Cour d'appel, 15 janvier 1985, Dame B. née K. c/ Dame L., née B.

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Abstract🔗

Obligation conventionnelle

Reconnaissance de dette. - Absence de cause. - Moyen non établi (1) - Simulation par substitution de débiteur - Moyen non établi. - Preuve contre le contenu d'un acte (2).

Résumé🔗

La nullité d'une reconnaissance de dette, en application de l'article 986 du Code civil ne saurait être retenue dès lors qu'il est démontré que celle-ci a été le corollaire d'un prêt d'argent lequel avait donné lieu à des remboursements partiels dont les modalités avaient été fixées (1).

La partie qui prétend n'avoir joué, dans l'établissement d'un acte de reconnaissance de dette, que le rôle de débiteur apparent se doit, à défaut d'opposer un écrit à cet acte, par exception à l'article 1188 du Code civil, d'établir, soit l'existence d'un commencement de preuve par écrit, soit l'existence d'une cause illicite ou immorale lui permettant ainsi de prouver outre et contre le contenu de cet acte en se basant sur des témoignages ou des présomptions (2).


Motifs🔗

LA COUR,

Sur l'action intentée le 17 mars 1982 par Dame E. K. épouse B. contre dame R. L. aux fins d'entendre condamner celle-ci à lui payer la somme de 399 000 francs en capital et intérêts comptabilisés jusqu'au 12 janvier 1982, sauf à parfaire les intérêts conventionnels à échoir jusqu'au jour du règlement effectif ainsi que la somme de 10 000 francs en vertu de l'article 1008 dernier alinéa du Code civil et celle de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts pour frais non répétibles outre les dépens avec distraction et ce avec le bénéfice de l'exécution provisoire, la Cour d'appel, saisie de l'appel interjeté par dame L. contre le jugement du 5 mai 1983 ayant fait droit à la prétention de Dame B. sauf en ce qui concerne sa demande en dommages-intérêts, a, par arrêt du 29 mai 1984, dont l'exposé des faits est tenu pour répété en la présente instance, ordonné l'interrogatoire des parties ;

Après exécution de cette mesure d'instruction le 29 juin 1984 les parties ont déposé leurs conclusions ;

Dame L. dans ses conclusions du 16 octobre 1984 lesquelles reprennent les écritures antérieures, d'acte d'appel du 4 juillet 1983 et ses conclusions du 17 janvier 1984, fait valoir : que les prétendus prêts des 23 juillet 1973 et 12 avril 1979 sont inexistants faute par dame K. et dame B. d'avoir remis matériellement les fonds à dame L. ce qu'établit l'aveu judiciaire indivisible de dame B. ; que les reconnaissances de dette des 23 juillet 1973 et 12 avril 1979 qu'elle a été conduite à signer, sont le corollaire de la simulation par substitution du débiteur opérée pour masquer le prêt consenti par dame K. à la S.A. « Ah ! International » afin de permettre à celle-ci de frauder le fisc ; qu'elle n'a en effet joué que le simple rôle de relais entre la vraie prêteuse dame K., puis dame B. et la vraie emprunteuse la Société « Ah ! International » ; que dame K. a prêté 500 000 francs, somme portée ultérieurement à 600 000 francs, à la société « Ah ! International » en faisant appel à dame L. résidant à Monaco, « paradis fiscal », pour contourner un obstacle fiscal ; qu'en décembre 1976 cette société a remboursé à dame K. la somme de 300 000 francs à concurrence de 150 000 francs le 14 décembre 1976 et de 150 000 francs le 23 décembre 1976 ; qu'en raison du décès de dame K. intervenu en 1978, dame L. a été amenée à signer au profit de dame B. le 12 avril 1979 une reconnaissance de dette de 300 000 frs représentant le solde résiduel du prêt originel ; que dame K. a littéralement manuscrit le remboursement de la somme de 300 000 francs et le solde de 300 000 francs en décembre 1976 ; qu'il résulte de la comparaison des bilans des exercices 1974 et 1977, relatifs à la société « Ah ! International » que le compte courant de dame L. s'élevait à 695 000 francs au 31 décembre 1974 et à 395 000 francs au 31 décembre 1977 - ce qui démontre compte tenu des déclarations de dame B. à l'interrogatoire que ce compte courant ne pouvait provenir que de l'argent apparemment versé par dame L. et provenant en fait de dame K., le montant du compte ayant diminué de 300 000 francs après le remboursement ; que les déclarations de dame B. selon lesquelles dame L. n'avait pas mis d'argent personnel dans la société « Ah ! International » alors qu'elle aurait pu le faire en vendant deux tableaux, de même que les attestations émanant de dame C. L. épouse F., de G. S. et de D. D. vérifient sa thèse ;

Le 6 novembre 1984 dame L. a fait observer dans des conclusions que dame B. n'évoquait pas dans ses écritures les attestations produites ;

Dame L. demande de lui adjuger l'entier bénéfice de ses conclusions antérieures, de débouter en conséquence purement et simplement dame B. de sa prétention, de constater la caducité de l'ordonnance rendue le 19 octobre 1981 par le Président du Tribunal de grande instance de Bordeaux, ce dernier ayant limité à deux mois la validité de son ordonnance alors que l'assignation au fond a été signifiée à dame L. le 17 mars 1982, d'ordonner en tant que de besoin la radiation de l'inscription judiciaire conservatoire prise par dame B. sur les biens de dame L. situés à Berson ; de condamner dame B. aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de son avocat-défenseur ;

Dame B. a conclu les 18 juillet 1983, 20 mars, 8 mai et 10 octobre 1984 ; elle sollicite avec le bénéfice de ses conclusions antérieures la condamnation de dame L. au paiement de la somme principale de 300 000 francs à compter du 13 janvier 1982 jusqu'à parfait paiement, de la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts supplémentaires pour résistance abusive ainsi que la capitalisation des intérêts de la somme de 300 000 francs depuis le 20 octobre 1979 date d'exigibilité du prêt et aux entiers dépens ;

Dame B. fait observer que lors de son interrogatoire dame L. a reconnu que dans la comptabilité de la société de sa fille, le prêt avait été porté en compte courant à son nom et qu'elle signait chaque année à dame K. elle-même, une reconnaissance de dette pour le solde de la somme due qu'elle a, par la suite reconnu expressément lui devoir par la remise de reconnaissances de dettes successives ;

Qu'elle a reconnu que la somme de 300 000 francs étant bien due à dame B. malgré ses dénégations antérieures ; que peu importe la destination des fonds remis, dame L. étant maîtresse de leur usage et de leur affectation ; qu'il est indifférent que dame L. ait mis ces fonds à la disposition de la société de sa fille, alors qu'il est démontré qu'elle y avait elle-même le plus grand intérêt, étant administrateur de cette société et la somme ayant été portée en compte courant à son nom ; qu'il est désormais acquis aux débats par les aveux de dame L. qu'elle a volontairement et spontanément établi aussi bien en 1978 qu'en 1979, des reconnaissances de dettes successives au bénéfice de dame B. pour la somme de 300 000 francs et qu'elle n'a pas tenu ses engagements ; qu'elle ne peut sérieusement contester la validité de cet acte entièrement manuscrit et revêtu de sa signature, acte qui remplit toutes les conditions de validité de l'article 1173 du code civil et constitue une promesse sous seing privé qui fait pleine foi contre celle qui l'a souscrite ; que la substitution de débiteur invoquée par dame L. apparaît comme un raisonnement manquant de rigueur dès lors que dame K. n'a jamais entendu prêter de l'argent à la société mais à dame L. personnellement et que l'argument est contredit par l'allégation selon laquelle la société aurait réglé en espèces les intérêts ce qui n'est d'ailleurs pas prouvé ; que dame L. a bénéficié de 8 ans de délai ;

Sur ce :

Sur l'absence de remise effective de fonds et le défaut de cause :

Considérant qu'il ressort des éléments de la cause dont la matérialité n'est point contestée que dame R. L. a souscrit de sa main le 23 juillet 1973 l'acte de reconnaissance de dette de 500 000 francs envers dame O. K. ainsi libellé :

« Je soussigné Mme R. L. Monte-Carlo, reconnaît devoir à Mme O. K., la somme de 500 000 francs. Je m'engage à restituer cette somme dès qu'il me sera possible et au plus tard le 23 juillet 1974. Jusqu'à remboursement cette somme portera intérêt au taux de 11 % l'an. Les intérêts seront payables par trimestres échus. Fait à Monte-Carlo le 23 juillet 1973 » ;

Que cet acte comportait la signature des deux parties précédée de la formule « lu et approuvé pour reconnaissance de dette de 500 000 francs » ;

Qu'à la date du 24 juillet 1973 dame A. L. épouse H., fille de dame L. a signé deux reconnaissances de dette au profit de sa mère l'une de 200 000 francs en tant que gérante de la S.A.R.L. Service International, l'autre de 300 000 francs en son nom personnel, ces deux reconnaissances de dette correspondant à des prêts avec intérêt de 11 % consentis par dame L. ; qu'en ce qui concerne le premier prêt (200 000 francs) il était précisé que dame A. H. gérante de la S.A.R.L. Service International (laquelle s'identifie à la Société « Ah ! International ») reconnaissait avoir reçu la somme de 200 000 francs en compte courant de son associé dame R. L. ;

Que dame L. disposait en effet au sein de la Société « Ah ! International » d'un compte courant associé, révélant un crédit de 685 000 francs au bilan de 1974 et de 395 000 francs au bilan de 1977 ;

Que cette société - ainsi qu'en dénote une lettre du 30 janvier 1978 émanant de son directeur administratif G. S. - a versé des intérêts à dame L. (8 112,50 francs le 6 mai 1977 et également 8 112,50 francs le 28 septembre 1977) pour les avances en compte courant faites par cette dernière ; que la société ayant remboursé sur ces avances le 6 décembre 1976 une somme de 150 000 francs à dame L. (avis de crédit du Crédit foncier de Monaco), celle-ci, après virement de cette somme à son compte à la Banque d'Indochine et de Suez, en a effectué le retrait personnellement pour rembourser le jour même, savoir le 14 décembre 1976, dame O. K. ainsi que l'établit un reçu rédigé par celle-ci, ce même document faisant ressortir que la créance de dame K. s'élevait à 450 000 francs le 14 décembre 1976 et suivant mention ultérieure à 350 000 francs le 23 décembre 1976 ;

Qu'après le décès de dame K. survenu en juillet 1977 et à la suite d'un remboursement d'une partie du capital prêté par la décujus, sa fille dame B. a en tant qu'héritière le 20 avril 1978 bénéficié d'une reconnaissance de dette de dame L. s'engageant à lui restituer au plus tard le 20 octobre 1978 la somme de 300 000 francs portant intérêt à 11 % ;

Que le 12 avril 1979 une nouvelle reconnaissance de dette annulant la précédente a été établie par dame L. laquelle s'engageait à restituer au plus tard le 20 octobre 1979 la somme de 300 000 francs portant intérêt à 12 % ainsi qu'il était stipulé ; « jusqu'à remboursement cette somme portera intérêts au taux de 12 % l'an. Les intérêts seront payables par trimestre échu » ;

Considérant que lors de son interrogatoire dame L. a déclaré : « l'argent que j'ai reçu de dame K. même pas matériellement (sic) a été aussitôt destiné à la société » Ah ! International « ; que pour sa part dame B. a affirmé que le prêt de 500 000 francs avait été consenti à dame L. personnellement ; que s'il avait été consenti à la société » Ah ! International « sa mère n'aurait pas manqué de prendre des parts dans cette société ; qu'ainsi, quelle qu'ait été la destination des 500 000 francs objet de la reconnaissance de dette du 23 juillet 1973 il y a bien eu remise effective de cette somme à dame L. concomitamment à l'établissement de l'acte de reconnaissance de dette susvisé soit en espèce soit par chèque ;

Considérant que la reconnaissance de dette souscrite le 12 avril 1979 par dame L. au profit de dame B. héritière de dame K. se rattache donc étroitement pour en être le corollaire au prêt initial consenti par cette dernière le 23 juillet 1973 ; qu'en effet - alors qu'une fraction du prêt avait été remboursée antérieurement, les parties ont convenues de fixer les modalités de remboursement du reliquat et des intérêts afférents ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'acte de reconnaissance de dette du 12 avril 1979 n'est nullement dépourvu de cause au sens de l'article 986 du Code civil et ne se trouve point affecté de nullité ;

Sur la simulation par substitution de débiteur,

Considérant que les actes de reconnaissance de dette des 23 juillet 1973 et 12 avril 1979 font apparaître que dame K. puis son ayant cause à titre universel dame B. avaient pour débiteur dame L. ;

Considérant qu'à défaut d'opposer un écrit à ces actes, dame L. qui entend démontrer que le débiteur était en réalité la société » Ah ! International « alors qu'elle n'aurait personnellement joué que le rôle de débiteur apparent, se doit, par exception à l'article 1188 du Code civil, établir soit l'existence d'un commencement de preuve par écrit soit l'existence d'une cause illicite (ou immorale) lui permettant ainsi de prouver outre et contre le contenu de ces actes en se basant sur des témoignages ou des présomptions ;

a) en ce qui concerne le commencement de preuve par écrit :

Considérant que si le procès-verbal d'interrogatoire de dame B. constitue bien un acte par écrit émanant de la personne contre laquelle la demande est formée, il ne contient point dans sa teneur de déclarations qui rendent vraisemblable le fait de simulation allégué, dame B. ayant dénié formellement la simulation sans se contredire et fait état notamment de la reconnaissance de dette du 20 avril 1978 annulée par la création de celle du 12 avril 1979 ;

Que dès lors l'une des conditions caractérisant le commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1194 du Code civil n'est point remplie ;

b) en ce qui concerne la cause illicite (ou immorale) :

Considérant que l'allégation de dame L. selon laquelle dame O. K. » possédait des capitaux dont l'origine fiscale ne pouvait être justifiée « de telle sorte que » ses capitaux ne pouvaient faire l'objet d'un prêt visible du fisc français « - ce qui l'aurait déterminé - » devant cet obstacle fiscal à faire appel à dame L., résidant à Monaco, paradis fiscal «, doit être assortie de la constatation d'une circonstance constitutive d'une fraude ;

Que la crainte qu'aurait manifestée dame K. à son amie dame C. L. épouse F. de faire l'objet d'un contrôle fiscal, et le recours à un emprunteur apparent résidant monégasque - qui au demeurant avait des intérêts dans la société » Ah ! International « laquelle a profité du prêt ne serait-ce directement que pour partie, ne suffisent pas à laisser présumer d'une fraude fiscale que prévoit l'article 1783 B du Code général des impôts français ;

Qu'au surplus il est indifférent que le prêt ait été consenti à dame L. ou à la société » Ah ! International « étant donné que dame K. avait de toute façon l'obligation légale de déclarer au fisc français tous ses revenus y compris les intérêts du prêt ; que dame L. n'a point rapporté la preuve que cette obligation ait été transgressée, étant relevé que la fraude n'étant point présumée dame B. ne saurait avoir en tant que défenderesse sur ce point la charge de la preuve comme il est à tort soutenu ;

Que dame L. bien que résidant à Monaco était également soumise aux obligations de la fiscalité française, n'étant pas établi qu'elle ait été exemptée d'impôt à Monaco ;

Considérant que l'opération de prêt à intérêt telle qu'elle a été réalisée n'apparaît point entachée d'illicéité ou d'immoralité dans sa cause économique, les fonds une fois remis à dame L. ayant permis à celle-ci de prêter de l'argent à sa fille et de financer une société à laquelle elle était comme cette dernière directement intéressée ; que rien n'établit que le motif déterminant des parties au contrat ait revêtu un caractère illicite comme tendant à favoriser soit une fraude fiscale, soit ce qui n'est point prétendu une fraude aux droits de cohéritiers ;

Considérant qu'il s'ensuit que les dispositions des articles 986 et 988 du Code civil étant inapplicables, l'article 1188 du Code civil s'oppose à ce que le prétendu accord secret soit prouvé autrement que par écrit ;

Considérant pour faire rester de raison à la prétention de dame L., qu'à supposer même que la preuve ait été rapportée de la constatation d'une circonstance constitutive d'une fraude, il n'en demeurerait pas moins que devrait être appréciée la valeur probante des éléments fournis par dame L. laquelle se fonde essentiellement en dehors de l'interrogatoire de dame B. sur les attestations de G. S. et de D. D. qui ont indiqué avoir appris que dame L. n'avait joué dans le prêt qu'un rôle d'intermédiaire, le premier ayant par ailleurs précisé qu'un règlement d'intérêts avait été effectué directement à dame B. et le deuxième ayant relaté que J.-P. H., associé, alors gendre de dame L., avait accepté de remettre à dame B. des antiquités en guise de remboursement ;

Qu'il convient d'observer que ces deux attestations contiennent une relation des faits soit indirecte soit insuffisamment circonstanciée ; que l'intervention de dame B. directement auprès de la Société n'est point significative dès lors qu'il est constant que dame L. était liée d'intérêt avec la société » Ah ! International « ;

Considérant que les déclarations de dame B. selon lesquelles dame L. n'avait pas mis d'argent personnel dans la société alors qu'elle aurait pu le faire en vendant deux tableaux doivent être rapprochées de celles faisant ressortir les besoins d'argent de dame L., de telle sorte que s'infère de l'indivisibilité de l'aveu de dame B. que dame L. faute d'une disponibilité de liquidités avait préféré dans la pensée de cette dernière emprunter plutôt que d'aliéner une partie de son patrimoine, en dépit de l'importance de celui-ci ;

Considérant qu'en tout état de cause les éléments dont se prévaut dame L. ne sauraient suffire à apporter la démonstration d'une contre-lettre dès lors que la thèse de la réalité de l'emprunt contracté par dame L. auprès de dame K. se trouve confortée par les pièces produites desquelles il ressort que les fonds prêtés par dame K. le 23 juillet 1973 ont été affectés dès le lendemain par dame L., à titre de prêt à la société Ah ! International et à sa fille A. H., que dame L. disposait d'un compte courant associé dans la société à laquelle elle consentait des avances, que la société lui a personnellement réglé des intérêts (lettre du 30 janvier 1978 de G. S.) et remboursé une partie du capital (150 000 francs en décembre 1976) ;

Considérant qu'il s'ensuit que dame L. ne rapporterait dans l'hypothèse susvisée que l'acte du 23 juillet 1973 soit affecté d'une simulation par substitution de débiteur ;

Considérant que l'acte sous seing privé du 12 avril 1979 qui remplit les conditions imparties par l'article 1173 du Code civil doit en conséquence produire ses effets de droit ;

Sur les demandes de l'intimée :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dame B. bénéficiaire de la reconnaissance de dette du 12 avril 1979 d'un montant de 300 000 francs portant intérêt à 12 % l'an jusqu'à la date du remboursement ainsi que le stipule cet acte, se trouve par là fondée à réclamer le capital représentant le reliquat du prêt et les intérêts conventionnels fixés, depuis le 12 avril 1979 jusqu'à parfait paiement ;

Que la demande de capitalisation des intérêts échus, apparaît justifiée en application de l'article 1009 du Code civil qui dispose : » les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts ou par une demande judiciaire ou par convention spéciale ", dès lors qu'aucune faute ne peut être reprochée à dame B. créancière laquelle a adressé à sa débitrice des mises en demeure par lettres recommandées avec avis de réception des 26 octobre et 13 novembre 1979 ainsi qu'une sommation par huissier du 11 juin 1981 ;

Que cependant la demande en paiement des intérêts ne peut produire effet à compter du 20 octobre 1979, date d'exigibilité du prêt comme le sollicite dame B., mais seulement du 8 mai 1984 date de dépôt de ses conclusions qui la formulent, aucune réclamation expresse et spéciale n'ayant été faite de ce chef jusque-là y compris au niveau de la première instance contrairement à ce qui a été soutenu ;

Qu'à la date du 8 mai 1984, vingt trimestres d'intérêts (soit 5 ans) se trouvaient échus, les intérêts étant payables par trimestre échu depuis le 12 avril 1979, représentant ainsi un montant global de 180 000 frs ;

Que les intérêts ci-dessus une fois capitalisés se sont ajoutés au capital de telle sorte que la somme de 480 000 francs (300 000 + 180 000 frs) est devenue elle-même productive d'un intérêt de 12 % à compter du 8 mai 1984, jour de la demande en justice tendant à l'application de l'anatocisme, que toutefois le juge ne saurait condamner la débitrice par avance à payer les intérêts de ces intérêts au fur et à mesure de chaque échéance à venir ;

Considérant par ailleurs que dame B. qui a réclamé les intérêts de la somme de 300 000 francs depuis le 12 avril 1979, est en droit d'obtenir les intérêts au taux de 12 % de la somme de 300 000 francs du 12 avril 1984 au 8 mai 1984 soit pendant 25 jours correspondant à une somme de 2 500 francs étant précisé que cette fraction d'intérêts n'étant pas échue le 8 mai 1984 n'a pu être capitalisée à cette date, alors qu'elle est devenue exigible depuis le 12 juillet 1984, date d'échéance du trimestre ;

Considérant en ce qui concerne la demande en paiement de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts au motif d'une résistance abusive et d'un préjudice résultant du retard dans le remboursement, qu'il n'est pas établi d'une part que l'appelante ait, au cours de la procédure usé de moyens dilatoires ou malicieux, d'autre part que l'intimée ait subi un préjudice ayant une cause distincte de celle du retard apporté dans l'exécution de son obligation lequel se trouve réparé par l'allocation des intérêts moratoires ;

Sur les demandes de l'appelante :

Considérant qu'il y a lieu par voie de conséquence de débouter dame L. de ses demandes dont celle tendant à la main-levée de l'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire ordonnée par le Président du Tribunal de grande instance de Bordeaux laquelle apparaît au demeurant irrecevable comme ressortissant d'une juridiction étrangère ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

Après interrogatoire des parties ordonné par arrêt de la Cour d'appel du 29 mai 1984 et accompli le 29 juin 1984,

Confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement du capital et des intérêts objet de l'acte sous seing privé de reconnaissance de dette du 12 avril 1979 ; en ce qu'il a débouté dame B. de sa demande en dommages-intérêts et en ce qu'il a condamné dame L. aux dépens, et faisant droit à la demande d'anatocisme formulée en appel par conclusions du 8 mai 1984,

Condamne dame L. à payer à dame B. après capitalisation des intérêts échus à la date du 8 mai 1984 la somme de 480 000 francs ainsi que les intérêts de cette somme au taux conventionnel de 12 % l'an à compter du 8 mai 1984 jusqu'à parfait paiement ;

Condamne en outre dame L. à payer à dame B. la somme de 2 500 francs représentant les intérêts du capital de 300 000 francs du 13 avril au 8 mai 1984, lesdits intérêts n'ayant pas été capitalisés faute d'être échus le 8 mai 1984 ;

Déboute dame B. du surplus de sa demande ;

Déboute dame L. de ses prétentions ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Boisson, Marquilly, av. déf. ; Giacalone, av.

Note🔗

Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de révision du 8 octobre 1985.

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