Cour d'appel, 19 mars 1985, Ministère Public c/ Dame B. épouse D.

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Abstract🔗

Nationalité monégasque

Acquisition - Conditions non remplies - Cinq cas - Objet de l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco du 19 mars 1985.

Résumé🔗

1er cas : Étrangère (A) épousant en Principauté, le 6 février 1869 un français. Textes en vigueur : articles 12 et 19 du Code civil de 1818 et ordonnance du 1er avril 1822. Conflit entre le statut de femme mariée et le principe du « jus soli ».

La femme étrangère épousant en Principauté le 6 février 1869 un français ne pouvait que suivre la nationalité de son mari ce qui correspondait d'ailleurs à la législation française alors en vigueur. La nationalité française d'origine de (A) s'est trouvée dans son cas confirmée par sa condition de femme mariée ; en effet, à l'époque l'acquisition de la nationalité par mariage répondait à la conception traditionnelle de l'unité de nationalité dans la famille considérée alors comme une cellule sous la direction du mari ; cette conception excluait en son sein la dualité de nationalité.

Certes, l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 en vigueur jusqu'à son abrogation intervenue par ordonnance du 8 juillet 1877, permettait à un sujet étranger d'acquérir la nationalité monégasque à condition d'être domicilié en Principauté pendant 10 ans depuis sa majorité.

(A) devenue majeure le 1er décembre 1866 avait aptitude à devenir monégasque à compter du 1er décembre 1876, après dix ans de fixation de son domicile en Principauté si elle n'avait point acquis avant cette dernière date une nationalité par mariage.

En effet, son mariage intervenu le 6 février 1869 a fait obstacle à la réalisation de la condition inhérente au domicile relevant du « jus soli » et a fait perdre à dame (A) la possibilité de devenir monégasque par l'effet du bienfait de la loi mode d'acquisition de la nationalité instauré par l'ordonnance du 1er avril 1822.

Au surplus, dans le conflit opposant le principe de la condition de la femme mariée à celui du « jus soli » il est de règle que le statut familial qu'implique le premier, pour être général, l'emporte sur le statut individuel qu'implique le second.

2e cas : Français (B) installé à Monaco depuis plusieurs années antérieurement à l'ordonnance du 8 juillet 1877. Textes applicables : ordonnance du 1er avril 1822 et ordonnance du 8 juillet 1877.

En l'état de l'incertitude quant à la fixation du domicile de (B) sur le territoire de la Principauté pour la période du 8 juillet 1867 au 21 janvier 1869, la première date étant la limite du point de départ de la computation du délai de 10 ans révolus exigé par l'article 2 de l'ordonnance du 8 juillet 1877, (B) ne rapporte pas la preuve de l'acquisition de la nationalité monégasque par bienfait de la loi.

Il n'est pas davantage établi que (B) ait manifesté la volonté par une déclaration exprimée à cet effet devant l'autorité monégasque de se prévaloir des dispositions transitoires de l'ordonnance du 8 juillet 1877 disposant dans son article 3 : « Le bénéfice de l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 qui accorde la qualité de sujet du Prince à tout individu qui, après sa majorité, a son domicile dans la Principauté depuis 10 ans, pourra être réclamé par lui pendant un an à partir d'aujourd'hui, en déclarant devant l'autorité municipale son intention de fixer définitivement son domicile dans la Principauté ».

3e cas : (C) Fils de (A) et de (B) - Né le 13 novembre 1880 en Principauté, domicilié à Monaco - Acquisition de la nationalité (non) - Textes applicables : Code civil de 1818, nouveau Code civil décrété le 21 décembre 1880 déclaré exécutoire à dater du 11 janvier 1881 - Ordonnance du 26 juin 1900 et du 13 avril 1911.

(C) né le 13 novembre 1880 en Principauté, y étant domicilié, du fait que ni son père (B) ni sa mère (A) n'avait acquis la nationalité monégasque, n'a pu lui-même l'acquérir par sa filiation, durant sa vie, au regard des textes successifs alors en vigueur, devenus de plus en plus restrictifs.

Au surplus dans l'année de sa majorité, la faculté d'option ne pouvait lui être ouverte en l'état de l'abrogation par l'ordonnance du 13 avril 1911, de l'article 8 du Code civil de 1880 qui permettait à un individu né dans la Principauté d'un étranger et y résidant d'acquérir la nationalité par déclaration dans l'année suivant sa majorité.

4e cas : (D) Fille de (A) et de (B) née le 1er décembre 1918 à Monaco - Nationalité monégasque (non) à défaut d'avoir un père légitime monégasque. Texte applicable : ordonnance du 13 avril 1911.

Dame (D) née le 1er décembre 1918 à Monaco, à défaut d'avoir un père monégasque n'a pu bénéficier de l'article 1er de l'ordonnance du 13 avril 1911 ayant modifié l'article 8 du Code civil (antérieurement à la loi n° 869 du 11 juillet 1969) lequel même au cas de naissance sur le territoire de la Principauté rattachait la nationalité à celle du père (pour la filiation légitime).

5e cas : (E) Fille de (D) - Née à Monaco, le 28 juin 1962 d'un père français et d'une mère devenue monégasque par naturalisation suivant ordonnance souveraine du 6 décembre 1954 - Déclaration de naturalisation faite dans l'année suivant la majorité. Texte applicable : loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifiée par la loi n° 1.000 du 21 décembre 1977. Effet immédiat d'application de la loi. Acquisition de nationalité monégasque (non).

(E) qui a eu un domicile de droit ou une résidence habituelle pendant sa minorité en Principauté a effectué le 24 mai 1984, c'est-à-dire dans l'année suivant sa majorité, la déclaration devant l'officier de l'état civil, prévue par l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifié par la loi n° 1000 du 21 décembre 1977.

Cependant (E) ne remplissait point dans l'année suivant sa majorité, époque à laquelle doit être appréciée sa situation au regard de l'effet immédiat de la loi toutes les conditions d'obtention de la nationalité monégasque par déclaration du fait qu'aucun de ses ascendants directs ne soit né monégasque et qu'aucun ascendant de sa branche maternelle ne soit né monégasque, bien que sa mère ait obtenu la nationalité monégasque par ordonnance souveraine du 6 décembre 1954.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant qu'il ressort des éléments de la cause, la relation suivante des faits et de la procédure ;

Le 6 février 1869 était célébré en Principauté de Monaco par devant l'officier de l'état civil le mariage d'A. B., de nationalité française né à Compas (France) en 1842 et d'A. G., de nationalité française, née à Anjou (France) le 1er décembre 1845 ;

De leur union est issu J. B., né en Principauté de Monaco le 13 novembre 1880 ;

Du mariage de J. B. avec M. L., est née le 1er décembre 1918 à Monaco, F. B., qui, naturalisée monégasque par ordonnance souveraine du 6 décembre 1954 a épousé à Monaco, le 23 juillet 1960, J. D. de nationalité française, dont elle a eu un enfant : F. D., née le 28 juin 1962 à Monaco ;

Dame F. B. épouse D. et sa fille F. D., alors mineure représentée par cette dernière ont le 23 juin 1983 assigné le Procureur général devant le Tribunal de première instance aux fins de constater qu'A. G. avait acquis la nationalité monégasque à compter de 1874 par application de l'ordonnance du 1er avril 1822 ; qu'il en a été de même pour l'époux de celle-ci, A. B. ; de constater que J. B. était, soit né monégasque, soit devenu sujet monégasque en vertu de l'ordonnance du 16 juin 1900 ; de dire en conséquence 1°) que F. B. est née monégasque du fait que son père J. B. avait la qualité de sujet monégasque lors de sa naissance en 1918, 2°) que F. D. se trouve bénéficiaire des dispositions de la loi n° 1000 du 21 décembre 1977 lui accordant le droit d'option aux fins d'acquisition de la nationalité monégasque dès sa majorité ;

Elles ont prétendu qu'A. B. et dame A. G. sont arrivés en Principauté en 1864 et sont devenus tous deux monégasques en 1874 après 10 ans d'établissement à Monaco, et ce en vertu de l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 abrogée par l'ordonnance du 8 juillet 1877, qui disposait : « Tous individus qui, après leur majorité, ont leur domicile dans la Principauté depuis dix ans révolus sont sujets du Prince, ainsi que ceux qui acquièrent ou recouvrent cette qualité aux termes du Code civil » ;

Que J. B. ne pouvait lui-même qu'être né sujet monégasque en raison de la nationalité monégasque acquise par ses parents et par l'effet de l'ordonnance du 26 juin 1900, modifiant l'article 8 du Code civil qui édictait : « sont sujets monégasques : 1°) tout individu né, dans la Principauté ou à l'étranger, d'un sujet monégasque... » ; qu'à tout le moins, J. B. se trouvait monégasque à compter de 1900 ; que Dame F. B. épouse D. est née sujet monégasque du fait de la nationalité de son père, J. B. ; que dans ces conditions, dame F. B. n'avait point besoin d'acquérir la nationalité monégasque par naturalisation étant donné qu'elle aurait pu l'obtenir par simple déclaration en vertu de l'article 3 de la loi n° 582 du 23 décembre 1953 disposant : « Tout individu né dans la Principauté d'un auteur direct monégasque ou né à Monaco et dont l'un des ascendants du second degré et de la même branche est lui-même monégasque ou né dans la Principauté, pourra dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité, acquérir la nationalité monégasque par une déclaration faite devant l'officier de l'état civil à la condition qu'il réside dans la Principauté et justifie y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle pendant sa minorité » ;

Que F. D. se trouve bénéficiaire des dispositions de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifiée par la loi n° 1.000 du 21 décembre 1977 lui permettant de devenir monégasque par l'effet de l'option à sa majorité sans être contrainte d'être soumise à la naturalisation par définition aléatoire, ce texte précisant : « Pourra dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité acquérir la nationalité monégasque par une déclaration faite devant l'officier de l'état civil à la condition qu'il réside dans la Principauté et justifie y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle pendant sa minorité :

1°) tout individu né dans la Principauté, d'un auteur direct né monégasque même si ce dernier a perdu cette nationalité,

2°) tout individu né dans la Principauté, d'un auteur direct monégasque et dont l'un des ascendants de la même branche est né monégasque même si l'auteur direct ou l'ascendant a perdu cette nationalité » ;

Qu'ainsi F. D. peut se prévaloir de ces dispositions soit en raison de la qualité de sujet né monégasque de F. B. sa mère, le père de cette dernière (J. B.) étant au moins monégasque depuis 1900 et ce même si l'on considère que F. B. ait pu un temps perdre cette nationalité pour avoir ignoré jusqu'à 1955 la qualité de ses ascendants, soit, en raison de la nationalité monégasque d'A. B., d'A. G. et de J. B. ;

Que le jugement déclaratif à intervenir ne peut que reconnaître à F. D. le droit à option prévu par la loi n° 1.000 du 21 décembre 1977 ;

Les demanderesses ont fait valoir que leur demande se situait sur un plan familial et moral eu égard à la longue présence sur le territoire de la Principauté de leur famille laquelle compte parmi elle de nombreux monégasques ;

Le ministère public a conclu le 5 octobre 1983 au rejet de ces demandes en observant :

Que la preuve du domicile à Monaco pendant 10 ans après la majorité tant d'A. G. que de son époux A. B., n'était point rapportée, ce que le Tribunal devait constater ;

Qu'en conséquence, A. G. et A. B. n'ont pu acquérir la nationalité monégasque par application des dispositions de l'ordonnance souveraine du 1er avril 1822 ;

Que sur le plan juridique A. G. épouse B. ne pouvait à la fois posséder la nationalité française de son époux et acquérir en 1876 la nationalité monégasque en raison des dispositions des Codes civils français et monégasque selon lesquels la nationalité de la femme suivait celle du mari ;

Il demandait de dire et juger qu'A. G. et son époux A. B. n'ont jamais été monégasques et qu'en conséquence la nationalité monégasque n'a pu être transmise ni par A. G. ni par A. B. à leur fils, J. B., qui n'a pu l'acquérir lui-même notamment par l'effet de l'ordonnance du 26 juin 1900, inapplicable en l'espèce compte tenu des textes en vigueur à l'époque ;

Par jugement du 8 mars 1984 le Tribunal de première instance après avoir constaté que F. D. devenue majeure en cours d'instance était recevable à agir personnellement au même titre que sa mère F. B., épouse D., a dit et jugé que cette dernière est née monégasque comme étant issue d'un père monégasque et que sa fille de nationalité française, apparaît être bénéficiaire des dispositions de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifié par la loi n° 1000 du 21 décembre 1977 lui ouvrant la faculté d'acquérir la nationalité monégasque par déclaration devant l'officier de l'état civil comme étant née à Monaco d'un auteur direct né monégasque ; a ordonné de ce dernier chef l'exécution provisoire ; a laissé les dépens à la charge des demanderesses ;

Dans ses énonciations le jugement a relevé que des éléments suffisamment précis et concordants établissent qu'A. B. née G. devenue majeure le 1er décembre 1866 a résidé d'une manière stable et continue en Principauté pendant plus de 10 ans depuis 1864, date de son arrivée, en sorte qu'elle a acquis dès le 1er décembre 1876 la nationalité monégasque par l'effet de l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 ;

Que bien que son mariage célébré le 6 février 1869 avec A. B., de nationalité française ait eu pour effet, en vertu des textes en vigueur à cette époque, de lui faire suivre la condition de nationalité de son mari, il n'en demeure pas moins qu'elle a pu personnellement et isolément profiter de l'attribution légale de la nationalité monégasque postérieurement à son mariage, sans préjudice de l'éventuelle coexistence de cette nationalité avec celle d'origine ; qu'en effet l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 n'impose pas à la femme de réunir d'autre condition que celle du domicile en Principauté durant 10 années ; qu'il s'en suit que J. B., fils de dame A. G. est devenu monégasque par sa naissance comme né d'une mère monégasque, que F. B., née d'un père monégasque, avait acquis la nationalité monégasque par l'effet de l'ordonnance du 13 avril 1911 ; que lors de son mariage avec D. elle a conservé sa nationalité par application de l'article 19 du Code civil ; que F. D. bénéficie des dispositions de l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifié par la loi n° 1000 du 21 décembre 1977 ;

Cette décision ayant été signifiée au Procureur général le 9 mai 1984, celui-ci a interjeté appel le 6 juin 1984 ; dans son exploit d'appel et d'assignation le procureur général a demandé d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que Dame A. G., de même que son époux, n'ont jamais acquis la nationalité monégasque ; que cette nationalité n'a donc pu être transmise à leur fils, J. B. qui ne l'a pas acquise par lui-même et en conséquence de rejeter les demandes de F. B. Veuve D. et de F. D. ;

Il fait valoir que le Tribunal a méconnu un principe constant à l'époque, celui de l'unité de nationalité dans le mariage, symbole de la cohésion de la famille ; que cette règle de l'unité de nationalité a prévalu jusqu'au début du XXe siècle ; qu'il a fallu en France, en l'état des articles 12 et 19 annexés du Code civil français l'intervention de la loi du 10 août 1927 pour que soit instituée l'indépendance de nationalité dans le mariage ; qu'après l'institution de cette loi en France, des débats eurent lieu au sein du conseil national (Journal de Monaco du 26 décembre 1930 - séance du 15 décembre 1944) pour que soit introduite en Principauté la dualité de nationalités et que soit avantagée la condition de la femme monégasque ; qu'il aurait été par ailleurs paradoxal qu'à une époque où une femme monégasque perdait sa nationalité en cas de mariage avec un étranger (article 19 du Code civil alors en vigueur), une étrangère épousant un étranger ait pu acquérir d'office, et peut-être contre son gré, la nationalité monégasque par le seul fait de la résidence, ce qui de toute manière aurait abouti à créer une situation privilégiée en faveur d'une femme étrangère par rapport à une femme monégasque, étant au surplus relevé qu'à cette époque à Monaco, la transmission de nationalité par la filiation maternelle n'existait pas ;

Dans leurs conclusions du 10 décembre 1984 les intimées ont sollicité la confirmation intégrale du dispositif du jugement et incidemment sa réformation sur le chef concernant A. B. aux fins de dire que ce dernier était également sujet monégasque par l'effet de l'ordonnance du 1er avril 1822 ;

Elles soutiennent que dans le cas d'espèce il ne s'agit point de l'acquisition par une femme de la nationalité de son mari par le fait du mariage mais de l'acquisition de la nationalité après le mariage par un autre mode que celui-ci ;

Que l'article 12 du Code civil invoqué est inapplicable, la dame A. G. n'étant pas une étrangère épousant un français ; que l'article 19 du Code civil monégasque de 1880 concerne le changement de condition de la femme au moment de son mariage et du fait de celui-ci, mais ne régit pas la situation de nationalité et les modifications qu'elle pourra connaître ultérieurement au mariage ;

Que les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 sont très claires ; que la seule condition exigée pour l'acquisition de la nationalité monégasque était celle de l'établissement du domicile en Principauté, cette disposition instituant par là un « jus domicilii » ;

À l'appui de leur prétention les intimées invoquent un ouvrage de M. Louis Aureglia, docteur en droit, édité en 1938 contenant un commentaire de l'ordonnance du 1er avril 1822 et dans lequel il est dit n° 73 « ... l'article 2 ne bénéficiait pas, par incidence à la femme mariée » c'est-à-dire ne s'applique pas automatiquement à l'épouse si seul son mari a son domicile depuis 10 ans révolus à Monaco... Toutefois, celle-ci (l'épouse) pouvait elle-même profiter directement de l'attribution légale de la nationalité. On peut même concevoir que la femme étrangère soit devenue monégasque avant son mari et même isolément par suite de l'antériorité du séjour ou de la différence d'âge «. N° 66 - L'ordonnance de 1822 constitue un » mode d'acquisition de la nationalité par le bienfait de la loi «. Il est à noter que la nationalité est de plein droit, qu'elle est conférée d'office à celui qui remplit les conditions légales qu'elle n'exige aucune déclaration de l'intéressé, n'est assujettie à aucun acte d'option, n'est pas susceptible de de répudiation ». N° 70 - La nationalité acquise « jure domicilii » pourra coexister avec la nationalité d'origine et ce sera l'un des cas multiples de double nationalité «. Elles font remarquer qu'à supposer que dame G. ait voulu renoncer à la nationalité monégasque (après 1876) en raison de la nationalité différente de son mari, elle n'avait pas pu le faire en raison des dispositions législatives limitant les cas de répudiation (articles 17 et 19 alinéa 1er du Code civil) ;

Qu'A. B., en raison de son domicile conjugal établi à Monaco depuis 10 ans révolus s'exposait aussi à bénéficier du bienfait de la loi ; que l'on ne saurait exclure Dame G. du bénéfice de l'ordonnance de 1822 sous prétexte que son mari n'aurait pas eu quant à lui le temps de l'acquérir par suite de l'abrogation intervenue en 1877 de ladite loi ;

Elles ont par ailleurs repris dans leurs moyens les motifs du jugement et précisé que F. D. a fait à la mairie de Monaco le 24 mai 1984 une déclaration d'option de nationalité ;

Sur leur appel incident, dame Veuve D. et F. D. prétendent qu'elles ont un intérêt moral à voir déclarer que leur propre grand-père et arrière grand-père était sujet monégasque et avait bénéficié de l'ordonnance du 1er avril 1822 ; elles produisent à cet effet divers documents (dont l'acte de naissance de M. B. née le 21 janvier 1869, les journaux de Monaco des 3 avril, 29 mai 1864, 28 octobre 1866 et 9 février 1868, les actes de naissance des autres enfants, l'annuaire de 1877), tendant à établir que A. B., en raison de son activité professionnelle (de maître maçon) liée à l'exécution des travaux de construction de la ligne de chemin de fer commencée en 1863 est venu se fixer en Principauté au plus tard dans les années 1866-1867 en faisant valoir qu'elles peuvent, ainsi que le précise M. Louis Aureglia dans son ouvrage (N° 69), faire la preuve de la résidence continue de 10 années par tous moyens, même par présomptions ;

Sur ce :

Sur la nationalité d'A. G. épouse d'A. B.,

Considérant qu'il ressort des divers documents dont excipent les intimées et plus particulièrement d'un permis de séjour délivré le 28 octobre 1902 par le Directeur de la sécurité publique de la Principauté, constitutifs de présomptions suffisamment précises et concordantes admissibles en la matière comme moyen de preuve, ainsi qu'il en a été décidé par les premiers juges, ce qui d'ailleurs n'est point contesté dans l'acte d'appel, qu'A. G. est arrivée en Principauté de Monaco pour s'y fixer dans le courant de l'année 1864 et qu'elle y a vécu jusqu'à son décès survenu le 20 août 1934 ;

Qu'à la date de son mariage avec A. B., de nationalité française, célébré à Monaco le 6 février 1869, les dispositions suivantes du Code civil de 1818 étaient applicables :

Article 12 : » l'étrangère qui aura épousé un habitant de la Principauté, suivra la condition de son mari « ;

Article 19 : » une femme de la Principauté qui épousera un étranger suivra la condition de son mari « ;

Qu'il résulte a fortiori de ces dispositions qu'une femme épousant en Principauté un français ne pouvait que suivre la nationalité de son mari, ce qui correspondait d'ailleurs à la législation française alors en vigueur ;

Qu'ainsi la nationalité française d'origine d'A. G. s'est trouvée dans son cas confirmée par sa condition de femme mariée ; qu'en effet à l'époque l'acquisition de la nationalité par mariage répondait à la conception traditionnelle de l'unité de nationalité dans la famille considérée alors comme une cellule sous la direction du mari ; que cette conception excluait en son sein la dualité de nationalités ;

Considérant que l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 conférait seulement à A. G., à compter du 1er décembre 1866 date de sa majorité une aptitude à devenir monégasque à la condition d'être domiciliée en Principauté de cette date au 1er décembre 1876, c'est-à-dire pendant 10 ans révolus ; que la réalisation de cette condition supposait qu'A. G. n'ait point acquis avant le 1er décembre 1876 une nationalité définitive ; que tel n'a pas été le cas, puisque son mariage intervenu le 6 février 1869 a fait obstacle à la réalisation de la condition susvisée relevant du » jus soli « et a fait perdre à A. G. la possibilité de devenir monégasque par l'effet du bienfait de la loi, mode d'acquisition de la nationalité instauré par l'ordonnance du 1er avril 1822 ;

Considérant au surplus que dans le conflit opposant le principe de la condition de la femme mariée à celui du » jus soli «, il est de règle que le statut familial qu'implique le premier, pour être général, l'emporte sur le statut individuel qu'implique le second ;

Sur la nationalité d'A. B.,

Considérant que les intimées font état d'extraits de journaux de Monaco (en date des 11 juin 1862, 22 novembre 1863, 3 avril 1864, 20 mai 1864, 25 août 1867, 9 février 1868, 14 juin 1868), des actes de naissance des enfants d'A. B. (nés à Monaco : M. M. le 21 février 1869, J. en 1872, M. G. en 1875, P. en octobre 1879) ainsi que d'un annuaire de 1877 ; qu'elles déduisent de l'ensemble de ces éléments que l'arrivée en Principauté d'A. B. qui exerçait le métier de maître maçon et qui habitait » la maison N. « (annuaire de 1877) nom correspondant à celui de l'entreprise de construction chargée d'exécuter les travaux de construction de la ligne de chemin de fer sur le territoire monégasque coïncide forcément avec la venue en Principauté de nombreux ouvriers, artisans et corps de métiers devant participer à l'ouvrage en question ;

Considérant qu'il apparaît de l'examen de ces documents que le Journal du 3 avril 1864 donne simplement la nouvelle de l'exécution prochaine de travaux de construction de la ligne de chemin de fer depuis Beaulieu jusqu'à la frontière de Monaco dont le projet avait été annoncé dans les journaux antérieurs ; que le journal du 28 octobre 1866 informe que M. N. à qui a été concédée l'entreprise des travaux sur le territoire de la Principauté va commencer les fouilles ;

Que s'il apparaît de l'acte de naissance du premier enfant qu'A. B. était bien domicilié à cette date (21 janvier 1869) à Monaco où il travaillait comme maître maçon, il ne ressort pas d'une manière certaine de l'ensemble de ces éléments qu'il ait œuvré au service de l'entreprise N. et ce dès la fin de 1866 et se soit fixé à cette occasion en Principauté ;

Qu'ainsi il existe une incertitude quant à la fixation du domicile d'A. B. sur le territoire de la Principauté pour la période du 8 juillet 1867 au 21 janvier 1869, la première date étant la limite du point de départ de la computation du délai de 10 ans révolus exigé par l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 laquelle a été abrogée par l'ordonnance du 8 juillet 1877 ;

Considérant qu'il n'est pas davantage établi qu'A. B. ait manifesté la volonté, par une déclaration exprimée à cet effet devant l'autorité municipale de se prévaloir des dispositions transitoires de l'ordonnance du 8 juillet 1877 disposant dans son article 3 : » le bénéfice de l'article 2 de l'ordonnance du 1er avril 1822 qui accorde la qualité de sujet du Prince à tout individu qui, après sa majorité, a son domicile dans la Principauté depuis 10 ans, pourra être réclamé par lui pendant un an à partir d'aujourd'hui, en déclarant devant l'autorité municipale son intention de fixer définitivement son domicile dans la Principauté « ;

Sur la nationalité de J. B.,

Considérant que J. B. né le 13 novembre 1880 en Principauté et y ayant été domicilié, du fait que ni son père ni sa mère n'avait acquis la nationalité monégasque, n'a pu lui même l'acquérir par sa filiation durant sa vie au regard des textes successifs alors en vigueur devenus de plus en plus restrictifs à savoir : le Code civil de 1818, le Code civil décrété le 21 décembre 1880 et déclaré exécutoire à dater du 11 janvier 1881, l'ordonnance du 26 juin 1900 et l'ordonnance du 13 avril 1911 ;

Qu'au surplus dans l'année de sa majorité la faculté d'option ne pouvait lui être ouverte en l'état de l'abrogation par l'ordonnance du 13 avril 1911 de l'article 8 du Code civil de 1880 qui permettait à un individu né dans la Principauté d'un étranger et y résidant d'acquérir la nationalité par déclaration dans l'année suivant sa majorité ;

Qu'il n'est pas établi, ni soutenu par ailleurs que J. B. ait demandé et obtenu sa naturalisation ;

Sur la nationalité de F. B. épouse D.,

Considérant qu'en l'état de ce qui vient d'être énoncé dame F. B. épouse D. née à Monaco le 1er décembre 1918 à défaut d'avoir un père monégasque n'a pu bénéficier de l'article 1er de l'ordonnance du 13 avril 1911 ayant modifié l'article 8 du Code civil (antérieurement à la loi n° 869 du 11 juillet 1969) lequel même au cas de naissance sur le territoire de la Principauté rattachait la nationalité à celle du père (pour la filiation légitime) ; que d'ailleurs dame F. B. a sollicité de S.A.S. le Prince Souverain sa naturalisation laquelle lui a été accordée par ordonnance souveraine du 6 décembre 1954 ;

Sur la nationalité de F. D.,

Considérant que F. D. est née à Monaco le 28 juin 1962 d'un père français et d'une mère devenue, après sa naissance, monégasque par naturalisation ;

Qu'il est constant qu'elle a eu un domicile de droit ou une résidence habituelle pendant sa minorité en Principauté et qu'elle a effectué le 24 mai 1984 - c'est-à-dire dans l'année suivant sa majorité, la déclaration prévue par l'article 2 de la loi n° 572 du 18 novembre 1952 modifié par la loi n° 1.000 du 21 décembre 1977 lequel dispose : » Pourra dans l'année qui suivra l'époque de sa majorité acquérir la nationalité monégasque par une déclaration faite devant l'officier de l'état civil, à la condition qu'il réside dans la Principauté et justifie y avoir eu son domicile de droit ou sa résidence habituelle pendant sa minorité :

1°) tout individu né dans la Principauté, d'un auteur direct né monégasque, même si ce dernier a perdu cette nationalité,

2°) tout individu né dans la Principauté, d'un auteur direct monégasque et dont l'un des ascendants de la même branche est né monégasque même si l'auteur direct ou l'ascendant a perdu cette nationalité " ;

Considérant qu'il apparaît ainsi des éléments de la cause que F. D. ne remplissait point dans l'année suivant sa majorité, époque à laquelle doit être appréciée sa situation au regard de l'effet immédiat de la loi toutes les conditions d'obtention de la nationalité monégasque par déclaration du fait qu'aucun de ses ascendants directs ne soit né monégasque (1°) et qu'aucun ascendant de sa branche maternelle ne soit né monégasque (2°) ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare recevable l'appel interjeté par le Ministère Public à l'encontre du jugement rendu le 8 mars 1984 ;

Infirmant le jugement entrepris ;

Déboute F. B. épouse D. et F. D. de leurs demandes .

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Boeri, av. déf. ; Sangiorgio, av.

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