Cour d'appel, 29 mars 1985, Sieur G. L. c/ Ministère Public.

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Abstract🔗

Nationalité monégasque

Père monégasque - Enfant adultérin a patre - reconnu par ses auteurs le jour de leur mariage célébré en France - Non transmission de la nationalité monégasque au fils reconnu - en raison de l'application à l'époque de l'article 227 du Code civil dans sa rédaction du 12 mars 1913.

Après promulgation de l'ordonnance-loi n° 659 du 23 mars 1959 : nationalité monégasque acquise par le fils.

Résumé🔗

Si la loi nouvelle ne peut, sans avoir d'effet rétroactif, régir rétroactivement les conditions de validité ni les effets passés d'opérations juridiques antérieurement achevées, elle s'applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté le lundi 11 mars 1985 par G. L. d'un jugement du Tribunal de première instance du 28 février précédent lequel l'a débouté de sa requête tendant à être inscrit sur la liste électorale de la Principauté, l'a condamné aux dépens et a ordonné les notifications prévues par la loi ;

Considérant que les faits de la cause sont exactement rapportés au jugement entrepris auquel le présent arrêt se réfère expressément ; qu'il suffit de rappeler que G. L., enfant adultérin a patre, est né le 22 octobre 1919 à Menton où il a été déclaré à l'état civil sous le nom de sa mère J. G. ; que le divorce de son père B. L. ayant été prononcé le 3 juin 1931, il a été reconnu par celui-ci le jour même du mariage de ses auteurs célébré à Digne le 9 août 1932 ; qu'il soutient qu'à cette date, il a acquis la nationalité monégasque de son père par application de l'article 8 alinéa 1er du Code civil ;

Considérant que pour statuer ainsi qu'ils l'ont fait les premiers juges ont estimé que si, contrairement à l'avis du Ministère Public, le père du requérant, B. L., était bien monégasque, sa nationalité n'avait pu être transmise à son fils par l'effet de la reconnaissance intervenue en France le 9 août 1932, la loi monégasque, alors en vigueur (article 227 du Code civil dans sa rédaction du 12 mars 1913) n'autorisant à l'époque la légitimation d'un enfant adultérin a patre que lorsqu'il était né plus de 300 jours après l'ordonnance du Président du Tribunal autorisant l'assignation en divorce entre son auteur, circonstance non invoquée en l'espèce, et la conjointe de celui-ci ;

Considérant que l'appelant, s'il approuve le jugement entrepris d'avoir décidé que son père, B. L., était monégasque, lui fait grief en revanche, d'une part, d'avoir estimé que la loi du 12 mars 1913 s'opposait à la légitimation d'un enfant adultérin a patre ce qui, selon lui, serait contraire à l'intention du législateur, d'autre part, de n'avoir pas recherché si, à la date de la promulgation de l'ordonnance-loi n° 659 du 23 mars 1959 laquelle, par modification de l'article 227 du Code civil, a prévu sans réserve la légitimation des enfants adultérins a patre par le mariage subséquent de leurs père et mère lorsque ceux-ci les reconnaissent au moment de la célébration du mariage, il remplissait ou non les conditions fixées par ce texte, pour être reconnu comme l'enfant légitime de B. L. ;

Qu'il conclut ainsi à la réformation, pour partie, du jugement entrepris, à ce qu'il soit dit et jugé qu'à la date de la promulgation de l'ordonnance-loi n° 659, ayant modifié les dispositions de l'article 227 du Code civil, il remplissait les conditions prévues par ce texte pour se prévaloir de la nationalité monégasque et, en conséquence, à ce que soit ordonnée son inscription sur la liste électorale de la Principauté ;

Considérant que le Ministère Public qui admet au vu du certificat de nationalité posthume délivré à la dame M. M., mère de l'appelant, par le maire de Monaco le 1er février 1985, que cette pièce peut conforter la thèse selon laquelle B. L. était de nationalité monégasque, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'elle a rejeté la requête de G. L. ;

Sur ce,

Sur la nationalité de B. L.,

Considérant qu'il échet, par adoption des motifs des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le sieur B. L. était de nationalité monégasque ;

Sur la transmission de ladite nationalité à l'appelant,

Considérant que si la loi nouvelle ne peut, sans avoir d'effet rétroactif, régir rétrospectivement les conditions de validité ni les effets passés d'opérations juridiques antérieurement achevées, elle s'applique aussitôt aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur ;

Considérant que la reconnaissance aux fins de légitimations souscrite le 9 août 1932 par B. L., sujet monégasque, au bénéfice de son fils G., reconnaissance dont la régularité n'est pas contestée et qui ne pourrait plus l'être à l'avenir, compte tenu des dispositions de l'article 12 de la loi française du 3 janvier 1972, ne pouvait à l'époque produire d'effets en Principauté comme contraire à l'ordre public monégasque en l'état des dispositions de l'article 227 du Code civil alors applicable dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 1913, encore qu'il eut pu être fait application de la théorie de l'ordre public atténué ;

Considérant cependant que la loi du 23 mars 1959 a autorisé sans réserve la légitimation des enfants adultérins du mari par le mariage subséquent de leurs père et mère lorsque ceux-ci les reconnaissent au moment de la célébration du mariage ;

Considérant que l'appelant a été légitimé selon cette procédure et qu'il échet dès lors de constater que l'établissement de son lien de filiation paternelle n'est plus prohibé par la législation monégasque et doit, en conséquence, produire ses effets en Principauté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 alinéa 1er du Code civil est monégasque tout individu, né en Principauté ou à l'étranger, d'un père monégasque ;

Que tel est le cas de G. L. ;

Considérant par ailleurs que celui-ci doit être considéré comme ayant acquis la nationalité monégasque depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 1959 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales, sont électeurs les monégasques de l'un ou l'autre sexe âgés de 21 ans révolus et possédant cette nationalité depuis plus de cinq ans, ce délai étant compté à partir du jour qui suit la date soit de la publication de l'ordonnance souveraine de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité monégasque, soit de l'acquisition de cette nationalité par voie de déclaration ou de mariage ;

Considérant que l'acquisition de la nationalité monégasque par l'effet de la loi doit être assimilée aux modes d'acquisitions ci-dessus énumérés, d'une manière non limitative et qu'il convient dès lors, par réformation du jugement entrepris, d'ordonner l'inscription de G. L., né le 22 octobre 1919 à Menton sur la liste électorale de la Principauté ;

Arrêt du 16 septembre 1985

La Cour de révision,

Sur les deux moyens réunis ;

Attendu que de l'arrêt attaqué il résulte que B. L., né à Monaco le 22 septembre 1869, était uni par les liens du mariage avec M.-T. M. ; qu'après jugement de divorce prononcé le 3 juin 1931 il a épousé le 9 août 1932 à Digne, J. G. et a reconnu et légitimé le même jour son fils adultérin G. né à Menton, le 22 octobre 1919 ; que celui-ci a sollicité son inscription sur la liste électorale de la Principauté ;

Attendu que le Ministère Public fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors que, d'une part, la Cour d'appel, en considérant que la loi du 23 mars 1959 avait eu pour effet de légitimer G. L., a violé les dispositions du Code civil qui édictent que la loi ne dispose que pour l'avenir et qu'elle n'a point d'effet rétroactif, et alors que, d'autre part, l'article 232 du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 3 juillet 1907, applicable en 1932, prohibait la reconnaissance des enfants adultérins, ce qui empêchait toute légitimation par mariage subséquent, telle qu'elle était réglementée par l'article 227, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 mars 1913 et régissant la matière en 1932 ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que la loi nouvelle s'applique aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, la Cour d'appel déclare que la loi du 23 mars 1959 qui a modifié l'article 227 du Code civil a autorisé sans réserve la légitimation des enfants adultérins du mari, par le mariage subséquent de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les reconnaissent au moment de la célébration du mariage ; qu'ayant constaté que G. L. avait été légitimé selon cette procédure, les juges du second degré en ont déduit exactement que l'établissement de sa filiation paternelle, qui n'était plus prohibé par la législation monégasque, devait produire ses effets en Principauté d'où il suit que G. L., né d'un père monégasque, devait être considéré comme ayant acquis la nationalité monégasque depuis l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 1959 ;

Attendu que la Cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision d'ordonner l'inscription de G. L. sur la liste électorale de la Principauté et que les moyens ne sont pas fondés ;PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Dispositif🔗

Réforme le jugement du 28 février 1985 visé aux motifs et statuant à nouveau,

Ordonne l'inscription de G. L., né le 22 octobre 1919 à Menton sur la liste électorale de la Principauté ;

Ordonne à la diligence du greffier en chef, la notification immédiate sans frais du présent arrêt au Ministre d'Etat et au maire ainsi qu'à l'intéressé ;

Composition🔗

M. Combaldieu, prem. prés. ; Mme Picco-Margossian, proc. gén.

Note🔗

NOTE : Voir dans le même fascicule l'arrêt du 16 septembre 1985 de la Cour de révision : rejet du pourvoi.

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