969 - cette facilité qui était destinée à favoriser les activités commerciales de la Société Coronet France, consentie pour une durée de un an jusqu'au 3 décembre 1974 inclus, était renouvelable par tacite reconduction à chaque échéance annuelle pour une période de un an, sauf préavis de l'une ou de l'autre des deux parties un mois avant chacune des échéances ; il était stipulé dans cet acte que les cautions solidaires étaient garants jusqu'à hauteur de 400 000 francs en principal plus tous intérêts, frais et accessoires ;

Par lettre du 4 décembre 1974, la B.F.I. écrivait à la Société Coronet France comme suit :

« Compte tenu de la situation comptable de votre société, nous vous confirmons les accords retenus, à savoir :

  • la réduction de votre découvert en compte par remboursement de tranches mensuelles de 100 000 francs à compter du 28 février 1975 jusqu'au 30 juin 1975 ;

Ainsi cette facilité sera ramenée au 1er juillet 1975 à un montant de 250 000 francs utilisable sur la forme d'avance de caisse ou ouvertures de crédits documentaires.

A cet effet, nous vous prions de bien vouloir trouver en annexe à la présente 5 billets à ordre de 100 000 francs chaque, aux échéances respectives des 28 février, 31 mars, 30 avril, 31 mai, 30 juin 1975, avalisés par M. R. O., que nous vous saurions gré de bien vouloir nous retourner dûment signés.

Nous vous serions obligés de nous faire parvenir un engagement chiffré des administrateurs ou associés, de ne pas demander, sans avoir l'accord écrit de notre établissement, le remboursement de leurs avances en comptes courants (comptabilisées sur les rubriques » comptes courants associés « et » dettes à moyen terme « figurant à votre situation comptable du 15 octobre 1974).

Sous cette réserve, nous sommes d'accord pour maintenir à 400 000 francs les facilités d'escompte de votre papier commercial à 90 jours maximum depuis la date de création accepté par les tirés.

Nous nous réservons cependant de ne prendre à l'escompte que les effets à votre convenance et ne devrons en aucun cas motiver de notre refus.

Il pourra être mis fin aux présentes facilités par l'une ou l'autre des deux parties moyennant préavis par lettre recommandée.

Veuillez nous retourner le double de la présente, revêtu de la mention manuscrite » Lu et approuvé - Bon pour accord «, suivie de la signature d'une des personnes habilitées à engager valablement votre firme » ;

Après réception L. G. ès-qualités de Président Directeur Général de la Société Coronet France a retourné cette lettre en y mentionnant son accord ;

La B.F.I. a escompté quatre effets acceptés d'un montant global de 400 264 francs lesquels effets sont demeurés impayés à leurs échéances, à savoir :

  • le premier en date du 10 janvier 1975 d'un montant de 47 428 francs tiré sur l'Établissement Elge Plaisance venant à échéance le 31 mars 1975,

  • le deuxième en date du 20 janvier 1975 d'un montant de 7 386 francs tiré sur l'Établissement Elge Plaisance venant à échéance le 31 mars 1975,

  • le troisième en date du 12 février 1975 d'un montant de 180 000 francs tiré sur la S.E.P.R. venant à échéance le 31 mars 1975, protesté le 7 avril 1975,

  • le quatrième en date du 13 mars 1975 d'un montant de 165 000 francs tiré sur M. F. G. venant à échéance le 31 mai 1975 ;

Par exploit d'huissier des 30 juin, 1er et 3 juillet 1975 la B.F.I. a rappelé à la Société Coronet France ainsi qu'aux époux L. G. et à R. B. cautions, l'acte de cautionnement du 3 décembre 1973 et l'existence de l'escompte par elle opéré au profit de la Société Coronet France des quatre effets impayés et a dénoncé à l'expiration d'un délai de 2 mois la signification de la convention d'escompte conformément aux clauses insérées dans la lettre du 4 décembre 1974 ratifiée par L. G. ;

La S.A. Coronet France a été déclarée en règlement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 mars 1976 ;

Le 27 avril 1976 la B.F.I. a fait une production au passif à titre chirographaire pour une somme de 400 264 francs représentant le montant global des effets escomptés augmentée des frais de protêt, de notification et des intérêts au taux légal jusqu'à la date du jugement de déclaration de règlement judiciaire ;

Après vérification, la B.F.I. a été admise en 27e position pour la somme de 422 375,86 francs à titre chirographaire ;

Par exploits des 12 et 15 octobre 1981 la S.A.M. Banque de Financement Industriel a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco, L. G., dame N. G. née O. et R. B. aux fins de les entendre condamner solidairement à lui payer en exécution de l'acte de cautionnement du 3 décembre 1973 la somme de 643 477,38 francs (représentant en principal : 400 264 francs, en intérêts au 30 septembre 1981 : 242 549,20 francs, en frais et accessoires : le reste) outre les intérêts à compter du 1er octobre 1981 jusqu'à complet paiement et à défaut de paiement à la barre, de s'entendre déclarer en état de cessation de paiements en application de l'article 408 du Code de commerce et d'entendre fixer provisoirement la date de cessation de paiements et de désigner un juge commissaire et tel syndic, de les entendre condamner solidairement aux dépens avec distraction ;

L. G. étant décédé le 28 avril 1981, la B.F.I. a, à nouveau assigné, aux mêmes fins le 16 décembre 1981 dame veuve L. G. née N. O. tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs issus de son union avec L. G. ;

Après un jugement de défaut profit joint rendu le 14 mai 1982 à l'encontre de dame veuve L. G., celle-ci était réassignée le 31 août 1982 en sa double qualité ;

Par jugement du 14 avril 1983 le Tribunal statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par B. s'est déclaré compétent et a renvoyé les parties à conclure au fond ;

Dame G. qui a comparu en personne mais non ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs n'a pas contesté la demande, faisant valoir que des difficultés pécuniaires consécutives au décès de son époux l'empêchaient d'honorer sa signature solidaire ;

B. s'est opposé à la demande en soutenant que la B.F.I. avait manqué à son obligation de conseil et d'information en omettant de renseigner effectivement les cautions sur la situation de la Société Coronet France ; qu'il relève en particulier que cette banque a fait notifier en mairie l'exploit d'huissier du 3 juillet 1975 contenant dénonciation de la convention d'escompte et mise en demeure des cautions de régler ; que cet exploit n'a pu le toucher du fait qu'il avait à l'époque quitté Chartres ; que la banque s'est abstenue de réitérer cet exploit au parquet ;

Il prétend qu'en raison de cette faute qui a eu pour conséquence de lui interdire tout recours, toute faculté de garantie ou d'action récursoire à l'encontre de ses cofidéjusseurs, il est fondé à réclamer des dommages-intérêts compensant la somme dont il serait débiteur outre 10 000 francs d'indemnité pour procédure abusive et vexatoire ;

Par jugement du 27 juillet 1984, le Tribunal a condamné solidairement R. B. et dame G. née N. O., prise tant en propre ès-qualités, à payer à la B.F.I. la somme de 422 375,86 francs avec intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 1981, a débouté la B.F.I. du surplus de ses demandes à R. B. de ses demandes reconventionnelles, a condamné solidairement les défendeurs aux dépens distraits au profit de l'avocat-défenseur de la B.F.I. ;

Le Tribunal a rejeté la prétention de B. au motif que la preuve du comportement fautif de la B.F.I. n'était pas rapportée, que l'exploit du 3 juillet 1975 a été notifié à B. à Chartres à l'adresse qu'il avait indiquée dans l'acte de cautionnement alors qu'il ne justifiait pas qu'il ne résidait plus à cette adresse ;

Le Tribunal a estimé, par ailleurs, que la B.F.I. ne pouvait réclamer le paiement d'intérêts de retard qui ne sont que la conséquence de sa propre inaction laquelle apparaît flagrante à compter du 18 mars 1976 date de la mise en règlement judiciaire de la Société Coronet France ;

Le Tribunal a enfin rejeté la demande de déclaration de cessation de paiements en raison de ce qu'elle était dirigée contre les parties n'ayant ni domicile, ni activité dans la Principauté de Monaco ;

Par exploit d'huissier du 23 novembre 1984 R. B. a relevé appel et assigné la S.A.M. B.F.I. et dame N. O. veuve de L. G. tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs issus de son union avec L. G. décédé le 28 avril 1981, devant la Cour d'appel ;

Dans son acte d'appel et ses conclusions du 22 octobre 1985, B. demande à être déchargé de toute condamnation en invoquant les fautes de la banque se traduisant en des dommages-intérêts qui compensent sa dette de caution et sollicite, en outre, la condamnation de la B.F.I. à 10 000 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires pour procédure abusive et vexatoire ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec distraction ;

Il soutient que la banque a manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard des cautions ; qu'elle s'est contentée de faire délivrer en mairie de Chartres un exploit d'huissier en date du 3 juillet 1975 contenant dénonciation de la convention d'escompte ; que cet exploit délivré en mairie ne l'a point touché étant donné qu'il avait quitté cette commune ;

Qu'ainsi la banque faute d'avoir fait signifier l'exploit au parquet et d'avoir renseigné les cautions des incidents de paiement a engagé pleinement sa responsabilité et lui a causé un grave préjudice en l'empêchant d'intenter une action récursoire à l'encontre, d'une part, de la Société Coronet France, d'autre part, des cofidéjusseurs respectivement en application des articles 1871 et 1872 ;

Que la B.F.I. ne justifie pas avoir engagé à l'encontre des tirés des effets impayés une quelconque poursuite dans le cadre des prérogatives que lui reconnaît le droit cambiaire pour faire régler par les véritables débiteurs le montant des effets dont elle réclame aujourd'hui le paiement en principal, intérêts et frais ; qu'il y a là une négligence évidente de la banque à l'égard des tirés qui l'a rend responsable ;

A titre très subsidiaire il demande, en prétendant irrecevable et infondé l'appel incident de la B.F.I., la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré que la B.F.I. ne peut être admise à réclamer paiement d'intérêts de retard qui ne sont que la conséquence de sa propre inaction qui apparaît flagrante à compter du 18 mars 1976, date de la mise en règlement judiciaire de la Société Coronet France ;

Par conclusion des 26 février et 3 décembre 1985, dame veuve L. G. née N. O. et demoiselle A. G. sont intervenues pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, la première tant personnellement qu'ès-qualités de représentante de ses enfants mineurs C. (née le 14 janvier 1969), L. (né le 7 novembre 1973), la seconde personnellement pour être devenue majeure (née le 21 juillet 1964) ;

Les hoirs G. font leurs les conclusions de B. et soutiennent que la banque a manqué à son devoir de conseil en ce qu'elle n'a pas surtout épuisé le recours qu'elle avait contre les tirés acceptants lesquels n'avaient pas réglé à l'échéance les effets tirés par la Société Coronet France ;

Qu'en assignant les cofidéjusseurs six ans après, la banque ne leur a pas permis d'agir ;

Par ailleurs, elles font valoir qu'elles ont renoncé à la succession de leur mari et père ;

Dans ses conclusions du 21 mai 1985 la B.F.I. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a solidairement condamné R. B., la dame veuve G. celle-ci prise tant en propre qu'ès-qualités, et sur son intervention demoiselle A. G. à lui payer la somme en principal de 422 375,86 francs en forme un appel incident tendant à voir condamner solidairement les cautions et leurs héritiers aux intérêts à compter de l'échéance de chacun des quatre effets escomptés, en outre, aux frais et accessoires, à voir déclarer lesdites cautions en état de cessation de paiements en application de l'article 408 du Code de commerce, et de voir condamner les appelants et la partie intervenante à lui payer la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec distraction ;

La B.F.I. relève que les cautions ont conclu l'acte de cautionnement en pleine connaissance de cause, que L. G. était lié de près à R. B. lequel était parrain de l'un de ses enfants ; que rien ne permettait de déduire qu'à la date de l'acte de cautionnement la Société Coronet France connaissait de sérieuses difficultés, la déclaration en règlement judiciaire de celle-ci n'étant intervenue que par jugement du 18 mars 1976 ;

Que B. avait fait connaître uniquement une adresse de Chartres et n'a nullement informé la banque ultérieurement d'un changement d'adresse ; que dame veuve G. n'a pas contesté la demande à titre personnel ; que dame veuve G. ès-qualités pas plus que sa fille ne peuvent opposer à la banque une renonciation à succession survenue en cours d'instance ;

Elle sollicite par voie de conséquence de consacrer la condamnation solidaire des cautions de leurs héritiers au paiement de la dette ;

La B.F.I. réclame les intérêts à compter de la date d'échéance des lettres de change en observant qu'elle a saisi dans un délai raisonnable le Tribunal de première instance, que les cautions doivent payer les intérêts pour le même temps que celui pour lequel ils auraient été dus par le débiteur principal et indépendamment du moment où ils sont réclamés à la caution, qu'il s'agisse d'intérêts conventionnels ou moratoires ;

Sur ce,

  • Sur la recevabilité de l'action intentée par la B.F.I. à l'encontre de dame veuve G. ès-qualités de représentante légale de ses enfants mineurs et de demoiselle A. G.,

Considérant qu'il ressort d'un extrait des minutes du secrétariat Greffe du Tribunal de grande instance de Grasse que dame N. O. veuve de L. G. a le 29 décembre 1982 fait une déclaration expresse de renonciation pure et simple de la succession de L. G. décédé le 28 avril 1981 tant en son nom personnel, qu'ès-qualités de représentante légale de ses deux enfants mineurs C. et L. après y avoir été autorisée par ordonnance du juge des tutelles et de mandataire de sa fille majeure A. G. en vertu d'un pouvoir spécial, alors qu'il n'est point établi que les héritiers aient accompli des actes pouvant laisser présumer d'une acceptation de la succession, que cette renonciation a été accomplie suivant les règles de forme de l'article 784 du Code civil français :

Qu'ainsi les héritiers de L. G. ont exercé un droit légal, existant dans des conditions similaires en Principauté de Monaco, sans qu'il puisse leur être reproché d'avoir commis une fraude, par l'exercice de ce droit ; qu'il s'ensuit que l'engagement de caution de L. G. ne saurait être transmis par application de l'article 2017 du Code civil français à ses enfants, lesquels ont renoncé à leurs droits héréditaires ;

Considérant que l'action demeure recevable seulement à l'égard de dame veuve G. prise en son nom propre, étant donné que celle-ci s'est portée personnellement caution ;

  • Sur l'invocation de l'obligation de conseil de la banque et de sa négligence et ses conséquences,

Considérant que s'agissant d'un acte de cautionnement conclu en Principauté de Monaco et susceptible d'y être exécuté - ce qui confère en vertu de l'article 3 - 2° compétence à la juridiction monégasque pour connaître du présent contentieux - il convient de lui appliquer les règles du cautionnement instituées par les articles 1850 et suivants du Code civil monégasque ;

Considérant qu'en droit monégasque il n'existe point à la charge du banquier une obligation légale d'information de la caution ;

Considérant qu'eu égard au caractère unilatéral du cautionnement l'invocation d'une obligation d'information doit être appréciée strictement dans le cadre de l'existence de vices du consentement ou d'une violation aux dispositions de l'article 989 du Code civil énonçant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi alors que la caution dont le rôle est de garantir le créancier contre l'insolvabilité de son débiteur n'est point dispensée de prendre elle-même tous les renseignements de nature à assurer la défense de ses intérêts ;

Que l'erreur sur la solvabilité du débiteur ne pourrait être prise en considération que s'il était démontré que la caution ait fait de cette solvabilité une condition de son engagement ;

Considérant qu'il n'est point prétendu que la B.F.I. ait lors de l'établissement de l'acte de cautionnement dissimulé aux cautions une situation financière obérée - ce qui aurait pu être de nature - à supposer établie une telle dissimulation à fonder une action en nullité ;

Considérant qu'il ne saurait être sérieusement reproché à la banque de ne pas avoir averti les héritiers de L. G. de l'existence de l'engagement de caution de leur père alors que l'épouse du de cujus était elle-même caution solidaire et que les héritiers ont renoncé à la succession ;

Considérant que la dénonciation par la banque de la convention du 3 janvier 1973 dès les 30 juin, 1er et 3 juillet 1975 par notification sous forme d'exploit d'huissier faite à ces dates, tant à la Société Coronet France qu'aux cautions dénote d'une volonté de ne pas laisser s'accroître l'insolvabilité du débiteur et partant le risque des cautions ;

Considérant que B. est mal venu à faire grief à la banque de lui avoir signifié en mairie ladite notification dès lors qu'il n'a pas informé celle-ci de son changement d'adresse et n'a pas fait élection de domicile ; qu'ainsi le défaut d'information dont se plaint B. procède d'une faute de sa part ;

Considérant au surplus qu'en raison des liens conjugaux unissant deux cautions, les époux G. dont le mari exerçait les fonctions de Président Directeur Général au sein de la Société Anonyme Coronet France et des liens d'amitié unissant B. aux époux G., les cautions pouvaient facilement accéder à des renseignements sur la situation financière de la société ;

Considérant que le fait par la B.F.I. d'avoir produit sa créance à la procédure collective est de nature à rendre inopérant le moyen soulevé par B. selon lequel il n'a pu user de l'action préventive prévue par l'article 1871 du Code civil, puisque justement cette production sauvegarde l'action récursoire de la caution laquelle ne peut ainsi se prévaloir d'un préjudice ;

Considérant que le moyen tiré de l'article 1872 invoqué par B. ne saurait davantage prospérer, à défaut, en l'état, d'acquittement de la dette par celui-ci ;

Considérant qu'après l'opération d'escompte suivie de non-paiement des effets escomptés, la banque avait le choix entre un recours cambiaire à l'encontre des signataires des effets ou une action en remboursement de droit commun fondé sur le crédit d'escompte qu'elle avait consenti en vertu de la convention du 3 décembre 1973 ; qu'elle était libre de choisir la seconde voie plutôt que la première, sans qu'il puisse lui en être fait grief ;

Considérant au surplus que la simple prorogation de terme accordée par le créancier au débiteur principal ne décharge pas pour autant la caution en application de l'article 1878 du Code civil ;

  • Sur l'étendue du cautionnement,

Considérant qu'en exécution de l'acte de cautionnement du 3 décembre 1973 et conformément à l'article 1852 du Code civil l'obligation des cautions porte sur une dette en principal de 400 000 francs augmentée des intérêts de ladite somme et des frais et accessoires ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces produites que la créance cautionnée ait été productive d'intérêts conventionnels ;

Considérant que la B.F.I. a par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 avril 1976 adressée au syndic de la S.A. Coronet France, déclarée en état de règlement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 mars 1976 produit au passif pour une somme de 422 375,86 francs représentant quatre effets escomptés d'un montant global de 400 264 francs, les intérêts de ces effets depuis leurs dates d'échéance respectives jusqu'au 18 mars 1976 soit au total 21 951,63 francs outre les frais de protêt d'un effet : 160,23 francs ;

Considérant que la créance de 422 375,86 francs après vérification a fait l'objet à titre de créance chirographaire d'une admission définitive ;

Considérant que le cautionnement ne saurait excéder en principal la somme de 400 000 francs dès lors qu'il n'apparaît point que les cautions aient garanti les quatre effets concernés qu'elles n'ont point avalisés ; que par voie de conséquence lesdites cautions ne sauraient supporter les intérêts de droit courus en vertu de l'article 119 du Code de commerce depuis les dates d'échéance des quatre effets ;

Considérant cependant qu'il est de règle, au regard de l'existence d'une procédure collective, que la production de la créance de la B.F.I. à la date du 27 avril 1976 revêt la valeur d'une demande en justice contre le débiteur ;

Qu'il s'ensuit que cette demande équivalant à une mise en demeure, les intérêts de la créance de 400 000 francs - lesquels ne cessent de courir qu'à l'égard de la masse - courent à compter de cette date tant à l'égard du débiteur principal que des cautions en raison de la solidarité qui les unit ;

Considérant que la B.F.I. qui disposait d'une action trentenaire à l'encontre des cautions ne saurait se voir reprocher une inaction pour avoir tardé jusqu'aux assignations introductives d'instance des 12 et 15 octobre 1981 à attraire celles-ci en justice alors qu'elle produit à la procédure collective laquelle en l'état des éléments de la cause n'est d'ailleurs pas clôturée ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner B. et dame O. veuve G. solidairement au paiement de la somme de 400 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1976 date de la production de la créance de la B.F.I.

  • Sur la demande tendant à voir déclarer les cautions en état de cessation de paiements,

Considérant qu'il n'est nullement établi que les cautions soient commerçantes, qu'elles exercent une activité commerciale en Principauté de Monaco et qu'elles soient en cessation de paiements qu'il n'y a pas lieu en conséquence à faire application, en l'espèce, de l'article 408 du Code de commerce ;

  • Sur la demande de dommages-intérêts de la B.F.I.,

Considérant que la B.F.I. ne justifie pas d'un préjudice distinct qui excèderait le montant des intérêts moratoires qui lui sont accordés ;

  • Sur les dépens de première instance et d'appel,

Considérant que les dépens doivent être mis à la charge solidaire de B. et de dame O. veuve G. agissant en son nom personnel, en ce qui concerne l'action intentée par la B.F.I. à leur égard, cette dernière devant supporter les dépens dans son action dirigée à l'encontre des enfants ;

Qu'il convient d'en faire masse et de les partager ainsi qu'il est dit au présent dispositif ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevables les appels principal et incident interjetés à l'encontre du jugement du 27 juillet 1984 ;

Dit et juge que la B.F.I. n'est point fondée à agir à l'encontre des héritiers de L. G. décédé le 28 avril 1981 en l'état de la renonciation de ceux-ci à la succession du de cujus ;

Met en conséquence hors de cause dame N. O. veuve G. ès-qualités d'administratrice légale de ses enfants mineurs et demoiselle A. G. ;

Condamne R. B. et dame N. O. veuve G. - prise en son nom personnel - solidairement au paiement de la somme de 400 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 1976 date de la procédure au passif de la S.A. Coronet France ;

Déboute la B.F.I du surplus de ses demandes ;

Déboute B. de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquilly, Sanita et Sbarrato, av. déf. ; Léandri et Ortoli, av.

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